Lettre du 14 juin 1937
14 juin 1937
My love,
Louise est une idiote.
Oh bien sur que sa candeur et son ignorance du monde peuvent être touchantes mais elles font aussi d'elle une idiote. Une personne qui agit impulsivement, dirigée plus par ses envies que par le bon sens. Comme une enfant. Mais elle n'en ait pas une et il serait temps qu'elle grandisse et se rende compte du danger de ce genre de comportement.
Tu ne comprends certainement pas.
Dans ma dernière lettre tout allait bien et maintenant voilà que je lui crache à la figure.
Te souviens-tu de l'expédition ? Je t'en avais déjà parlé mais sans jamais m'y attarder car je pensais que ce n'était qu'une des lubies de Louise. Et c'était le cas. Jusqu'au moment où la terrible nouvelle tomba : faute de fond suffisant elle ne pourrait pas avoir lieu.
Tu aurais du la voir lorsqu'elle l'a apprit. Elle est rentrée en pleur et c'est jeté dans son hamac, s'enroulant dans ses couvertures comme une petite fille. Et puis est venue la colère, elle a vomi toute sa haine en un discours incohérent et prouvant encore une fois qu'elle ne connait rien du monde.
Elle prenait ce manque de fond comme un affront personnel, te rends-tu compte ? Comme si des personnes avaient sciemment décidé de l'annuler dans le but de lui faire du mal. C'est ridicule. Elle était ridicule.
Non. Ne souris pas, je sais que tu penses que cela ne mérite pas ma colère. Tu es sans doute entrain de te dire que, comme souvent, je fais une montagne de presque rien mais ce n'est pas le cas. Attends de savoir la suite.
Qu'est-ce que des fonds ? De l'argent. Et qui possède de l'argent soigneusement rangé dans un bocal ?
Louise.
Oh arrête de sourire comme ça !
Non, le fait qu'elle ait apporté cet argent au directeur de l'expédition n'est absolument pas mignon. Ça l'aurait été si elle avait eut l'âge de mes sœurs mais là...Non. C'est juste affligeant de naïveté.
Comment a-t-elle pu croire que ces quelques pièces allaient suffire à financer une expédition de cette envergure ? Comment peut-elle avoir une si petite notion de l'argent pour qu'elle ait pensé cela possible ?
Elle est stupide.
Tu ne me comprends toujours pas.
Louise va partir.
Bien sûr ses quelques pièces durement gagnée n'ont pas suffit à relancer l'expédition mais elles ont été suffisante pour que le professeur l'organisant la prenne sous son aile. Il lui a parlé de ses autres voyages, de ses travaux, il lui a ouvert les portes de la faculté de médecine, l'un de ses amis est professeur là-bas, pour lui montrer des monstruosités conservés dans des bocaux.
Il se l'est accaparé. Et elle, imbécile qu'elle est, ne voit derrière cette intérêt que de la gentillesse et elle me parle encore et encore, chaque soir et chaque matin, de cet homme si gentil, si intelligent, si cultivé et si patient avec elle.
Elle ne se rend pas compte.
Elle pense que son camouflage la protège.
Si seulement elle savait que ce dont elle a si peur peut aussi arriver au garçon.
Surtout aux petites choses fragiles, efféminés et naïve comme elle.
Je suis odieux, cruel et je le sais.
J'espère que ma colère sera comme un orage estival, qu'elle grondera, terrifiera mais finalement ne laissera derrière elle qu'un paysage apaisé et un ciel clair, exempt de toute dispute.
Un mécène a donné de l'argent, l'expédition est relancée.
Et Louise va partir.
Elle me l'a apprit aujourd'hui, au pire des moments possibles.
Nous étions entrain de visiter l'exposition et c'est de ça dont j'aurais du te parler dans cette lettre. De la foule se pressant et se poussant pour acheter plus vite un billet. Des manèges terrifiants, immenses et soutenu par des piliers semblant aussi fin que des allumettes. Cette chose si étrange faite de métal et de verre qui, semblerait-il, servirait à observer le mouvement des astres.
C'était comme si le monde entier avait décidé de se réunir à Paris. J'ai goûté des plats étranges dont je ne saurais dire les ingrédients, j'ai vu des femmes, le visage entièrement fardé de blanc, servir le thé dans le pavillon du Japon et des hommes, dont la peau, de l'exacte couleur du café au lait, était recouverte de peintures étranges, d'autre encore exécuté des danses. J'ai entendu des langues merveilleuses dont je ne comprenais pas un mot et j'ai échangé des regards avec des gens tout aussi émerveillés.
Et tu sais ce qui m'a le plus surpris ? Que ces personnes s'habillant, vivant et parlant de manière si étrange soit aussi fasciné par nous que nous l'étions par eux. Ce qui est normal pour eux ne l'est pas pour nous et ce que nous jugeons banal est pour eux extraordinaire.
En voyant toute ces façons de vivre je me suis surpris à me demander si, pour l'un de ses peuples, notre amour était normal. Il semble exister tant de façon de mener sa vie que j'en viens à me dire que, peut être, très loin d'ici, des hommes peuvent vivre ensemble au grand jour.
Partirais-tu avec moi si un tel pays se révélait réel ?
Tu vas sans doute me dire que oui, mais que tu aimerais d'abord connaître la fin de l'histoire avec Louise. Je l'avais presque oublié celle là et, alors que ma colère était sur le point de devenir un souvenir, voilà qu'elle recommence à grossir.
Nous étions devant un pavillon, celui d'un pays d'Asie, et nous admirions son élégance et ses décorations lorsqu'elle c'est tourné vers moi et m'a annoncé, l'air ravie d'une enfant venant de recevoir de la guimauve, qu'elle elle allait bientôt en voir des vrais. Et puis elle s'est détournée pour voir si elle pouvait entrer, comme ça, comme si elle ne venait pas de bouleverser complètement nos vies.
Oh je ne lui ais pas montré ma colère, j'ai même réussit à avoir l'air de m'en réjouir, car j'avais en ma possession un argument parfait, celui qui prouverais à Louise qu'elle ne pouvait pas partir. Je l'ai gardé en moi durant tout cet après-midi. Chaque fois qu'elle parlait de cette foutue expédition et de tout ce qu'elle allait voir et apprendre j'y repensais, attendant le moment où je briserais son rêve.
Ça ne me ressemble pas, je le sais bien.
Je me souviens que lorsque nous étions enfants certains garçons s'amusaient à torturer les insectes. Ils noyaient les fourmis, écrasaient les escargots, arrachaient les ailes des papillons et très vite ils ont apprit à être aussi cruel envers leurs camarades qu'envers ces animaux.
Je n'ai jamais été comme ça.
Et pourtant dés lors qu'un possible abandon est en jeu je me transforme et devient comme eux, avide de blesser et de tourmenter celui qui ose songer à me quitter. Tu en as déjà fait les frais et je pense que tu t'en souviens encore tant ma réaction eut été violent, stupide, cruel et exagéré.
C'était l'été de nos quatorze ans, à la fin du mois de juin. L'école venait de se terminer et nous rentrions chez nous. Il faisait chaud et le ciel était bleu, sans aucun nuage, dans les champs les blés étaient presque mûrs. Nous parlions de la fête du village qui commencerait le lendemain et je me plaignais de cette fille qui n'avait eut de cesse de venir m'en parler à chaque récréation et également le midi, au réfectoire. Elle ne m'avait bien sûr jamais dit qu'elle aimerait y aller avec moi mais cela était très clair. Je me souviens parfaitement du ton exaspérant de sa voix, de ses sourires et de ses yeux papillonnants. Je la trouvais stupide et je te le dis en soulignant que lorsqu'elle avait demandé mon aide pour un devoir, une composition, je m'étais rendu compte qu'elle formait ses phrases comme une enfant de dix ans et qu'elle avait l'orthographe d'un gamin venant d'entrer à l'école. Et j'avais ajouté qu'au moins lorsque je t'aidais toi je n'avais pas l'impression d'avoir en face de moi ma petite sœur et que je n'avais de toute manière pas envi d'aller à cette stupide fête mais que, si j'y étais réellement obligé, je préférais y aller avec toi.
Cette phrase n'était pas réellement innocente. Je savais que je t'aimais depuis presque un an et, parfois, je lançais des petites phrases de ce genre dans l'espoir que tu y répondes. Ça ne c'était jamais produit avant ce jour car, brusquement, tu t'arrêtas et m'embrassa.
Tu te rappels dans doute de la suite, ma main filant vers ton visage, mes joues rouges, la trace de mes doigts sur ta peau et le silence gêné jusqu'à la maison. Mais je ne m'étais pas enfui et, je crois, que c'est ce qui te poussa à retenter ta chance, doucement, pour ne pas me prendre par surprise, juste avant que nous soyons en vu de la maison.
Ce soir là j'étais euphorique mais le lendemain je me retrouvai en enfer. Car en me rendant chez toi le matin je te vis, parlant et riant, avec une jeune fille que je connaissais bien, la même qui avait déclenché notre baiser.
J'ai eut si peur de te voir m'abandonner pour elle que, lorsque j'ai apprit que l'une de tes tantes était malade, je n'ai pu m'empêcher de m'en réjoui vicieusement. Je crois même t'avoir annoncé que j'espérais que son état se dégrade encore. Je ne sais même pas comme tu as pu ne pas me laisser pour de bon.
Mais revenons à Louise car, encore une fois, je me suis bien perdu.
Mon argument donc était d'avancer le fait que sa féminité risquait fortement d'être découverte lors de l'expédition et de jouer sur la menace des sœurs pour l'effrayer et la dissuader de partir. Stupide. Surtout qu'au lieu de lui faire peur ça la fait directement filé à l'université pour annoncer la vérité au professeur.
Je n'aurais jamais pensé que ce voyage était plus important que sa couverture.
Et cela n'a rien changé, elle part toujours.
Elle est rentrée il y a une heure, les yeux brillants et m'a annoncé qu'elle avait tout expliqué au professeur et que ça ne lui posait aucun souci. D'après elle il a même trouvait son travestissement très courageux et trouve navrant que les femmes n'aient pas plus accès aux études supérieures. Bien sûr, il a fallu qu'elle tombe sur le seul maître de conférences avec des pensées progressistes.
C'est là que ma colère a surgit et que j'ai choisi de t'écrire.
Maintenant je suis calme et je peux le dire : je ne veux pas que Louise parte.
Et pourtant, maintenant que le voile rouge de la fureur n'occulte plus ma raison, je me rends compte que je ne dois pas m'y opposer. Ce n'est pas juste un caprice mais le rêve de toute sa courte vie qu'elle va réaliser.
Louise va embarquer dans ce dirigeable affrété spécialement pour l'expédition et sera présentée comme le protégé et l'apprenti du professeur.
Elle va étudier avec des biologistes , des ethnologues et que sais-je encore. Elle va noircir des pages et des pages avec des croquis de plantes, d'animaux et de paysages. Elle va vivre ce qui sera sans doute la plus grande aventure de toute son existence.
Elle ne sera de retour que dans deux ans. Elle sera certainement différente. Ce ne sera peut être même plus celle que j'ai apprit à connaître durant ces quelques mois. Peut être ne reviendra telle jamais vers moi.
Et malgré cela, malgré ma tristesse et le manque qui se fait déjà ressentir, je suis obligé de sourire et de lui dire que je suis heureux pour elle.
Etait-ce pareil pour toi ?
Ce sourire qui se peignait sur tes lèvres lorsque je parlais de Paris, est-il aussi factice et douloureux que le mien en ce moment ? Ta bénédiction, mille fois donnée, n'est-elle qu'un moyen de ne pas m'entraver ? M'en as-tu voulu comme j'en veux désormais à Louise ? As-tu eut peur de me perdre ?
A la pensée que tu ais pu ressentir la même douleur que moi en ce moment, un goût amer m'envahi la bouche. Je suis désolé, je ne voulais pas, je ne savais pas. Pardonne-moi.
J'ai envie d'écrire. Cette fois je n'ai rien à dénoncer mais j'ai besoin de coucher sur le papier ce sentiment. Alors je vais te laisser.
Je t'embrasse et te prit de me pardonner si ma décision t'a fait souffrir.
Ton amant.
Sean, l'art d'être joyeux dans une lettre et de péter un câble dans la suivante XD
Alors il y a une partie dans cette lettre qui ne me satisfait pas et c'est, chose rare, le souvenir de Sean. Je l'ai remanié, je l'ai enlevé, je l'ai tourné différemment mais non, ça bloque toujours. Bref vous en pensez quoi vous?
Sinon au niveau des publications j'ai décidé de faire une mini pause de quatre semaines. Pourquoi? Déjà pour avoir le temps de bien écrire le chapitre spécial 500 votes et de l'envoyer à ma correctrice. Ensuite parce que je ne veux pas me dépêcher pour écrire les lettres et finalement les bâcler. En plus il faut ajouter à cela le fait que je viens de commencer mon traitement hormonal et que je m'agite en tout sens pour absolument ne rien faire et que donc j'ai un retard monstre sur mes romans et mes cours.
Bref, rendez-vous le 7 avril pour le chapitre spécial et après cela, promis, les publications seront de nouveau régulières!
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