Chapitre 39
Merde, je dois rêver. Que fait-elle là?
C'est impossible...
Elle n'était pas revenue depuis si longtemps.
J'ouvre les yeux difficilement, bien décidée à faire fuir ce souvenir et à me recoucher. Je ne suis pas d'humeur et j'aspire vraiment à terminer cette nuit sans plus aucun drame.
- Dégage, tu es morte ! Laisse moi en paix !
Mais elle ne répond rien, de toute façon ça n'a jamais été une grande bavarde.
- Anny, je t'en prie...
Mais la petite fille n'esquisse toujours aucun geste pour partir, au contraire j'ai l'impression qu'elle veut me faire voir quelque chose. Du menton, elle me désigne la porte en me faisant signe d'approcher.
- Si je te suis, partiras-tu ?
Elle hoche la tête.
- Très bien, allons-y.
Je me lève, m'attache les cheveux en une queue de cheval haute, attrape une robe de chambre,,des bottines sors discrètement de la chambre suivie du fantôme.
Tout le trajet se passe dans une atmosphère tendue, après tant de temps elle m'en veut toujours et moi aussi, je m'en veux toujours autant.
Je l'ai tué, c'est ma faute.
Je l'ai empêchée de trouver le repos éternel. Je l'ai empêchée de partir au royaumes des âmes, c'est ma faute.
Flashback: Soledad à cinq ans
- C'est pas moi qui l'ai tué papa hein ? Demandais-je d'une voix tremblotante.
- Non, bien-sûr que non c'était...un accident.
- Et maintenant, où va-t'elle aller ? Elle n'a plus de maison.
- Elle va allez là où vont toutes les âmes, elles ont un royaumes fait pour cela.
- Mais moi je ne veux pas qu'elle parte, sanglotais-je en me redressant un peu plus.
- Tu ne dois pas être égoïste Soledad, tu veux vraiment qu'elle passe son temps dans un monde qui n'est pas le sien ?
- C'était ma seule amie. Il n'y a que elle qui voulait bien jouer avec moi. Les autres me traitent de créature du diable...puis fronçant les sourcils, j'ajoute : c'est quoi une créature du diable papa ?
L'homme me regarde longuement, le regard triste. Ça doit être à cause d'Anny.
- Ce n'est pas toi mon ange.
J'adore quand il m'appelle comme ça, j'ai vraiment l'impression que j'ai deux ailes qui me poussent dans le dos.
- Tu crois que je la reverrai ? Anny ?
- Ce soir elle viendra peut-être te dire au revoir. Apres quoi, elle partira.
- Et si je lui demande de rester avec moi ?
- Ne le fais pas...
- D'accord, déclarais-je après avoir réfléchis, je lui dirai que je suis triste qu'elle ne sois plus là et je la laisserai partir.
- C'est très bien mon ange, maintenant essaie de dormir.
- Mais si je m'endors, je ne la verrai pas !
- Ne t'en fais pas, si elle vient, tu la verras.
J'hoche la tête pas si sûre que ça mais n'ajoute plus rien. Papa sait ce qu'il dit.
- Bonne nuit papa.
- Bonne nuit mon ange, me répond-il doucement en m'embrassant le front.
******
Je me réveille quand j'entends la porte s'ouvrir. Doucement, je me redresse et chuchote
- Anny ?
- Anny, c'est toi ? Répétais-je pas très rassurée.
Je vois soudain une ombre apparaître au bout du lit. Surprise, je recule tout en plissant les yeux pour mieux apercevoir la personne. C'est une ombre d'enfant, compris-je par sa taille. Alors ça ne peut être qu'elle.
- Anny ! Tu es venue me dire au revoir !
La petite ombre ne répond rien mais je continue
- Mais moi je ne veux pas que tu partes loin de moi.
Elle me regarde toujours mais ne dit pas un mot. Ça commence à me faire peur et à quatre patte, je me rapproche.
Quand je suis assez proche, je la voix enfin. C'est bien Anny ! Plus pâle et l'air plus fatiguée qu'avant mais c'est bien elle !
- Tu vas rester avec moi hein ? Dit-le !
- Je ne peux pas, articule-t-elle enfin péniblement.
De peur, j'ai un mouvement de recul. Cette voix est bizarre, c'est pas celle d'Anny. Elle a l'air de venir de très très loin, d'un autre monde en fait.
- B...bien-sûr que si, il suffit que tu le veuilles autant que moi !
- Je ne veux pas.
- Quoi ?! Mais tu es ma meilleure amie ! Bien-sûr que tu le veux !
Elle secoue la tête de gauche à droite en signe de protestation et je sens mon cœur se serrer un peu plus.
- De toute façon, tu n'as pas le choix ! M'écriais-je en colère, profondément blessée. Je t'ordonne de rester ici, avec moi pour toujours ! Tu es ma seule amie !
À peine aie-je dis cette phrase, qu'un long fil d'or apparaît entre nous, nous reliant. Devant cette scène magique, j'écarquille les yeux émerveillée. Anny, elle par contre à l'air tout sauf ravie, elle fixe le fil d'un air horrifié en essayant de se dégager de son emprise.
J'étais encore petite à cette époque, j'ignorais trop de chose pour comprendre ce qu'avait vraiment signifié cette phrase. Pour savoir ce que j'étais réellement en train de faire.
- Qu'as-tu fait, me demande-t-elle le regard affolé quand le fil disparaît peu à peu.
Incapable de répondre, je fixe l'endroit où le fil d'or se trouvait il y a quelque instant. C'était quoi ?
- Non, non, non, gémit-elle, non je ne veux pas rester ici ! Non !
Mais c'était malheureusement trop tard. En lui ordonnant de rester avec moi, j'avais créé un lient entre nous deux. Elle ferait toujours partie de moi et me rappellerait constamment l'erreur que j'avais commise. C'était ma punition, ma première malédiction.
Je contrôle les esprits...les âmes.
Fin du flashback
- Tu...tu vas bien ? Tentais-je doucement en marchant derrière elle.
Question stupide.
Pour toute réponse, elle me sort son majeur et je grimace. Toutes ses années à observer les humains ont laissé des séquelles chez la petite fille.
- Tu ne veux pas me parler ?
- ...
Ça veut dire non.
On arrive bientôt devant la petite chapelle qu'on longe jusqu'à l'entrée. Là, elle m'ordonne de me taire en posant un doigt sur ses lèvres et s'assied par terre. Sans comprendre, je l'imite et attend dans l'herbe gelée.
Ça doit bien faire dix minutes qu'on attend et rien ne se passe, je m'apprête a lui demander se qu'on fait ici mais des bruits de pas se rapprochant m'en empêchent soudainement.
Deux hommes apparaissent, dans l'obscurité je ne distingue pas leurs traits mais d'après leurs voix je peux assurer qu'aucun d'eux n'étaient présent au dîner. Il ne s'agit pas non plus de démons, ne me demander pas comment je le sais mais j'en suis sûre. Sans doute est-ce des humains travaillant au château. Je m'enfonce un peu plus dans les buissons pour ne pas être repérée et me retourne vers Anny pour savoir qui sont ces hommes. Pour toute réponse, elle me fait signe de regarder et de continuer à me taire.
- Où est Matt ? Il devrait déjà être là ! S'énerve un des hommes.
- Je suis là ! Lance sans doute le dénommé Matt en faisant son apparition entre les fougères.
- Nom de dieu ! Personne t'as jamais appris à lire l'heure ?!
- j'ai été légèrement retardé par Camilla, lance Matt d'une voix pleine de sous entendu.
- Toi et tes conquêtes. Comment fais-tu au juste pour te souvenir de leurs prénoms ?
- Quand vous aurez finit vos conneries on pourra peut-être commencer ?! Lance soudain l'homme qui d'après la voix semble le plus vieux.
- Bonsoir à toi aussi Anton !
L'homme du nom d'Anton grogne sans rien répondre de plus et rentre dans la chapelle suivit de près par ses deux acolytes. Je me tourne vers Anny et lui demande la permission d'aller les espionner de plus près. Elle hoche la tête et passe devant pour me guider.
On entre donc dans l'église et allons tout de suite nous cacher derrière les rangées de bancs. De là, on a une parfaite vue sur ce que sont en train de faire les trois hommes.
- Tu es bien sûr, Jordan qu'il s'agit de l'enfant de la prophétie, ils n'aimeront pas être dérangés pour rien, demande soudain Anton d'une voix ou perce le doute.
- J'en suis certain. J'étais de service ce soir au dîner et croyez moi, j'ai jamais vu dans toute ma vie un démon aussi puissant. Elle aurait été capable de tuer le seigneur rien qu'avec un regard, d'ailleurs en parlant du seigneur, il a prit sa défense ! Si ça c'est pas une preuve suffisante...
- Alors on peut commencer parce que j'ai pas vraiment envie de rester trop longtemps ici, lance Matt apeuré.
- Dit plutôt que t'as hâte de retrouver la chaleur des bras de Camilla !
- Et de Cindy, Agnès, Pauline, P...
- Non mais vous aller la fermer !
Sans plus attendre, Anton sort de sa poche une poignée d'herbe qu'il jette par terre jusqu'a obtenir un demi-cercle. Une fois que c'est fait, il s'agenouille au milieu bientôt imité par Matt et Jordan qui entonnent un chant ressemblant fort à une prière dans une langue que je ne reconnais pas. Arrivé à la fin de son chant, il sort de sa poche une allumette, l'allume et met le feu aux herbes se retrouvant donc piégé a l'intérieur.
Je suis en train de me demander ce que tout cela signifie quand du sol sortent bientôt les créatures de mes cauchemars, les errants.
Je veux crier mais aucun son ne sort, je suis terrifié et j'ai du mal à suivre. Que font-ils là ? Ils se postent au dessus des trois hommes eux aussi terrifiés et attendent, flottant dans l'air...exactement comme dans mes cauchemars.
C'est finalement Anton qui se décide à prendre la parole d'une voix tremblante et peut assurée
- On...on l'a trouvé, la fille, celle de la prophétie, celle que le roi recherche.
Un des errants se baisse jusqu'à ce que son visage ou plutôt son trou béant qui lui sert de visage soit à hauteur de celui d'Anton et commence à parler d'une voix gutturales qui, on a l'impression, vient des entrailles de la terre et est remontée jusqu'ici. Rien que l'entendre me fais dressé les poils de mon échine...c'est abominable.
- Où est-elle ?
- Au...au château. Elle est sous...sous la protection du maître.
Sans crier gare et à une vitesse impressionnante le errant attrape Anton par le cou et le colle face à son trou noir. De peur, je plaque mes mains sur ma bouche et presse fort pour m'empêcher de hurler.
- Vous avez osé nous déranger pour une information aussi inutile ? Pauvres vermines, on sait très bien où l'hybride se trouve. Il fallait nous l'apporter.
- Je...je vous l'apporterai ! Ce n'est qu'une question de jours, bégaie Anton de plus en plus terrifié.
- Trop long.
Puis, sans que personne n'ait eu le temps d'intervenir, Anton est littéralement happé par le trou noir. Un hoquet de surprise m'échappe alors et je recolle vite ma main contre ma bouche.
- Il nous faut cette fille.
- Ou...oui répondirent les deux hommes restant en tremblant de tout leurs membres.
Les errants disparaissent alors comme par magie et en respirant bruyamment, je reste figée sur place. Anny qui m'observe du coin de l'œil tend une main vers moi mais j'en ai assez entendu et en tanguant, je me précipite à l'extérieur.
Je ne réfléchis pas. Mais quand je réalise où mes pas m'ont menés, je m'arrête net.
J'aimerais tant parler de ce que je viens de voir à quelqu'un. En fait j'aimerais tout simplement parler à quelqu'un.
Mais aussi triste que ça puisse paraître, cette personne ne sera pas Ash. En souriant doucement, je me recule et fais demi-tour.
Quand on prend des initiatives, ne faut-il pas les tenir jusqu'au bout ?
Je retourne donc dans ma chambre et m'assieds a même le sol, la tête entre les mains en essayant de digérer toutes ces merdes qui m'arrivent depuis quelques jours. Qu'est-ce que j'aimerais avoir ma mère a mes côtés en ce moment. Juste pour pouvoir me confier.
Bordel.
Bizarrement, cette fois les larmes ne viennent pas. Sans doute avons-nous un quota de larmes et que le mien est épuisé.
Tout ce merdier, je vais devoir le gérer seule. Je commence à comprendre, ici c'est comme ça que ça marche. On est seul et on apprend à se débrouiller seul. À survivre seul.
Je suis toujours assise au sol à contempler le tapis quand une main glacée vient se poser sur mon épaule. Je ne sursaute pas. Elle a toujours été là, je ne la voyais pas mais elle était là, elle n'a pas le choix.
- Si tu savais comme je m'en veux Anny. Je sais que je te l'ai déjà dis des centaines de millier de fois mais je suis vraiment désolée. Désolée que tu doives payer pour toutes mes erreurs, désolée que ce soit avec moi que tu doives passer l'éternité. Désolée pour tout.
Les âmes des morts ne pleurent pas. Pourtant, alors qu'on s'observe toujours, son regard semble se voiler de tristesse et je déglutis difficilement. Je m'empresse de lui prend le menton entre mes doigts et de murmurer
- Ne sois pas triste pour moi. Je suis la dernière personne pour laquelle tu doives t'inquiéter.
Elle hoche la tête et me sourie, c'est la première fois. La première fois en onze ans.
C'est la première fois depuis que je l'ai enchaînée à moi.
Liées...pour l'éternité.
Peut-être ne suis-je pas si seule en fin de compte ?
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