Chapitre 5

Gibson McMillan ? C'est une blague...

Je tourne vivement la tête vers ma sœur. Je lui fais perdre son sourire lorsque je l'assassine du regard. Le jeune homme, à côté d'elle, semble très mal à l'aise. Je fais reculer la chaise sur le carrelage et quitte la table. Je me dirige vers l'arrière-cour. Personne ne proteste dans la salle à manger. J'entends Mercy m'appeler, mais je ne me retourne pas.  Je suis tellement furieux après elle qu'elle ferait mieux de ne pas me provoquer.

L'air frais londonien me fouette le visage et je dois avouer que ça me fait du bien. Les pas précipités de Mercy se rapproche et elle s'arrête, laissant une certaine distance entre nous.

- Hero, murmure-t-elle.

- Tais-toi, franchement, ne prononce pas un mot de plus, je l'avertis sans me retourner vers elle.

Elle soupire et fait demi-tour. Je sors une cigarette du paquet se trouvant dans la poche de mon jean et l'allume pour me calmer les nerfs. La fumée blanche se disperse instantanément dans les airs lorsque je la recrache. Je n'arrive pas à croire qu'elle ait fait ça. A croire que personne ne tient compte de ce que je dit ! Et d'ailleurs, comment a-t-elle pu le contacter ?

Une silhouette masculine prend place à côté de moi, en silence. En tournant la tête, je remarque mon père, le regard rivé vers le lointain. Il reste silencieux. Son visage est impassible. S'il pense que je vais rompre le silence, il se trompe.

Il fait quelques pas devant moi et s'installe sur une des chaises de jardin. Il m'invite, d'un geste de la main, à en faire autant. Toujours sans rien dire, je prends place à côté de lui, autour de la table ronde.

- Qu'est-ce qui se passe, Hero ? me demande-t-il, inquiet, en fixant le bois de la table.

- Je vais tordre le cou de Mercy ! je râle. Franchement, parfois, elle me tape sur le système ! Elle a osé contacter ce mec, alors que...

- Pourquoi l'a-t-elle fait, d'après toi ? me coupe-t-il, le ton toujours aussi calme.

- Parce que... Parce qu'elle n'écoute jamais rien de ce qu'on lui dit ! j'explose. Elle aurait déjà dû comprendre la dernière fois que...

Je m'interromps. Mes pensées vont trop vite et les mots ne sortent pas assez rapidement de ma bouche.

- Elle a passé la semaine à parler avec ce jeune scénariste et nous avons pensé qu'il serait préférable que tu le rencontres, entouré des tiens, m'explique-t-il en levant ses yeux bleus vers moi.

J'écarquille les miens, surpris par cette révélation.

- Quoi ? Alors, si je comprends bien... vous êtes tous de mèche ? je m'insurge.

Je me lève, outré. Je jette le reste de ma cigarette dans l'herbe avant de rentrer dans la maison. Mon père me suit de près, m'ordonnant de m'arrêter. Avant d'atteindre la salle à manger, il m'attrape par le bras et arrête ma course effrénée.

- Écoute, je comprends que tu te sentes trahi, mais si nous faisons ça, c'est parce que nous savons que tu n'es pas heureux. Depuis tout petit, tu rêves de faire du cinéma alors, je ne comprends pas pourquoi tu t'acharnes à rester ici, à exercer un métier que tu n'aimes pas. Tu as l'occasion de ressaisir ta chance et tu la laisses filer ? Pourquoi, fils ? Pourquoi ?

- Parce que c'est ce que je mérite ! je m'écrie, les yeux remplis de larmes. J'ai merdé et bien comme il faut. J'ai ruiné la vie d'une fille qui n'avait rien demandé parce que je pensais que je pouvais faire tout et n'importe quoi, sans me soucier de ce qui pourrait arriver. Je pensais avoir le monde à mes pieds et il me suffisait de claquer des doigts pour avoir ce que je voulais.  Alors, maintenant, et pour la dernière fois, si vous pouviez tous arrêter de me faire chier avec ça, je vous en serais grandement reconnaissant.

Je venais de vider mon sac. Je n'avais pas prévu de tout déballer comme ça, mais ça me pesait depuis trop longtemps sur la conscience. Mon père finit par me lâcher le bras et hoche la tête. Je m'engouffre dans la salle à manger. Ma mère, mon frère et ma sœur me regardent sans rien dire, alors que je leur passe devant. Je m'arrête devant le porte-manteau pour prendre ma veste et sort de cette foutue baraque.

Je suis de retour dans l'appartement. Je me laisse tomber sur le canapé, ma veste toujours sur les épaules. Je soupire bruyamment. Je suis encore sous le choc de ce qui vient de se passer. Je ne sais vraiment pas quoi faire...

J'enlève finalement ma veste. Marcher dans les rues de Londres, même quand il fait froid, vous réchauffe plus vite que vous ne le pensez, surtout en étant énervé. Je vais à la cuisine me servir une bière. J'espère que cette fois-ci, le message sera passé.

Quelques minutes plus tard, la sonnette de la porte d'entrée retentit. Je souffle, n'ayant pas la tête à recevoir de la visite. Ce devait certainement être ma sœur, ou ma mère ou peut-être même toute la famille...  Je voulais seulement rester seul.

Le bruit strident résonne une seconde fois. Ça commence à me taper sur les nerfs. Puis une troisième fois. Cette fois, je me lève pour aller ouvrir. S'ils pensent m'avoir à l'usure... J'ouvre la porte en grand, prêt à exploser, mais je suis arrêter en voyant Gibson McMillan sur le pas de ma porte. Il est penaud et n'en mène vraiment pas large.

- Génial, je souffle, en levant les yeux au ciel.

- Je suis désolé de vous déranger. Votre famille m'a donné votre adresse...

- Ça ne m'étonne pas, je râle, lui coupant la parole et en hochant la tête.

- Votre... votre sœur m'a envoyé plusieurs mails et m'a dit que vous seriez... éventuellement... intéressé...

Il choisissait précautionneusement ses mots. Sa voix se fait de plus en plus aigüe. Sa tête se tasse entre ses épaules au fur et à mesure qu'il continue sa phrase. Peut-être est-il en train de se rendre compte que Mercy lui a servi un tissu de mensonges pour l'attirer ici. Je décide de mettre fin à son calvaire.

- Je suis désolé si ma sœur vous a raconté des bobards. Elle a une fâcheuse tendance à se mêler de ce qui ne la regarde pas... Je vous remercie d'avoir pensé à moi pour... ce rôle, mais... je ne peux pas.

Non. Je ne peux  pas. Pour des raisons qui dépasse l'entendement et la compréhension des autres. Le scénariste m'adresse un sourire pincé.

- Je comprends... C'est vraiment dommage, déplore-t-il. Ça aurait pu être sympa... En tout cas, merci de m'avoir accordé un peu de votre temps.

Il me tend la main, que je me résigne à serrer. Je me sens un peu coupable de le renvoyer de la sorte. Il a fait tout ce trajet pour rien.

- Ça vous dirait de boire une bière ? je lui demande.

Il semble un peu surpris par ma proposition, mais l'accepte avec un grand sourire.


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