Chapitre 33
Je décide de m'éclipse. Je ne veux pas le voir, je ne veux pas qu'il me voit et je ne veux surtout pas l'entendre. D'ailleurs si il me découvrait, que ferait-il ? Après tout cet imbécile était chargé de ma surveillance. Si il venait à me découvrir parmi cette foule, m'obligerait-il a le suivre ? Et moi, cela me dérangerait-il vraiment ? Je pourrais revoir ma famille, ma vie reprendrait peut-être son cours normal, je rentrerais au domaine mais cette fois je saurais pourquoi on m'enferme...
Mais au fond de moi je sais que je ne peux pas rentrer. J'ai vu trop de chose, je suis au courant de trop de chose pour reprendre ma vie là où je l'ai laissée. Il faut vraiment que je me casse.
Je bouscule certaines personnes pour passer, la foule est dense et ne semble jamais finir. Je ne lâche pas du regard les baies vitrées à l'autre bout de la pièce, manquerait plus que je me perde.
Quand j'arrive enfin à la sortie qui donne sur les jardins, je m'autorise un dernier regard dans sa direction.
Même si en ce moment je le déteste, je dois avouer qu'il est toujours aussi beau. Quand il parle, il semble s'animer. Je serais sans doute comme tout les autres en cet instant, en admiration devant lui si je ne savais pas que la chaleur que je vois au fond de ses yeux n'est là que pour duper. Il est froid et vide et je prie pour que Nelly l'ai remarqué.
Je suis toujours en train de l'observer quand le visage de Ash se superpose à celui de James. Ce n'est plus le prince menteur mais le démon que j'ai devant moi.
Non mais ça va pas bien dans ta tête Soly ?! On ne craque pas pour le goujat du couloir.
James balaie la foule du regard et je remarque directement le moment où son regard s'arrête sur moi. Je n'ai pas le temps de voir sa réaction car, prise de panique, je fais volte-face et cours jusqu'au jardin comme une flèche.
Une fois arrivée, je cherche un endroit où je pourrai être tranquille et m'enfonce dans le petit bois qui entoure les jardins.
Je trouve une petite clairière, l'endroit est désert et éclairé par le clair de lune. Ce n'est sûrement pas ici qu'on viendra me chercher.
J'adore la nuit. D'après les histoires qu'on m'a laissé lire au domaine, la nuit fait peur. Les hommes ne voient pas dans le noir et il ne reconnaissent plus leur environnement. Alors leur trop grande imagination prend le dessus et la peur s'installe. Tout est aussi plus silencieux la nuit. On a l'impression d'être seul, isolé dans cette trop grande obscurité.
Moi, je ne pouvais sortir que la nuit. L'agitation du jour laissait place au calme de la nuit et j'adorais ces moments où j'étais seule avec mes pensées. Pour moi, la nuit n'a jamais été synonyme de danger et d'angoisse.
Je me couche dans l'herbe et mes pensées dérivent malgré moi vers ma famille.
Je pense à ma soeur, ma mère, à leur angoisse depuis ma disparition. Mais très vite je me reprend. Peut-être ne le sont-elles pas ? Après tout, je viens d'apprendre qu'elles m'ont menti, que ce n'est pas ma famille biologique. Alors peut-être ont-elles aussi fait semblant de m'aimer, peut-être sont-elles heureuses que j'ai disparu ?
Mon dieu mais à quoi je pense ?! Je deviens dingue ou quoi ?! Bien sûr qu'elles m'aiment !
J'en suis là de mes pensées révoltantes quand des bruits de pas derrière moi me font me retourner.
- Que...que faites-vous là ?! M'exclamais-je en sentant immédiatement la panique me gagné face à ce démon en colère.
-toi que fais-tu là ?! Tu sors du château sans mon autorisation et je te retrouve seule au même endroit que le fils de l'imposteur ! S'écrie Ash très très en colère si j'en crois ses iris rouges.
- Je...
- Qui t'as amené ici ?! Qui que ce soit il va le regretter ! Je parie que c'est un de ces néphilims chargé de la descente aujourd'hui !
Merde, voila le moment dont parlait Jack. Il ne veut pas d'ennui à cause de moi et malgré ma rancune envers lui, je le comprend.
- Je...je ne vous dirai rien !
Bravo, très intelligent. On commence bien.
- Je pourrais te forcer à me le dire...
Immédiatement je me fige. De quoi il parle ?
- Tu te souviens de ce que j'ai fait au père de Naëlle ?
En déglutissant, j'hoche la tête. J'ai le pressentiment que ce qui va suivre ne va pas me plaire.
- Et bien je pourrais faire pareil avec toi. Je n'aurais même pas à me fatiguer, tu craquerais avant.
Je suis sur le point de chialer. Je ne peux pas les dénoncer mais je ne veux pas souffrir...
- Je les ai suivi, déclarais-je très sûre de moi en le fixant d'un air innocent comme si j'avais été prise en faute.
Il ne s'attendait pas à ça. Ca se voit à la manière dont ses sourcils se froncent. Enhardie par mon beau mensonge, je continue
- J'avoue, je les ai suivie dans ce machin bizarre et j'ai atterri ici. Que comptez-vous faire ? Me punir ?
En souriant, il vient s'asseoir à côté de moi sans rien dire et c'est à mon tour d'être déstabilisée.
- Puis-je vous poser une question ? Lui demandais-je après un bref silence.
- Oui. Bien que je sais que t'en auras pas qu'une.
Pas faux...
- Pourquoi ne m'avez-vous pas dit qui vous étiez ?
- Qui j'étais ? Et je suis qui ?
- Vous êtes Abalam, prince des enfers. Le survivant et le fils de Lucifer...mon frère ? Demandais-je incertaine.
Et pourtant tu m'attires...tuez moi tout de suite !!!
- Je t'arrête tout de suite, je suis peut-être le fils de Lucifer mais on est absolument pas frère et sœur ! Réplique-t-il, une moue dégoûtée déformant son beau visage.
- On partage le même géniteur. Moi j'appelle ça être frère et soeur.
- Je suis bien trop vieux pour que le concept frère/sœur s'applique à moi. Je suis né au paradis et là-bas rien de ce genre n'existe, on a beau partager le même père, je peux t'assurer qu'on a aucune goûte de sang en commun...sinon tout les anges seraient nés d'un inceste, il n'y a que la première génération qui soit complètement des fils et filles de dieu.
Il dit ce nom comme si ça lui arrachait la langue de le prononcer, je peux le comprendre, c'est lui qui est à l'origine de tous ses malheurs.
- Lucifer, c'est un ange de la première génération ?
Pour seule réponse il hoche la tête sans me regarder et j'enchaîne trop heureuse d'enfin avoir des réponses à mes questions.
- J'ai quel âge ? Jusqu'à présent, je pensais que j'avais seize ans mais c'est...impossible. Je suis née pendant l'apocalypse si j'ai bien comprit.
- Dans cette vie tu as seize ans.
- Dans cette vie ?
- Tu n'es pas vieille. Ton corps et ton esprit sont ceux d'une adolescente de seize ans. C'est ton âme qui est vieille. Tu te réincarnes encore et encore, à l'infinie. Jusqu'à atteindre ta millième vie.
- C'est quoi encore cette histoire ?!
- Tu te réincarne parce que ce que tu as en toi, ce n'est pas humain. Ton corps est celui d'un humain mais ton âme...Ce n'est pas démoniaque non plus et ce n'est même pas un mélange des deux. C'est quelque chose d'autre, quelque chose de puissant et d'immortel. Plus puissant que nous autres démons. Malheureusement, tu n'as jamais vécut assez longtemps pour qu'on sache si sans mourir, ton corps est lui aussi vraiment immortel.
- Comment ça "jamais vécu assez longtemps pour qu'on sache si sans mourir mon corps est lui aussi immortel"? Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Ça veut dire exactement ce que ça veux dire. Tu viens d'atteindre ta millième vie, et c'est la première où on te retrouve.
- Quoi ?! En admettant que je vous croie, ça voudrait dire que j'ai atteint ma dernière vie ?!
- Tu te souviens de la prophétie n'est-ce-pas ?
- Celle des démons ?! Oui je m'en souviens.
- Bien. Je t'ai dit que l'on devait te retrouver, c'est la seule façon de le faire revenir.
- Je ne suis qu'un pion dont vous avez besoin maintenant mais qui, quand je serai devenue inutiles vous jetterez ...ouais j'ai saisie l'idée.
Le pire c'est que je l'acceptes pourvus que je trouve ma place.
- On l'est tous. Chacun de nous est un pion dans la guerre qui oppose Lucifer contre Dieu. Ne l'oublie pas.
- Le bien contre le mal...
- Pas vraiment. Ce serait trop simple.
-...
- Tu as vécu toutes tes vies parmi les humains. Tu n'as jamais survécue car l'imposteur et ses descendants t'ont toujours trouvée avant nous. Ils devaient se débarrasser de toi puisque tu étais le seul moyen pour nous de reprendre le pouvoir. Pouvoir qu'ils détenaient. À chaque naissance tu renaissais du ventre d'une humaine puisque ta première mère en était une.
- Donc celle qui m'a élevé jusqu'ici est ma véritable mère ?
- Ta millième mère mais oui c'est ta véritable mère. Du moins la porteuse choisie. Ta véritable mère reste toujours la première humaine comme ton père reste toujours Lucifer. Tu es juste une âme très ancienne qui va squatter le corps et l'esprit d'un fœtus et qui prend sa place.
- Comme un parasite ?! M'écriais-je horrifiée.
- Si tu veux, comme un parasite.
- Alors...vous et moi...on a vraiment rien de frère et soeur.
- D'un point de vue biologique, non. On a pas le même père.
Merci seigneur.
- Et...toutes ces femmes qui m'ont portés, savent-elles ce que je suis ?
- À ta naissance, elles sont toutes mises au courant de ta véritable nature. Bien-sûr, les humains ne leur racontent que ce qui les arrange. Il ne faut pas qu'elles s'attachent trop à toi. Sinon elles pourraient te livrer aux Démons, leurs ennemis, pour te garder en vie.
- Mais pourquoi ne me tuent-ils pas dès la naissance ?
- La prophétie dit que pour éviter l'avènement de Lucifer il faut que tu meurs le jour de ton dix-septième anniversaire par la main de celle qui t'a mise au monde.
-...
- Soledad ?
- Elles m'ont toutes tuée...à chaque fois.
- Oui.
- Elles n'ont jamais rien éprouvée pour moi, ni amour ni pitié.
- Elles ne pouvaient pas. Certaines ont essayées de fuir avec toi mais...
Les larmes roulent sur mes jouent. Je ne m'en rendais pas compte avant mais tout ça me terrifie.
- C'est...c'est le roi qui est à l'origine de toutes mes morts ?
- Lui et tous ses ancêtres.
J'observe le gazon bien taillé sans cligner des yeux. C'est un cauchemar. Je vais me réveiller.
- Vous mentez, c'est pas possible, c'est complètement...
Il me regarde avec un air si triste. Il a pitié et ça m'enfonce encore un peu plus.
Je pleure toujours quand il me prend dans ses bras, me collant contre son torse chaud.
Je me débat mais ça ne sers à rien, il est bien plus fort que moi et a décidé de me garder contre lui.
- Ça passera. Ça passe toujours.
- Qu'en savez-vous ?
- Quand on vit éternellement, on voit forcément partir des gens à qui on tient. Tu es obligé de faire partir la douleur. Sinon tu ne vis plus.
Lui aussi souffre, je l'entend dans sa voix, je le vois dans son regard.
On est deux âmes brisées par les choix de nos parents.
Qui essaient de ne pas se noyer depuis leur naissance.
Mais ça va changer, ça ne dura pas.
Cette guerre doit prendre fin.
La douleur doit partir.
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