1 | 'GOURDE OUBLIÉE'

Oikawa avait compris qu'il était amoureux d'Iwaizumi en première. Le quand restait flou, le pourquoi aussi, mais la seule chose dont il était sûr, c'est qu'un soir de Novembre, il avait compris qu'il l'aimait.

C'était peut-être son sourire. Beaucoup plus rare que celui de Tooru, mais beaucoup plus sincère et poignant. Ou alors la façon dont le bout de son nez avait rougi sous le froid, la manière dont ses oreilles avaient tourné au pourpre. Ou c'était peut-être tout simplement ses yeux. Ou juste sa façon d'être.

Oikawa n'en savait rien. Tout ce qu'il savait, c'est que ce soir là, quand Iwaizumi s'était retourné pour lui parler, il avait entendu son cœur s'accélérer, il l'avait senti, il l'avait compris.

Ça l'énervait presque, d'être tombé amoureux d'Iwaizumi.

S'il perdait son meilleur ami, à qui était-il censé se confier ? Comment pouvait-il parler de ses problèmes à son meilleur ami alors qu'il en était maintenant la cause ?

Des fois, Oikawa avait un peu peur. Il avait peur d'inconsciemment se séparer de lui, de s'éloigner. Cette idée, cet aspect de leur relation, ça ne faisait que rendre plus réel le moment où ils auraient à réellement se séparer.

Ils n'iraient pas à l'université ensemble, ils ne joueraient plus au volley ensemble.

Ils ne joueraient plus au volley ensemble.

Oikawa resta pétrifié devant son casier. Sa poigne sur la porte en métal se renforça, jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches. Silencieusement, le visage caché dans son casier, il eut du mal à retenir un sanglot. Un petit bruit étranglé quitta ses lèvres, pincées, mordues. Elles tremblaient, et ses yeux restèrent écarquillés.

Quand la réalisation de cette fatalité le prenait, il n'arrivait plus à rester calme.

Dans le vestiaire, Kindaichi remarqua bien qu'il ne réagissait pas.

« Oikawa-san ? bredouilla-t-il, Ça va ? »

Ce fut le déclic. Alors que les autres membres de l'équipe, plus ou moins en train de se changer, s'étaient tournés vers lui, il fit volte face. En souriant de toutes ses dents, il lui fit un signe de la victoire avec ses mains.

« Bien évidemment ! »

Kindaichi n'eut l'air que partiellement rassuré. Ou alors il était juste décontenancé par ce revirement de comportement.

Oikawa décida de l'ignorer. Il se joignit à la conversation qu'étaient en train d'avoir Makki et Yahaba bruyamment. Il essaya aussi d'ignorer le regard suspicieux d'Iwaizumi sur sa nuque. Son sac de sport pesant sur son épaule, il prit une grande inspiration motivée.

Ce qu'Iwaizumi ne savait pas ne pouvait pas lui faire de mal.

« Allez, allez, Makki, on va manger. Je te rappelle que tu as raté pas mal de tes services, c'est toi qui paye.

— Ouais ! l'enthousiasme de Mattsun derrière eux ne fit que déprimer l'adolescent concerné, et les quatre Terminale quittèrent le vestiaire en riant. »

En les voyant quitter les lieux, Kunimi se rapprocha de son ami.

« Pourquoi t'as l'air aussi inquiet ?

— Ah, Kindaichi ne put s'empêcher de bégayer, Je ne sais pas trop. Je suppose que je ne comprendrai jamais vraiment Oikawa ...

— Hmm. »

Ce n'est que quand ils arrivèrent devant leur restaurant de ramen préféré qu'Oikawa se décida à boire. Le soleil de fin de printemps lui tapait sur le crâne, et marcher aussi longtemps en tentant de supporter les âneries de Makki et Mattsun n'arrangeait rien.

« Ah ! »

Le coucher de soleil dorait ses cheveux. Ses yeux ordinairement chocolats paraissaient plus caramels, plus mordorés, et quand ils trouvèrent le regard intrigué d'Iwaizumi, c'était l'angoisse qui s'y reflétait.

« Bah quoi ?

— Ma gourde ... J'ai oublié ma gourde au vestiaire !

Ses trois amis commencèrent à se plaindre bruyamment.

Tu devrais vraiment faire plus attention !

— Tu ne remarques ça que maintenant ?

— Quel boulet ...

— C'est bon ! s'écria Tooru, la voix cassée, J'y retourne tout seul, arrêtez de ronchonner !

— Mission finir de manger pour ne pas que je paye sa portion en plus ! renchérit alors Hanamaki sur un ton encore plus élevé.

Faites au moins l'effort de m'attendre ! s'étrangla leur capitaine alors que Mattsun avait l'air d'approuver leur nouvel objectif, Franchement ...

— Allez, file. »

Sur ces derniers mots, il tourna les talons et commença à courir en direction du lycée. Il ne pouvait se blâmer que lui. À cause de ses réflexions, il n'avait pas fait attention. Non, il pouvait aussi blâmer Kindaichi. S'il ne l'avait pas coupé dans ses pensées, il aurait pu prendre son temps. Foutu Kindaichi, à trop s'inquiéter. Ça l'énervait.

Il allait commencer à se plaindre à haute voix quand il se fit couper par la voix plaintive de quelqu'un d'autre.

« C'est de ta faute si on s'est perdus ! T'es nul !

— Tais toi ! J'ai jamais dit que je connaissais le coin comme ma poche !

— C'est pourtant exactement ce que tu as dit ! s'offusqua la première personne, Akaashi va être énervé si ça continue ... »

Oikawa s'arrêta devant la scène, assez ahuri. Les deux idiots en face de lui venaient de le couper dans son élan.

Lui n'était par contre pas stupide. À voir leurs vestes, il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qui ils étaient, bien qu'il ne les ai jamais rencontré. Il aurait fallu être un ermite pour ne pas avoir entendu parler de Fukurodani ou Nekoma.

« Euh ... Je peux vous aider ? osa-t-il en s'approchant. Ses yeux valsaient entre les deux adolescents en face de lui, qui l'observèrent comme s'il était leur Messi.

Tu habites ici ?

— Tu fais du volley !

Ils n'avaient visiblement pas les mêmes priorités, et le sourire poli d'Oikawa se tordit en un rictus amusé.

Oh Bokuto, c'est pas le moment ! il se retourna vers Oikawa, son visage se muant immédiatement en une expression plus calme. Il était sournois, Tooru le sentait, Mais c'est vrai que ta tête me parle.

— Ah, j'ai fait quelques couvertures de magazines de volley, avoua le châtain en se grattant l'arrière de la nuque. Il n'osa pas les observer alors qu'il restait taiseux.

Oh ! T'es doué alors ! Je m'appelle Bokuto Kōtarō, champion et capitaine de Fukurodani ! Je suis dans le top cinq des meilleurs attaquants ! il criait presque, et les deux adolescents à ses côtés grimacèrent.

Pourquoi tu commences par te vanter comme ça ? marmonna le noiraud, les yeux plissés d'ennui, T'es même pas dans le top trois.

— Arrête de le rappeler ! s'étrangla Bokuto. Ses gestes étaient extravagants, dramatiques. À côté, Oikawa se sentit presque ... Banal, C'est de la faute d'Ushiwaka !

— Enchanté, finit-il quand même par répondre, Je suis Oikawa Tooru, passeur et capitaine de Seijoh. Ushiwaka est aussi la cause de tous mes problèmes.

— Tu vaux pas mieux que lui en fait ?

Il dû retenir un rire alors que Bokuto lui lançait un pouce en l'air enthousiaste. Le dernier finit par soupirer, et lui tendit sa main.

Je m'appelle Kuroo Tetsurō. On s'est perdus alors qu'on courait. On vient de Tokyo.

— Tu joues où ? le coupa Oikawa. Il était probablement tout aussi vicieux qu'eux, finalement. Ça le faisait sourire rien que d'y penser.

Central, à Nekoma. Je suis capitaine aussi. »

Il y eut un moment de flottement. Ils se regardèrent tous trois dans le blanc des yeux, comme attendant à ce que l'un d'entre eux propose l'évidence, pour faire passer la vague de silence qui venait des les submerger.

Oikawa avait oublié qu'il avait oublié sa gourde.

« Si t'es passeur, tu veux bien me faire des passes pour m'entraîner ? osa Bokuto. C'était tout sauf évident.

La manière dont Kuroo se retourna pour l'observer donnait l'impression qu'il venait d'admettre un meurtre.

Toi ? Frapper les passes de quelqu'un d'autre qu'Akaashi ?

— C'est la seule chose qui te choque dans sa demande ? Oikawa était abasourdi.

J'ai entendu Ushiwaka parler de lui ! Je veux m'entraîner, et je suis sûr qu'Akaashi va être en colère contre moi. Il doit être trop inquiet pour ma survie là.

Tooru ne savait pas qui était Akaashi, mais il le plaignait. De ce qu'il entendait, Bokuto devait être une plaie à gérer.

Alors on va pas le faire s'inquiéter plus longtemps, pas vrai ? sourit-il, Vous avez qu'à me dire où vous logez, et je vous y emmène. Je pourrais toujours te faire des passes plus tard, Bokuto.

— Kuroo ! Il est intelligent !

— Pourquoi tu dis ça comme si c'était un miracle ?! Je suis intelligent aussi tu sais ! le-dit Kuroo commença à s'énerver. Rien qu'à ses mimiques, Oikawa se douta qu'il était loin d'être le génie qu'il prétendait être.

Bokuto lui montra son téléphone, pour que le châtain sache où les emmener.

Être bon en cours, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas stupide, fit-il alors remarquer en commençant à avancer, Les professeurs ont beau m'adorer, tous mes amis me disent que je suis un idiot.

— T'as l'air aussi sournois que Kuroo.

— Je le prends très mal ! s'étrangla-t-il, ce qui entraîna le concerné dans une plus grande misère encore. »

Ils continuèrent de marcher en direction de leur hôtel d'une manière pour le moins bruyante, criant, rétorquant et riant. Oikawa n'aurait jamais pensé trouver un jour des gens aussi tumultueux, aussi faciles d'esprit, qui vivaient leur vie à fond, parcequ'ils avaient envie de vivre, sans se soucier des conséquences.

Quand ils virent au loin les lumières allumées de l'entrée de l'hôtel, Tooru s'arrêta. Son escapade nocturne tournait à sa fin. Il grimaça, un sentiment aigre-doux dans la bouche. C'était trop court.

« Ah, lâcha-t-il en s'arrêtant.

Ah, souffla Bokuto, mais visiblement pas pour les mêmes raisons. »

Lui n'avait pas l'air de réaliser que leur arrêt signifiait qu'Oikawa allait les abandonner. Tout ce qu'il avait l'air de voir – tout son esprit, était visiblement tourné vers la figure dans la lumière artificielle.

Le châtain se tourna pour le dévisager. Kuroo était tout aussi silencieux. Il n'avait pas envie de le couper de sa transe. Pourtant, il souriait. Il y avait quelque chose qu'il savait qu'Oikawa ne savait pas.

Tooru ne comprit d'abord pas. Pourquoi Bokuto semblait aussi émerveillé devant la silhouette à une vingtaine de mètres d'eux. Pourquoi ses iris dorées s'étaient illuminées, comme si la personne en face de lui était plus ensoleillée, plus lumineuse que les lumières elles-mêmes. Pourquoi cette simple personne semblait être si importante. Pourquoi Bokuto s'était figé, comme si tout son monde s'était arrêté. Ou plutôt, comme si son monde se trouvait devant lui.

Quand les lèvres du champion se mirent à trembler, un sourire indescriptible le prenant, un sourire incapable d'émettre le surplus d'émotions que ses yeux transmettaient, Tooru comprit.

Comme Kuroo, il sourit. Il baissa la tête, et osa rire. Il était stupide pour ne pas l'avoir vu en un instant.

« Je suppose que c'est lui, Akaashi, la voix d'Oikawa trancha leur silence. Les deux amis hochèrent la tête d'un même mouvement, presque mécanique. Bokuto avait l'air ailleurs.

En l'entendant parler, le-dit Akaashi releva la tête.

AKAAAASHI ! s'écria Bokuto. Il eut l'air de revenir à lui, et ce n'était presque pas un euphémisme de dire qu'il avait sauté en sa direction.

Bokuto-san !

— Oh, c'est rare de le voir s'écrier comme ça, ricana Kuroo.

Alors que les deux adolescents se rejoignaient, l'un considérablement plus angoissé que l'autre, Oikawa resta de marbre.

Son cœur lui faisait mal.

Ils sont en couple ? bredouilla-t-il en se tournant vers Kuroo.

J'en sais trop rien. Ça m'étonnerait pas. Sûrement. En tout cas, ils s'aiment. Mon bro ne m'a toujours rien dit, alors je préfère rien avancer, si ça se trouve c'est juste deux idiots.

— Ehh ... »

Ça n'apaisa pas les tiraillements de son cœur.

Voir des gens amoureux n'avait jamais apaisé son cœur. Voir ses mères quand elles étaient heureuses tiraillait sa poitrine, et il se sentait coupable d'être jaloux de ce qu'elles avaient, au lieu d'être heureux pour elles.

Entouré de fans qui ne l'aimaient que pour son visage, il ne s'était jamais senti aussi seul. Lui, et son amour pas réciproque pour son meilleur ami qui en avait marre de son caractère.

Oikawa Tooru avait parfois l'impression de vivre une vie d'imposture, une vie fausse. Une vie misérable.

« Donne moi ton numéro, Oikawa, Kuroo le coupa dans ses pensées, la main tendue, laissant en évidence son téléphone à clapet, Je créerai un groupe avec toi et mon bro.

Le châtain resta placide, impassible presque, sous le regard lourd de sens que lui lançait le capitaine de Nekoma.

J'ai moyen de contacter mes entraîneurs, si vous avez du temps, on pourrait s'entraîner ensemble.

— Ça paraît intéressant. »

Devant l'hôtel, Bokuto avait l'air d'avoir fini de s'occuper d'Akaashi, et il sautait déjà dans les airs pour attirer l'attention de son meilleur ami.

« Bon, soupira ce dernier, À plus, je suppose.

— Pourquoi tes cheveux sont comme ça ? la question quitta ses lèvres avant qu'il ne puisse la retenir. Ses derniers neurones avaient terminé broyés par la présence de Bokuto, c'était certain.

À cause de ma position quand je dors.

— Ah, je vois. »

Quand il réalisa l'absurdité de la réponse de Tetsurō, il finit par se retourner brusquement, prêt à demander plus d'explications. Seulement, l'intéressé était déjà bien loin, et Oikawa se dit qu'il ne devrait pas oublier de demander plus de précisions la prochaine fois qu'il le verrait.

Il enfonça ses mains dans ses poches, et lâcha un petit soupir de contentement, prêt à rentrer chez lui.

Il fit à peine dix mètres avant de se figer de stupeur.

Il avait oublié tout ce qu'il était censé faire.

NDA : même en faisant une ff canon-compliant, je ne pouvais pas ignorer ce trio incroyable, c'était un devoir que de les faire se rencontrer aussi tôt dans l'histoire -^-

Le retour des deux mamans d'Oikawa aussi, j'ai pas pu me résoudre à changer leurs noms désastreux que j'avais choisi au hasard en 2020 ahahah (y'en a qui vont capter qu'un peu plus tard du coup)
Comme on a aucune information sur ses parents, c'est pas non-canon de faire ça en plus mouahahah

Plus un Oikawa insecure comme on les aime *chef's kiss*

À la semaine prochaine, les kiwis <⁠(⁠ ̄⁠︶⁠ ̄⁠)⁠>

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