Chapitre 76

- Alors, quel est le programme de notre séjour londonien ? me demande ma petite blonde, assise dans son fauteuil, en train de boire une autre gorgée d'eau. J'adore l'histoire, donc je suis partante pour visiter la Tour de Londres, et aussi Westminster Abbey. Tous ces tombeaux de rois et de reines du passé... Ça doit vraiment être fascinant ! Après, je ne suis pas contre faire des choses contemporaines, comme les bateaux-mouche, ou la grande roue près de la Tamise... La vue doit être magnifique depuis là-haut ! Et je veux absolument goûter une bière anglaise, vous qui vous octroyez le titre de rois de la bière ! Et Big Ben ! Tu crois qu'on peut monter dans Big Ben ?

J'écoute à moitié les paroles de Stella. J'entends son engouement quant à notre prochain voyage chez moi, mais je reste bloqué sur le SMS que Ben m'a envoyé. Je ne pensais vraiment pas qu'il allait tenir parole. Dans quelques heures, je vais enfin savoir la vérité sur cette mascarade qui dure depuis bien trop longtemps.

- Ou tu préfères peut-être me laisser la surprise... toi qui es un expert en la matière, continue-t-elle, sur un ton taquin.

Silencieux, je continue de fixer l'écran de mon téléphone, relisant sans cesse les directives de mon ennemi. En est-il vraiment un ? Ou est-il devenu un allié, malgré lui ? Je me pose sincèrement la question. Mon manque de réponse et de réaction éveille un sentiment d'inquiétude chez Stella.

- Tout va bien, Hero ? s'enquiert-elle, me fixant en fronçant les sourcils.

Je relève la tête vers elle. Ses joues rosies par l'effort la rendent encore plus mignonne. Je lui souris tristement avant de reporter mon attention sur l'écran de mon portable et les quelques mots de l'infirmier. A ce moment-là, me revient en tête le message que ce dernier voulait que je transmette à Stella. Je lui ai dit que j'allais le faire et, comme je vois qu'il semble honorer ses engagements, je peux bien faire ça.

- C'est... Ben, je lui apprends.

La confusion se lit sur les traits de son visage. Confusion, mais pas seulement. J'arrive à déceler une autre émotion dans ses yeux. De la peur, peut-être ?

- Ben ? Pourquoi Ben t'enverrait un texto ? me demande-t-elle, en secouant frénétiquement la tête, comme si elle n'y croyait pas vraiment.

Même si ce n'est peu-être pas la meilleure chose à faire, je décide de tout lui raconter, de mon retour à GBH après notre nuit à l'hôpital, où Ben s'était mué en fou furieux paranoïaque, persuadé que des gens en voulaient à sa vie, jusqu'à aujourd'hui, où la vérité, que j'ai grassement payée, sur tout ce qui se trame derrière mon dos,  va m'être révélée.

Stella déglutit, tout en se raidissant dans son fauteuil. Je peux jurer que ses joues pâlissent à vue d'oeil. 

- Pourquoi j'ai l'impression que les secrets que Ben est sur le point de me faire sont les mêmes que ceux que tu voulais me confier à ton réveil ? je lui demande, en la fixant intensément dans le bleu azur de ses iris.

Je ne suis pas venu la voir pour régler des comptes avec elle, mais cette histoire prend des proportions énormes.

- Il m'a aussi laissé entendre que tu pourrais toi-même être en danger, j'ajoute.

Les larmes pointent dans les yeux de Stella. Elle se mordille la lèvre inférieure, se forçant à réprimer un sanglot, son regard se baladant dans la pièce déserte. Si tout cela n'était que pure invention, elle aurait déjà nié.

La jeune femme en face de moi saisit ma main entre ses doigts frêles.

- J'ai besoin que tu m'écoutes très attentivement, me dit-elle sur un ton on ne peut plus sérieux. Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. Celui qui risque vraiment quelque chose ici, c'est toi. Ils en ont... après toi.

Putain ! Je croirais entendre Ben. Bien que je restais assez dubitatif quant à sa méfiance surdimensionnée, ce que vient de m'annoncer Stella corrobore parfaitement ses propos. Le con !

- Surtout, ne va pas voir Ben, m'ordonne-t-elle. S'ils l'ont déjà dans sa ligne de mire, c'est trop tard pour lui. Et puis, s'ils apprennent qu'il va les trahir, il est déjà mort. Si tu veux savoir la vérité, je te la révèlerais moi-même.

J'écarquille les yeux d'effroi en entendant ces mots si durs employés par la voix si douce de Stella. La paranoïa de l'autre débile était donc justifiée. Il court vraiment un danger de mort ! Putain, mais dans quoi je me suis embarqué, là ?

- Qui en a après moi ? Ton frère ? C'est ce gringalet à mèche blonde qui effraie tant ce gros lourdaud de Ben ? Désolé, mais je n'arrive pas à y croire.

Stella ferme les yeux et secoue la tête. Des larmes silencieuse coulent sur ses joues. Bordel, mais pourquoi ils ne peuvent pas parler clairement ?

- C'est plus compliqué que tu ne le penses, sanglote-t-elle. Je t'en prie, fais ce que je te dis. Je ne supporterais pas que tu sois blessé ou... pire.

- Pire ? je m'insurge en me relevant, rompant le contact physique entre nos mains. Non, mais à quoi on joue, là ? C'est quoi, le problème de ton frère ? Et pourquoi il s'en prendrait à Ben ? Ou à moi ? Ou même à toi ? T'es sa sœur, merde !

Les larmes coulent à présent abondamment sur les joues de Stella. Je n'aime pas la voir comme ça, mais ses confessions me foutent sacrément la trouille ! Autant, je ne prenais pas trop l'autre au sérieux, mais j'aurais plus tendance à croire la jeune femme en pleurs devant moi.

- Hero... tu devrais faire tes valises, te barrer de GBH et retourner à Londres le plus rapidement possible, bafouille-t-elle, entrecoupée par des soubresauts, dus aux sanglots.

Et, voilà ! Elle me rejette encore une fois. Putain, ce cycle infernal n'aura jamais de fin ! Je souffle bruyamment et me frotte le visage. Tout ça n'est qu'un cauchemar, je ne vois que ça comme explication.

- Me barrer ? T'es sérieuse, là ? J'ai le tournage de mon film qui est sur le point de commencer et... nous ! T'en fais quoi, de nous ? je gronde. Bordel, tu veux tellement me dire la vérité, alors dis-là moi, à la fin !

Je me précipite vers elle et m'agenouille en agrippant les accoudoirs de son fauteuil. Elle a un geste de recul. Je dois ressembler à un fou et lui faire peur, mais je m'en balance. Je veux connaitre cette putain de vérité ! Y'a eu assez de rebondissements dans cette foutue histoire. C'est l'heure des révélations !

- "Nous" ? répète-t-elle, du regret dans la voix. J'aurais tellement aimé croire en ce "nous". Tu m'as redonné l'envie de me surpasser, Hero. Tu m'as redonné l'envie de reprendre ma vie en main, l'envie de vivre. L'envie d'aimer, aussi. Après mon accident, je n'avais plus goût à rien. Je pensais que ma vie ne valait plus le coup d'être vécue. Et tu as débarqué dans ma chambre, en "héros", justement et, tu m'as montré que toute l'amertume, la rancoeur, la haine que j'éprouvais me faisaient stagner dans cet état végétatif. Tu m'as redonné de l'espoir et... Tu es mon espoir, Hero.

Je ne suis pas un putain de "héros", comme elle semble le croire. Mais pourquoi semble-t-elle penser que "nous" sommes condamnés, que notre histoire qui vient à peine de commencer, atteint déjà sa date de péremption ?

- Stella, je murmure sur un ton adouci. Je suis heureux que tu ailles mieux, vraiment. Et c'est une bonne chose si j'y ai contribué mais... je dois savoir dans quoi Ben est mêlé, étant donné que j'en fais aussi partie, malgré moi, et toi aussi. Si tu me parles, on trouvera peut-être une solution à ce problème. Ensemble.

Je la regarde droit dans les yeux, pour lui montrer toute la sincérité de mes mots. Si je dois la mettre en confiance pour qu'elle me confie ce qu'elle a sur le cœur, alors je le ferais. Ce ne sera pas la première fois d'ailleurs... Je commence à savoir comment fonctionne Stella Atkins.

- Quand tu sauras... tu comprendras pourquoi je t'ai mis en garde aussi souvent, et pourquoi ton entêtement t'aura mené à ta perte, lance-t-elle froidement.

- Être avec toi est tout sauf une mauvaise décision, je réplique. Je savais ce que je faisais quand j'ai décidé de rester.

Stella secoue la tête, ses boucles blondes s'agitant au rythme de ses mouvements.

- Justement ! C'est là qu'est le problème... Tu ne savais pas ce que tu faisais en restant avec moi, rétorque-t-elle. J'ai voulu te repousser, maintes et maintes fois. J'ai refoulé ce que je commençais à ressentir pour toi pour te préserver. Mais tu revenais sans cesse à la charge et ta détermination, ou stupidité, a finalement eu raison de moi.

Elle pose sa main sur ma joue, que je m'empresse de recouvrir de la mienne avant qu'elle ne la retire.

- Tu vas me haïr, murmure-t-elle, une larme silencieuse roulant sur sa joue.

- Stella, peu importe ce que c'est, je ne pourrais jamais te détester. Ça, je peux te l'assurer. Parce que... parce que...

C'est pas comme ça que j'avais prévu de lui faire ma grande déclaration, mais tant pis ! Elle a besoin d'être rassurée, et je dois déployer les grands moyens pour qu'elle crache le morceau.

- ... je t'aime, Stella. Ça fait un moment que je voulais te le dire, mais je voulais que ce soit spécial. J'avais prévu de te faire part de mes sentiments lors de notre séjour à Londres, mais... je ne crois pas qu'un lieu ou un temps réfléchi soit plus approprié que la spontanéité. Donc... je t'aime.

Un sourire triste nait sur ses lèvres. Elle se penche vers moi pour presser ses lèvres sur les miennes. J'encadre son visage avec mes mains pour la rapprocher un peu plus. Comme la dernière fois, lorsqu'elle avait voulu me dire la vérité, je peux sentir le désespoir dans ce baiser. Comme si c'était notre ultime échange. J'espère seulement que nous n'allons pas être interrompus.

Lorsqu'elle s'éloigne de moi, le bleus de ses iris plongent dans mes yeux, collant son front au mien. 

- La frontière est si fine entre l'amour et la haine... chuchote-t-elle. Tu vas me détester, mais je préfère te savoir sain et sauf que...

Elle s'interrompt.

- Peut-être qu'on devrait aller dans ma chambre pour en discuter plus tranquillement...

J'acquiesce et je conduis Stella jusqu'à sa chambre. Un peu d'intimité ne nous fera pas de mal. Et puis, si ce qu'elle a à me dire est si important, il est préférable que des oreilles indiscrètes ne traînent pas dans les parages...


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