Petits mots, non datés :
Je ne me suis pas enfui.
Je suis en cours.
Il y a un plan de Paris sur la table, je vais poser ce mot dessus. Si tu sors, essaye de ne pas te perdre, j'ai d'autres choses à faire que de courir partout.
Si ma logeuse, Claus ou n'importe qui d'autre pose des questions, invente, si ta version ne colle pas avec la mienne, débrouille-toi. Ça ne devrait pas être le cas, je croise rarement du monde le matin.
Je dois donner un cours ce soir, je rentrerai vers vingt heures, peut-être vingt heures trente. Il faudra qu'on parle. Hier, nous avons été lâches, faire l'amour était beaucoup plus simple que d'avoir une conversation, aujourd'hui il va falloir qu'on discute. Je préfère te prévenir, tu as toute la journée pour penser à ce que tu vas dire.
A ce soir.
Sean.
***
Je ne sais pas comment tu fais pour rester endormi.
Entre le bruit que je fais, la lumière et le froid tu devrais être debout, mais non, tu dors. Sur le ventre et la tête tournée vers la lampe, en plus.
Enfin.
Tu ne m'as toujours pas dit si tu voulais te joindre à nous ce midi, pour le déjeuner. Si oui, je t'ai tracé le chemin sur la carte, et je t'ai marqué les étapes sur un papier, je vais sans doute le caler sous la cafetière. Tu aurais pu faire attention avec la fenêtre, nous sommes bien maintenant à ne plus avoir de carreau en plein hiver. Evite de déplacer les livres sur mon bureau, ils calent mes devoirs, manquerait plus que tout s'envole.
Si tu as le temps, essaye de bricoler la fenêtre, ils annoncent de la neige.
Sean
Ps : tu gardes Franziska aujourd'hui.
Re- ps : si tu as oublié c'est la petite sœur de Claus. Celle avec les nattes. Qui t'a offert un caramel. Elle a une angine et ses parents travaillent. Ne t'inquiète pas, elle est adorable.
***
Je suis avec Helen et ma logeuse, elles se sont mises en tête de t'offrir un présent pour Noël et veulent à tout prix mon avis.
Sinon tu es de corvée enfants, et commission, désolé.
Je t'ai noté la liste au dos et tu as de l'argent juste à côté.
Essaye de ne rien oublier, souviens-toi de la grande tragédie du lard fumé.
Helen tient particulièrement aux fruits confits, elle veut faire un gâteau allemand au nom imprononçable, une spécialité de Noël d'après elle. En parlant de ça, est-ce que tu te souviens de la recette du pudding de ta mère ? Elles veulent absolument que l'on en fasse un pour le réveillon depuis que j'en ai parlé hier. D'ailleurs la prochaine fois que je commence à évoquer des traditions de chez nous, frappe-moi, elles sont beaucoup trop enthousiastes.
Sean.
P.s : pas besoin de chercher le bébé partout, il est avec nous. Et souviens-toi bien que tu as CINQ enfants à surveiller. Trois filles, deux garçons. Cette fois évite d'en égarer un, ou alors choisis un grand. Ah, peut-être six, Hégésippe va sans doute venir avec vous.
***
J'ai abandonné Helen et ma logeuse en cours de route.
Adrien a dû retourner chez lui en urgence, son père est à l'hôpital pour une opération bénigne, et Armand a réussi à me faire embaucher au restaurant à sa place. Il sera de retour dans trois jours, donc pas de problème pour le réveillon.
Désolé de t'abandonner comme ça.
J'espère que tout se passe bien avec les enfants.
Si tu veux passe me chercher ce soir, si tu as le courage de sortir dans le froid.
Sean.
P.s : en parlant de froid : répares cette fenêtre !
***
Joyeux Noël !
Tu ne tiens vraiment pas l'alcool, tu le sais ça ?
Endormi à même pas vingt-trois heures, même Claus a tenu plus longtemps.
Moi je n'ai pas sommeil.
Je termine d'écrire ceci et puis je te réveille, on ira marcher un peu dans le Paris endormi, ça te fera redescendre sur Terre.
Les gens doivent commencer à sortir des églises, bientôt ils regagneront leur chez-eux, à pas feutrés. Eclairés comme dans le temps à la bougie, ils formeront une route de lucioles, comme celles que l'on admire dans les champs l'été.
Et puis il fera noir, et la nuit sera à nous.
Je ne t'en veux plus autant qu'avant.
Sean.
***
Joyeux Noël !
L'autre cadeau, ce n'est qu'une broutille, le vrai est sous ce papier.
Tu m'as toujours dit que ce que tu préférais dans les présents, c'était la joie qu'ils procuraient aux personnes qui les offraient. Et bien celui-ci ne pourrait me rendre plus heureux.
Je vais te gâcher la surprise, qu'importe, je marquerai sur l'enveloppe que tu ne dois en lire le contenu qu'après avoir ouvert le paquet.
Un journal étudiant m'a proposé de publier mes poèmes !
En début d'année Paul a posé sa candidature pour faire partie de l'équipe de rédaction, il se charge de critiques littéraires, parfois un peu de théâtre et de cinéma, j'ai lu ses articles, ils sont très bien, même si nous n'avons pas toujours les mêmes avis.
Je n'ai jamais osé envoyer mes écrits, par crainte d'un rejet.
Mais un jour.
Le hasard a décidé de s'en mêler.
Je voulais l'avis de Paul sur un de mes poèmes mais n'ayant le temps de le déposer je l'ai confié à Madeleine qui, elle-même pressée par le temps, l'a déposé sur le mauvais bureau, sur celui de l'étudiant chargé de la publication des œuvres de nos pairs.
Il l'a beaucoup aimé mais, n'ayant aucun moyen de connaître son auteur, a dû le ranger à contrecœur dans un tiroir, jusqu'au jour où Paul, à la recherche d'une quelconque chose ouvrit ce compartiment et tomba dessus.
Reconnaissant mon écriture et mon style il demanda à son ami comment il était entré en possession de ce poème. Quelques explications plus tard la décision était prise de le publier dans le deuxième numéro de décembre.
Ils m'ont proposé de devenir un de leurs réguliers en publiant deux de mes poèmes par mois. Il y aura souvent des thèmes imposés et je devrais peut-être me plier à quelques modifications mais qu'importe, des inconnus liront mes poèmes.
Que penses-tu de celui-ci ?
Il est triste, je te l'accorde, mais c'est pour ça qu'il fut choisi, selon eux il illustre l'actualité.
Lorsque tu rentreras, est-ce que tu pourras le montrer à ma mère ? Mon père n'en aura sans doute que faire mais elle, elle en sera fière. Et à mes sœurs également !
J'espère que tu es aussi heureux que je le suis.
Je ne te déteste plus.
Sean.
***
Au revoir.
J'aurais aimé que tu restes, pour que l'on fête la nouvelle année et que l'on erre de nouveau dans les rues assoupies, mais tu es resté trop longtemps loin de chez toi et nos familles commencent à remuer, à murmurer, ce n'est pas une bonne chose.
Allez, rejoins ta femme, va.
Je dis cela, sans aucune haine ni rancœur.
Il faut réellement que tu repartes auprès d'elle et que tu fasses illusion. Dans quelques années — moins, peut-être ? — elle prendra un amant et enfantera, votre couverture sera parfaite. Elle n'a pas l'air méchante, au fond, tu sais, et je m'en veux, un peu, de faire voler en éclat son parfait ménage.
Dans sa lettre, elle avait l'air si compréhensive et bienveillante, je ne saurais dire si cela cache quelque colère contenue ou si elle n'est au fond que d'une nature particulièrement bonne. A moins qu'elle ne soit naïve et n'ait réellement cru à cette histoire de meilleur ami, presque frère, s'étant senti trahi lorsqu'il s'est rendu compte des cachotteries de son camarade.
Enfin, l'un ou l'autre, cela me va.
J'enverrai la lettre pour Louise ce matin, juste après t'avoir accompagné à la gare. Promis, je ne lirai pas ta missive entre temps, même si je me demande bien ce que tu as pu lui écrire de si secret pour que moi-même je ne puisse le lire.
Les enfants vont te regretter, surtout Franziska qui, je crois, ne mentait pas en disant vouloir t'épouser lorsqu'elle serait grande. Que dirais-tu de revenir ? Peut-être en novembre prochain ? C'est loin, mais je sais qu'à cette période la ferme tourne au ralenti, tu pourras donc t'éclipser sans que cela n'alourdisse les autres de travail.
Avant de m'envoyer ta prochaine lettre, n'oublie pas qu'Holly veut désormais m'écrire, pense à récupérer ses feuilles pour économiser un timbre et une enveloppe.
J'espère que ton voyage sera bon.
Je t'embrasse.
Sean.
Hello!
Pour cet ensemble de petits mots je me suis poser une grande question: est-ce que je devais les poster tous en même temps ou bien un par un?
J'ai finalement décidé la première solution parce que j'aimais bien l'idée qu'ils forment un espèce de tout.
J'espère que vous avez aimé!
A dans deux semaines!
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