4 | 'RETARD ET PRÉCIPITATION'
Oikawa arriva en dérapant devant l'encadrement de la porte de sa salle de lettres. L'entrée était toujours ouverte, et il souffla, essayant vainement de reprendre sa respiration après avoir sprinté.
« Tu es presque en retard.
— Désolé, s'excusa-t-il en relevant la tête, J'ai fait ... Comme j'ai pu ? »
Il eut l'air d'hésiter devant le visage inconnu qui se tenait au beau milieu de la pièce. Cheveux courts, pas longs. Pas de lunettes, pas de sourire non plus. Son nez était plus long que celui de sa professeure, moins pointu. Ses sourcils moins fournis, ses lèvres moins rondes et pulpeuses. Il partit s'asseoir sans la quitter du regard, incapable de comprendre pourquoi sa professeure de littérature avait été remplacée.
Il avait presque eu peur de s'être trompé de classe, mais le regard désapprobateur d'Iwaizumi l'avait étrangement rassuré.
Dans sa confusion, il manqua de trébucher. Hanamaki pouffa de rire. Quand il fut finalement assis, il n'eût même pas le temps de sortir ses affaires de manière moins frénétique qu'Iwaizumi plissait déjà les yeux.
« T'abuses sur le retard, ces temps-ci.
— Je me suis fait enguirlander par l'entraîneur, c'est pas de me faute.
— Hein ? Qu'est-ce que t'as fait ? son ton était sec et agressif, comme s'il savait que c'était de sa faute.
— À cause de Bokuto et Kuroo, on m'a reproché de tout faire à la dernière minute, et que ça allait être difficile.
— Explique mieux, bon sang, quand Iwaizumi s'énervait en chuchotant, c'était toujours assez difficile de ne pas rire. C'était tout de suite moins sérieux.
— Ce soir, on a des matchs d'entraînement organisés contre deux des plus grosses équipes lycéennes de Tokyo, il lui lança un pouce en l'air et lui dit un clin d'œil. »
Il n'eût pas le temps de voir le visage de son meilleur ami s'illuminer, de voir ses yeux pétiller d'excitation. Hajime n'eût d'ailleurs pas le temps de faire part de son engouement, de son besoin de précisions. Leur échange fut tranché net.
« Dites donc. En plus d'arriver en retard, si tu perturbes le cours, je vais penser que tu cherches à me taper sur les nerfs. Comment tu t'appelles ?
— O-Oikawa, madame, bredouilla-t-il. Il n'avait jamais subi les foudres d'un de ses professeurs ; comme il était un élève exemplaire, on l'avait toujours encouragé et apprécié. Surtout en littérature : il était doué en littérature.
— Ça suffit Oikawa. »
Il ne se faisait jamais recadrer par les adultes.
Il se sentait mal.
La tête baissée, il se tourna vers Iwaizumi, qui avait gardé son regard rivé sur lui.
« C'est qui ? Il n'était pas sûr qu'un murmure puisse réellement qualifier sa voix, tant il avait l'impression que ses cordes vocales l'avaient quitté. C'était peut-être le cas. Il avait peut-être plus articulé qu'autre chose. Iwaizumi n'avait pas réellement besoin de l'entendre pour comprendre sa question.
— T'avais pas remarqué que Madame Kuroda était ronde comme un tonneau ? Elle est enceinte, on ne la reverra pas de l'année.
Le visage de Tooru sembla se mouver en une grimace d'horreur.
— On va se coltiner celle qui ne m'aime pas jusqu'à la fin de l'année ?
— On dirait bien. Et elle s'appelle Madame Narumi. »
C'était un enfer.
Durant le bloc de deux heures, ce fut la seule pensée qui réussissait à traverser l'esprit du châtain.
Enfer, enfer, enfer.
Cette Narumi le détestait, c'était évident. Il n'y avait pas besoin qu'elle le vise ou qu'elle le gronde pour le voir ; les regards, lui dire qu'il avait tort dès qu'il proposait une réponse – Oikawa n'avait jamais eu tort en littérature, ou même le simple fait qu'elle ne lui ait pas dit “au revoir” lorsqu'il la salua en sortant de la salle.
Sa voix resta étranglée dans le fond de sa gorge alors que son meilleur ami lui lançait un regard soucieux. Ça aussi, c'était rare. Quand il s'inquiétait pour lui, Iwaizumi s'énervait. C'était sa manière de faire, sa manière d'agir.
Son silence était pire que ses excès d'insultes.
« Je la déteste, s'étouffa Tooru.
— Tu peux difficilement dire ça le premier jour ... essaya Mattsun. Il n'était pas très confiant.
— Elle avait l'air de trouver quelques minutes suffisantes pour me trouver exécrable ! s'emporta-t-il en réponse. Ses lèvres étaient pincées, ses dents serrées. Il avait l'impression d'avoir une ride du lion tant ses sourcils étaient froncés. »
Il n'avait pas envie qu'on lui dise de se calmer. Pas alors qu'elle l'avait récriminé pendant deux heures. Il ne s'énervait presque jamais, surtout pas contre des professeurs ; ses amis pouvaient bien lui laisser ça.
— C'est bon. On ne la verra pas tant que ça, de toute manière. Et puis, on a un entraînement important, Trashykawa. Laisse pas des inepties te monter à la tête.
— Des inepties ?! s'offusqua-t-il. Par instinct, ou par réflexe, sa main se porta à sa poitrine dans un geste trop dramatique, Tu me choques, Iwa-chan !
Sa main gauche se plaça contre son front, exagérant encore plus sa réaction alors qu'il commençait à tournoyer, pour feindre une chute théâtrale.
— T'es con, pourtant il ne réussit pas à réellement s'énerver : parceque voir le timide sourire sur les lèvres de son passeur était rassurant. Car malgré ses singeries, il s'était déjà senti un peu mieux. S'énerver contre ça, c'était difficile.
— Allez, direction les vestiaires au plus vite ! s'écria alors leur capitaine en brandissant son doigt vers l'avant.
— Chef, oui chef ! rétorqua Makki en s'élançant en avant.
— Ne le laisse pas t'emporter dans ses conneries, ça va l'inciter à le faire plus souvent ! Les mains d'Iwaizumi se mirent en forme de haut parleur autour de sa bouche pour faire parvenir sa voix plus clairement à leur ami qui accélérait déjà au loin.
— Oh pitié, non ! glapit Mattsun comme si on venait de lui annoncer la mort d'un proche.
— Vous êtes dans l'abus, marmonna Oikawa sur un ton beaucoup moins enjoué alors que ses deux compères ricanaient derrière lui. »
Quand leur entraînement commença, ce fut à lui de prendre le temps d'expliquer pourquoi ils allaient subir des matchs d'entraînement sans avoir été prévenus avant. Kunimi avait paru affreusement épuisé, alors que Yahaba était à deux doigts de commencer à se plaindre de ce manque de professionnalisme. On l'en empêcha.
Ils n'eurent pas le temps de commencer à s'entraîner que la porte du gymnase se fit ouvrir en un grand fracas.
Un ballon dans les mains, Kindaichi resta éberlué devant la scène qui prenait place devant ses yeux.
« HEY HEY HEYY ! OIKAWAAA ! s'écria Bokuto en ouvrant les bras. Il ne portait pas sa veste, et un peu derrière lui, Akaashi semblait déjà épuisé. La veste sur ses épaules paraissait trop ample, et Tooru ne put s'empêcher d'esquisser un sourire assez narquois.
— Bokuto, t'es trop bruyant, se plaignit un de ses coéquipiers alors qu'Oikawa partit le saluer. »
Il avait ce sourire qui lui était propre : satisfait, presque hypocrite, celui qu'il donnait à tous ceux qu'il rencontrait par politesse. Ce sourire faisait frissonner Iwaizumi, et il devait combattre les pulsions qui lui donnaient envie de lancer un ballon dans l'arrière du crâne de son meilleur ami : meilleur ami qui était parfois trop hautain.
« C'est quoi ce sourire sournois ? On dirait Kuroo ! »
Oikawa crut qu'il allait encastrer son nouvel ami dans un mur alors qu'il entendait ses camarades se mettre à rire derrière lui.
Il commençait à en avoir marre qu'on se moque de lui comme ça.
« Oh, Bokuto ! Laisse mon sourire tranquille ! renchérit Kuroo en arrivant à son tour, son entrée tout aussi tonitruante que celle de son meilleur ami. »
En les voyant commencer à chahuter comme deux enfants de sept ans, Iwaizumi regrettait un peu d'avoir qualifié Tooru de barjot comme eux. Il était loin d'être aussi catastrophique que les deux tornades ambulantes qui venaient de débarquer dans leur gymnase.
Il resta mitigé entre excitation et appréhension.
NDA : y'en a qui vont pouvoir s'énerver contre la nouvelle prof, moi je vous le dis
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