Chapitre 45
Ben se redresse et s'avance vers nous. Je le fusille du regard. Le voir fouler le sol de mon espace privé me donne la nausée.
- Ne sont-ils pas mignons ? nous nargue-t-il, arborant toujours ce sourire mauvais.
- Ben, va-t-en ! lui ordonne Stella, le regard noir.
L'infirmier pose son regard mesquin sur moi. Je plisse les yeux, la colère montant en moi.
- Pourquoi ? Moi aussi, j'ai envie d'entendre ce que tu as à lui dire, rétorque-t-il, la voix pleine de défi.
Je fais glisser Stella de mes genoux sur le lit et me lève pour faire face à l'intrus. Il s'approche de moi et soutient mon regard.
- Je crois qu'elle t'a dit de dégager, je lance sur un ton plus qu'hostile.
- J'irais nulle part. Contrairement à toi, je ne me laisse pas mener par le bout de ma bite par une gonzesse, ricane-t-il.
Il ne m'impressionne pas. Certes, il est assez bien bâti et pourrait en décourager plus d'un, mais pas moi. J'ai une envie folle de lui écraser sa sale gueule contre le mur et de repeindre la chambre avec son sang. Mes poings sont contractés et un peu douloureux, résultat de la séance intensive de boxe. Il cherche clairement à me provoquer. Je dois me retenir et ne pas lui donner ce qu'il veut : céder à mes pulsions bagarreuses.
- En même temps, aucune femme un tant soit peu intelligente ne voudrait de toi, je réplique.
- Oh, l'ami, tu es tellement dans ta bulle que tu ne vois même pas ce qui se passe juste sous tes yeux, lance-t-il, en reportant son attention sur Stella.
Ce n'est pas la première fois qu'il fait une allusion de ce genre. Je suis conscient qu'il sait des choses, qu'il est mêlé de près ou de loin à une sorte de conspiration, qu'il est lié à Stella d'une certaine façon, mais je ne veux rien entendre de sa bouche.
- Ben, fous le camp d'ici ! répète Stella, la voix tremblante de colère.
L'infirmier ne relève même pas et se contente de me toiser. Je le détestais, avant. Maintenant, je le hais.
- A croire que Stella n'est pas aussi intelligente que tu le penses, ajoute-t-il, étirant la grimace qui lui sert de sourire.
Cette fois-ci, c'est lui qui marque un point. Il a l'air très satisfait de sa répartie et lâche un ricanement qui me glace le sang. Je ne vais pas le laisser me déstabiliser. Je sais que tout ce qui sort de sa bouche n'est que venin.
- Tu mens, je souffle.
Il arque un sourcil interrogateur tout en reportant son regard vers Stella. Je me retourne alors vers elle et je suis surpris de la voir arborer un masque de culpabilité. Elle se tient au bord du lit, la tête baissée. Une immense douleur envahit ma poitrine. Non... je ne peux pas croire que ce soit la vérité.
- Est-ce que... c'est vrai ? je m'étrangle.
Stella relève la tête vers moi.
- On est sorti ensemble, mais c'est terminé aujourd'hui, lâche-t-elle, la voix tremblante. C'était juste après mon amputation, j'étais au plus mal et... il était là...
- Oh, soupire Ben en levant les yeux au ciel. Tu aurais pu le dire de manière plus romantique...
- Il n'y avait rien de romantique, crache-t-elle en plissant les yeux. C'était juste du sexe, rien de plus.
- Wouuh ! Et quel pied ! s'exclame-t-il en tapant des mains... Si tu savais ce qu'elle est capable de faire... même avec une moitié de jambe...
Cette dernière réflexion est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. La colère s'empare soudainement de moi et j'empoigne Ben par le col de sa blouse rouge, le poussant jusqu'à la porte. Mais il saisit mes poignets qu'il n'a aucun mal à retirer de son habit de travail. Il a quand même une sacrée force, le con !
- Relax, mec...
Il me bouscule l'épaule et entre de nouveau dans ma chambre, loin d'être vexé ou impressionné par ma tentative lamentable de le jeter d'ici. Il va s'asseoir à côté de Stella et passe son bras au-dessus de ses épaules pour l'attirer vers lui.
- Ne la touche pas ! je m'écrie.
Cette vue me donne envie de gerber. Mais, dans un sens, rend les paroles de mon ennemi plus concrètes. Je suis encore sous le choc de cette nouvelle. Même si elle était au plus bas moralement, comment a-t-elle pu considérer ce... monstre autrement que... quoi ? Qu'étaient-ils avant ça, l'un pour l'autre ? Je n'arrive pas à finir ma pensée tellement cette idée me débecte.
- Est-ce que tu lui as dit la bonne nouvelle ? demande-t-il à Stella, sans la lâcher.
Elle semble aussi mal à l'aise et dégoûtée que je le suis. Elle essaie de le repousser, sans succès. Mais de quoi parle-t-il encore ? J'en ai plus que marre de ce manège. Quand est-ce que ça va prendre fin ?
Je regarde Stella, qui semble se renfermer sur elle-même. C'est un jeu pervers pour lui. Il prend plaisir à nous tourmenter.
- J'en déduis que non, sinon Prince Charmant ici présent ne te défendrait pas becs et ongles ! ricane-t-il.
Il enlève -- enfin -- son bras des épaules de Stella et se relève pour me faire de nouveau face. Je suis vraiment à deux doigts de lui projeter un uppercut si puissant qu'il va perdre quelques dents.
- Stella a décidé de quitter GoldenBay House, annonce-t-il en levant les épaules. Et avant que tu ne remettes mes paroles en doute, je le tiens de son frère qui m'a téléphoné pour me prévenir...
Je m'attendais à tout, sauf à ça. Stella veut quitter l'institut ? J'ignore quelle nouvelle est la plus choquante, mais je suis totalement déboussolé. Depuis le début, j'étais persuadé que je serais celui qui quitterait l'établissement psychiatrique en premier, étant donné la raison de mon séjour. Jamais je n'aurais pensé que Stella puisse décider de déserter. Surtout après cette nuit...
- Je vais vous laisser, les tourtereaux. Je crois que vous avez pas mal de choses à vous dire...
Ben quitte ma chambre, la laissant en plein chaos après son passage, telle une tornade. Même si l'envie de lui coller une baigne me démange, je suis paralysé, incapable de bouger. Je me contente de regarder Stella. Je savais qu'elle était imprévisible et cette facette d'elle m'intriguait beaucoup. Mais, comme toute personne saine d'esprit -- le suis-je encore ? -- j'ai un certain niveau de tolérance, et je pense avoir atteint la limite.
Je me retourne vers Stella, encore une fois. Je ne sais plus quoi penser d'elle. Je suis complètement perdu.
- Tu veux vraiment partir ? je lui demande, les larmes aux yeux.
Elle ferme les yeux, comme pour éviter de voir la peine qu'elle m'inflige, avant de lâcher dans un souffle :
- Oui.
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