Chapitre 85
- Tu peux me dire où l'autre taré a emmené Stella ?! je demande nerveusement à Steve. S'il lui fait du mal, putain, je te jure que...
- Tu jures quoi ? Qu'est-ce que tu vas faire, hein ? me demande-t-il en retour. T'es pas en position de faire quelque menace que ce soit, alors si j'étais toi, je la bouclerais, d'accord ?
Le blond marque une pause avant d'ajouter :
- Il ne lui fera rien. Enfin... rien de méchant, quoi. C'est notre sœur quand même.
Il prononce cette phrase sans me regarder, comme s'il cherchait à se convaincre lui-même que Gi... Mac n'est pas le monstre qu'il est. Même moi, je n'y crois pas une seule seconde !
- Putain, alors si je comprends bien, c'est une conspiration familiale, hein ? je demande en crachant chaque mot sortant de ma bouche. Vous vous êtes levés un beau matin et avez décidé de vous en prendre à moi, ou comment ça s'est passé ?
Steve se contente de faire les cents pas devant moi, la tête levée vers le plafond en tapotant son menton avec l'index de sa main droite. Il finit par s'arrêter devant moi et s'agenouille pour me faire face.
- Est-ce que t'as une putain d'idée de la souffrance que t'as infligé à Stella ? me demande-t-il, mâchoires serrées et regard dur. Parce que moi, oui. La natation, c'était toute sa vie. Elle était faite pour briller dans l'eau et sur les podiums. Sa carrière était toute tracée et Mac l'aidait à se surpasser à chaque entrainement, pour qu'elle devienne la meilleure. Quand elle a su qu'elle ne pourrait plus jamais nager, c'est comme si on lui avait enlevé sa seule raison de vivre. Elle a fait une dépression qui a ensuite menée à une tentative de suicide... puis une seconde. Mac et moi, on a tout fait pour essayer de lui remonter le moral, de lui changer les idées, de lui trouver un nouveau centre d'intérêt... enfin, de la sortir de cet état cathartique. La seule chose à laquelle elle se rattachait était la haine qu'elle éprouvait pour la personne qui avait gâché sa vie. A partir de là, l'idée de se venger a germé dans sa tête et nous avons également apporté notre pierre à l'édification du plan.
Stella m'avait parlé des difficultés qu'elle avait éprouvé après son amputation et le docteur Gallagher m'avait conté les grandes lignes de son dossier médical sans trop m'en révéler, mais j'étais loin de m'imaginer l'état de désespoir dans lequel je l'avais plongée. J'ose à peine penser à la douleur qu'elle a dû ressentir pour en venir à se raccrocher à la colère, l'injustice et la frustration que mon geste a fait naitre en elle.
- Je suis vraiment désolé... pour tout le mal que j'ai fait, je réponds. Je sais que ça n'excuse en rien les torts que j'ai pu causer, mais j'ai changé. Je ne suis plus le gamin irresponsable, abusant de l'alcool et de drogues que j'étais à ce moment-là. Stella a réussi à le voir malgré sa rancoeur, alors...
- Alors quoi ? On devrait passer l'éponge et tourner la page ? Euh, non, je ne crois pas, fulmine-t-il. T'as réussi à embobiner ma sœur avec tes belles paroles, mais pas moi. Tu penses que les seuls dommages que t'aies provoqué sont physiques et psychologiques ? Eh bah non, mon gars !
Je fronce les sourcils, attendant des explications quant à ses propos. J'ai conscience d'avoir brisé les rêves de Stella en la fauchant ce soir-là dans une rue de Los Angeles et que toute la famille a pâti de cette monumentale erreur, mais je ne vois pas de quelles autres sortes de dommages il parle.
- L'hospitalisation de Stella nous a coûtés une blinde, m'apprend-il. Sans compter les séances de rééducation qui ont suivi et le séjour à GoldenBay House... Autant dire que ça nous a mis sur la paille. Le peu d'économie que mes parents avaient mis de côté est passé dans les frais d'hôpital. Mac, qui s'occupait de l'avenir sportif de Stella à temps plein a dû se trouver un nouveau job et moi, j'ai dû abandonner mes études pour subvenir aux besoins de la famille. Les huissiers sont même venus sonner à la porte pour régler des créances en retard... enfin, ce sont des choses tellement lointaines pour une star de cinéma comme toi, à qui on tape à peine sur les doigts pour avoir gâché la vie d'une famille entière.
Je peux sentir le dédain dans sa voix quand il prononce sa dernière phrase. Je ne peux pas lui en vouloir, honnêtement. Il a raison quand il dit que j'ai ruiné leur vie, je le sais bien, et la culpabilité qui ne m'a jamais quitté ne fait qu'accroître au fur et à mesure de ses révélations.
- Qu'est-ce que je peux faire pour arranger ça ? je lui demande, bien décidé à réparer mes fautes. C'est de l'argent que vous voulez ? Je peux vous rembourser tous les frais sans problème.
Steve se met alors à rire tout en se relevant. Il part en direction de la cuisine et revient quelques secondes plus tard, une bière à la main, avant de s'asseoir sur l'un des fauteuils en face de moi.
- Je ne t'en propose pas, tu n'as pas l'air d'avoir soif, se moque-t-il en secouant la bouteille devant moi avant de porter le goulot à sa bouche. Oh, et pour l'argent, ne t'inquiète pas pour ça, on a déjà commencé à se servir sur ton compte. Tu sais, les "frais de production" ? Bah, ils ont commencé à renflouer notre découvert au lieu d'acheter je ne sais quoi pour un film qui ne se fera jamais, de toute façon !
Le mépris dont il me gratifie commence à me faire bouillir. En plus de m'extorquer du pognon, ils m'ont vraiment pris pour un con avec cette histoire de scénario et de come-back. Je me sens vraiment idiot d'avoir cru que mon public m'attendait, que j'avais une chance de revenir sur le devant de la scène en exerçant le métier que j'aime.
- Et toute l'équipe ciné que vous avez mobilisé ? Comment vous allez leur expliquer qu'ils se sont faits arnaquer ? je lui demande en haussant les épaules. Je ne pense pas qu'ils vont très bien le prendre.
Je réponds à son dédain par une bonne dose d'ironie. J'aimerais qu'il y ait une coalition et que tous ceux qui se sont faits avoir par ses deux connards le leur fassent payer au centuple !
- C'est un détail, se contente-t-il de lâcher en se penchant vers moi. La vraie cible, c'est toi !
Ah, parce que me briser le coeur, piller mon compte en banque, m'humilier et me prendre pour un con n'est pas assez ?
- On n'en a pas tout à fait fini avec toi, ajoute-t-il en me décochant un rictus malsain avant de boire une nouvelle gorgée alcoolisée.
- Je sais que ton frère veut garder le suspense, mais j'ai horreur des surprises, alors accouche, okay ? Dis-moi ce que vous comptez faire.
- Où serait le fun si tu connaissais tout le plan ? se moque-t-il en pouffant de rire. Non, non... on fat comme Mac a dit, ce sera plus drôle comme ça.
Donc, c'est Mac qui tire les ficelles de toute cette histoire de merde... c'est bon à savoir. Il exerce une sorte d'autorité sur son petit frère. Je dirais même de la peur. Connaissant le tempérament agressif du pseudo-scénariste, j'ai peut-être une carte à jouer ici.
- Et emmener Stella hors d'ici, ça faisait partie du plan ? je lui demande. En tout cas, qu'elle tombe amoureuse de moi n'était pas vraiment prévu, n'est-ce pas ? Et on sait comment il réagit aux imprévus... demande à Ben. Honnêtement, j'ai vu de quoi ton frère était capable... et je crains pour la vie de ta sœur. Si elle se dresse contre lui, qui sait ce qu'il pourrait lui faire...
Mes mots effacent instantanément l'air narquois que Steve arborait quelque secondes plus tôt. Je sais qu'il doute des réactions de Mac. Lorsque j'ai sous-entendu plus tôt qu'il pouvait lui faire du mal, le blond n'était pas certain à cent pour cent du contraire. Si j'immisce un peu plus le doute dans sa tête...
- Il ne toucherait pas à un cheveu de Stella, m'assure-t-il, son regard bleu se baladant dans toute la pièce. Il l'aime trop pour la blesser...
- L'aime-t-il plus qu'il ne me déteste ? Parce que l'exécution du plan semble lui tenir à coeur... plus que les revendications de Stella.
Je crois que j'ai touché au but. Le pied de Steve tapant frénétiquement sur le sol trahit sa nervosité et son inquiétude.
- Tu sais très bien que Stella va me défendre et elle peut se montrer très têtue quand elle le veut... comment crois-tu qu'il va réagir à ça ?
A ce moment-là, il se lève et prend son portable, posé sur la table basse du salon. Il tapote sur son écran avant de porter le téléphone à son oreille. Il semble plus anxieux que jamais et me balance une œillade circonspecte.
- Ouais, c'est moi... non, tout va bien ici, mais j'appelle pour savoir comment ça se passe avec... attends, oh, oh ! Qu'est-ce que... pourquoi elle pleure ? Non, Mac, attends... de quoi ? tu veux la raisonner ? Mais non, c'est pas ça... mais si... mais si tu n'arrives pas à la raisonner ? Vous êtes où, là ? Mac... Mac... allô ? allô ?
Steve éloigne le portable de son oreille et regarde l'écran noir, hébété.
- Putain, j'y crois pas, souffle-t-il, contrarié avant de filer une nouvelle fois vers la cuisine.
Même si je n'ai pas entendu les réponses de Mac, rien que de voir l'agitation dans le comportement de Steve ne me dit rien qui vaille. Il me semble bien que je n'étais pas loin de la vérité quant au danger que court Stella avec son frère.
Le blond revient d'un pas pressé vers moi, un couteau à la man. J'ai un geste de recul lorsque la lame pointue et tranchante de l'arme s'approche de mon visage, précédant le visage furieux du frère de Stella.
- Ne crois pas que cela efface tout ce que tu nous as fait... mais je crains que Stella ait besoin d'aide.... de notre aide, à tous les deux, m'avertit-il en coupant mes liens aux chevilles et aux poignets.
Je ne tarde pas à me lever et à me diriger vers la porte pour secourir la fille que j'aime toujours, malgré tous les tourments dans lesquels elle m'a entrainé depuis que je la connais...
******
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top