Chapitre 1

Le soir même
- Non pas celle là, dis-je sèchement en agitant la main faussement excédée.

- Mais madame, c'est la dixième robe qu'on vous présente...

- Je n'aime pas le jaune ! Et toutes ces robes sont trop serrées. Si vous voulez que je meurs étouffée alors dites le moi clairement !

Je sais que vu de l'extérieur, on pourrait penser que ce sont elles les victimes et que moi, je suis cette espèce de garce qui frappe et insulte ces domestiques pour passer ses nerfs. Mais je sais très bien ce que ces petites fouineuses font véritablement ici. Si ça ne tenaient qu'à elles, jamais elles ne m'auraient aidées. Mais le roi leur a demandé qu'on lui rapporte mes moindres faits et gestes. Ces trois pestes me suivent partout, fouillent dans mes affaires et l'autre jour, j'en ai même vu une lire mon carnet. Alors les faire tourner en bourrique est un de mes rares petit plaisir.

- Mais vous ne pouvez pas rester en robe de chambre pour diner madame, intervient la plus vieille d'entre elle de plus en agacée.

- Ah non ?

- Non, ce serait indécent.

- Je ne vois pas où est le problème. Je ne sortirai de toute façon pas de la chambre.

- Madame...

- Ça suffit, la coupais-je sèchement. Si vous n'êtes pas contentes mesdemoiselles, allez donc vous plaindre chez sa majesté. Mais je doute qu'il ait du temps à consacrer à trois servantes.

Du coin de l'œil je vois Amélia, la plus petite et mince des trois serrer les dents. Bien fait.

- Maintenant sortez, je voudrais me reposer encore un peu.

- Nous avons des ordres très clairs madame et le roi

- Je n'en ai rien à faire ! Sortez ! Je ne veux plus vous voir !

Surprises et sans doute apeurées, elles s'empressent de sortir en poussant des petits cris d'indignation. Nul doute qu'elles sont déjà en route pour le bureau du roi.

En soupirant, je m'affale sur le grand lit et observe le haut plafond tout blanc.
Tout est blanc ici, les meubles, les murs et même les gens, sans aucune originalité ni saveur. Tous pareils.

- Mademoiselle ?

- Tu peux entré Anya.

Je me relève difficilement, m'appuyant sur mes coudes pour voir apparaître la seule domestique de ce palais qui ne provoque pas en moi des remontées acides. Fine avec la peau noire et de longs cheveux ondulées, elle est très belle. Elle est aussi patiente, ne me presse jamais et m'écoute, peut-être est-ce la seule à voir que je suis vivante, que je respire et que je réfléchis.

- Comment allez-vous ?

- Comme ce matin, comme hier et comme il y a six mois.

- Avez-vous été faire un tour dans les jardins ? Ils sont en fleurs.

- Oui, dix minutes, avec Amelia pour surveiller l'heure. C'était fort divertissant.

- Mademoiselle...

- Ne fais pas attention Anya, je suis de mauvaise humeur parce que je suis fatiguée. C'est tout.

- Je vous apporte votre repas.

- Je n'ai pas faim.

- Vous devez manger mademoiselle. Il faut penser à l'enfant.

Baissant les yeux sur mon ventre, je me demande si ça ne serait pas mieux pour lui que je me laisse mourir.
Mais j'en suis incapable...

- Dépose-le là.

- Promettez moi d'abord que vous vous nourrirez.

-...

- Soledad...

- Je vais manger, mais j'aimerais que vous me laissiez.

En hochant la tête elle dépose le repas fumant sur la petite table et fais demi-tour. Quand la porte s'est refermée sur elle, je me relève et m'approche de l'assiette.
Ils surveillent tous, ce que je mange, combien d'heure je dors et de mètres je peux marcher pendant la journée. A côté de l'assiette se trouvent les trois petites pastilles que chaque soir je dois prendre. Une rose, une bleue et une blanche. Pareil pour le matin.
**
Quand je finis enfin mon repas, je tourne la tête vers la grande horloge qui indique à présent 22h.
Dans cinq minutes, si ils voient que les lumières sont toujours allumées, ils viendront les éteindre. C'est un couvre feu obligatoire.

Six mois, 28 semaines, 196 jours pendant lesquels j'ai attendu qu'il vienne. Parfois je me demande s'il me croit morte où si il m'a juste oubliée. Je ne sais pas laquelle de ces deux possibilités est la pire...
Si je veux partir, je devrai me débrouiller seule, voilà ce que je me disais au début. Mais ils ont pensé à tous. Les médicaments qu'ils me font avaler m'empêche d'utiliser mon don, ils surveillent mes moindres fait et geste et même si j'arrivais à sortir de cette chambre en un seul morceau, il faudrait encore passer la garde. Dans mon état c'est tout bonnement impossible. Et pourtant il n'est pas pensable que je les laisse poser la main sur mon enfant.

L'hybride comme ils l'appellent...

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