Chapitre 28
Une semaine a passé depuis la crise de Freddie. Quelques jours plus tard, il était autorisé à sortir et à rejoindre le reste des résidents. Évidemment, sa réintégration s'est faite progressivement. Le docteur Gallagher m'a expressément demandé de garder un œil sur lui, tâche que j'étais ravi d'accomplir. Les premiers jours, nous les passions ensemble, en général dans sa chambre, parfois à discuter de tout de rien, ou seulement à rester assis, dans le silence le plus total. Freddie m'avait confié qu'il avait peur que l'histoire qu'il m'avait révélé puisse changer la façon dont je pouvais le voir. Je l'ai immédiatement rassuré en lui disant que ce n'était pas le cas et qu'il pouvait compter sur moi. A partir de ce moment-là, Freddie est redevenu petit à petit le garçon qui s'émerveillait pour un rien, et j'adorais le voir dans cet état d'esprit, comme si son insouciance lui avait été rendue.
On passait nos après-midi libres à travailler sur l'herbier. Clairement, ce n'était pas mon activité favorite, mais ça comptait au yeux de mon ami. Nous nous étions attelés à faire sécher son bouquet avant d'en sélectionner les plus belles pièces et les intégrer à l'œuvre de Freddie. Il avait une idée différente pour son projet : alors que les autres s'acharnaient à le réaliser en format traditionnel, Freddie, lui, a eu une idée plus brillante : l'intégrer à une toile. Il avait déjà tout en tête. Lui s'occuperait de la partie peinture, tandis que je serais préposé aux fleurs. Ce petit arrangement m'enchantait. C'était agréable de le voir se concentrer sur un objectif. Gagner ce concours était essentiel pour lui et, après les ennuis que je lui avais attiré, il était de mon devoir de l'aider à atteindre ce but.
Alors que nous étions concentrés sur notre œuvre, une infirmière entre dans la salle et pose sa main sur mon épaule pour me signifier sa présence.
- Brody, vous avez de la visite, m'informe-t-elle.
Je relève la tête, surpris. De la visite ? Qui pourrait venir me voir. Je regarde Freddie, dubitatif. Je ne veux pas le laisser seul.
- Vas-y, me dit-il.
Je me lève et décide de suivre l'infirmière. Une salle spéciale pour les visites familiales a été aménagée vers l'entrée de l'institut. Je l'avais brièvement vu le jour de mon arrivée. C'était une salle avec des tables rondes et des chaises autour. Rien de spécial.
Nous traversons une partie du rez-de-chaussée pour atteindre cette partie du bâtiment. Un infirmier se trouve à côté de la porte. Il se positionne devant moi pour me fouiller. Je sais que cela fait partie du protocole, pour être sûr que je ne vais pas mettre en danger la vie des personnes se trouvant dans cette salle. Il faut maintenir les apparences aux yeux des autres résidents, donc je me plie à la règle. Une fois le contrôle passé, il ouvre la porte et j'entre dans la salle. Une immense sourire étire mes lèvres lorsque j'aperçois Jade, assise seule dans la pièce complètement vide. Je me précipite vers elle et la prend dans mes bras. Je suis tellement heureux de voir un visage familier. J'enfouis ma tête dans son cou et la fait tourner dans les airs. Elle pousse un petit cri de surprise avant de se mettre à rire. Je finis par la reposer.
- Eh bien ! On peut dire que je t'ai manqué ! s'exclame-t-elle en remettant ses vêtements en place.
- Et encore, tu es loin de la vérité ! je finis par répondre, en m'asseyant en face d'elle.
Et c'est à ce moment que je remarque son visage. Un énorme hématome violacé s'étend de sa tempe jusque sous son œil encore enflé. Son poignet est plâtré. Je me rappelle alors les blessures dont elle a été victime dans la prison. Beaucoup de choses se sont passés depuis et je n'ai même pas eu l'occasion d'aller la voir, alors que je lui avais dit que j'irais. Je m'en veux.
- Je suis désolé, dis-je. Je suis vraiment le pire des amis. Je t'avais dit que je viendrais te voir et...
- ... tu n'as pas pu, m'interrompt-elle. Alors c'est moi qui suis venue à toi !
Elle effectue un geste théâtral avec ses bras, ce qui m'arrache un sourire. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter son amitié. Sa présence me remonte le moral.
- Et, je constate que j'ai bien fait de venir... Tu as vraiment une sale tête, Hero, constate-t-elle, un air inquiet sur le visage.
- Pas pire que la tienne, je la nargue avec un sourire en coin.
Elle lève les yeux au ciel avant de se mettre à rire. L'entendre m'appeler par mon vrai prénom me fait un bien fou. J'ai de nouveau l'impression d'être moi-même.
- Raconte-moi, me dit-elle, en s'accouant sur la table pour tenir sa tête.
Vider mon sac ne peut qu'être bénéfique. Depuis que je l'avais eu au téléphone, tellement de choses s'étaient passées. Je lui parle encore de Freddie, sans mentionner son séjour dans l'aile médicale, qu'elle trouve de plus en plus charmant. Je lui conte mon entrevue musclée avec Ben, et les remontrances de Gibson sur mon comportement.
- Et tout ça, en une journée seulement ? s'étonne mon amie à la bouche grande ouverte.
- Oui. C'est vraiment une maison de fou, littéralement ! A côté, la prison a dû être une partie de plaisir, je plaisante.
- Je ne dirais pas ça, mais après l'incident, Gibson m'a autorisé à prendre quelques jours pour récupérer. J'y retourne demain.
- Ah ! Je croyais que tu avais déjà repris ton investigation, je fais.
- Disons que je ne suis pas excitée à l'idée de me retrouvez nez à nez avec ces gentes dames, annonce-t-elle en se redressant.
- En parlant de Gibson, je n'ai eu aucune nouvelle de lui depuis sa venue, je souligne.
Jade fronce les sourcils.
- Vraiment ? demande-t-elle, surprise. Je l'ai vu plusieurs fois depuis le début de la phase de recherches. Mais... en y repensant, il n'a jamais parlé de toi. A chaque fois que je lui demandais de tes nouvelles, il se contentait de me répondre de me focaliser sur mon propre travail...
Il doit certainement m'en vouloir encore d'avoir failli faire tout capoter. Je comprends que ce projet lui tienne à coeur, mais son comportement de la dernière fois frôlait la tyrannie. Après tout, je ne connais pas si bien Gibbs que ça.
- C'est très étrange, ajoute-t-elle.
- Après ce qui s'est passé, je n'ai pas très envie de le voir de toute façon...
Son expression me fait comprendre qu'elle est d'accord avec moi. Soudain, mon regard est attiré par un mouvement sur ma droite. A travers les grandes baies vitrées, j'aperçois Stella. Je ne l'ai pas recroisée depuis la crise qu'elle a piqué à cause du plaid. J'ai envie d'aller la voir pour lui demander comment elle va. Mais je suis frappé par l'horreurlorsque je remarque la personne qui la pousse. Ben. La colère monte subitement en moi, ainsi qu'un grande d'inquiétude. Jade suit mon regard.
- Qu'est-ce qui se passe ? Qui est-ce ? me demande-t-elle.
- Une source incommensurable d'ennuis, je soupire.
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