4. Tout est une question de liquides... (2/3)
Dans un dernier sursaut d'instinct guerrier, je levai rapidement ma garde, pour protéger mon visage. Le coup de pied partit comme une fusée, et je le reçus en pleine épaule. Je fermai les yeux en sentant l'extraordinaire puissance du coup me projeter en arrière, alors que tous les os de mon bras se mettaient à trembler sous l'impact.
Je chutai misérablement au sol, je roulai en arrière, incapable de freiner ma course, qui était en train de me démettre l'épaule. Tout mon corps buta lourdement contre l'escalier au fond du couloir.
Fais chier, j'avais le souffle coupé. J'avais l'impression d'avoir été assommé par une masse.
— Merde, tu frappes fort...haletai-je en reprenant ma respiration.
Je me relevai difficilement, et d'un geste maîtrisé, je remis en place mon épaule. Quelle putain de vipère. Elle m'avait bien eu. Et évidemment, me dis-je avec ma stupidité de bête à queue obsédée, elle avait remonté la fermeture éclair entre-temps.
— Et tu n'as rien vu... pauvre merde de mercenaire.
Je souris, surpris. Alors on passait aux insultes ? Décidément, elle savait me mettre à cran. Dans le bon sens.
Ce n'était pas une synthétique à l'intelligence artificielle, il fallait le reconnaître. Et c'était encore plus excitant. J'avais sous les yeux une arme humaine, et au-delà de son corps parfait, c'était maintenant son esprit qui revêtait de l'intérêt à mes yeux. Jusqu'à quel stade de dépravation et de folie est-ce que les expériences de Samsara Labs. avaient pu amener cette fille ?
— Tu crois que ça va être plus facile qu'avec des robots et des cyborgs universitaires ? fis-je en me préparant à foncer sur elle.
— Non, répondit-elle simplement avec un sourire qui m'étonna.
Elle savait jauger un adversaire.
Avant que j'ai pu agir, elle s'élança soudainement et traversa le couloir en un éclair. Mais cette fois, j'étais prêt. Ses pieds quittèrent le sol pour m'asséner un coup de pied, et je m'esquivai au dernier moment d'un mouvement circulaire pour la bloquer en pleine attaque et la faire tomber. Je la poussai contre le mur, mais elle glissa au sol comme un serpent pour me contourner.
D'un bond, elle se retrouva derrière moi et son coup de poing me fit voler contre le mur. J'embrassai le béton de toutes mes dents et mon nez se mit à pisser du sang. Putain, le contact de ses phalanges contre mon dos avait quelque chose de plus minéral que le mur lui-même. J'avais l'impression d'affronter un golem de pierre.
Elle était rapide, agile, et elle frappait fort. Il était temps de lui faire voir que le combat ne dépendait pas que de ces paramètres.
Je sentis dans mon dos qu'elle s'apprêtait à me frapper à nouveau, et je me retournai d'un seul coup en m'écartant pour éviter de me faire empaler par sa botte. Je saisis sa jambe brusquement en la prenant sous mon bras et la fis tourner pour la déséquilibrer.
Je sentis la pression autour de moi augmenter. Elle était en train de charger une impulsion électromagnétique pour me faire lâcher prise.
Je tirai d'un coup sa jambe vers moi et la lâchai pour la rapprocher et lui asséner un coup de poing dans les côtes. Elle poussa un cri de rage et libéra l'onde magnétique d'un seul coup.
J'eus l'impression que tout mon corps se glaçait soudainement, et une intense nausée remonta dans mon estomac, alors que je perdais l'équilibre. Je m'agrippai à elle en la saisissant par l'épaule, alors que l'envie de vomir venait d'atteindre ma gorge.
Je la tins de toutes mes forces, malgré le contact rugueux de ses membres qui étaient en train de prendre les propriétés physiques du silicate, et les coups de jus qu'elle provoquait contre mes bras pour affaiblir mes muscles.
Elle pensait qu'il suffirait d'un peu d'électricité statique pour me faire desserrer des bras qui avaient déjà subi la torture nerveuse par traitement chimique ? On me couperait la main, qu'elle serrerait quand même sa prise ! Ce n'était pas ses putains de picotements qui m'auraient.
Par contre, ça commençait sérieusement à déplaire à mes organes. Une idée lumineuse jaillit soudainement de mon esprit électrisé. Je laissai la nausée remonter du fond de ma gorge pour vomir tout mon saoule sur la poupée de labo.
Elle poussa un cri, et tenta de s'échapper, mais c'était trop tard. Le liquide visqueux et les nouilles encore mal digérées de mon estomac jaillirent de ma bouche en un flot épais qui se déversa sur ses beaux cheveux noirs, dans sa nuque et sur ses épaules. Les picotements cessèrent subitement, et elle glissa entre mes bras comme une anguille pour s'écarter de quelques mètres.
Elle en avait plein les cheveux et le visage. Je me mis à rire comme un damné. Avec son air de chien mouillé et l'odeur fétide qui l'accompagnait, j'étais maintenant sûr que son petit jeu de séduction ne fonctionnerait plus. Ah elle voulait jouer la garce ? Moi aussi j'étais bon à ce jeu-là.
Elle tremblait de rage. Ses yeux sombres, animés d'une aura meurtrière, étaient fixés sur moi comme les mires de fusils. C'était maintenant qu'elle allait faire une erreur. C'était une bête de combat, pas une sadique perverse et calculatrice (comme moi). Elle allait vouloir frapper trop fort au prochain coup, pour se venger.
— Alors beauté, on essaie un nouveau shampooing ?
Si je pouvais la mettre encore plus hors d'elle, c'était le moment.
— Enfoiré...
Comme prévu, elle fonça sur moi, trop lourdement, et j'eus le temps d'anticiper ses mouvements pour bloquer un coup de pied et la frapper en pleine épaule. Elle fut projetée contre le mur, mais je ne vis jamais l'impact de son dos contre le béton. Elle disparut d'un seul coup.
Avant même que j'ai le temps de penser au camouflage furtif qui ne fonctionnerait pas avec le vomi sur sa tête, elle réapparut à quelques centimètres de mon visage, et m'asséna un coup en plein mâchoire qui me fit voler au bout du couloir. Je vis les pieds d'O'Connor se rapprocher quelques secondes puis ce sont eux qui quittèrent le sol. Elle venait de l'atteindre depuis l'autre bout du couloir, et il tomba en arrière comme une feuille morte.
Putain mais c'était quoi, ça ? De la vitesse supersonique ? Ce n'était pas du camouflage, c'était son déplacement qui la faisait quitter instantanément mon champ de vision !
Avant que j'aie le temps de me relever, un nouveau coup de poing semblable à une chute de pierre me cloua au sol.
— Je n'ai plus envie de jouer, me glissa-t-elle en faisant tomber des nouilles décomposées sur mon visage.
Oh ouais, putain ouais, vas-y franchement, poupée. Sur ce coup, elle m'avait vraiment électrisé. Ca faisait longtemps que je n'avais pas atteint ce niveau d'excitation. J'avais mal, je venais de vomir, mon estomac était encore retourné, je pissais le sang par le nez, mon arcade devait aussi saigner, et j'avais deux dents qui bougeaient comme des couilles au-dessus de la cuvette.
Et c'était beau, putain. Tout mon corps s'exaltait de douleur. Cette fois c'était bon, je le sentais. Cette nana m'embrasait. Quelque chose dans ma poitrine était en train de battre avec plus d'ardeur que le réacteur du vaisseau. Ca faisait des tours comme un quadruple moteur V8 monté sur la carcasse d'une caisse-à-savon.
Elle me donna le temps de me relever, comme si elle voulait me laisser encore un peu de dignité. Te donne pas cette peine, ma jolie. Fais-moi mal, c'est tout.
Elle partit vers moi en réutilisant cette vitesse qui la rendait presque invisible, et au lieu d'esquiver ou de bloquer, j'écartais grand les bras pour recevoir l'impact.
Elle me percuta comme un boulet de canon, enfonçant mes côtes et mon sternum contre mes organes internes. Automatiquement mes bras se replièrent sur eux-mêmes, et je la serrais contre ma poitrine pour l'empêcher de reculer. Bordel, j'avais l'impression de lutter avec un bolide, je sentais encore l'onde de choc de la vitesse à travers mes os. Je crachai à nouveau sur elle, du sang cette fois-ci, celui de mes poumons.
Elle essaya de se glisser hors de mon étreinte, comme elle l'avait fait précédemment, mais cette fois-ci, je la serrai de toutes mes forces. Elle ne pouvait plus bouger d'un pouce, et si j'avais le souffle complètement coupé par mon diaphragme bloqué, elle aussi allait devoir se reposer sur autre chose que sa trachée pour respirer.
D'un coup sec, je serrai encore plus, d'une étreinte qui aurait rompu la colonne vertébrale de n'importe qui, ou n'importe quoi. J'entendis un maigre cri et sentis un craquement semblable à celui de pierres qui s'effritent.
J'espérais juste ne pas l'avoir directement tuée. Ça aurait été compliqué à expliquer à son laboratoire d'origine... Mais non, là-dessous, sous la pression de mes muscles, quelque chose s'était brisé, puis s'était ressoudé, et ça continuait à vivre, à essayer de s'extirper.
Je commençais à perdre le contrôle de mes bras avec le manque d'oxygène, et il fallait que je débloque ma cage thoracique le plus rapidement possible. Mais elle luttait encore. C'était son endurance contre la mienne.
Alors que ses mouvements étaient de plus en plus faibles, se déchargeant progressivement d'énergie, je réfléchissais de plus en plus difficilement, pris de vertiges. J'étais au bord de l'apoplexie. Il fallait que je lâche, et vite.
Puis il y eut un son. Un bruit étrange, comme le vrombissement diminuant de la baisse de tension d'un réacteur en train de s'éteindre. Ou un alternateur !
Une dynamo, une putain de dynamo en phase de relance électromotrice ! Cette nana était branchée comme un courant alternatif, compris-je immédiatement. Ça voulait dire... qu'elle allait repartir !
Les plaques métalliques des murs se tordirent soudainement, comme si une force était en train de les attirer vers nous. Du magnétisme.
Et à la seconde où je compris ce qui était en train de se produire, une lueur bleutée se mit à irradier du corps de la poupée, et une implosion électromagnétique me propulsa en arrière, pressant encore plus ma cage thoracique. Dans un éclair irisé d'azur, elle réapparut devant moi et m'agrippa à deux mains.
Je ne vis pas ce qui suivit. Ou plutôt, je n'en eus pas conscience. Une vive lumière m'aveugla soudainement, et ma tête fut plongée dans le sable brûlant. Je ne vis que deux couleurs, le rouge flamboyant du ciel et l'ocre des dunes du désert. Putain, elle m'avait éjecté hors du vaisseau.
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