4. Tout est une question de liquides... (1/3)
La femme retourna à l'intérieur du vaisseau sans plus nous prêter attention, refermant le sas derrière elle. Elle était coincée. Elle attendait l'affrontement, et elle avait choisi le terrain sur lequel elle allait nous écraser.
— O'Connor, passe par la calle arrière. Il ne faut pas qu'on laisse cette saloperie relancer le moteur, soufflai-je.
L'artificier hocha la tête et cracha au sol.
— Juste une question, Capitaine... Comment on l'attrape ?
Je crachai à mon tour. Putain de merde, on ne savait même pas comment on allait la tenir tranquille jusqu'à notre arrivée au labo à Mandalay. Ces produits organiques n'avaient pas de code-source modifiables, d'Intelligence Artificielle à rebooter. Ça faisait tellement de temps qu'on voyageait sans refaire le plein, que je n'étais même pas certain d'avoir assez de drogues pour la tenir tranquille.
Ca s'annonçait mal, très mal. En fait j'en venais à me dire que j'aurais préféré ne pas tomber dessus. En tout cas pas maintenant, alors qu'on était obligé d'attendre cette putain de pièce de moteur.
Je savais très bien quel genre de dérouillée monumentale m'attendais, j'avais vu la fille à l'œuvre à l'Affrontement Interuniversitaire, je savais (sans vraiment comprendre) de quels matériaux elle était faite. Mais plus dangereux encore, j'ignorais encore tout de sa volonté et de son mode opératoire. Est-ce que la réinitialisation l'avait entièrement transformée, ou est-ce qu'elle avait conservé certains réflexes de combat de son passé d'agent chez StarControl ? Si tel était le cas... On était mal.
— On va faire ça à l'ancienne, on dose les coups et on la maintient en vie, c'est tout ce qui compte. La prime ne prend pas en compte l'état dans lequel on la ramène.
— Si les types de l'université de Mandalay disent quelque chose, on aura qu'à dire qu'elle s'est jetée sous un camion, acquiesça O'Connor en haussant les épaules avec son humour habituel.
Il était encore confiant, l'abruti...
Il s'élança vers l'arrière du vaisseau, de l'autre côté de la dune, alors que je montai à l'assaut du cockpit. Je laissai Banmian seul au milieu du désert, sans lui donner d'ordres. J'avais encore du mal à comprendre comment il s'en était si bien tiré face à une arme organique de ce calibre, sans une égratignure. Je soupçonnais quelque chose de plus étrange, et de plus grave...
Je passai sous l'ombre du vaisseau avant d'atteindre le sas avant, situé sous l'aile gauche de l'engin. La porte invisible sur la coque s'ouvrit au seul contact de ma paume, et j'entrais dans le couloir d'alimentation. Les lumières rouges clignotantes signalant une présence ennemie illuminaient tout le vaisseau.
— Fin du protocole de sécurité, lançai-je à voix haute.
L'éclairage rouge fit place à de petites lampes à la lumière douce et verdâtre sur les murs. Voilà, pas la peine de rendre l'atmosphère encore plus anxiogène. Je m'approchai d'une console de commandes techniques pour vérifier l'état du vaisseau. Il ne manquait plus qu'elle ait saboté quelque chose pendant son petit vol en planeur sur les dunes.
Tout était en ordre. A part le moteur qui déconnait et la ventilation défectueuse dans les quartiers d'O'Connor. Mais ça on avait l'habitude, ça remontait à ses derniers essais d'explosifs la clope aux lèvres, avec des résidus de métaux solariens et du C4...
Ce qui m'inquiétait, c'était le scanner thermique de dératisation. Il repérait le cul de ma danseuse, deux larves martiennes qu'on trainait dans la calle depuis presque un mois, d'ailleurs Banmian avait dit plusieurs fois qu'il s'en était occupé, je soupçonnais qu'il les avait gardé pour en faire une sorte d'élevage clandestin en salle des machines, au milieu de son nid de boulons.
Mais c'était les seules empruntes thermiques que je repérais. Putain de technologie furtive...
— Alors, poulette... A quoi tu joues ? Viens voir par là qu'on s'amuse un peu...
Ma voix se perdit dans l'écho métallique des boyaux du monstre d'acier. Seul le silence du vaisseau me répondit.
Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais l'impression étrange d'avoir déjà vécu cette scène. Cette tension palpable, cette impression d'avoir à affronter du brouillard, quelque chose d'invisible et d'inconsistant, dans un environnement fermé, vicié.
La jungle.
Oui, cela me rappelait la jungle. Et ce n'était pas qu'un vague effet de déjà-vu. C'était une sensation qui me prenait aux tripes. Merde, j'allais quand même pas me laisser impressionner par un camouflage thermique et une paire de miches !
Je sortis mon couteau de combat, prêt à l'affronter à l'ancienne, loin des cyborgs et des armes universitaires.
Mais plus important que tout, il ne fallait plus qu'elle touche aux commandes. Je remontai vers le cockpit en progressant lentement, vérifiant chaque angle avant de m'engager dans les couloirs, comme si mon propre vaisseau était devenu une base ennemie à prendre d'assaut.
J'allais arriver à l'escalier en colimaçon menant à la cabine de pilotage, lorsque j'eus soudainement l'impression de sentir une présence dans mon dos.
Je me retournai d'un coup pour trouver face à moi un couloir désert, mal éclairé. J'étais sûr qu'elle était là.
— Alors... comment un joli petit bout de matière hybride comme toi a pu se retrouver au milieu du désert de Zoltar-3 ?
Une sorte de perturbation électrique fit soudainement vaciller l'éclairage et après quelques clignotements, l'ampoule au-dessus de ma tête sauta.
Ah oui, les orages électromagnétiques, je les avais presque oubliés... Il allait falloir qu'on trouve une solution à ce problème si on voulait pouvoir quitter cette planète de poussière et de merde.
— Ça t'énerve, le rat de labo ? Qu'est-ce qui te plaît pas ? D'avoir le statut légal d'une chaise de bureau ?
Je commençais à sentir une sorte de pression atmosphérique densifier l'air autour de moi, malgré mon corps 100% organique. Bordel, elle était forte...
J'entendais les pas lourds des chaussures cloutées d'O'Connor qui était en train d'approcher. Si on l'encerclait dans ce couloir, on avait une chance de la coincer. Et il me suffirait d'un coup pour l'envoyer au tapis.
— Aller ! Montre-toi, salope ! Qu'on en finisse ! beuglai-je d'un coup.
La lumière des lampes augmenta soudainement, comme si elles surchauffaient. Et elle apparut sous mes yeux. Dans sa combinaison moulante, à moitié ouverte sur sa poitrine, avec ses grands yeux sombres qui me fixaient sous sa frange droite.
Putain, c'était bien plus excitant que devant l'écran du bar. Il y avait quelque chose d'intensément sauvage, et suave en elle. J'avais envie de la déshabiller là, dans le couloir, et d'attraper ses seins à deux mains, comme les stripeuses synthétiques aux visages inexpressifs qu'on pouvait chevaucher dans tous les sens, jusqu'à les casser. Ça, c'était de la nana synthétique de luxe.
Mais de la synthétique de biosciences, capable de dessouder un robot d'une main et de résister à une grenade à hydrogène. Je souris en la regardant se mettre en garde dans un mouvement agile et sexy, comme une boxeuse attendant que je fasse le premier pas. Elle voulait m'affronter sans armes ? Mauvaise idée. Elle avait beau être nukeproof, ma jolie petite ninja de laboratoire, elle allait déchanter quand je lui ferai embrasser mes poings.
— Alors, qu'est-ce que t'attends, l'expérience universitaire ? Ils t'ont tellement bourrée de silicate que t'avais plus de place pour une langue ?
Sa bouche pulpeuse s'étira doucement et elle inclina légèrement la tête, comme si elle évaluait la distance qui nous séparait. Sa voix sonna soudainement, comme une douce mélodie aux accents froids, comme une voix enregistrée de robot, qui me fit frémir de dégoût.
— Et toi ? Pourquoi tu parles autant ? Tu n'as pas besoin de dire ce dont tu as envie pour l'obtenir pourtant...
Et elle tira vers le bas la fermeture éclair de sa combinaison, révélant un peu plus de son torse blanc. Le souvenir des tétons floutés par la censure lors de l'Affrontement rejaillit dans mon esprit et tout mon bas-ventre se contracta. Je flairais le piège, je sentais que je n'étais pas face à une sorte de nymphomane interstellaire, mais bien en tête-à-tête avec une arme de destruction massive.
Mais putain... A cet instant, après des mois enfermé dans cette boîte de conserve avec mes coéquipiers, toutes mes années de conditionnement militaire contre la corruption s'étaient évanouis. A la place, la rigidité de ce qui se produisait dans mon pantalon était en train de troubler mes sens.
Je n'avais vraiment pas envie de lutter, même si sa voix métallique aurait pu me réfréner dans mes ardeurs. Je m'avançai d'un pas lourd, obnubilé par cette paire de seins et ce regard langoureux rivé sur moi.
— Je ne suis peut-être qu'une expérience de laboratoire, mais toi... tu peux m'appeler Deera pour les prochaines minutes... souffla-t-elle de son timbre artificiel.
Je n'étais plus qu'à quelques mètres, rangeant mon couteau dans son fourreau, prêt à entrer en contact avec cette chose, cette création de chair et de sang, au corps qui semblait si parfait.
Au fond, ce n'était qu'un produit de laboratoire, il avait été fait pour plaire et satisfaire ses maîtres, et j'étais en train de me laisser convaincre que c'était réellement ce qu'elle m'offrait là.
Je m'apprêtais à caresser ses seins, lorsque soudainement, la voix changea, prenant brusquement un timbre grave, rauque et plein de haine :
— Tu peux m'appeler Deera la défonceuse de mercenaires !
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