5. Nowhere to Run (2/2)

La cellule s'ouvrit et je me relevais difficilement. Est-ce que c'était mieux ? Est-ce que c'était pire ? Je n'en savais rien, j'avais l'impression désagréable d'avoir été transpercé par des sagaies comme un putain de rameur sur une rivière infestée de cannibales. La grande forme, quoi.

Je descendis de la cellule en m'accrochant à tout ce que je pouvais et je me dirigeai vers le poste de commandes du vaisseau. Tout le bâtiment était secoué par intermittence, comme si nous étions déjà sous le feu ennemi. J'espérais juste que Banmian n'avait pas activé le bouclier de défense. Sinon, on allait droit à la surchauffe du réacteur.

Lorsque j'arrivai à l'escalier de la salle, je remarquai que la porte de sécurité n'était même pas verrouillée. Putain Banmian, et s'ils entraient dans le vaisseau ?

Le mécanicien était assis au poste de tir, renvoyant les attaques des ennemis à grands coups de canons laser. Il ne se retourna pas vers moi, il ne me demanda pas si j'avais un peu récupéré. Il se contenta d'émettre un sifflement nerveux en tirant sur un missile qui s'aventurait dangereusement dans notre zone.

— Ils nous canardent depuis longtemps ? Où en est O'Connor ?

Pour toute réponse, il désigna le hangar principal sur un moniteur de plan du vaisseau. Il manquait une des motos d'exploration. Bon, au moins Flamy avait choisi la rapidité. Je me retournai vers le couchage de commande, un lit militaire qu'on avait installé au plus proche du tableau de bord pour pouvoir réagir rapidement en cas de problème.

La fille était allongée dessus, respirant paisiblement. Cette espèce de génie au cerveau matraqué lui avait accroché le couteau helvetarien avec du ruban adhésif pour qu'elle reste tranquille. Je m'avançai silencieusement près d'elle pour observer son visage marqué par les projections de sable et de petites irrégularités striées sous sa peau. Est-ce que l'acier empoisonné avait stoppé son passage d'une forme silliciée à carbonée ?

Lentement, j'approchai ma main tremblante de son visage, descendant progressivement de son front à son cou avant d'entrer en contact avec cette peau étrange. Elle changea de texture au simple contact de mes doigts, passant d'une rigidité granuleuse à une douceur plus duveteuse.

Je savais que Banmian ne pouvait pas se tourner vers moi, et pourtant j'avais l'impression pesante que tout son esprit était focalisé sur ce que j'étais en train de faire. Jaloux ? C'est pour ça qu'il l'avait laissé monter dans le vaisseau sans résister ? Après son petit coup d'hypnose de décolleté, je comprenais un peu mieux pourquoi mon mécanicien n'avait pas résisté à ses charmes... 

Mais j'en exigeais plus de mes hommes.

Mon vaisseau était une zone militaire protégée. Aucune pute, aucun collègue, aucun chien, aucune bestiole n'avait le droit de monter à bord. J'avais fait une exception avec les larves martiennes qui traînaient au fond de la tuyauterie parce que Banmian m'avait dit qu'il s'en débarrasserait, mais je n'avais certainement pas donné mon accord pour une panthère ninja bourrée aux agents chimiques en cours de développement.

Il s'était passé quelque chose avec Ban' et cette nana. J'en étais sûr. Quelque chose d'étrange, qui n'avait rien à voir avec une envie de chatte ou de la séduction intéressée comme elle l'avait fait pour moi. C'était quelque chose d'autre, et je le sentais...

Elle émit une sorte de gémissement étrange, comme si elle était simplement endormie, au milieu d'un mauvais rêve, et j'appuyai un peu plus mes doigts contre sa gorge.

Je pouvais entendre son pouls. Son cœur battait normalement. Comme... comme n'importe qui. D'un rythme stable, juste, sain, alors qu'une lame helvetarienne était enfoncée dans son épaule.

Je me laissai absorber par cette découverte sans me rendre compte de ce qui se passait autour de moi, et une secousse du vaisseau me ramena à la réalité.

— Bordel !

— Défense extérieure endommagée, lança le moniteur central.

— Banmian, qu'est-ce que tu fous ? Faut qu'on décolle pour aller chercher Flamy !

Le mécanicien explosa deux missiles venant du cargo et lança immédiatement les machines. Il se tourna vers moi un court instant pour me lancer un regard inquiet.

— Le vaisseau est faible, il a besoin de se reposer. Il n'aime pas qu'on lui fasse mal au cœur, dit-il d'un ton suppliant.

Il lança le réacteur, parce que plus que de ce qui pouvait arriver au vaisseau, il s'inquiétait de ce que je pouvais lui faire s'il désobéissait à un de mes ordres. Comme quoi il y avait un peu de raison et de pragmatisme dans cette mer noire de folie.

Le réacteur devait tenir encore cinq minutes, le temps que O'Connor monte à bord et qu'on relance le système.

Le vaisseau se mit à émettre des bruits de surchauffe inquiétants et l'alarme système se mit en route, ajoutant au chaos général entre les tirs que nous essuyions et le bruit du moteur. Les ailes de l'engin quittèrent lentement le sol et je me mis aux commandes pour contrôler mon bébé. Il était hors de question que je lui fasse faire du rase-motte sur les dunes.

Il n'y avait pas assez de vent pour que je puisse faire quoi que ce soit des courants aériens, et j'étais obligé de tirer sur le générateur auxiliaire pour soulager le réacteur principal. Autant dire qu'on était en sursis. Il devait nous rester une dizaine de minutes pour nous débarasser de ce cargo et monter la pièce...

— O'Connor revient ! Il a la pièce ! s'écria Banmian en passant aux armes balistiques pour garder encore un peu d'énergie.

Je vis une moto foncer à toute vitesse dans le désert depuis l'écran de l'avant du vaisseau. Il était à moins de 500 mètres. Et soudainement, l'engin disparut dans un geyser de sable et de fumée. Le cargo le prenait pour cible !

La petite moto sortit de l'explosion en tanguant et poursuivit sa route en zigzaguant comme une danseuse.

— Putain, Flamy, fais vite... sifflai-je anxieusement. Ban', prépare le sas principal pour récupérer la moto.

Le mécanicien n'obéit pas immédiatement. Il envoya une salve de mitrailleuse vers le cargo et prépara un tir de missiles.

— Qu'est-ce que tu fous Banmian ?!

— J'ai une fenêtre de tir vers leur alimentation principale. Le bouclier n'est plus actif.

Je me penchai au-dessus de lui pour regarder l'état du vaisseau d'en face. Une des foreuses s'était décrochée, laissant apparaître d'importants câbles d'alimentation. Putain, c'était une bonne idée. Si on pouvait les mettre à terre et avoir le temps de monter la pièce sans pousser sur le générateur auxiliaire en éteignant le réacteur quelques minutes, on limiterait les risques de surchauffe...

Banmian dirigea manuellement les têtes de missiles en se concentrant sur l'oscillation des deux vaisseaux comme un cobra mouvant son corps avant de mordre, puis il fit feu.

Le missile, une simple tête anti-aérienne, comme on en faisait depuis des années en République Helvétarienne pour faire sauter des civils, fonça tout droit vers la faille et s'enfonça dans les entrailles du vaisseau avant d'exploser. La première détonation fut immédiatement suivie par l'incendie du réseau électrique, et plusieurs déflagrations firent gonfler d'un seul coup la coque du cargo, comme de gros furoncles en fusion qui étaient en train d'exploser de l'intérieur. Ça devait être barbecue party pour la Fédération là-dedans.

Le mastodonte d'acier s'écroula sur les dunes dans une ultime explosion qui nous propulsa en arrière.

— Putain de merde ! Vous pouviez pas attendre que j'ai refermé le sas ! beugla une voix depuis le récepteur interne.

J'appuyais sur le bouton émetteur :

— Ca va Flamy ? T'as encore eu chaud au cul ?

— Ouais, je suis sous la moto, venez me chercher avant que les roues me fassent bouffer mes côtes de l'intérieur... Putain j'ai du sang plein les mollets mais j'ai pas encore trouvé de quel trou il sortait...

— Banmian, va t'occuper de la pièce et fais-nous quitter cette planète de merde. Je vais montrer à O'Connor les nouvelles « fonctionnalités » de l'infirmerie.

Je me levai difficilement pour rejoindre le hangar principal, lançant un dernier regard à la créature qui justifiait tous ces risques. Y avait intérêt à ce que ça en vaille la peine, bordel...

La chirurgie laser n'avait pas été un franc succès, il fallait le reconnaître. Alors que je descendais les escaliers de la salle des commandes, mon estomac se mit à me jouer un putain de concerto au tambour de guerre, et un flot de sang et de matières noires jaillit de ma bouche. Je dus me mettre à quatre-pattes pour laisser mes intestins se calmer, et Banmian m'aida à me relever sans rien dire.

Heureusement pour lui. S'il avait dit quoi que ce soit, je crois que j'aurais mis mes dernières forces dans le coup de poing qu'il aurait reçu en pleine mâchoire. Mais non, c'était Ban', et il se contenta de me relever avec son air stupide habituel, sans poser de questions, sans faire de vague.

Maintenant qu'on avait plus la pression de ces enfoirés des mines, on pouvait se permettre de prendre plus de temps en cellule médicale. Fallait juste se préparer à sentir des bestioles nous gratter de l'intérieur pendant des heures, vu que le stock d'analgésiques ne s'était pas refait automatiquement...

Le sas du hangar s'était ouvert pendant l'explosion du cargo et il avait été immédiatement rempli de sable et de débris. Tous nos engins d'exploration avaient résisté grâce aux sangles de fixation pour les voyages extra-orbitaux, mais la plupart des vitres et des carrosseries étaient couverts d'éclats et de rayures. En voyant l'état des motos, Banmian ne put s'empêcher de pousser un gémissement canin et me lâcha pour se précipiter sur l'hydroglisseur qu'il avait acheté sur Samarcande-3. L'hélice centrale avait pris tellement de sable et de débris qu'elle était penchée sur le flanc.

En fait ça me soulageait presque. Notre mécanicien avait du travail maintenant. Ça allait sentir la colle et la soudure pendant des jours là-dedans, et il n'aurait pas le temps de s'ennuyer en agrandissant sa collection de boulons pour son nid de déchets. Peut-être même qu'il finirait par oublier de nourrir ses rats. Et surtout... Il ne resterait pas seul avec la poupée de Samsara Lab. Peut-être même qu'il l'oublierait. Et que le truc qui s'était passé entre eux ne se reproduirait pas... Je l'espérais. 

Je trouvais O'Connor couvert de sable, allongé sous sa moto, serrant contre lui une grosse caisse d'acier qui lui entrait dans l'épaule. Il cracha du sable de sa bouche en sang et se mit à rire comme un abruti.

— Bordel vous les avez bien allumé ces enfoirés... Eh regardez, Cap'tain, j'ai l'air aussi défoncé que vous maintenant.

— Ah ouais ? Tu m'arrives pas à la cheville, Flamy. T'a dégueulé combien de litres de sang, qu'on compare ?

Mon Second se contenta de rire les dents serrées en s'étouffant avec le sang dans sa gorge. J'attrapai péniblement la moto pour le dégager et Banmian lui prit la boîte des bras sans même m'aider à le porter. Au lieu de ça, le mécanicien partit vers la salle du réacteur avec la boîte, obéissant mécaniquement à la tâche que je lui avais donné.

Je dus aider O'Connor à marcher, en m'appuyant sur lui autant qu'il s'affalait sur moi, comme deux ivrognes après une bagarre de sortie de boîte.

Arrivé à l'infirmerie, il se mit à chercher du regard les tubes de drogues dans les placards. Naïvement. Trop naïvement.

— Alors c'est quoi le souci avec l'infirmerie, souffla-t-il entre deux crachats de sang.

— Tu vois les masseuses du quartier de réfugiés helvétariens sur Centaurus ? lui répondis-je en l'aidant à ôter sa lourde veste pare-balle.

— Putain ouais... avec leurs petits doigts de-

— Eh bah c'est pas ça. Maintenant ferme ta gueule et monte dans la cellule. Tu préfères quoi, Metallica ou Dragon Force ?

— Vous n'avez pas un truc plus planant, Capitaine ?

Je me penchai au-dessus de sa cellule en activant la fonction laser.

— Ça va pas être planant, O'Connor... dis-je en laissant la vitre se refermer sur lui.

Il en avait pour une heure de cris et de douleur sur un vieil album de Speed Metal terrien, que demander de plus ? Moi j'en avais pour au moins trois heures, si mon état ne s'était pas dégradé depuis le premier pronostique. Je m'allongeais dans une seconde cellule en sélectionnant le son sur lequel j'allais souffrir.

Au bout d'à peine quelque secondes, j'oubliai totalement mon choix musical. Dans la douleur insupportable du laser, je n'entendais plus que le sang battre dans mes tempes et le grésillement strident des lasers. Bientôt, tout s'évanouit dans un coma salvateur.  

https://youtu.be/9D-QD_HIfjA

Eh oui, je sais, ça fait sacrément longtemps que je n'ai pas sorti de nouveaux chapitres sur Hypernovae ! Une raison derrière ça ? Comment dire... Complications après une virée sur Ganymède ? Vacances helvétariennes en vadrouille entre différents avant-postes ? 

Je vous avoue qu'avec tout ce que j'ai à gérer en ce moment je me pose des questions sur cette histoire, qui me demande énormément de concentration et de punch. Est-ce que c'est une histoire que vous suivez avec entrain, que vous avez envie de lire jusqu'au bout ? 

On est à peu près à 1/4 de l'histoire totale, selon mes plans, même si j'ignore en réalité jusqu'où le Capitaine va m'emporter. 

Le problème qui se pose, c'est que j'ai aussi plusieurs autres idées qui dorment et qui n'attendent qu'un peu de temps pour se développer. Je ne sais pas pourquoi je vous parle de tout ça, ce n'est peut-être pas à vous lecteurs de chercher une solution. La seule et véritable question, en réalité, c'est seulement "est-ce que j'ai encore le temps ? ". 

La réponse à cette question... Il n'y a que mon activité sur Wattpad qui pourra y répondre. 

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