"Là ou tout a commencé"...

Steve m'a prêté sa voiture pour me rendre au point de rendez-vous fixé par ce connard de Mac. Je ne respecte aucune limitation de vitesse, grille tous les feux qui se dressent entre moi et Stella pour arriver au plus vite. Heureusement pour moi -- et pour les autres -- la circulation est assez fluide et claire.

Au fur et à mesure que j'avance vers l'endroit fatidique, les souvenirs de cette soirée défilent dans ma tête. Je me revois complètement stone dans cette voiture, tenant le volant d'une main distraite et une bouteille de vodka à moitié entamée de l'autre, j'entends les rires que je partageais avec mes "amis", tous aussi défoncés que moi, et qui n'ont pas hésité à rejeter l'entière faute de toute cette débâcle sur mon dos. Ma vue était particulièrement embrouillée, à cause du cocktail drogues/alcool qui coulait dans mes veines, les lumières des lampadaires, des immeubles et des feux de circulation se transformaient en faisceaux lumineux dansant devant mes yeux rougis par la weed que j'étais en train de fumer en conduisant. J'étais vraiment l'archétype du jeune acteur hollywoodien à succès, à qui le monde s'agenouillait à ses pieds, peu importe ce qu'il faisait. Toute cette célébrité m'était vraiment monté à la tête, et j'étais très mal entourée pour gérer cette soudaine notoriété. Ce soir-là, Stella sur ce passage piéton était complètement insignifiante à mes yeux. Je n'avais aucune considération pour la vie humaine.

Comment ai-je pu être aussi irresponsable et aussi peu conscient des conséquences ? C'est triste à dire, mais il aura fallu que je mette la vie de quelqu'un en danger pour changer ma façon de vivre et arrêter les conneries une bonne fois pour toutes !

Et maintenant, cette histoire qui a hanté mes jours et mes nuits m'est revenue en pleine troche comme un boomerang. C'est ça qu'on doit appeler le karma, j'imagine...

J'arrive dans la rue déserte où l'accident a eu lieu quelques années plus tôt. Aucune voiture, aucun piéton à l'horizon pour témoigner de ce règlement de comptes. Je gare le véhicule avant d'en sortir. Je me dirige vers le passage piéton où j'ai percuté Stella. La confusion me gagne lorsque je ne vois personne. C'est bien ici, pourtant. Où peut bien se cacher ce fils de pute ?

Soudain, mon téléphone se met à sonner et le numéro de Mac apparait sur l'écran. Mâchoires serrées, muscles tendus, je n'hésite pas une seule seconde à décrocher.

- Wow ! Vingt-quatre minutes et trente-six secondes... je suis impressionné ! s'exclame l'autre connard d'une voix faussement enjouée.

- Pas la peine de faire trainer les choses, je lui réponds le plus calmement possible en essayant de le repérer dans la pénombre recouvrant la ville. Je suis là maintenant, alors finissons-en au plus vite !

Je regarde dans tous les sens, mais pas moyen de les localiser. La rue est pourtant bien éclairée mais je n'arrive à distinguer aucune silhouette aux alentours.

- Oh, Hero... t'es pressé d'en finir, hein ? Dis-toi que ça fait plus de deux ans que je rumine cette vengeance, alors on fera ça à mon rythme, d'accord ? lance-t-il, un poil énervé.

Mac finit par sortir de l'obscurité sur le trottoir d'en face. Il décolle le téléphone de son oreille et le secoue en me narguant d'un sourire malsain. Je raccroche et commence à traverser lorsque d'un geste de la main, il me fait signe d'arrêter.

- Non, non, non, ça ne marche pas comme ça, mate ! s'écrie-t-il en secouant la tête et en imitant -- mal -- mon accent anglais. C'est moi qui dicte les règles.

- Libère Stella et tu feras ce que tu veux de moi, je lui lance avec hargne.

Mac continue de secouer la tête en marchant dans ma direction.

- Tu vois, le problème, c'est que le plan ne s'est passé comme prévu, m'annonce-t-il en frottant son crâne rasé, signe qu'il est contrarié. Tu devais endurer la pire des humiliations. Je voulais que tu ressentes ce que ça faisait d'être sur le point d'avoir tout ce dont on rêve et de se voir tout retirer au moment de l'avoir. Je voulais que tu éprouves ce vide immense et ce désespoir sans fin, mais...

Ses mâchoires sont serrées, sa colère est palpable et, étrangement, je ne ressens aucune peur à l'idée de l'affronter. La seule chose que je crains est qu'il s'en prenne à Stella.

- ... comme tu as pu le constater, j'ai de la suite dans les idées. Après tout, le piège dans lequel tu es tombé est assez élaboré ! Je veux dire, inventer un scénario, te faire croire qu'Hollywood attendait ton retour avec impatience... tomber amoureux d'une fille qui devait te rejeter...

Il grimace en évoquant l'échec de cette partie de son plan.

- Ouais, c'est l'un des seuls paramètres que je n'avais pas pris en compte. A croire que la frontière entre la haine et l'amour est plus fine qu'on ne le croit. Mais, de mon côté, cette ligne est plus claire que jamais !

Il se met à rire, et ce son plein de haine me glace le sang. Je ne sais pas du tout jusqu'où il va aller, mais je suis prêt à riposter au premier signe d'agressivité.

- Du coup, j'ai dû faire quelques révisions pour atteindre mon but, tu comprends ? Même si tout ne s'est pas déroulé comme je le voulais, je veux quand même que tu paies et que tu souffres. Donc, j'ai décidé de rendre cette dernière étape plus... intéressante, on va dire !

Ses révélations ne me rassurent guère. Sa manière de jubiler en m'annonçant cette ultime phase éveille tous mes sens en alerte, ne sachant pas du tout à quoi m'attendre. Il rebrousse chemin vers le trottoir et se dirige vers une voiture garée sur le bas-côté. Il ouvre la porte arrière et se penche pour attraper le bras d'une personne que je n'arrive pas à identifier à cause de l'obscurité, bâillon sur la bouche, qu'il tire hors du véhicule. Lorsque son visage apparait dans la lumière du lampadaire, je reconnais immédiatement Stella. Ses yeux sont gonflés et rougis par les larmes et ses cheveux blonds sont ébouriffés. Se tenant debout à côté de son connard de frère, ses mains sont liées derrière le dos. Je peux l'entendre sangloter jusqu'ici.

- Tu vas bien ? je lui demande, inquiet.

Elle se contente de hocher péniblement la tête, même si je sais que ce n'est pas la vérité.

- Aww, comme ces retrouvailles sont touchantes ! s'exclame Mac sur un ton faussement mielleux. Vous me foutez des papillons dans le ventre tous les deux...

- Relâche-là maintenant, je lui ordonne en le fusillant du regard. Ce n'est pas après elle que tu en as, alors laisse-la partir.

- Nous sommes au climax de l'histoire, au point culminant, là où la tension est à son comble !annonce-t-il en écarquillant les yeux, ignorant complètement ma requête. A ce moment-là, j'adore quand un twist de dernière minute intervient, faisant exploser nos cerveaux de spectateurs. Alors, j'ai eu la très bonne idée de rajouter un peu de piment à l'intrigue...

Il siffle en tournant la tête vers la gauche, avant de reporter son attention sur moi, un rictus malfaisant déformant son visage. Quelques secondes plus tard, deux personnes émergent d'une ruelle perpendiculaire et je deviens blême en comprenant la plan B mis en place par Mac.

Une armoire à glace barbue aux cheveux longs retient Jade en otage. A l'image de Stella, mains liées, bouche bâillonnée, son regard exprime l'incompréhension et la terreur.

- Ta daaaaaaaa ! chantonne fièrement Mac, désormais entouré de ses deux victimes. Alors, impatient de connaitre la suite ?

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