Chapitre 86
Steve conduit à toute berzingue dans les rues de Los Angeles. Assis sur le siège passager, j'essaie de joindre Jade au téléphone, mais elle ne répond pas. Aucune réponse par texto, non plus. Elle doit être mise au courant de cette situation de merde coûte que coûte. Je ne veux pas qu'elle soit un dommage collatéral dans l'exécution du plan de ce taré de Mac. Je n'ose imaginer sa déception quand elle apprendra que le film dans lequel elle s'est investie corps et âme est une vaste farce.
Dans la voiture, excepté mes vociférations contre le message vocal de Jade me narguant à chaque fois au bout des cinq sonneries, le silence règne. Je m'aventure à jeter quelques œillades vers le frère de Stella qui, à la manière dont les jointures de ses doigts blanchissent autour du volant, doit être extrêmement nerveux. Cependant, même si j'ai réussi à le convaincre de me détacher et de partir sauver sa sœur, j'ignore si je peux lui faire confiance. Son allégeance à Mac semble s'être quelque peu fissurée, mais les liens familiaux peuvent être très forts, surtout dans les familles meurtries.
Après plusieurs appels m'envoyant sur le répondeur de mon amie actrice et des SMS non lus, je décide de me tourner vers une personne plus en mesure de m'aider. J'ai la certitude qu'il est extérieur aux manigances de la famille Atkins, comme Ben me l'avait révélé quelques jours après mon arrivée à GoldenBay House.
Après nous être garés devant une grande maison d'un célèbre quartier huppé de Los Angeles, je sonne à la porte et un visage familier ne tarde pas à nous accueillir.
- Docteur Gallagher, j'ai besoin de votre aide, je lui annonce.
Surpris et perplexe, il finit par nous laisser entrer. L'intérieur de sa résidence est sublime. D'immenses baies vitrées, à l'image de l'institution qu'il dirige, donne une vue imprenable sur la skyline de la ville.
- Je suis quelque peu étonné de vous retrouver chez moi... d'ailleurs, comment avez-vous eu mon adresse ? me demande-t-il, méfiant.
En guise de réponse, j'attrape mon portable, que j'agite devant lui en ajoutant que, de nos jours, tout est trouvable sur Internet. Je ne suis pas un as de la recherche sur Google, mais en tapant son nom, sa profession et la ville dans laquelle il réside, le nombre de résultats était assez restreint. Soudain, il remarque la présence de Steve. Il ouvre la bouche tout en le pointant du doigt, mais la referme sans dire un mot.
- Je sais, cela peut vous paraitre très bizarre de nous retrouver tous les deux dans votre salon mais, comme je l'ai dit en arrivant... j'ai besoin de votre aide, Doc, je lui dis en le suppliant du regard.
- Il est arrivé quelque chose à Stella ? nous demande-t-il, un brin inquiet.
Je commence alors à lui expliquer l'engrenage malsain dans lequel je suis tombé et pour lequel il a pris part sans en être conscient, sans oublier que la mort de Ben n'est en rien accidentelle et que Max a enlevé Stella. Steve, à côté de moi, corrobore chacune de mes paroles, en ajoutant quelques détails lorsqu'il est nécessaire. Au fur et à mesure de notre récit, le visage du psychiatre se décompose.
- Mon dieu... j'étais loin d'imaginer ce qui se tramait derrière toute cette histoire... Et Ben...
Il marque une pause, le temps de digérer les révélations que nous venons de lui faire.
- Je dois vous avouer quelque chose : j'ai toujours trouvé l'attitude de Mr. MacMillan quelque peu étrange. Vous savez, en tant que psychiatre, c'est notre job d'évaluer le comportement des gens, même ceux qui ne sont pas des patients. C'est une déformation professionnelle, je dirais. Et, immédiatement, dès notre première rencontre, quelque chose chez lui m'a dérangé, sans arriver à mettre le doigt dessus. J'ai déjà eu affaire à des professionnels du cinéma qui sont venus me solliciter en tant que conseiller sur des tournages lorsque mon expertise était exigée, surtout dans le domaine psychiatrique et la démarche de votre frère m'a parue un brin incongrue la première fois qu'il est venu me trouver. Et mes soupçons se sont amplifiés à chacune de ses visites à GoldenBay House.
Effectivement, il devait y avoir des signes dans son comportement chaotique qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille, sans compter les nombreuses mises en garde de Freddie. Seulement, j'étais trop obnubilé par mon immersion à GBH et tout ce qui s'y est passé pendant ces deux derniers mois.
- Pourquoi n'appelez-vous pas la police ? nous demande-t-il. Ils seront plus à même de régler ce problème...
- Je pense que ce serait trop risqué pour Stella. Qui sait comment il pourrait réagir si les flics s'en mêlaient ? intervient Steve pour la première fois depuis notre arrivée .
Ce dernier grimace et va s'asseoir sur l'immense canapé en cuir blanc au milieu du salon. Il prend sa tête entre ses mains en signe de désespoir.
- J'aurais dû m'en apercevoir, geint-il. J'aurais dû voir qu'il n'allait pas se contenter de ce qui était prévu ! Jamais j'aurais pensé qu'il serait capable de s'en prendre à Ben avec autant de violence. Ben était l'un de ses meilleurs amis, ils se connaissaient depuis plus de vingt ans. S'il a été en mesure de sacrifier quelqu'un d'aussi proche de lui, qui sait ce qu'il est prêt à faire ? Je ne veux pas être décourageant mais je redoute le pire, même pour sa propre sœur.
Les propos de blond ne me disent rien qui vaille. Si lui-même ne connait pas la limite de la folie furieuse de son frère, on est mal barré ! Faut prévoir un plan en béton pour déjouer ses desseins malfaisants.
- Est-ce que t'aurais une idée d'où il aurait pu emmener Stella ? je lui demande en allant me poster devant lui.
Il y a une certaine urgence dans mon ton. Stella est en danger et il nous faut agir au plus vite avant qu'il ne s'en prenne à elle de manière très regrettable.
- Je suis désolé, je ne vois pas du tout, déplore-t-il. Là, il est parti complètement en roue libre. Ils peuvent être n'importe où !
Nous voilà pas plus avancés... Nous n'avons aucun indice, rien pour nous mettre sur la voie. Je commence aussi à perdre espoir de la retrouver saine et sauve. Ca me fait rager d'être aussi impuissant face à cette situation !
Soudain, mon portable se met à vibrer. Je l'extrais de la poche arrière de mon jean et écarquille les yeux en voyant le nom de Mac -- alors appelé Gibbs -- apparaitre sur mon écran. Je décroche sans hésiter et constate qu'il s'agit d'un appel FaceTime. Le visage de cet enfoiré apparait sur mon téléphone et le sang ne fait qu'un tour dans mon cerveau.
- Où est Stella ? je hurle.
Steve et Gallagher s'approchent de moi et Mac se met alors à rire grassement.
- Ah ! J'étais sûr que cette mauviette de Steve allait te libérer... On ne peut compter que sur soi-même, à ce qui parait, ironise-t-il non sans nous décocher un sourire narquois.
- Vous êtes où, putain ? Si t'as touché à un seul de ses cheveux, je te jure que...
Mac lève les yeux au ciel, comme si je le soûlais, ce qui ne fait que redoubler la colère grondante en moi.
- Oooooh... tu vas me resservir ce couplet de la menace à deux balles, là ? soupire-t-il avant de reporter son attention sur moi. C'est du chauffé et du réchauffé, mon grand ! Change de disque, veux-tu ?
Il me provoque, il s'attend à ce que je pète les plombs, à ce que je perde mon sang-froid, mais je ne lui donnerais pas satisfaction.
- Je vais quand même être sympa et répondre à ta question. Stella va bien... Voilà, t'es content ?
- Montre-moi une preuve de ce que tu dis, je lui ordonne d'une voix sèche. Passe-la moi !
Mac recommence à rire, sans ce départir de son rictus mauvais. Il dodeline de la tête, lui donnant un air encore plus psychopathe qu'à l'accoutumée et le cadre de la vidéo bouge vers l'arrière plan. Je m'aperçois alors qu'il est en extérieur, au vu des hauts lampadaires qui éclairent l'endroit où il se trouve, mais je ne saurais situer le lieu. Soudain, je vois une ombre, ou plutôt une silhouette se dessiner dans la pénombre. Je devine rapidement qu'il s'agit du fauteuil roulant de Stella, mais elle n'y est pas. Putain, il joue avec mes nerfs, ce connard !
- Oh, oh ! J'aurais juré qu'elle était ici, lance-t-il sur un ton faussement innocent. Où a-t-elle bien pu aller ? Genre, comme si elle pouvait aller bien loin...
Il se met à rire de façon moqueuse, ce qui me donne encore plus envie de l'étrangler. Une fois de plus, la caméra bouche et, au sol, je remarque une chaussure, puis une jambe. Lorsque l'objectif remonte, il s'arrête sur le visage de Stella, en larmes, allongée sur le sol, comme si elle était en train de ramper.
- Ah bah, la voilà ! s'exclame-t-il en feignant d'être soulagé. T'as voulu prendre les jambes à ton cou... oups, je voulais dire "la jambe" mais c'est moins pratique pour s'échapper !
Son hilarité écorche une fois de plus mes oreilles. Je vais me le faire, c'est sûr. Je constate qu'il prend un malin plaisir à la tourmenter en l'humiliant et en se foutant ouvertement de sa gueule. Quel connard !
- Dis coucou à l'écran, y'a ton chéri qui te voit !
Il se baisse à son niveau et attrape le bas de son visage pour le mettre face à l'écran. Stella lâche un petit cri de douleur sous la pression exercée par les sales pattes de cet enfoiré. Je suis à deux doigts de le massacrer. La voir dans cet état pitoyable m'enrage au plus haut point.
- Dis-moi où vous êtes, j'arrive ! je lui dis avec aplomb. On va régler ça une bonne fois pour toute.
Il se tourne vers Stella et lui ordonne de me donner le point de rendez-vous :
- Là où tout a commencé, sanglote-t-elle.
Sa voix brisée me fend le coeur. Mac braque de nouveau l'objectif sur lui et sa gueule en gros plan me dit :
- T'as une demi-heure.
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