Prologue

Il faisait froid et l'air était empli d'humidité. Comme chaque soir d'hiver à Woodentown, les rues étaient complètement désertes. Pas un bruit ne venait combler le pesant silence qui avait pris possession des lieux depuis presque deux heures. Il n'y avait pas âme qui vive dehors. À part un homme. Il dormait, emmitouflé sous d'épaisses couches de vêtements et de vieux duvets. Son sommeil semblait agité. Il combattait peut-être ses démons. La sueur perlait sur son front ridé par le temps et cette expression d'anxiété. Puis... plus rien. Il rendit son dernier souffle, petit nuage de vapeur humaine qui s'éleva fébrilement dans les airs. Désormais le vieillard dormait pour de bon, pour toujours...

Mais attendez. J'ai une histoire bien plus intéressante que celle du petit village de Woodentown. Une histoire qui n'a pas encore eu lieu. Elle se passera en 2467. Notre planète aura beaucoup changé, tout comme les mentalités. Nos nouvelles technologies seront autant admirées et mystérieuses que des fossiles. Nos problèmes actuels auront été réglés de manières plutôt insolites... comme la surpopulation avec un principe des plus barbares et pourtant des plus efficaces : la peine de mort. Je ne m'étendrai pas sur le sujet. Commençons cette histoire sans plus tarder.

* * *

Je. Simple pronom et pourtant... Il sait être important, comme se taire et s'enfermer au fin fond de notre chair. Je. C'est nous tous individuellement. Mais quand l'individu se renie, le Je n'a plus lieu d'être. On est capable de s'en passer, autant faut-il le vouloir. Que sommes-nous sans le Je ? Nous sommes la masse. Nous sommes tout le monde. Nous sommes personne. Être personne équivaut à une mort lente et des plus incurables. Cette disparition du Je est de plus en plus présente en ce siècle de perdition. Elle atteint toute génération, comme si la masse l'aspira, suçait son essence jusqu'à la dernière goutte éthérée. Le Eux, futile et rabaissant, en extrayait toute l'exaltation, toute la pulpe, faisant de l'individu une coquille vide et abrutie. Cette coquille se résumait en ses yeux, eux-mêmes vides et abrutis.Il ne connait ni l'égoïsme, ni l'amour propre et finit par perdre la conscience de soi. Il ne lui reste bientôt plus la moindre trace d'instinct. Il vogue sans rivage, ahuri dans son mutisme, au milieu de ce qui constituait ses derniers repères, ses dernières amarres. Il n'est plus un être conscient. Arrivé à ce stade, l'individu n'attend plus que sonne le glas. Ce tintement grave, Wedrowny ne l'entendra jamais. On l'avait, il y a peu, dotée d'un serum puissant et aux propriétés effrayantes et secrètes. Wedrowny n'était en vérité pas son vrai prénom. Avant la mutation, Wedrowny était Kibō, une jeune nippone de 18 ans ayant perdu son Je. Ses parents l'avaient envoyé dans un de ces centres dits "d'aide et de rééducation". Dans ce centre des IA étaient venus la cueillir comme une fleur au sortir du réfectoire - elle n'était pas atteinte au point d'oublier comment manger mais quelques semaines auraient suffi. Elle s'était, sans le réaliser, retrouvée dans une sorte de bloc opératoire qu'elle occupa pendant 3 mois de coma contrôlé. Aujourd'hui, les hommes en blanc l'avait débranchée. Ils ont fini de nettoyer et drainer l'intégralité de son organisme. Désormais, ce qui coule dans ses veines apparentes est un liquide pétillant à la couleur incertaine car changeante. Étrangement, ce sérum rendait les pigments de sa chair si blancs qu'elle était presque translucide et ses iris si écarlates qu'elles en luiraient presque. C'est même la première chose qu'on aperçoit si on la croise. Quand elle les ouvrit quelques instants auparavant,ce fut comme une projection dans le monde réel pour elle.... me faisant retrouver mon Je.

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