Chapitre 19
Après mon entrevue avec le Docteur Gallagher, un aide-soignant me raccompagne à l'extérieur du bâtiment pour rejoindre le reste du groupe. Nous traversons la cour avant d'emprunter un des chemins du parc qui mène à la forêt. Quelques résidents se promènent, comme à leur habitude.
Quelques minutes plus tard, nous entrons dans la forêt. De grands arbres se dressent devant nous, de toutes sortes de variétés. Nous ne parlons pas. J'espère vraiment que le groupe n'est pas loin, que je retrouve Freddie au plus vite. En cet instant, j'ai vraiment besoin de voir un visage amical.
Mon vœu est rapidement exaucé lorsque j'aperçois la dizaine de personnes constituant le groupe. Je repère rapidement le pull rouge que porte Freddie aujourd'hui. L'aide-soignant s'arrête à quelques mètres d'eux et je rejoins mon ami. Il est en train de parler à deux encadrants du groupe. Je n'entends que la fin de la phrase.
- ... mais puisque je vous dis qu'il était sur la liste... Pourquoi l'ont-ils privé de la balade ? demande-t-il confusément.
- Hey, mec, je lui dis.
Ce dernier tourne la tête et je peux lire du soulagement dans ses yeux. Il tient un énorme bouquet de feuilles de différents couleurs, de plusieurs variétés de fleurs.
- Oh, Brody ! s'exclame-t-il en souriant. Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi on t'a retenu là-bas ? Et pourquoi t'es là maintenant ? Et pourquoi...
Son sourire se transforme rapidement en inquiétude. Sa respiration s'accélérait, tout comme son débit de paroles et je peux sentir un mouvement de panique grandir à l'intérieur de lui, prêt à exploser. Je pose mes deux mains sur ses épaules et le force à me regarder dans les yeux.
- Hey, tout va bien. Calme-toi. Il y avait seulement un problème avec... mon dossier et le docteur Gallagher voulait m'en parler. Et je suis de retour parce que mon nom est sur la liste, tu te souviens ? je lui réponds sur un ton se voulant calme.
Mais je n'étais pas calme. Je n'ai pas l'habitude de gérer des situations pareilles et, indéniablement, à cet instant, je ne peux m'empêcher de repenser à elle, dont je ne connaissais que le nom de famille. Atkins...
Mais je ne veux pas que ces bourreaux s'acharnent sur lui pour lui injecter un tranquillisant. Je ne veux pas voir se reproduire la scène d'hier. Mon ami semble se calmer petit à petit.
- Je suis là, maintenant, je le rassure. Et si on continuait à cueillir des fleurs pour faire ce bel herbier ?
Le sourire de Freddie redouble. Nous nous mettons alors en quête de spécimens plus originaux les uns que les autres.
Une heure plus tard, il est temps de rentrer. Durant ce temps, je n'ai pas eu l'occasion de poser les questions nécessaires à mon études à Freddie. Nous étions sans cesse épier et je ne veux éveiller aucun soupçon. Je dois trouver le moment idéal pour le questionner. Et j'ai déjà ma petite idée...
Alors que nous approchons de l'institut, mon regard est tout de suite attiré par cette vue familière : une chaise roulante et des cheveux blonds. Je m'arrête pour la contempler de dos. Elle est là. Seule, face à la mer. Freddie, remarquant mon arrêt, recule vers moi, interloqué et comprend la raison de mon immobilité.
- Oh, non... fait-il en levant les yeux au ciel. Elle est méchante, cette fille ! Je ne vois vraiment pas ce que tu lui trouves !
- Tu ne la connais pas, lui dis-je, sans la quitter des yeux.
- Mais toi non plus, me fait-il remarquer.
Je sais qu'il a raison. Je ne sais rien d'elle, si ce n'est son nom de famille. Mais je veux en savoir plus. Je ne sais vraiment pas pourquoi je suis autant attiré par cette fille. Elle a l'air bipolaire et peut se montrer particulièrement méchante, comme Freddie l'a souligné, mais elle me touche. J'ai pu voir son côté vulnérable et je pense que cet endroit n'est peut-être pas adapté pour elle.
- Couvre-moi, je demande à Freddie.
- Quoi ?
Il semble choqué par ma requête. Il regarde dans tous les sens pour s'assurer qu'aucun membre de l'équipe médicale est témoin de mon évasion du groupe.
- Mais on doit apporter notre cueillette dans l'atelier, se plaint-il.
- Tu n'as qu'à dire que j'ai dû retourner dans ma chambre parce que je ne me sens pas bien.
- Tu veux que je mente ? Je ne suis pas un menteur, se défend-il.
Je le regarde d'un air suppliant. Il ne veut pas mais finit par céder. Je le gratifie d'un grand sourire.
- Je te revaudrais ça, mec ! lui dis-je en lui donnant une petite tape amicale sur l'épaule.
En regardant à mon tour, dans tous les sens, je m'aperçois qu'aucun aide-soignant, infirmier ou autre ne traine dans les parages. Freddie continue de suivre le reste du groupe, dont les encadrants se trouvent en tête de cortège. Très efficace comme encadrement, je pense... Mais ça m'arrange dans ce cas-là.
Discrètement, je bifurque du chemin et fais quelques mètres pour la rejoindre. Elle est seule, à l'écart des autres résidents. Je m'approche doucement d'elle. Je me demande dans quel état elle se trouve et si elle ne va pas mal prendre mon intrusion dans son moment de solitude. Je suis derrière elle à présent. Ses cheveux virevoltent sous l'effet du vent. Je peux percevoir un coin de son plaid étoilé. Je me surprends à penser que je pourrais rester à la regarder comme ça pendant des heures. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?
- Salut, je dis d'une voix moins assurée que je l'aurais pensé.
Doucement, elle porte ses mains à ses roues de fauteuils pour les faire pivoter dans ma direction. Lorsqu'elle me fait face, son regard bleu est doux, mais je sais que cela ne veut rien dire...
- Salut, me répond-elle calmement.
Je suis un peu rassuré. Je n'avais pas envie de me faire jeter comme la dernière fois.
-Qu'est-ce que tu fais là ? me demande-t-elle.
Je fais quelques pas dans sa direction. Le plaid étoilé couvre toujours la partie inférieure de son corps. A croire qu'elle ne le quitte jamais...
- Je reviens de la balade dans la forêt, je lui apprends. Et je t'ai vue, alors, je voulais m'assurer que tout allait bien, depuis hier soir... enfin... dans ta chambre...
Elle baisse la tête et triture ses mains en signe de nervosité. Quand elle relève son regard vers moi, elle arbore cette même expression neutre.
- Ça va, se contente-t-elle de me répondre.
Je suis un peu perplexe. En me rappelant son visage terrifié, ses cris et ses larmes, comment peut-elle aller bien ?
- Vraiment ? j'insiste.
- Oui.
Si elle le dit... Mais je ne suis pas certain qu'elle me dise la vérité.
- Tu sais, si tu veux en parler... je commence.
- Parler de quoi ?
- Je ne sais pas... de tout. De rien... De toi, je réponds. Je ne connais même pas ton prénom.
Elle esquisse un léger sourire. Première fois que je vois un semblant de bien être sur son visage. Et ça lui va plutôt bien.
- Stella. Je m'appelle Stella...
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