4. Tout est une question de liquides... (3/3)

Je me relevais difficilement et écartais brusquement les bras pour débloquer ma cage thoracique. Je m'étirai par à-coups en arrière pour replacer mon diaphragme et dans une grande élongation, je réussi enfin à respirer. L'air rempli à nouveau mes poumons et je poussai une grande inspiration, sortant en fin de l'apnée totale.

Le vaisseau était derrière moi, toujours en équilibre sur la dune. Je le regardai en crachant du sang dans le sable. J'avais l'impression d'être passé sous un rouleau-compresseur... Et il fallait que j'y retourne, pensais-je en posant mes mains sur mes genoux. Putain elle m'avait salement amoché, et avec presque rien... Mais je ne pouvais pas la laisser éjecter aussi O'Connor et Banmian pour se faire la malle avec mon putain de vaisseau.

J'étais en train de rassembler mes forces pour repartir à l'assaut de mon bâtiment, lorsqu'une impulsion plasmique jaillit de l'autre côté de la dune sur laquelle il était perché.

La fille fut projetée en arrière parmi les éclats de résidus plasmiques fusionnés avec le sable, et elle retomba à une dizaine de mètres de moi, sonnée.

— Elle va pas me faire chier longtemps, celle-là ! rugit O'Connor en se laissant glisser le long de la pente, armé d'un fusil à pompe.

Derrière lui suivait Banmian, silencieux comme à son habitude, les deux mains solidement accrochées à son lance-grenade.

Il arriva à ma hauteur, et me regarda un court instant, sans oser me regarder dans les yeux. Je devais vraiment être dans un sale état. Même l'artificier ne se risqua pas à un « Ça va aller Capitaine ? ». Mon visage devait parler à ma place...

— Il faut... qu'on la ramène vivante... articulai-je en un souffle saccadé.

Le mécanicien rechargea son arme en enfonçant une grenade dans le canon et visa le corps inanimé qui gisait plus loin. O'Connor s'approcha de moi, prêt à m'aider, et je refusai son aide d'un geste de la main.

— C'est pas possible, Capitaine, siffla-t-il en gardant un œil sur la fille. Elle peut passer à travers les métaux, c'est comme ça qu'elle vous a sorti du vaisseau. A moins de l'enfermer dans une caisse en bois, on pourra pas la garder à l'intérieur.

— On n'a plus de sédatifs ?

— Euh...

Je passais une main alourdie d'ecchymoses sur mon visage ensanglanté en soupirant. Non, évidemment, on se les était tous injectés... Pas de sédatifs pour une mission de récupération, putain... On passait vraiment pour des amateurs...

La nana était en train de se redresser. Sans hésiter une seconde, Banmian fit feu avant qu'elle ne se soit mise debout, et fit sauter la dune devant nous dans une grande explosion de vert et de rouge.

Il n'était plus question de prendre des risques, de s'esquinter les os contre cette bestiole.

J'en avais marre. C'était bon, l'excitation était retombée. Ce n'était pas la combattante que j'attendais, ce n'était rien de plus qu'une nouvelle sorte de cyborg ou de robot, d'arme à l'apparence humaine, créée pour me duper, et me laisser croire que j'allais enfin trouver un véritable adversaire. J'en avais foutrement ma claque de toutes ces créations transhumanistes à la con. Quelque part, dans cet univers, un duel m'attendait, avec un Némésis combattant à armes égales, et au lieu de le rechercher, je perdais mon temps avec ces conneries de pseudo-humains trafiqués.

Ces armes humaines n'avaient même pas de statuts d'Hommes. Ils ne méritaient rien d'autre que du plomb et du plasma. Et peut-être un peu d'acier solarien helvetarien aussi, dans le cas présent, pensai-je soudainement.

— Je vais la maintenir sous sédatifs naturels, grinçai-je finalement. Passe-moi ton couteau de chasse, Flamy.

O'Connor émit un ricanement mauvais qui sonna comme le cri d'une chèvre et me tendit sa lame helvetarienne, la même qui était tatouée sur le bras de Banmian, et qu'arborait maintenant le vaisseau.

L'acier helvetarien avait la formidable particularité d'être plus empoisonné que l'eau de source sur Logar. Une concentration de radons et d'autres éléments chimiques qui devenaient particulièrement instables au contact de n'importe quel liquide. L'arme parfaite pour des mercenaires qui n'ont besoin que de quelques morceaux pour attester de la mort de quelqu'un. Avec ça, j'étais sûr de clouer sur place cette chieuse intergalactique, tant que j'aurai la force de la tenir en corps-à-corps.

Saisissant précautionneusement le couteau par le manche pour éviter que mon propre sang n'entre en contact avec la lame, je me dirigeai vers la fille, qui avait roulé quelques mètres en arrière avec la nouvelle explosion.

Et elle trouvait encore le moyen de se relever... putain de merde...

— T'en as pas marre ? explosai-je, exaspéré. T'as vraiment décidé de me faire passer une journée de merde ! T'as pas un putain de bouton pour te désactiver ou ce genre de connerie ?

Je me jetai sur elle pour lui enfoncer mon couteau dans la poitrine, mais elle m'esquiva d'un mouvement rapide.

Je me retournai vers elle, en notant qu'elle n'avait pas été capable de m'éviter en utilisant sa vitesse qui la rendait presque invisible...

Elle respirait bruyamment, et son visage lisse comme de la porcelaine semblait marqué d'entailles provoquées par les projections de sable et de plasma. Elle ne cicatrisait donc pas toujours...

Malgré tout, elle me sourit en écartant les bras, pour me laisser apprécier la perfection de ses courbes. Elle fit partir sa tête en arrière, me présentant son cou avec défi.

— Qu'est-ce que vous pouvez faire contre une version améliorée d'agent de StarControl ?

Une quinte de toux remonta dans ma gorge, et je crachai un caillot de sang dans le sable, alors que tout mon abdomen était pris de spasmes incontrôlables. Merde, j'étais si mal en point que ça ?

Il fallait que je tienne un peu... Je n'étais pas encore à la limite...

Je repris mon souffle avant de lui lancer :

— Me fais pas croire que t'es une amélioration d'être humain ! T'es qu'une chiure de labo destinée à la vente ! Un putain de produit !

Elle ne parut pas aimer. D'un coup, elle se rua sur moi. Mais bien trop lentement. Les grenades à plasma avaient dû sacrément la ralentir, car je pouvais maintenant anticiper ses coups.

— Je suis ce que la bioscience a à offrir à l'Humanité ! Je suis le projet Deera !

Elle effectua un saut accompagné d'un coup de pied circulaire parfait, le genre de trucs qu'on ne voyait que dans les manuels d'instruction militaire destinés à impressionner les jeunes recrues. C'était clairement un mouvement qui lui restait de StarControl.

Je l'esquivai aisément, mais je ne vis pas son deuxième coup qui suivit directement. Son autre pied se souleva alors qu'elle venait à peine de toucher le sol, pour frapper mon poignet et me désarmer. Le couteau vola dans le sable, et je sentis immédiatement O'Connor s'approcher pour le récupérer.

— Non ! C'est entre moi et cette chose ! beuglai-je pour le faire reculer.

Il fallait qu'il reste à distance pour pouvoir à nouveau la sonner à coups de grenades si... si je n'arrivais pas à la maîtriser. Je la regardai se remettre en position de combat en balançant son corps d'avant en arrière comme une vraie maître d'arts martiaux.

Ses mimiques si familières m'inspiraient un profond cynisme. Voilà donc ce qu'on faisait des rebus de StarControl... Belle récompense pour une vie dédiée à la guerre et à la chasse aux hors-la-loi...

— Tu sais même pas ce que tu étais avant, je paris... Ils t'ont réinitialisé la mémoire, comme ils le font à tous leurs ex-super soldats, parce qu'ils sont trop dangereux pour partir à la retraite ou en prison quand ils se mettent à dérailler.

Elle se mit à rire. Ça la faisait marrer, merde. Elle s'en fichait totalement.

— Non, je ne sais rien de ce que j'étais avant. Mon passé, je l'ai appris comme tout le monde, de la voix du présentateur, alors qu'on m'avait lâché dans l'arène pour me battre contre des robots ! Je n'en ai jamais eu besoin avant, je ne me suis jamais posé la question. C'est ça qui vous limite, vous les humains normaux. Vous apprenez, vous grandissez, et vous ne pouvez pas vivre sans vous retourner en arrière. Moi je suis née il y a à peine quelques années dans un laboratoire, dotée de toutes les armes, de toutes les améliorations-

Avant même qu'elle ait pu finir sa phrase, je me ruai sur elle pour la plaquer au sol et lui assener un puissant coup de poing en pleine face. Surprise, elle eut à peine le temps de lever les bras pour parer le coup. Ses propres mains s'enfoncèrent dans son visage, alors que je frappais de toutes mes forces.

— Enfoirés d' « augmentés », je peux pas vous blairer, vous et votre discours à la con sur la supériorité du transhumanisme !

Elle me cracha du sang en pleine face pour m'aveugler et d'un coup rapide en pleine trachée, elle bloqua à nouveau ma respiration.

La salope. Elle n'avait pas besoin d'un scanner pour voir là où j'étais le plus faible. Le coup, précis et rapide, me fit l'effet d'un choc électrique. Le dernier appel pour mon corps à bout.

Il était temps de passer aux choses sérieuses.

Je lançai un rapide coup d'œil au couteau qui n'était qu'à quelques mètres. Jamais je n'arriverais à l'atteindre sans m'écarter d'elle, en lui laissant une nouvelle chance de prendre de l'élan. Il fallait que je conserve cette proximité avec elle pour bloquer ses mouvements.

Je n'avais plus le choix.

Brutalement, je lui donnai un coup de tête puissant, avant de l'attraper par le cou pour l'étrangler. Elle essaya de me frapper, de me griffer le visage, mais je tenais bon. Désespérée, elle me cracha à nouveau du sang à la figure et je lui assénai un nouveau coup de poing avant de tousser tout ce que je pouvais de globules rouges à la face. C'était de bonne guerre.

Je sentis à nouveau l'air se densifier. Elle allait m'envoyer un coup de jus, ça y est, je le sentais. C'était le moment.

D'un seul coup, sous l'impulsion magnétique qui précédait l'explosion électrique, le couteau tombé dans le sable fut attiré vers nous et je le saisis au vol avant qu'il ne se plante dans ma tête.

— Pour la Paix Helvetarienne ! déclarai-je cyniquement en lui enfonçant l'énorme couteau dans sa maigre épaule.

Elle poussa un cri rauque et ses yeux s'écarquillèrent comme ceux d'un robot dont les connecteurs nerveux sont brusquement sectionnés. Je n'avais aucune idée de l'effet que pouvait avoir l'acier helvetarien sur un corps composé seulement d'un tiers de carbone, mais même si ça ne semblait pas la faire exploser directement en petits morceaux, ça avait le mérite de lui faire mal.

Ses bras retombèrent lourdement le long de son corps, alors qu'elle était animée de petits sursauts nerveux. Ses grands yeux noirs avaient abandonné leur expression de rage pour se perdre dans le vague, et sa peau semblait se mouvoir d'elle-même. Son organisme était en train de lutter contre le poison.

Mes deux coéquipiers s'approchèrent en même temps, pour voir qui de l'arme terrienne ou de l'acier helvetarien allait remporter ce match.

La fille se mit à trembler de tout son corps, comme un pantin désarticulé, et sa voix changea brusquement, se chargeant tout à coup d'une douceur suppliante, pleine d'humanité et de peur.

— J'ai froid... j'ai froid... j'ai... j'ai si froid...

Putain, même après qu'elle m'en ait fait autant baver, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver une sorte de sentiment de pitié, comme un arrière-goût désagréable qui, je le sentais, allait me rester longtemps en bouche.

C'était peut-être une « augmentée », une enfoirée de bestiole de labo, mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'elle avait quelque chose de plus humain que les produits sortis de cybernétique. Quelque chose dans son regard, dans sa voix, qui était en train de m'empêcher d'enfoncer ce couteau plus loin. Une impression inexplicable de familiarité qui me faisait soudainement hésiter.

Ça avait été une femme, à 100%, libre, forte, humaine, de chair et de sang... Et puis on l'avait prise, et on en avait fait... ça.

Je ne sais pas, j'avais du mal à réaliser...

— Ça suffit, déclara soudainement Banmian en interrompant ma réflexion.

Et d'un coup de botte,il enfonça le couteau dans l'épaule de la fille et elle perdit connaissance.Pour de bon cette fois.

https://youtu.be/YR4TDBXebWc

Yeah un nouveau chapitre d'Hypernovae, pour cette première rencontre entre le produit de Samsara Lab. et l'équipe du capitaine Marlow ! 

On était en mode trash, en mode combat, en mode sans concessions ! Qu'en avez-vous pensé ? 

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