Assis dans le bus en route vers l'hôpital, mon regard se perd à travers l'immense vitre, ressassant les révélations que Kayla m'a faite. Freddie et elle ont tous les deux souffert de cette relation qui était plus toxique que romantique, au final. Mais, ce qu'elle m'a raconté sur le comportement de mon meilleur ami me laisse perplexe. Je n'arrive pas l'imaginer autrement que gentil et rempli d'amour. Rien ne m'a laissé penser le contraire, pour l'instant. Certes, la manière dont il a évoqué le futur mari de Kayla s'apparentait à de la jalousie. Et si... et si c'était plus que ça ?

Concernant le fiancé, cette bague qu'elle m'a montré, en parlant des gars qui avaient violé Freddie... serait-elle promise à l'un d'entre eux ? Clairement, elle est liée d'une certaine façon à leur groupe. Mais de là à en épouser un ?

Toutes ses interrogations me trottent dans la tête sans que j'y arrive à trouver un sens ou même un semblant de réponse. Heureusement pour moi, le fait de revoir Stella dans quelques minutes me remet du baume au cœur. Je vais pouvoir souffler quelques heures en sa compagnie, même si, côté drame, on n'est pas en reste de son côté.

Le long véhicule de transport en commun freine à l'arrêt et je descends. Serrant le sac dans lequel se trouve son cadeau, il me tarde de découvrir la réaction de Stella. J'espère qu'elle va l'aimer. Je cours pendant quelques minutes jusqu'à arriver devant l'entrée de l'hôpital. Après ce début de journée riche en émotions -- Freddie, Ben, Kayla -- il me tarde de revoir ma blonde préférée. J'ai l'impression que cela fait une éternité que je l'ai quittée. J'ai besoin de sa présence pour me rassurer. Je ne suis pas certain de ce que je suis en train de faire concernant tous les problèmes qui m'accablent. Elle seule pourra me dire si je me fourvoie.

Je m'arrête devant la porte de la chambre de Stella. Je tape trois coups pour m'annoncer mais, lorsque j'entre, la pièce est vide. Il ne m'a pas semblé la voir à l'extérieur, où même dans les pièces communes du bâtiment hospitalier. Où peut-elle bien être ?

S'il y avait eu un incident, ils auraient prévenu Gallagher, qui m'aurait ensuite fait part de la nouvelle. Donc, elle va bien. J'arpente les couloirs, sans but précis. J'espère la rencontrer au hasard d'un détour. Mais je ne croise que des membres du staff. Et si son con de frère l'avait faite sortir ? Elle aurait dû retourner à GoldenBay House, mais comme c'est un putain de maniaque du contrôle, il aurait pu tricher et trouver des arguments à son avantage. Rien que cette idée fait naitre une colère en moi.

J'interpelle une infirmière du service où se trouve Stella. Les hypothèses quant à son absence, combinées à mes problèmes déjà existants, n'arrange rien à ma patience quasi inexistante. La dame d'un certain âge consulte sa tablette. J'ai l'impression qu'elle met trois plombes à trouver le dossier de Stella. Franchement, les patients sont classés par ordre alphabétique. Et son nom de famille commence par un A. Il ne faut pas être Einstein pour trouver un nom... si ?

Après ce qui m'a paru une attente interminable, l'employée m'apprend que Stella se trouve dans le gymnase, dont elle m'indique la direction. Je la remercie avec un sourire un peu forcé avant de suivre ses directives.

Au gymnase ? Que fait Stella là-bas ? A moins qu'il y ait une piscine, mais ce serait surprenant. Au moins, elle est là, ce qui me soulage grandement. C'est bon signe qu'elle veuille faire du sport. Pas d'incident, pas de connard de frère à l'horizon... tout va bien. Elle va bien.

A grandes foulées, j'arrive devant la porte qui me confirme, avec son écriteau rouge que je suis au bon endroit. J'hésite quelques secondes avant d'y entrer, ne sachant pas à quoi m'attendre. Mais l'envie de la revoir est plus forte que tout et me pousse à franchir cette barrière qui me séparer de la jeune femme de mes rêves.

Une grande salle de sport s'étend devant mes yeux. Rien à voir avec le complexe sportif de luxe de GBH, cette pièce aux divers équipements sportifs offre tout de même pas mal de choix. Mes yeux se baladent à la recherche de la chevelure blonde de Stella. Lorsque je la repère, elle est dos à moi, en train d'avancer entre deux barres en bois auxquelles elle se tient fermement. Quelque chose a changé... mais quoi ?

Et c'est là que l'évidence me frappe. En baissant mon regard, je remarque une extension au niveau de sa jambe amputée. Une prothèse.

Oh ! Le rendez-vous... la surprise !

Aidée d'une infirmière, Stella avance difficilement en posant son pied artificiel sur le tapis bleu foncé. Son accompagnatrice l'encourage et la félicite de ses efforts et de ses progrès. Je croise les bras et la regarde évoluer. Ma petite battante s'accroche, même si ce doit être très difficile. Je suis tellement fier d'elle.

Lorsqu'elle se retourne et m'aperçoit, Stella pousse un cri de surprise avant de rougir et de sourire. Je m'avance doucement vers elle en l'applaudissant.

- Je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça, déplore-t-elle avec une moue faussement triste.

L'infirmière nous accorde quelques minutes en tête-à-tête en s'éclipsant. J'aide Stella à se rassoir dans son fauteuil. Elle est toute rouge et en sueur. Saisissant une petite bouteille d'eau, elle en boit plusieurs gorgées avant de reprendre son souffle.

- Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? je lui demande.

- Lorsque je venais de me réveiller de mon coma, tu m'as parlé d'un weekend, juste tout les deux. Je ne sais pas si tu disais ça sérieusement ou si c'était seulement pour m'apporter du réconfort mais, à partir de là, j'ai décidé de reprendre ma vie en main. Je ne veux plus dépendre de qui que ce soit, physiquement. J'en ai donc parlé aux docteurs, qui m'ont orienté vers un prothésiste et... voilà ! me répond-elle en montrant le mollet en plastique attaché à son genou.

Je m'agenouille devant elle et prends ses mains dans les miennes, en plongeant mon regard dans ses iris bleus qui m'ont tellement manqué.

- Premièrement, j'ai toujours dans l'idée de te kidnapper d'ici et de t'emmener quelque part, sache-le, je lui assure avec un sourire en coin. Et deuxièmement, je suis admiratif de ta combativité et de ta détermination. D'ailleurs, pour récompenser tes efforts...

Je lui tends alors le sac avec l'écharpe à l'intérieur. Elle le prend et me regarde avec suspicion. Elle ne tarde pas à fouiller dedans et à en extraire le tissu bariolé des couleurs de mon pays natal.

- Oh, Hero ! Je l'adore, s'exclame-t-elle avant de se baisser vers moi et de planter un doux baiser sur mes lèvres.

Je suis si heureux de l'entendre dire ça. Et soulagé aussi. Je ne suis pas doué pour faire des cadeaux et, encore moins à des femmes. En décollant sa bouche de la mienne, elle s'empresse de passé le foulard autour de son cou en arborant un air fier.

- De quoi j'ai l'air ? demande-t-elle en arquant un sourcil interrogateur, sans se départir de son sourire.

- La Grande-Bretagne te va bien au teint, je lui réponds sans détacher mon regard du sien.

Elle semble amusée par ma réponse et essaie d'imiter un accent anglais proche de la catastrophe, ce qui provoque notre hilarité.

- Merci, dit-elle en retrouvant son sérieux. Et puisque tu comptes toujours me faire voyager, pourrais-je au moins connaitre la destination ?

- Je crois que tu as la réponse autour du cou...

Réalisant que je l'emmène en Angleterre, sa bouche s'ouvre en grand avant de se muer en un immense sourire. Elle se penche vers moi et enroule ses bras autour de mes épaules.

- Oh, mon dieu ! Je n'en reviens pas !

Son excitation est palpable. Je ne pourrais pas être plus heureux qu'en ce moment. Alors que je savoure la sensation de retrouver Stella dans mes bras, je sens mon portable vibrer dans ma poche arrière. Sans motivation, je mets fin à notre étreinte pour découvrir que Ben m'a envoyé un message :

"Argent bien reçu. Retrouve-moi sur le toit de GBH à neuf heures ce soir. Tu sauras tout."

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