Chapitre 43 (Bonus - Stella)

L'infirmière me pousse à travers les couloirs de l'institut, que je ne connais que trop bien. Depuis un peu plus de six mois que je suis résidente à GoldenBay House, je suis habituée à cette routine "pour m'aider à me rétablir". En plus du traitement qui m'embrume l'esprit, je suis obligée de subir ces entretiens une fois par semaine avec le docteur Graham. Je l'aime bien, il est gentil, mais il ne pourra pas m'aider. Pourquoi ? Parce qu'il ne connait pas la vraie raison de ma présence ici. Tout comme le docteur Gallagher.

Lorsque j'ai appris que ma jambe ne pourrait pas être sauvée, j'en ai voulu au monde entier. J'ai coupé les ponts avec mes deux meilleures amies, Kat et Lily. J'avais même interdit à mes parents de me rendre visite. Je ne voulais que personne me voit dans cet état. Seul mon frère, Steve, véritable tête brûlée, m'a convaincu de le laisser être à mes côtés. Pour lui, je ne devais pas rester seule. J'étais totalement dévastée. Pourquoi cela m'arrivait-il à moi ? Qu'avais-je fait pour mériter ça ?

Nous approchons du bureau du docteur Graham. J'avais accepté les séances individuelles et refusé catégoriquement les thérapies de groupe. Je n'en avais pas besoin. Je dois avouer que ce médecin savait bien écouter et mettre les patients en confiance. J'aimais bien parler avec lui, dans la limite de ce que je souhaitais lui révéler.

La porte s'ouvre et le charmant docteur me gratifie d'un magnifique sourire en m'invitant à entrer. Il est grand, des cheveux bruns coiffés en bataille, de sublimes yeux verts et un sourire des plus craquants. Sa blouse blanche laisse entrevoir une musculature bien travaillée. Je dois bien avouer que ces séances en tête à tête n'étaient pas pour me déplaire. Jusqu'à récemment... 

Il prend place en face de moi, sur son fauteuil. Sur la petite table à côté de lui, il attrape mon dossier et l'ouvre afin de passer en revue les notes qu'il avait prises lors de notre dernière entrevue.

- Alors, Stella... Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? me demande-t-il, sa voix rauque emplissant la grande pièce.

- Bien, je lui réponds, les mains croisées sur mes genoux. Ma semaine s'est plutôt bien déroulée. Il n'y a pas eu de bas.

- Je constate même que vous vous mêlez de plus en plus aux autres, remarque-t-il avec un léger sourire. C'est un beau progrès.

- J'ai participé à quelques ateliers, je rectifie. De là à dire que je me mêle aux autres...

- Ne diminuez pas les efforts que vous faites, dit-il en fronçant les sourcils. Participer à ces ateliers est déjà un grand pas en soi, même si vous n'y allez pas souvent. Le simple fait que vous vouliez y prendre part est déjà quelque chose d'important. J'ai également remarqué que vous étiez proche de Mr. Bennett...

A ce moment-là, je ne peux réprimer un sourire. Je me rappelle de notre fugue marine de cette nuit et de notre baiser. Par contre, au petit-déjeuner, j'ai trouvé son attitude très différente. Presque distante. Et toutes ses questions qu'il me posait...

- Je ne connais pas la nature exacte de votre relation, mais il ne veut que le meilleur pour vous, m'avoue-t-il. Je n'ai jamais vu ça avec un autre patient.

- Comment pouvez-vous être sûr de ça ? je lui demande. Comment pouvez-vous deviner les intentions des gens, qu'elles soient bonnes ou mauvaises ?

- En discutant avec eux, en général. Je suis psychologue, mademoiselle Atkins. C'est un peu mon travail, d'évaluer la mentalité et l'état d'esprit des patients. Si cela peut vous rassurer, je ne pense pas que Mr. Bennett vous veuille du mal, répond-il de manière perplexe, en plissant son œil droit.

- Savez-vous ce qu'il a fait, par le passé ? je lui demande.  

- Je ne suis pas libre de discuter du cas de Mr. Bennett avec vous, m'apprend-il.

- Mais son passé ne m'intéresse pas le moins du monde. Celui de Mr. Fiennes-Tiffin, par contre...

Mon interlocuteur écarquille les yeux, tout en se redressant dans son fauteuil. Il referme mon dossier qu'il pose sur la table à côté de lui et essaie de reprendre une expression neutre.

- Il me l'a dit de lui-même, je lance, avant qu'il ne me pose la question. Je sais qu'il n'était pas supposé révéler son identité à qui que ce soit, ici. Tout ce que je dis reste entre nous, n'est-ce pas ? La close de confidentialité du patient, c'est ça ?

Il acquiesce d'un signe de la tête.

- Pensez-vous qu'une bonne action peut en effacer une mauvaise ? je lui demande.

- Je ne crois pas que nous puissions être définis par nos agissements. On peut prendre des mauvaises décisions sans être forcément mauvais. Tout est une question d'intention. C'est tout un concours de circonstances qui fait que nous sommes amenés parfois à faire des choix qui sont en complète contradiction avec qui nous sommes intérieurement.

- Hero m'a révélé avoir causé un accident assez grave, par le passé... et il le regrette. Mais... je ne sais pas...

Le docteur Graham me dévisage, ne sachant pas où je veux en venir.

- Ce que je veux dire, c'est que... je peux m'identifier à cette pauvre fille qu'il a percutée. J'ai... vécu quelque chose de similaire donc...

- Vous ne m'avez jamais confié la cause de votre blessure, souligne-t-il.

C'est à mon tour d'écarquiller les yeux. J'ai toujours refusé de répondre à cette question.

- Peu importe le pourquoi du comment. Ça ne change rien au résultat, maugrée-je.

- Je ne comprends pas où vous voulez en venir, mademoiselle Atkins, lâche-t-il, déconcerté.

- Je vais vous poser une dernière question et je veux que vous y répondiez en toute honnêteté : pensez-vous que Hero Fiennes-Tiffin est devenue une bonne personne ?

Graham recule sur son siège, en me jaugeant. Il garde le silence pendant quelques secondes, sans cesser de me fixer.

- Pourquoi ai-je l'impression que ma réponse jouera considérablement sur les évènements à venir ?

Je secoue la tête.

- Contentez-vous de répondre, doc.

- Les gens peuvent commettre des erreurs, commence-t-il, sans savoir comment les gérer après. Je pense, du peu que je connais de cette affaire, qu'il essaie peut-être de se racheter à travers vous, quelque chose qu'il n'a pas pu faire avec la victime de l'accident. Pour moi, il est une bonne personne et je ne pense pas qu'il en est été autrement avant. J'ai vu la manière dont il s'occupait de Freddie et de vous et une mauvaise personne ne prendrait pas le temps de se soucier du bien-être des autres. Et, lorsqu'il est avec vous, en particulier, cela va bien au-delà d'un simple souci de bien-être...

Je suis bouleversée par sa réponse. Je décide d'abréger notre entretien pour regagner ma chambre, prétextant que je ne me sens pas bien. Une fois seule, je décroche le combiné de mon téléphone et compose un numéro.

Une sonnerie...

Deuxième sonnerie...

Troisième sonnerie...

Je finis par tomber sur le répondeur. Après le long message d'annonce qui me fait lever les yeux au ciel, le bip se fait entendre, me donnant le signal pour parler :

- Steve, c'est moi... C'était pour te dire que je veux quitter GoldenBay House...


******

Petite note de moi : Alors, aujourd'hui, j'ai décidé d'introduire le point de vue de Stella. J'espère que ce petit voyage dans sa tête vous aura plu et qu'il vous aura apporté quelques réponses, ou affirmer/réfuter des théories. Je ne sais pas encore si d'autres chapitres seront centrés sur d'autres personnages de leur point de vue... J'ai envie d'en faire un du point de vue de Freddie, mais pas pour tout de suite. Qu'en pensez-vous ?

Dès demain, nous retournerons voir Hero !


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