Chapitre 5

Jonathan resta plusieurs secondes stupéfait. Lui ? Voir un psy ? Mais il n'était pas malade ! Ni fou ! Ni en dépression ! Il n'avait besoin de personne, il ne voulait parler à personne, il voulait juste qu'on le laisse seul, et qu'on ne vienne plus jamais le déranger, jamais !

L'information arriva à son cerveau et lui fit perdre la raison. La souffrance l'aveugla et il prit la première solution qui lui vint à l'esprit : fuir. Il quitta la salle à manger en coup de vent, sortit de la maison et se mit à courir. La nuit tombait sur la ville tandis qu'il s'enfuyait sans savoir où il allait. Il partit loin, très loin, traversant des parcs, empruntant les rues au hasard, le regard brouillé par les larmes.

Il courut jusqu'à ce que ses jambes le supplient de s'arrêter, le corps secoué de sanglots, la respiration sifflante et le cœur battant à mille à l'heure. Perdu au milieu de nulle part, il s'effondra sur le trottoir et se mit à pleurer. Dans un geste non contrôlé, il arracha ses lunettes de son nez et les jeta par terre. Elles se brisèrent sous le choc. Il retira aussi ses appareils auditifs et les fourra dans sa poche, avec son téléphone qu'il gardait toujours sur lui.

Il se força à prendre de longues respirations pour se calmer et laissa librement les larmes dévaler en cascade sur ses joues. La douleur se déversa en même temps, ne laissant dans son cœur qu'un grand vide. Oui, il était vide, lassé de tout, lassé de vivre. Cependant, pleurer lui fit un bien fou.

Il n'aurait pu dire combien de temps il resta ainsi, prostré sur lui-même, à attendre d'aller mieux. Quand il se releva enfin, il prit la décision de ne plus laisser personne lui marcher dessus. Il ramassa les débris de ses lunettes éparpillés sur le goudron, un goût amer de regret dans la bouche. Ça coutait une fortune ces machins-là...

Il se releva et se mit à marcher. Il ne devait pas avoir fière allure avec ses yeux gonflés et rougis, sa démarche maladroite et son sweat sale... Il erra au hasard dans le centre-ville, tous les sens en éveil. Ça lui faisait bizarre de tout voir, de tout entendre, de tout sentir. Toute sa vie il avait vu le monde à travers des lunettes, entendu les sons à travers ses appareils.

Il se concentra sur les bruits qui l'entouraient. Les crissements des pneus sur la route, les claquements de pieds des passants sur le bitume, les froissements de habits à chacun de leur pas, les aboiements des chiens, la musique qui s'échappait des grands boutiques, l'écoulement de l'eau dans les égouts, les cris des enfants qui rentrait chez eux, et même les faibles pépiements des oiseaux qui rentraient dans leurs nids cachés sous les toitures.

Les senteurs qui lui parvenaient se mélangeait et l'étourdissait. L'odeur de frites des fast-foods, les poubelles sur le bord de la route, les parfums de ceux qu'il croisait, les relents de plats chauds qui s'échappaient par les fenêtres des maisons, le parfum des vêtements neufs, les gaz des pots d'échappements...

Il était également captivé par tout ce qu'il voyait et qu'il n'avait jamais remarqué jusque-là. Il marcha ainsi, émerveillé par chaque nouvelle chose qu'il découvrait. Il alla jusqu'à s'asseoir sur un banc pour être spectateur de la vie qui l'entourait. La nuit tombait et chacun rentrait chez lui, fatigué par une journée épuisante. Il s'amusa à deviner les humeurs des passants par leur façon de marcher ou leur expression faciale, détectant même les sourires les plus imperceptibles.

Quand il fut fatigué de ce jeu, il leva la tête vers les astres et, pendant une bonne demi-heure, il regarda les étoiles s'allumer une à une dans le ciel, à mesure que la voute céleste s'assombrissait. Il trouva dans cette immensité une source de réconfort. Il se remémora toutes ces soirées qu'il avait passé sur son toit à se répéter les noms des constellations jusqu'à les connaître sur le bout des doigts.

Sa petite zone de confort explosa en mille morceau lorsqu'une voiture arriva un peu trop vite au détour d'une rue. Le conducteur freina violement et les pneus grincèrent sur le goudron. Un sifflement suraigu s'éleva dans les airs, qui vrilla les oreilles de Jonathan. Le jeune garçon plaqua ses mains de chaque côté de son crâne, mais le mal était fait, et il fut assailli d'un violent mal de tête.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top