6 | 'LA SUPÉRETTE'
Oikawa n'avait pas pensé que la semaine aurait pu commencer d'une pire manière.
Sa semaine précédente avait été tellement mouvementée, entre le départ précipité de ses deux nouveaux amis qui retournaient à Tokyo aussi vite qu'ils étaient arrivés, et l'arrivée de Yumi, qui à ses yeux, prenait de plus en plus de place dans la vie d'Iwaizumi, qu'il avait eu hâte de recommencer une nouvelle semaine.
Les lundis, bien qu'il les déteste, étaient toujours un signe de nouveau départ : un moyen pour lui de se réinitialiser, de balayer ses problèmes après un weekend bien mérité. Le lundi, c'était aussi le seul jour où il ne s'entraînait pas ; c'était donc aussi le seul jour où, paradoxalement, malgré le réveil matinal abruptement forcé, il pouvait se reposer.
Alors, le derrière vissé sur sa chaise, il ne pouvait empêcher ses lèvres de trembler. Elles étaient affreusement pincées, une ligne à peine visible sous la pression qu'il exerçait. Il s'empêchait de cligner des yeux, et ne savait pas vraiment si c'était parcequ'il était trop renversé, ou si c'était pour s'empêcher de laisser les larmes noyer ses yeux et irriguer ses joues. Les jointures de ses mains, blêmes, rejoignaient la teinte du papier. Elles froissaient, agrippaient, et à ses côtés, Iwaizumi lui lança un coup d'œil préoccupé.
Malgré la blancheur qui l'entourait, la seule couleur qu'Oikawa réussissait à voir, c'était le rouge du stylo correcteur, entouré, bavant sur sa feuille, la coloriant, l'emplissant. Il n'avait probablement jamais vu autant de rouge sur une de ses feuilles. Malgré ça, c'était réellement la note, plus que les notes, qui lui coupait le souffle.
Il n'avait même pas la moyenne.
Lui, en littérature, n'avait pas réussi à avoir la moyenne. Il en était même presque loin.
Sa voix resta étranglée dans sa gorge, alors qu'il relevait finalement la tête, la bouche entrouverte.
« Je peux voir ta copie, Oikawa ? il crut entendre la voix d'Hanamaki se pencher vers lui en un murmure, Je veux voir où j'ai analysé de travers. T'as eu combien ?
Il se retourna, et grimaça.
À côté de son ami, Mattsun se moqua.
— Makki, t'analyses tout le temps de travers de toute façon.
— J'ai eu 32 ... s'étrangla-t-il, essayant de rester le plus silencieux possible.
Iwaizumi ne s'était pas imaginé que son meilleur ami puisse avoir une moins bonne note que lui un jour. Alors qu'il avait pensé le charrier jusqu'à la fin de ses jours si ça arrivait, maintenant qu'il y était, il n'en trouvait ni la force ni l'envie.
— Quoi ? Makki sembla s'étouffer à son tour, Donne ! Fais voir ! »
Il arracha la copie, et Tooru se laissa dodeliner, incapable de réagir alors qu'il écoutait la professeure remplaçante expliquer le travail qu'ils auraient à faire durant la semaine.
Il avait l'impression qu'il n'y survivrait pas.
Alors qu'il se laissait tomber contre son pupitre, acceptant la fatalité de son sort, ses amis semblaient s'estomaquer en relisant pour lui son évaluation.
« C'est qu'une note, Oikawa. Pas la peine de se faire un sang d'encre. Tu restes dans les premiers, le rassura Iwaizumi quand ils sortirent de la salle, à la fin des cours.
Il était seize heures, la lueur nitescente du ciel et des astres trop enjouée à son goût. Il aurait préféré la nuit, la mort de la journée, afin qu'il n'ait pas à faire l'effort de continuer à déambuler dans la vie encore quelques heures.
— Tu sais ce qu'elle m'a mis, comme commentaire ?
— Qu'est-ce qu'elle a mis ?
— Que ma copie était amphigourie.
— Je sais même pas ce que ça veut dire, marmonna Mattsun en enfonçant ses mains dans ses poches. Makki sembla acquiescer.
— Ça veut dire que ce que j'ai écrit, c'est un ramassis de merde.
Ses deux camarades se tournèrent vers Hajime, qui lui avait dégainé son téléphone pour en chercher la définition. Visiblement, ils voulaient être sûrs qu'Oikawa n'était pas encore en train d'être dramatique. Alors, en voyant Iwaizumi hocher amèrement la tête, ils ne purent cacher leur moue dépitée.
— Je pense qu'on a la preuve qu'elle ne t'aime vraiment pas.
— Mais elle n'a pas le droit de te saquer juste parcequ'elle ne t'aime pas ?
— Non ... Je suppose que j'étais pas très concentré, ça fut difficile pour Oikawa d'admettre cette dure vérité. Il était vrai qu'avec toutes ses réflexions pessimistes et paranoïaques, il avait eu du mal à se focaliser sur ses priorités, Par contre, c'est sûr qu'elle en a profité pour me descendre à fond.
— Ça me fait mal de dire que je suis d'accord avec cette pensée égocentrique et dramatique, mais je pense que t'as raison, soupira son meilleur ami.
— Tu fais pas d'efforts Iwa-chan ! Sois gentil !
— Je suis gentil ! s'indigna le brun en lui donnant un coup dans l'épaule. »
Alors qu'ils sortaient du lycée, traînant un Oikawa pleurnichard et plaintif avec eux, Makki rattrapa sa copie pour la froisser et la lancer dans une poubelle. Il en profita aussi pour y jeter la sienne, qui ne devait pas être plus brillante que celle de son capitaine.
« Bienvenue dans mon quotidien en littérature, cher nouveau comparse des poubelles, le présenta-t-il. Mattsun éclata de rire.
— T'es con, Oikawa ne pouvait s'empêcher de rire lui aussi.
— Allez, plus vite on l'oublie, mieux ce sera, renchérit-il, T'as qu'à venir avec Mattsun et moi, on a des courses à faire. Ça te changera les idées. »
Le châtain hocha la tête. Ses amis avaient beau être moqueurs et insupportables, il savait pertinemment que sans eux, il ne serait pas là où il en était.
Alors qu'ils se décidaient sur la direction à prendre pour aller à la supérette, une autre désagréable réalité vint rattraper Oikawa.
« Hajime !! Faut qu'on parle !! la voix suraiguë qui surgit le fit presque sursauter, et il se retourna pour apercevoir Yumi courir droit sur eux.
Makki et Mattsun restèrent bêtement plantés là, confus, alors que Tooru détournait le regard en fronçant les sourcils. Il se mordait l'intérieur de la joue, espérant que son air agacé ne soit pas trop transparent sur son visage.
— Yumi ? Iwaizumi ne la reprenait même plus quand elle l'appelait par son prénom.
— C'est ... Tu sais ! Viens, faut qu'on aille regarder ! Maintenant !
— Là, là ? »
Oikawa ne comprenait rien.
Ça le rendait malade.
Il avait toujours compris son meilleur ami. Évidemment. Il était son meilleur ami, son partenaire depuis l'enfance, depuis la maternelle. Ils ne s'étaient jamais quittés d'une semelle, et pouvaient – l'un comme l'autre – se lire comme un livre ouvert.
Le voir discuter de manière si brouillée avec cette fille, ça le secouait.
Iwaizumi lui lança un regard soucieux, et finalement, il comprit. Lui faisant un las signe de la main, il râla.
« Mais oui, vas-y. Je suis avec les deux gus, t'as pas à t'en faire. On se verra demain.
— Ok. »
Sur ce dernier mot, il lui lança un signe d'au revoir, et partit avec Yumi sur un pas précipité, la pressant de lui donner plus d'informations.
Des fois, Oikawa avait l'impression qu'Iwaizumi n'en avait rien à faire de sa vie.
« C'est elle, Yumi ?
— Vous en avez entendu parler aussi ? s'étonna Tooru.
— Je la croise tout le temps à la cafétéria. Elle se traîne souvent derrière une fille aux airs pas commodes.
— J'ai jamais fait gaffe, marmonna le châtain en commençant à avancer.
— Ça ne m'étonne pas. Vu qu'elle ne t'admire pas comme les autres, forcément, tu ne la remarques pas.
— Eh, je te permets pas Mattsun !
— Elle doit avoir un truc pour les personnes rabougries, entre son amie et notre Iwaizumi ! se moqua Makki. »
Oikawa n'était pas d'humeur à rire.
Quand ils arrivèrent devant le konbini, ses deux amis se tapèrent dans la main. Ils avaient l'air préparés, ayant visiblement planifié leur excursion plus tôt. Ou alors, ils le faisaient tellement souvent qu'ils n'avaient pas besoin de mots pour faire la liste de ce qu'ils devaient acheter. Oikawa commença à appréhender, se demandant si ça avait été une bonne idée de rejoindre ces deux énergumènes dans leur aventure.
Alors qu'ils entraient, Mattsun les quitta et pivota immédiatement vers la droite.
« Je peux savoir ce que vous faites, au juste ? finalement, il osa questionner son ami aux cheveux roses.
— L'usuel. Mattsun va nous acheter des canettes d'eau au concombre, et des pockys. On n'en a plus. Il va acheter des pains au lait aussi, vu que t'es là.
— Et toi ? »
En voyant la lueur espiègle dans les iris d'Hanamaki, il sut qu'il regrettait les avoir suivis.
Il se fit entraîner à travers les rayons, marchant derrière son ami qui avait l'air de connaître le chemin par cœur. Il finit par s'arrêter abruptement, et Oikawa se tourna pour examiner le présentoir devant eux.
Il se figea devant l'étalage de préservatifs qui envahissait son regard. De manière trop mécanique, il pivota pour dévisager son ami, qui était penché vers les emballages, en pleine réflexion. Il avait l'impression que son cou avait grincé quand il s'était tourné vers lui, tant il était mal à l'aise.
« Makki ?
— Hm ?
— Qu'est-ce que ... ? bredouilla-t-il alors, incapable de trouver ses mots. Il commençait à avoir l'impression qu'il perdait de son éloquence, ces temps-ci.
— Ah, bah on en n'a plus, il était si nonchalant, Oikawa refusait de croire qu'il faisait ces achats de manière régulière, tranquillement, comme s'il achetait des petits pains.
— Mais ... Tu ... Vous ? c'était de pire en pire, et il en était bien conscient.
Makki finit par attraper trois paquets de taille M.
— Quoi ? il se redressa, et lui sourit, P'tit tips, Kawa. La taille c'est pas mensonger, faut pas en avoir honte. Mesure ta bite avant d'en acheter, sinon ça peut être inconfortable ou juste inutile.
— Quoi ?! couina l'adolescent. Ses joues éclatèrent de couleur vive, le bout de ses oreilles tournant au pourpre le temps d'un clignement d'yeux.
— Je te le dis, c'est tout, marmonna-t-il. Il contempla les paquets qu'il tenait entre ses doigts, Après, je sais qu'on n'a pas encore fini de grandir. Mattsun va peut-être pousser encore un peu. »
Il repartit en ricanant, laissant Oikawa campé devant le présentoir, ahuri. Son cerveau avait disjoncté, c'était certain. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu'il devait avancer, et quand il retrouva ses amis, Mattsun lui faisait des grands signes de la main.
« T'as l'air perdu, Oikawa, fit-il remarquer en le voyant vaguer entre les rayons.
Makki semblait avoir trouvé des profiteroles entre temps, et les déposait sur le tapis roulant de la caisse.
— Juste secoué.
— C'est à cause de Yumi ? s'étonna Makki, et l'intéressé crut qu'il allait l'agresser tant il était ignorant.
— Bien sûr que non, idiot, c'est de ta ... faute ? son élan de colère s'évanouit aussi vite qu'il avait surgi, Comment ça, à cause de Yumi ?
— Parcequ'elle s'accapare Iwaizumi, en un sens, rétorqua Matsukawa en haussant les épaules. Ils ne le regardaient même pas, comme s'ils contaient l'évidence.
— Et alors ?
— Bah. Oikawa. Nous prends pas pour des cons.
Il eut un mouvement de recul. Il espérait tout de même qu'ils disaient ça simplement parce qu'il était dramatique sans arrêt, et qu'il donnait l'impression de coller Iwaizumi un peu trop.
— On sait que tu l'aimes, ça se voit. »
Peut-être qu'il les avait trop pris pour des cons, effectivement.
NDA : j'aime Makki et Mattsun.
Also, bouuhh Iwa devient aveugle
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