Livre cinquième, Chapitre vingtième
Au cours de la semaine, l'exorciste a sonné à la porte mais dès qu'il l'a vu, Alexandre a fait l'absent.
Il est aussi arrivé à des voisins de toquer par rapport aux pleurs de Reiko.
Il les a froidement rembarrés.
Le portrait de Reiko a bluffé le professeur d'art.
Pourtant, Alexandre n'a pas fourni plus de précisions que « une connaissance... »
Il a réussi à trouver un CDD jusqu'au mois de décembre, ce qui lui donne néanmoins bien moins de temps de sommeil.
En plus, les emplois en France sont bien moins payés qu'en Norvège.
Ce qui n'est pas arrangé par le fait que Jin et lui aient été (comble du malheur) élus en tant que représentants de la classe.
Mais il ne va pas commencer à se plaindre. La liste de tous les problèmes serait trop longue.
Il gagne de l'argent, tout ce qu'il voulait.
Il doit ne rien attendre de personne et se contenter de ce qu'il obtient.
Ainsi, une semaine, puis un mois passèrent, sertie des visites de ses camarades, des sorties avec son colocataire et son lot d'évènements paranormaux plus ou moins dangereux et de taillages de la part de sa famille.
Il essaie de faire en sorte que Reiko ne voie pas quand une bouteille de vodka disparait entièrement en une soirée, ou quand il revient avec son bras couvert d'entailles de toutes les formes, de toutes les tailles, ou quand il inspire ces tubes de nicotine embrasés.
Il lui arrive de se disputer avec Reiko, pour leurs pratiques et leurs manières, mais ils ne restent jamais en froid bien longtemps, rien de grave ne s'étant jamais dit.
Les vacances de la toussaint arrivent avant même que le garçon aux cheveux bleus ne s'en rende compte.
Alexandre : Reiko ?
Reiko (chien) : Qu'y a-t-il ?
Ils sont sur un banc, Reiko sous son apparence canine, au bord du lac, devant l'horizon rose et orangé, un point blanc auréolé de rouge déclinant, cédant sa place au croissant d'une lune blanche, trouée, d'une rondeur parfaite.
Alexandre : Je vais partir.
Reiko (paniqué) : HEIN ?! QUOI ?! POURQUOI ?! Vous ne voulez plus me voir ? Vous n'aimez pas vivre ici ?
Alexandre (sourit faiblement, gêné par le quiproquo) : Ne t'en fais pas, je ne pars qu'une semaine...
Reiko : Oh... Pour les vacances, je suppose... Et où partez-vous ?
Alexandre (avec dégout et lassitude) : Voir ma famille, en Norvège.
Reiko : Cela n'a pas l'air de vous enchanter...
Alexandre : ... oui. Enfin... Je n'ai pas besoin d'en parler.
Reiko (n'insiste pas) : Quand partez-vous ?
Alexandre : Demain. Je rentrerai dans une semaine. Je pars en train.
Il hésite avant d'ajouter :
Alexandre : Tu es évidemment libre de sortir et de faire ce dont tu as envie en extérieur, mais je te serais très reconnaissant si tu pouvais prendre un peu de temps pour protéger l'appartement.
Reiko : Bien sûr !
Alexandre : Ne gâche pas tes journées entières avec ça, hein ?
Reiko : Si vous le demandez... Mais je n'aurai pas grand-chose à faire pendant votre absence...
Le garçon est en train de serrer ses mains l'une contre l'autre, les faisant glisser en différentes positions, les griffant parfois, les tordant dans des postures inconfortables souvent.
Reiko (regarde ses mains avec insistance) : Vous avez froid ?
Alexandre : Non... c'est juste que...
« Je suis stressé. A l'idée de revoir ma famille, à l'idée de retrouver Oma dans un état critique, à l'idée de te laisser seul et sans nouvelles, à l'idée de gâcher une semaine de révision, et pour encore bien des causes dont certaines que j'ignore moi-même. »
Ces mots, au bord de ses lèvres, s'apprêtent à sortir mais une inopinée intruse vient l'interrompre.
Woman : Hé ! Gamin ! Tiens ton chien en laisse !
Il se retourne.
Sur le torse de la femme, il peut lire « POLICE » en majuscule et surbrillance.
Alexandre : Reiko n'est pas un chien, c'est un être vivant civilisé.
La femme ne répond plus, elle toise Alexandre.
Policière : On se connaît, non ?
Alexandre : Je ne pense pas, madame. Maintenant si vous voulez bien nous laisser, nous discutions.
Policière (ne l'écoute pas) : MAIS OUI ! T'es le gamin fumeur qui gueulait le nom de son clebs !
Le jeune homme se mord la lèvre et tourne le dos.
Alexandre : Madame. J'ai conscience de mesurer le mètre quarante. Mais j'ai nettement passé l'âge qu'on me dise ce que je dois faire dans les limites du légal. Fumer n'a rien de pénalement répréhensible, dans ce pays ridicule, n'est-ce pas ?
Policière : Non mais je pourrais te ramener au poste parce que tu m'as faussé compagnie, manqué de respect, dérangé tout un quartier et refusé d'obéir.
Elle regarde Reiko.
Il se retourne pour la regarder.
« Arzert »
L'attitude de la femme change brutalement.
Policière : En même temps, qui peut te reprocher d'être allé rechercher un chien aussi mignon ?
Elle se met à caresser la tête du bobtail.
Policière (complètement gaga) : Tu t'es perdu, mon grand ? T'as dû avoir peur. Tu es vraiment une adorable boule de poile, toi, hein.
Elle regarde Alexandre avec un grand sourire de pur bonheur.
Policière : Bonne journée, p'tit gars. Fais gaffe à ta santé.
Et elle repart, en trottinant presque.
Alexandre regarde Reiko, surpris.
Reiko : C'est un sort qui active les hormones de dopamine.
Alexandre : Pourquoi as-tu fait ça ?
Reiko (se rend compte de son erreur, paniqué) : Je... je suis vraiment désolé... je... je n'aurais pas dû envouter un humain... je... je suis vraiment navré... Mais... vous sembliez embarrassé par ses propos... je voulais vous aider... désolé.
Alexandre : Reiko... tu n'as rien fait de mal. Je te suis reconnaissant pour ce que tu as fait. Mais pourquoi m'avoir aidé ?
Reiko (rassuré, rit dans son poignet) : Vous posez toujours les mêmes questions, monsieur Alexandre.
Alexandre : Parce que je n'arrive toujours pas à trouver d'explication rationnelle à tes actions...
Reiko : Je vous apprécie, simplement. Je trouve chez vous une grande force psychologique et une défense mentale puissante. Vous êtes très agréable et courtois avec moi. Je me sens à l'aise avec vous.
A chaque fois qu'il a posé la question, l'esprit lui a répondu quelque chose de similaire.
A chaque fois, il s'est senti flatté, mais aussi désiré, bien qu'il ait du mal à croire ce que l'esprit lui dit.
« Un seul endroit. »
Pense le garçon.
Un seul endroit où il se sent désiré.
A ses côtés.
Un seul endroit qu'il va devoir quitter pour une semaine.
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