Chapitre 72
Mes yeux papillonnent lorsque la clarté du jour entre dans la chambre. J'ai très mal au cou et au dos. Mes jambes, recourbées une bonne partie de la nuit, craquent lorsque je les allonge. En étirant mon corps endolori, j'esquisse une grimace de douleur. Dormir sur un fauteuil n'est vraiment pas la meilleure des idées mais, pour veiller Freddie, je n'avais pas le choix. Et je le referai sans hésitation.
Je me redresse, malgré la souffrance physique et me penche sur le lit de mon ami. Je remarque qu'il dort profondément. Un léger ronflement sort de ses lèvres pulpeuses. Ses yeux s'agitent un peu sous ses paupières closes. Je suis soulagé de le voir aussi paisible et j'espère qu'il tournera rapidement la page Kayla. Il doit passer à autre chose et je serais là pour l'y aider.
Rassuré par son état, je me dirige vers son bureau et lui laisse un mot pour l'avertir que je serais au réfectoire pour prendre le petit-déjeuner. En mentionnant le repas qui m'attend, mon estomac se met à gargouiller bruyamment.
Je descends les marches quatre à quatre pour atteindre la salle du petit-déjeuner, d'où une délicieuse odeur de bacon et des effluves de café s'échappent. Je me sens bien, pour la première fois depuis longtemps. Je suis tellement heureux que Freddie m'ait pardonné, que les choses se soient arrangées avec Jade, et Stella... Rien qu'en pensant à elle, je sens mes lèvres se tendre en un immense sourire. Je pense d'ailleurs aller la revoir certainement demain. Maintenant qu'il n'y a plus aucun secret -- de mon côté -- je dois aussi penser à me consacrer aux derniers jours de mon immersion. Et le tournage commencera sous peu...
Je n'arrive pas à croire que tout aille bien dans ma vie. Aucun problème pour me pourrir la journée. Pourvu que ça dure...
Je me dirige tranquillement vers la cantine lorsqu'une main agrippe mon bras et m'attire dans un recoin du rez-de-chaussée. En m'arrêtant, je remarque qu'il s'agit de Ben. Les vaisseaux sanguins de ses yeux sont complètement éclatés, d'énormes cernes les soulignent, ses cheveux sont gras et décoiffés, sa barbe n'est pas du tout entretenue et il semble porter sa tenue depuis plusieurs jours. Une odeur nauséabonde se dégage de lui. Mon appétit est définitivement coupé.
- C'était trop beau pour être vrai, je marmonne en levant les yeux au ciel.
- T'as mon pognon ? me demande-t-il, pressé.
Dès qu'il ouvre la bouche, son haleine fétide me fait reculer d'un pas. Quand a-t-il mangé pour la dernière fois ? S'est-il seulement contenté de boire ? Et pourquoi je m'en inquiète ? Il semble sur le qui-vive, comme la dernière fois.
- Tu crois vraiment que j'ai quatre-vingt mille dollars sur moi ? je m'énerve.
Constatant qu'il n'est pas bien du tout -- manque de sommeil, paranoïa -- je décide de baisser d'un ton.
- Je peux te faire un virement dans la journée, je me reprends. Mais n'oublie pas ta part du marché.
- Dès que j'ai l'argent, je t'envoie l'adresse du point de rendez-vous, et je te dirais tout ce que tu voudras savoir.
Je soupire. J'espère vraiment que je ne suis pas en train de me faire avoir mais, n'ayant pas d'autre choix que de le prendre au pied de la lettre, j'acquiesce. L'infirmier s'approche un peu plus de moi, et je me retrouve dos au mur. La tête baissée, il commence à marmonner.
- J'aurais besoin que tu me rendes un autre service.
J'éclate de rire. Franchement, elle est bonne, celle-là ! Je lui cède une importante somme d'argent pour "sauver sa vie" -- le faire disparaitre de la nôtre -- et je dois encore accéder à une de ses faveurs. Il n'a vraiment peur de rien !
- Euh, non, je ne crois pas, je pouffe.
Je le contourne, mais il plaque ses mains sur mes épaules et m'adosse avec brutalité contre le mur. Mes rires s'arrêtent lorsque je remarque son air menaçant.
- Tu ne sais pas à quel point cette situation est dangereuse, mec.
Sa voix est basse et son regard me glace le sang. Il ne plaisante pas. Mais de quelle situation parle-t-il ?
- Dis-le moi, alors !
Il secoue la tête.
- L'argent, d'abord. Et cet autre service. Après, je te promets que je te foutrais la paix pour toujours.
Je soupire d'exaspération une nouvelle fois. Je n'arrive pas à croire qu'il réussisse à avoir l'ascendant sur moi, alors qu'il est dans cette position délicate.
- C'est quoi, ton service ?
- Amène-moi voir Stella. Juste une dernière fois.
Sa voix est suppliante, tout comme son regard. J'ai presque pitié de lui. Il y a beaucoup de choses que je peux accepter, comme donner une somme mirobolante à cet individu méprisable, mais la simple pensée qu'il puisse s'approcher de Stella me fait sortir de mes gonds.
- Hors de question, je fulmine. Je te donnerais même plus d'argent s'il le faut, mais Stella, tu ne t'en approcheras plus.
- C'est mon amie, insiste-t-il.
- Peut-être dans une autre vie, mais ce n'est plus le cas, je rétorque. Je ne peux pas te laisser la voir.
Il enlève ses sales pattes de mes épaules, hoche la tête en reniflant. Il semble vraiment tenir à elle, mais je ne peux pas prendre le risque de le mettre en contact avec elle. S'il est réellement en danger comme il le prétend, il pourrait l'entrainer dans sa chute, même sans le vouloir.
- Tu pourras au moins lui transmettre un message de ma part ?
Même si ça me fait chier, j'accepte et lui demande de me communiquer la teneur du message.
- Dis-lui seulement qu'elle va me manquer et demande-lui si tout ça en valait vraiment la peine.
La dernière partie de son message reste énigmatique. Pourquoi devrais-je lui demander une telle chose à Stella ? Est-ce en rapport avec son secret, cette vérité qu'elle voulait absolument que je sache ? Avec toute cette histoire ?
Il recule et sors de la poche de son jogging noir un bout de papier avec des chiffres mal écrits dessus.
Son numéro de compte.
Ben se dirige vers la sortie de l'institut. Il revêt la capuche de son sweatshirt gris crasseux. avant de passer la porte de l'établissement, il se retourne vers moi :
- Je veux l'argent aujourd'hui et tu sauras tout ce soir.
J'acquiesce d'un bref signe de tête et le regarde s'éloigner. Je remonte dans ma chambre rapidement, passe un coup de fil à mon banquier, prétextant une excuse débile pour ce transfert d'argent avant de raccrocher. J'espère vraiment qu'il tiendra parole et que je saurais le fin mot de cette histoire.
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