Chapitre 79

Un bruit strident me sort de ma torpeur. Je grogne, tâtant avec ma main, sur la table de chevet, pour trouver la source de perturbation de mon sommeil. Lorsque mes doigts atteignent le bouton d'arrêt de l'alarme du réveil, je relève la tête, préalablement enfoncée dans l'oreiller, pour constater, les yeux mi-clos, qu'il est seulement quatre heures cinquante-cinq du matin. Abattu, je laisse de nouveau tomber mon visage dans l'oreiller afin de prolonger ma nuit.

Malheureusement, c'est sans compter sur un Gibson surexcité, qui déboule dans ma chambre, laissant entrer un faisceau aveuglant de lumière en ouvrant la porte, m'apprenant que nous partons dans trois quarts d'heure pour commencer la production du film. Je réalise à peine que nous allons enfin entamer m'aventure pour laquelle je suis revenu à Los Angeles. En deux mois, il s'est passé tellement de choses que j'avais un peu perdu cet objectif de vue. Mais, à présent, plus rien ne se dresse entre moi et mon rêve.

J'allume la petite lampe se trouvant à côté des chiffres digitaux rouges lumineux, qui m'indiquent que j'ai trainé dix minutes de plus dans le lit, depuis la venue de Gibbs. Ce dernier m'a gentiment hébergé après ma sortie définitive de GoldenBay House, tout comme la veille de mon "internement". Une fois qu'Hamid, mon chauffeur, m'a déposé devant son immeuble, nous avons passé une bonne partie de la soirée à retravailler le personnage de Brody, grâce aux nouveaux éléments collectés durant mon séjour à l'institut et, je dois avouer que, même si j'ai apprécié ce moment, retrouver le personnage de Brody m'a irrémédiablement renvoyé à mes premiers jours à GBH, où rien n'était compliqué, où je connaissais à peine Freddie, où Stella n'était qu'une fille étrange en fauteuil. C'est à ce moment-là que je comprends à quel point cette expérience m'a changé. Et, je sais que plus rien ne sera pareil dorénavant.

Après un court passage à la salle de bain, histoire de bien me réveiller et de me préparer comme il se doit à affronter cette première journée de travail, nous quittons l'appartement de Gibbs et pénétrons dans la voiture qui nous attend. Hamid nous salue avant de nous conduire au studio. Pendant le trajet, Gibbs m'apprend que ce premier jour sera consacré à des répétitions, pour nous permettre, à Jade et à moi, de refaire un point global sur l'histoire et d'entrer comme il se doit dans la peau de nos personnages. Cependant, malgré l'excitation qui m'habite, mon attention est rivé sur l'écran de mon portable.

La veille, après avoir quitté Freddie, j'ai essayé de repousser l'heure de départ de GBH, attendant désespérément un signe de Ben. Il m'avait promis de me retrouver à l'institut, à neuf heures du soir, pour m'exposer la vérité. N'ayant pas de nouvelle de sa part, je l'ai bombardé de textos, mais n'ai eu aucune réponse en retour. Évidemment, cela n'aurait pas dû m'étonner. Une fois le pognon sur son compte, il s'est barré comme un putain de voleur. Une partie de moi avait envie de croire qu'il honorerait sa part du marché. Tout le monde m'a toujours reproché de faire trop facilement confiance aux gens. Et maintenant, je commence à penser qu'ils avaient raison, étant donné la situation dans laquelle je suis !

A moins que... Peut-être qu'il lui ait effectivement arrivé quelque chose... Et si sa paranoïa n'était pas si fantaisiste que ça ?

Non. Cette perspective est rapidement chassée de mon esprit, en me rappelant à quel point Ben est un connard et, forcé de constater qu'il m'a bien eu ! Il a empoché une belle somme d'argent en me faisant un cinéma grotesque, et j'y ai bêtement cru.

Ne m'attardant pas plus longtemps sur cette enflure, j'ouvre l'application "Safari" sur mon iPhone et tape "Kayla Jennings" dans la barre de recherches. Lors de notre dernière -- et unique -- entrevue, elle m'a confié être fiancée avec un des enculés qui ont violé Freddie, sans forcément avoir le choix dans ce "joyeux" évènement. Étant donné qu'elle n'avait rien voulu me révéler, peut-être qu'Internet m'apportera les réponses qui me manquent.

Effectivement, les nouvelles de ses fiançailles s'affichent en priorité sur la page. L'identité d'un des bourreaux de mon meilleur ami me sautent rapidement aux yeux : Caleb Marshall.

Caleb et les autres.

Il semblerait que Kayla soit promise au cerveau qui a eu la brillante idée de détruire la vie d'un innocent. Avec mon pouce, je clique sur le premier article relatant la nouvelle. En le parcourant furtivement, les deux "amoureux" seraient ensemble depuis plus d'un an avant que Caleb ait eu le courage de demander la main de sa chérie, lors d'une cérémonie on ne peut plus romantique, mais sans évoquer les détails. La date du mariage est encore inconnu à se jour et la dernière phrase souhaite "tous ses vœux de bonheur à ce couple qui fait rêver tant de personnes". Je pouffe de rire en pensant à l'ironie de ce reportage. Il faut que le journaliste revoie sérieusement ses sources !

Je m'intéresse à présent au fiancé. Comme pour Kayla, j'entre son nom sur Google et clique sur sa biographie. Une photo de lui apparait sur le côté. A première vue, il rassemble tous les critères requis par Hollywood pour être une star. Selon les mensurations reportées, il est très grand et baraqué. Il doit avoir pas mal de succès auprès des filles. Il a plus de la trentaine, un regard et un sourire charmeur qui doivent faire tourner pas mal de tête. Il a tourné dans quelques films aux succès plus ou moins relatifs, et a fait des apparitions dans des séries et téléfilms. Il ne me reste plus à savoir qui sont "les autres"...

J'interromps mon investigation lorsque la voiture ralentit devant la barrière abaissée à l'entrée du complexe cinématographique. Après avoir vérifié nos identités, le gardien nous autorise l'accès aux studios. Nous sortons du véhicule et sommes accueillis par une partie de l'équipe déjà en place. Je reconnais immédiatement la petite styliste au look original qui sourit immédiatement en me voyant. Je la salue de loin, préférant éviter une nouvelle effusion d'amour de sa part. Plusieurs portes-vêtements sont disposés dans un coin de l'immense entrepôt qui abrite les décors de notre film. Mon regard de gosse admire le travail réalisé par les différentes équipes, et je ne peux qu'en être ébahi. Gibbs me rappelle à l'ordre et m'invite à le suivre. Nous retrouvons Jade, déjà présente sur les lieux, en train de boire un café et de discuter avec deux maquilleuses. Lorsqu'elle m'aperçoit, Jade coupe court à sa discussion pour venir me voir. Elle ne peut s'empêcher d'avoir un sourire béat sur le visage, son gobelet en carton dans la main.

- T'as vu tout ça ? dit-elle, émerveillée. Je n'arrive pas à croire que nous allons enfin faire ce film !

- Pour être honnête, moi non plus... Le temps commençait à me paraitre long.

- Si vous êtes si impatients, tous les deux, il ne nous reste plus qu'à nous mettre au travail ! annonce joyeusement le scénariste.

Jade et moi échangeons un regard complice avant de commencer les répétitions. Pour la première fois depuis longtemps, je peux enfin espérer un peu de positivité dans ma vie...


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