36. Protéger à tout prix.

Je recommence Moonstruck d'Enhypen pour l'ambiance du début.
Des scènes violentes sont présentes vers la fin 🤍 faites attention à vous.








SUNOO.






Je ne comprends pas ce qui m'arrive.

Contrairement à Heeseung qui m' a l'air d'en savoir plus. C'est comme si j'avais une rage de dent mais avec moins de douleur. C'est surtout cette sensation de démangeaison insupportable. Et plus son cou dévoilé m'est exposé, plus l'envie d'y planter mes crocs m'obsède.

Je ne me souviens pas avoir eut envie de mordre quelqu'un comme ça.

Il attrape ma machoire de telle sorte que je ne me fasse pas mal. Mais garder la bouche ouverte ainsi commence à devenir inconfortable. Et je ne suis pas emballé à l'idée de finir par baver devant lui. J'entoure alors son poignet, lui intimant en silence de me lâcher, espérant qu'il comprenne le message.

Grave erreur, je suis ignoré. Au contact de son doigt sur ma dent, mon être entier tremble, comme sous secousse électrique. Je grogne, clignant des yeux à cause de la pique douloureuse qui se propage dans le reste de mon corps. Ça fait mal. Et il s'en rend compte, m'adressant un regard désolé.

J'en peux plus. Je m'agrippe à son col pour le rapprocher. Je sens que pour me soulager, je dois le mordre. Je veux juste, juste une fois. Je n'arrête pas de penser à ça; et l'ambre qui me prend la tête, un parfum si exquis duquel je m'imprègne. Voyant mon envie transpirer dans chacun de mes gestes, il soupire.

Je sens un peu d'alcool d'ici. Elle n'est pas trop forte. Des perles de sueur s'agglutinent sur mon front. Je ne pensais pas mon corps capable d'atteindre un tel dégré malgré la saison. Ce n'est pas handicapant. Ou alors, c'est que j'apprécie le fait de me sentir étouffer.

Je me noie dans les effluves de cèdre et d'ambre, emplis mes poumons avec comme une drogue nécessaire. Je tire bout par bout le tissu qui se froisse sous ma prise solide, pressant de plus en plus mes jambes contre la sienne. Mes plaintes s'élèvent, des appels de désespoir.

L'Alpha ne perds pas son calme, demeure de marbre malgré mon état. Il recouvre mes mains des siennes et m'oblige à lâcher prise. Rien à faire, je ne suis pas de taille pour lutter contre. Un couinement plaintif remonte, traduit mon humeur. Les pointes de mes crocs effleurent l'intérieur de mes lippes inférieures, me faisant grimacer.

Il retire les boutons de sa chemise à mon plus grand bonheur. Mon coeur pulse tandis qu'il descends. Sa veste glisse de son épaule droit. Il écarte le tissu en satin qui suit, laissant voir sa peau. Ma moue disparaît à la seconde. Je décale de la surface immaculée à son visage, cherchant les signes de son approbation, malgré le geste explicite.

Il hoche la tête, ses paupières glissant de manière gracieuse vers le bas, avant de remonter. Un éclat rougeâtre rayonne plus fort à ce moment. Sous l'oeil attentif de l'astre diurne, il prend délicatement ma machoire dans le creux de ses mains, s'assure que je ne me blesse pas, me mènant jusqu'à son épaule.

Mon ventre se met à chauffer, se tordre de façon doucereuse. Les fourmillements s'intensifient, avec eux, l'impatience qui me dévore. J'examine ce bout de peau, les quelques taches noirs qui la parsèment, la chair de poule qui apparaît, quelques traces de rougeurs qui la colorent.

J'observe ces petits détails qui me sont précieux malgré leur banalité. Comme quoi, même dans les détails les plus simples, une beauté singulière s'y cache. Elle est sans pareille. Sa clavicule, les petites lignes presque invisibles au niveau de sa jugulaire qui forment un cercle.

Une senteur épicée s'en dégage, avec elle, une bourrasque harrassante. Je pose mon nez dessus, inspire longuement; les effets sont instantannés et me retournent le cerveau. Addict, je renifle, sentant mes entrailles s'embraser dans les secondes qui suivent.

Mes crocs éraflent sa peau, et s'y plantent. La douleur me fait gémir à la seconde. Heeseung flatte ma nuque.

— Doucement... me chuchote-t-il avec difficulté.

Et savoir que mon acte ne le laisse pas indifférent me plaît. Il essait d'étouffer par tous les moyens ses gémissements, en ne permettant qu'aux souffles fluets gorgées de désirs de se détacher de ses lèvres.

La sensation est bizarre au début. Il faut de longues secondes pour m'y habituer. Et, comment dire, le fait d'avoir mes crocs dans sa chair est divine. Je comprends mieux sa tendance à me mordre à tout va. Je ne peux pas tout décrire avec exactitude, c'est juste d'un soulagement qui ne se mesure pas.

Mon rythme cardiaque ressemble à des notes de piano qu'on applique dans un chaos. Elles ne sont pas à leur place, tout est désordonné et chacune n'obeit qu'à sa propre loi, sans se soucier de la sonorité des autres. Une mélodie rebelle qui échappe au contrôle.

Elle est libre comme un courant d'eau qui se faufile dans n'importe quelle fissure, déborde dès qu'une brèche se prèsente. La brèche, c'est l'inattention, les barrières qu'on abat pour laisser l'autre foutre la merde dans notre cœur.

Je papillonne des yeux, un soupir de satisfaction faisant frémir mes cordes vocales. Ma langue se colle à sa peau, humidifiant cette dernière.

— S...Sunoo...

Je grogne en retour. Je n'ai plus envie de le lâcher. Mes paupières sont lourdes. Un filet de sang suinte, le goût metallique titille mes papilles gustatives. Ce n'est pas vraiment agréable, ce n'est pas si désagreable non plus. La pression derrière mon crâne se fair ressentir. Ses doigts se plient, saisissant mes cheveux.

Je ne sais plus combien de temps je reste ainsi, tandis que nous sommes tous les deux foudroyés par ce plaisir nouveau. Un plaisir qui remonte lentement, atteint son point culminant avant d'exploser. Après quoi, les morceaux restants retombent en toute legèreté. Ce qui me rend amorphe les minutes qui suivent.

Mes crocs finissent par se retracter. Mais je garde ma tête contre son épaule. Au fond de moi, j'ai l'impression que nous avons fait quelque chose d'important, symbolique. Je ne peux pas éffacer ce ressenti qui se renforce et s'enracine à moi. À savoir si c'est positif ou négatif.

Malheureusement, ma fatigue m'emporte, et avec elle, mes reflexions.

***

Je frotte mes yeux contre quelque chose de rugueux.

Émergeant peu à peu de mon sommeil, je reconnais la texture de sa tenue. Mes paupières se rétractent, ma vue prend son temps pour s'éclaircir. Ma première vision n'est autre qu'une pomme d'Adam, un col froissé et une respiration profonde.

Je rassemble mes souvenirs au fur et à mesure que mon cerveau me le permet. Je soulève la tête en me rendant compte que ma position n'a pas tant changé que ça. Je n'ai pas ressenti le froid tout au long de mon repos. Le moteur du véhicule s'est éteint, il n'y a pas l'ombre d'un bruit dans les environs.

C'est quelque chose que je trouve surprenant. Nous sommes dans un parc, quand bien même bon nombre d'animaux hibernent encore, on devrait entendre un minimum de bruit. Ou lors, le vent qui sifflote à travers les branches nues des arbres, les canaux d'évacuation ; et les ruisseaux d'eaux ? Les blocs de glace qui s'entrechoquent ?

À croire que la nature s'est mise sur pause.

Seule la présence de Heeseung me rassure quant au fait que je suis toujours dans le monde des vivants. Et en parlant de lui, il me fixait déjà, au moment où moi je cherchais une explication à ce silence radical. Ses yeux ont repris leur couleur de base. Cependant, leur éclat n'a plus cette intensité. Ils portent des traces de fatigue.

À la fête, le noiraud avait une meilleure mine. Je n'aime pas le voir comme ça. Je porte ma paume contre sa joue. Tiens, il est brûlant. Mais pas que. Je remarque à la seconde sa pilosité plus abondante que de coutume. Il m'adresse un sourire triste. Je recule, tout en éloignant de moi ses bras qui me maintenaient.

— Est-ce que ça va ?

Heeseung est moins alerte que moi, frotte doucement son visage contre ma paume. La température de son corps n'est pas normale. Je comprends mieux pourquoi je n'avais pas froid. Comment aurais-je pu à côté d'une fournaise pareille ? Il hume mon odeur, et mon cœur réagit en conséquence.

— Ça ira, arrive-t-il à murmurer.

Même s'exprimer a l'air de lui coûter chère. Une pointe de colère m'envahit. Pas forcément dirigée contre lui, enfin si, un peu. Je ne m'en rend compte qu'à présent où je peux le reluquer de la tête aux pieds.

Le poids invisible qui affaisse ses épaules, sa difficulté à se tenir debout. Depuis quand ? Et pourquoi ne m'a-t-il pas réveillé ? Je pense qu'il a dû comprendre ces questions en croisant mon regard, car il me fournit une réponse en conséquence.

— Tu dormais si paisiblement.

Il bat des cils pour m'amadouer. Ça ne change en rien mon humeur, je ne me fait pas avoir par ses yeux de biche.

— Ce n'est pas une raison et tu le sais.

Je le vois presque bouder, ce qui me fait rouler des yeux. Sa santé est importante et il fait n'importe quoi. Surtout qu'il est en phase de transformation. Jake m'en a parlé. Dans cette période, Heeseung est plus que vulnérable. Puisqu'il doit patienter pour que son corps daigne se métamorphoser de façon complète, il ne peut pas utiliser ses capacités.

Il peut manifester sa forme profonde sous forme d'aura tout au plus, en la faisant apparaître comme un halo le entourant. Mais s'il venait à être blessé, et gravement, il risquerait de ne pas s'en sortir. Mais j'imagine le pire pour rien n'est-ce pas ? Il est en sécurité avec sa meute.

Or à présent qu'il n'y a plus ce bloc de mur entre nous, je ne peux pas m'empêcher de me faire du soucis.

Je le sermonne gentiment à travers mes phéromones. Il grommèle mais sans plus. Il ne fallait pas être aussi imprudent après. Dit celui qui se met dans des situations pas possible. Mais ce n'est pas pareil, bref, là n'est pas le sujet. Parfois je me demande si mon cerveau est avec ou contre moi.

Je soupire puis le regarde de nouveau. Il laisse un sourire fendre ses lèvres. Bon sang, qu'est-ce qu'il peut me mettre en difficulté avec une telle expression. Je tiens ses joues en caressant ses tempes de mes deux pouces. C'est un truc que ma mère nous faisait plus jeune, et qui arrivait à nous détendre.

Je ne sais pas pourquoi je répète parfois les gestes affectifs de ma mère avec lui. Ça vient instinctivement, et jusqu'à ce que j'y pense, je l'ai déjà fait. Il est d'abord surpris, puis à voir la façon dont il se comporte, ça a l'air de lui plaire. La pulpe de mes doigts effleure les poils blancs visibles. Je regarde ses mains et me rend compte qu'il y en a là aussi.

— Dis... commencé-je en douceur.

Heeseung réplique à la seconde.

— Oui petit prince ?

Je— ah mais...' ah. Quel idiot. J'inspire profondément pour reprendre mon calme. Espèce de séducteur du dimanche va. Il va me donner de l'urticaire à force. Concentrons nous.

— Tes poils... tu en as sur tout le corps ?

Maintenant que j'ai prononcé ma question à voix haute, pourquoi elle m'a l'air de prêter à confusion ?

— Tu veux les voir ?

— Haha ! Hahaha !

Ça c'est le rire de la gêne, de la honte. Soutenez moi, l'équipe.

— Ce n'était qu'une question simple, par curiosité. Alors non, je n'y tiens pas spécialement.

— Oh, fait-il avec son air faussement innocent. Bien, si c'est ton souhait.

C'est ça ouais, joue à celui qui ne sait rien. Derrière ce regard d'ange se cache en réalité un être pervers et sadique. Il ne m'aura plus. Enfin bon, j'éloigne les images de notre première nuit qui veulent envahir mon esprit.

— Tu veux en savoir plus c'est ça ? Finit par me demander mon toutou.

Eh bien, comment dire, je hoche la tête. Le sujet me rend curieux. Et aussi, le voir dans cet état me met alerte. Je ne sais pas pourquoi, je ne suis juste pas tranquille. Il y a profond malaise que j'essaie de dissimuler.

Et peut-être que l'entendre me parler permettra de dissiper ces doutes. Entre temps, je glisse du capot, mes pieds se posant au sol. Nous ne changeons pas de position.

— Il y a ce qu'on appelle la manifestation, c'est le moment où notre loup dévoile son véritable visage.

— Visage ? Je répète, me questionnant sur les termes qu'il a employé.

— Oui. Durant la manifestation, nous découvrons si nous sommes un alpha, un bêta ou un Omega. Cette période définit notre caractère. Celle des bêta est souvent tranquille, sans turbulence. À leur majorité, ils sont vite relégués au poste de soldats.

L'entendre me raconter tout ça a un côté reposant. Son éloquence est remarquable, sa voix limpide, les mots prononcés avec précision et qui coulent aisément d'entre ses lèvres. Il n'a pas besoin de trop en faire, ni insister pour que je comprenne.

— Des soldats ?

Il hoche la tête.

— On les surnomme ainsi; ce sont surtout des gens comme les majordomes, les gardes, les patrouilleurs, médecins et autres. Des postes de ce genre.

— Vous patrouillez ? Demandé-je, perplexe.

Heeseung me dévisage un moment comme si je venais de lui poser une question venue d'une planète extraterrestre. Après quoi, je le surprend à sourire, l'étincelle renaissant dans ses yeux. J'aimerais bien savoir à quoi il pense en me regardant de cette façon.

— Oui, pour préserver notre territoire. C'est important de le défendre.

— Mais les bêtas, c'est les moins forts non ? Je reprends, intrigué par tout ça.

— C'est bien que tu t'intéresses à notre fonctionnement, me félicite-t-il. En effet, contrairement aux alphas, ils ne sont pas si puissants. Ils sont surtout insensibles aux phéromones. Pour dire, il en ont mais très peu.

— Comment est-ce possible ? Lâché-je.

Un éclat de rire fuse. Heeseung caresse mes cheveux.

— Ça en fait des questions.

Je grogne en chassant ses doigts pour remettre de l'ordre dans ma coiffure.

— Je suis juste curieux. Alors ?

Mon toutou secoue la tête, exaspéré. Il est si dramatique. Ce n'est que de la curiosité. Je ne demande pas grand chose.

— Je ne sais pas, il y a plein de théories là dessus et un rapport avec la force qui stipule que plus ton loup est puissant, et plus les phéromones le sont également.

— Oh.

Je ne suis pas sûr de comprendre, enfin si, en un sens. J'incline la tête sur le côté, scrutant son visage. Je me rappelle notre première rencontre, lorsqu'il s'est frotté à moi et que son odeur a traîné dans ma veste durant des jours. Ce qui était anormal. Qu'est-ce que je dois comprendre par là ?

— ...toi, tu l'es ?

Ça m'a échappé. Mais ça m'intrigue. Heeseung, à son tour, semble ailleurs. Le genre d'expression qui indique qu'il se perds dans ses pensées, habille ses traits. On dirait qu'il réfléchit à quelque chose, et cette chose en question le met dans un état de confusion.

— Peut-être.

L'ambiance est bizarre. Je regarde ses mains posées sur mes cuisses. Le cheminement de ses veines, ses poils blancs espacés qui poussent, leur allure à la fois rude et gracieux. Un mélange parfait, mythique, spécial.

— Du coup, et les alphas ? Finis-je par demander, voulant éviter de stagner.

Il quitte son état transi, revenant à moi. Il patiente un moment avant de reprendre son récit. 

— Leur manifestation est souvent instable, voir violente.

— Tu veux dire, rébellion, bagarres ?

Il secoue positivement la tête.

— Mais toi, sans te vexer, tu m'as l'air d'un gentil garçon.

Même si je le taquine un peu, c'est la réalité. Il a l'air si droit dans ses bottes. Pas très mature mais, pas du genre à enfreindre les règles quoi. Or à ma grande surprise, un rire nerveux résonne entre les lèvres d'un Heeseung un peu gêné, qui se gratte avec grâce sa nuque.

Ce n'est pas ce que je crois. Je suis choqué. Il y aurait-il des anecdotes dont je n'étais pas au courant ? Ça pour une surprise.

— Tu cachais bien ton jeu, je lui fais la remarque, le jugeant en plissant des yeux, les bras repliés contre mon torse.

Il est tout de suite dans la défensive.

— Ce n'est pas ce que tu crois.

— Pas besoin de te trouver des excuses, quelle déception.

Je feins un air affligé pour parfaire la comédie. Cette fois-ci, c'est moi qui suit un poil dramatique à secouer ma tête de regrets. Il tombe dans le piège.

— Quoi ? Mais...

J'explose soudain de rire, encore plus face à son air éberlué. Pour tout dire, je le préfère ainsi. Le rôle du garçon pas fréquentable ne lui va pas du tout. J'aime le Heeseung qui s'applique à faire les meilleurs plats du monde, celui, soucieux, transparent et aux émotions débordantes, qui pique des crises de jalousie à deux balles.

Petite pensée pour le dîner avec Seungmin. Il est possessif et protecteur, et même si je ne le comprends pas toujours, c'est dans sa nature. Je me rend compte qu'il m'écoute, il le fait, et s'il commet des fautes, il revient dessus. Être entendu, c'est nécessaire pour moi. Je ne veux pas être à l'écart, mis de côté comme un figurant dans sa vie.

— À quoi tu penses ?

Au fait qu'il sente bon. Je veux dire, non attendez ! Roh. Bref.

— Rien d'important. Du coup, et les omégas alors ?

Il n'insiste pas, reprenant le cours de son discours. Mais avant de répondre, il cale ses mains contre les miennes, un geste que je sens protecteur. 

— Leurs chaleurs surviennent à ce moment là.

Oh. Je vois. Je n'ai pas très envie d'en parler alors je change de sujet.

— Du coup, ta transformation !

Mon toutou me fixe avec assistance, comme s'il voulait s'assurer que j'aille bien. Il consent ensuite à me répondre, sans insister. Ce qui m'apaise.

— Elle ne s'applique qu'aux ancestraux. La mienne est un peu en retard, disons. Une fois à maturité, on atteint une forme complète.

— Et c'est douloureux...

J'ajoute. Ça me blesse de le savoir. Ça veut dire qu'il va souffrir et la simple idée me déchire de l'intérieur. Il comfirme en touchant ma joue.

— ...Oui.

J'attrape son poignet. À quel seuil sera la douleur ?

— Il doit y avoir un moyen d'atténuer ça. La dernière fois que j'étais avec toi, tu t'étais calmé ! Peut-être que si je reste à côté, ça ira ? Il suffit juste qu'on...

Il ignore mes paroles, je m'agite, le cœur pompant avidement mon sang. Je n'aime pas voir cet air défaitiste d'un condamné qui ne peut pas échapper à son destin. Encore moins l'idée qu'il n'y ait pas de solution. Mes propositions sont bonnes, ça ne coûte rien d'essayer.

Avant, je croyais qu'il n'y avait rien qui pourrait m'aider avec mes chaleurs. Mais j'ai réussi à trouver une alternative en arrêtant de m'empoisonner. Et ce moyen, c'est lui. Il rend ces moments plus vivable. Ça peut être réciproque avec lui. J'ose croire qu'on peut y arriver.

Du coup, s'il pouvait cesser de me regarder de cette façon. Cette lueur mélancolique qui enveloppe ses pupilles, ce silence si lourd à porter, qu'est-ce qui se passe ? Depuis quand ais-je basculé de la sérénité de notre discussion à cette ambiance morose ?

Pourquoi tout ce qui nous entoure me paraît figé ? La crainte s'installe, mon estomac se tord. Le loup stoppe ses caresses. Tout se passe au ralenti, comme si chaque seconde égalait une heure. Son bras retombe, un peu trop lourdement pour être naturel. Comme s'il n'y n'avait plus de vie à l'intérieur.

Les angles morts que je surveillais inconsciemment sans cesse, ma vigilance permanante, tout m'indiquait l'approche d'un danger imminent. La nature ne se réduit jamais au silence, si ce n'est pas pour annoncer un évènement future lugubre. Des flash lumineux d'un rouge flamboyant apparaissent derrière les troncs d'arbres.

Ce sont des masses brumeux, sombres et mouvantes qui les portent. Ces deux billes rouges qui me replongent au milieux d'affreux souvenirs d'une soirée d'Halloween. Heeseung s'écroule au sol, telle une marionnette désarticulée. Et moi, je suis entouré de ces bêtes affamés, dont les traits deviennent de plus en plus concret.

Dans mes cauchemars, le fait que mon monstre paraisse irréelle était une sorte de réconfort. Ainsi, je pouvais considérer qu'il n'avait jamais existé, et qu'il ne serait jamais capable de m'atteindre dans la réalité. Comment avoir peur d'une chose incapable de me heurter physiquement ? Qui pouvait être détruit rien que par la pensée ?

Aujourd'hui, non seulement il est réel, mais il sont plusieurs.

Une dizaine. Une dizaine de loups aux grognements bestiaux, aux yeux pourpres, la gueule béante, les crocs aiguisés, monstrueux. Néanmoins, la peur que je ressens pour ma personne n'égale pas celle que je ressens, dès lors que je remarque leur intérêt, non pas dirigés en ma direction.

Mais plutôt sur Heeseung.

En quelques secondes, je suis envahi par un tas de scénarios. La peur me paralyse, leurs phéromones me piège sur place. Je me croirai presque dans un devant un film qui se déroule au ralenti. Mais non, c'est la réalité. Ils accourent sur leurs pattes aux griffes tranchants.

Ils sentent l'agressivité, un profond désir de tuer qui me prend aux tripes et me provoque des nausées, m'empêche de me tenir sur mes jambes. Je me déplace avec difficulté, la gorge nouée par ces odeurs fétides, comme je n'en avais jamais inhalé auparavant.

Ce que j'ai vécu avec Ni-ki n'est rien à côté. J'en viens à me demander si le tigre ne s'est pas retenu. Ma vue se brouille. Or l'idée qu'ils s'en prennent à Heeseung me terrifie. Je me refuse de fermer les yeux malgré la proie en moi qui veut tant se soumettre et abandonner. Mes pas sont lents, traînent avec difficulté dans la neige.

Mes muscles me font mal. Je me place devant Heeseung. Je suis faible, incapable de le protéger. Je dois être suicidaire, tant ma réaction n'a pas de sens. J'ai aucune idée de ce que je fous à me placer devant lui. Comme si j'étais capable de le protéger. Même articuler j'y arrive pas.

Tout perds de son sens. Et eux qui débarquent, qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Je ne veux juste pas qu'ils le touchent. J'arrête pas de penser à ce qu'ils lui feront. J'arrête pas d'y penser et ça me rend malade. Je peux rien faire, chercher de l'aide, les arrêter, rien, absolument rien.

C'est tellement frustrant. À chaque mètre qu'ils parcourent, mon cœur bondit en conséquence. Ils se rapprochent, la douce fatalité avec eux. J'ai aucune idée de ce qui va se passer. Ou peut-être que si, je sais. Ils ne feront qu'une bouchée de moi. Je ferme les yeux comme un idiot, mes jambes cédant. Posant barrage entre Heeseung et eux.

À la seconde où le premier m'atteint, je me prend un coup de patte violent. Mon souffle se coupe. L'impact contre ma tempe interrompt tout son, à l'exception d'un bip aiguë qui dure. Je me sens valser sur le côté, sans pouvoir m'accrocher à quoi que ce soit. J'ai pas tenu une seconde. Il a suffit d'un simple mouvement.

Le moment où je plane dans les airs me paraît interminable. Ce moment où le temps ne s'écoule plus, où je ne ressens pas grand chose, juste un vide qui s'étend, où je regarde le cours de l'histoire se poursuivre sans pouvoir y faire quoi que ce soit; il n'y a plus rien qui sépare l'animal de Heeseung, et j'y peux rien.

J'ai pas tenu une seconde. À quoi je pensais ? C'était un peu con de se dresser comme si j'étais capable de quelque chose. Au fond, si le noiraud venait à mourir, ça ne changerait pas grand chose. Mon quotidien se poursuivra, comme avant où je n'avais pas à me soucier de quoi que ce soit, encore moins d'un hybride fou qui me poursuit.

Je ferme les yeux pour laisser l'obscurité me bouffer. Au moment où je m'écrase au sol, tout redémarre. Un vent violent et glacial s'introduit dans mes poumons, m'arrachant un hoquet bruyant. Les sons me parviennent à nouveau, les sifflements bestiaux alarmants, le froid, le craquement des branches, la mort qui pousse un cri blanc.

Je roule plusieurs fois avant de m'arrêter plus loin. J'ai mal partout. Ma mâchoire se crispe sous la douleur qui me cloue sur place. Difficilement, mes paupières tiennent encore, me dévoilant l'horreur qui s'apprête à se produire. Le loup qui m'a éjecté de son chemin reprend à moitié forme humaine. Ses membres restent couverts de poils bruns.

Alors qu'il brandit son bras, un éclat attire mon attention. L'éclat d'une lame exposée à la lumière de la lune. Il s'apprête à en finir. Quel menteur. Évidemment que ça me ferait quelque chose s'il venait à crever. Comment ais-je pu penser que la vie reprendrait son cours ? Comme si j'aurai été capable d'ignorer son absence.

Quel con je fais. Un sombre idiot. Rien n'aurait eut de sens, le jour qui se confond avec la nuit, les étoiles qui planent au dessous des océans, les nuages qui se cachent sous terre, moi qui marche à l'envers, en décalage avec le reste du monde, à chercher un chemin perdu à jamais, flânant sur un sentier qui se fissure, esclave de tourments éternels.

Je ne veux pas que Heeseung meurt.

Pourtant, il ne dégage plus rien. Aucune trace de ses phéromones, son odeur s'estompe, sa respiration s'amenuise, comme s'il disparaissait à petit feu. Il s'efface, comme s'il n'avait jamais existé. C'est terrifiant. Il ne s'est pas incrusté dans ma vie avec tant de détermination pour s'en aller en un coup de vent !

Je lui en voudrais pour le reste de mes jours. Pourquoi il ne réagit pas ? Il est fort n'est-ce pas ? Je ne vois pas qui pourrait lui tenir tête. Il n'y a aucun moyen pour qu'il se fasse planter comme ça. Alors, pourquoi il ne se réveille pas ?! C'est qu'une blague si ça se trouve. Dans quelques secondes, il aura ouvert les yeux pour tous les massacrer.

Je veux y croire. J'y crois si fort, qu'il se lèvera. Il n'y a aucun univers dans lequel il meurt. Je refuse de l'accepter. Mon déni est si fort que même devant une situation pareille, sans alternative, je préfère nier l'évidence. Je sais que Heeseung ne partirais pas juste comme ça, ça ne lui ressemble pas.

— Reviens s'il-te-plaît... je t'en prie...

Je me surprends à sentir deux larmes couler.

Encore plus en me voyant placer un pas après l'autre. Je ne me suis pas rendu compte que je tenais debout. Je ne sais par quelle force. Je devrais déjà avoir perdu conscience. Mais il y a Heeseung. Et il est hors de question de l'abandonner. Je pense plus à rien d'autres, juste le sauver. Éloigner le danger.

Le loup serre son arme et se prépare à le poignarder. Pourtant, il n'en fait rien. Comme s'il était immobilisé. J'arrête pas d'avancer, complètement fou. Peu importe si je me dirige vers une mort certaine. Ma peur se mêle à la rancœur, une envie indéfectible de sauver Heeseung.

Le loup se retourne vers moi au moment même où un grondement nous griffe les tympans. Guttural, à faire pâlir. Heeseung ? Je le regarde et pourtant, il n'a pas bougé d'un pouce. Un silence l'englobe, son odeur n'est plus aussi présente. Ou non. Je sais plus. J'ai l'impression qu'il ne dégage presque rien, or son odeur se renforce autour de moi.

Les regards des bêtes convergent vers moi. Et moi je ne comprends plus rien. Je sais juste qu'une colère violente comme une tempête remonte en moi. Ils ne bougent plus, comme s'ils étaient en face de quelque chose de terrible. Le grondement résonne à nouveau, s'épaissit, sa puissance fait hérisser leurs poils. Un tonnerre qui fend le ciel et s'abat sur terre.

Il ne vient pas de moi, mes lèvres sont scellées. Alors, pourquoi ils me fixent ?

Je ne me rend pas compte du moment où j'ai rejoins l'hybride armé. D'un coup, je saisis son poignet d'une force que je ne possède pas, ce n'est pas moi. Je sens quelque chose craquer tandis que le couteau tombe. C'est moi qui ait fait ça ? Je l'ai obligé à le lâcher ? J'ai pas l'impression d'être celui qui agit. À vrai dire, je me sens détaché de mon corps.

Comme si à travers ce dernier, une force étrangère agissait en guidant mes membres. D'autant plus que je ne comprends pas la terreur dans leurs yeux. C'est la description d'un individu face à son pire cauchemar. Autant au fond, je suis dans l'incompréhension, autant je ne souhaite qu'une chose, lui faire payer.

D'une voix tremblante et terrorisé, il arrive à murmurer.

L...l'Alp-p-p-p-ha... c'est impossible...

— Repliez vous tous. Maintenant !

Alors qu'ils se précipitent pour fuir, ses mots me déstabilisent, il en profite pour m'échapper. Il a bien dit, l'alpha ? Il trébuche plusieurs fois dans sa course effrénée, leurs grognements autrefois effrayants se transformant en des couinements pathétiques. Soudain, ils ne paraissent plus aussi grands.

Ils rapetissent, loin de l'image que je m'en étais fait dans mes cauchemars. Je me sens à présent plus fort, capable de les affronter. Toutefois, un détail me tourmente. L'alpha. Comment est-ce possible ? Et qu'est-ce qui m'arrive ? D'où vient toute cette montée de puissance, mêlé à une soif de tous les massacrer ?

Comment ais-je pu être à deux doigts de briser son poignet ?

Mes jambes me lâchent pour de bon. Mes yeux se ferment totalement cette fois-ci. Vidé de toute énergie, je suis incapable de demeurer éveillé plus longtemps. Tout se noircit, emporte avec, mes questions. Cependant, le fait de savoir Heeseung hors de danger est un soulagement au moment où je perds connaissance.















_____________________

Happy valentine day !! *Esquive une table* comment ça je vous ais menti en promettant une douce romance ??? *Esquive des flèches empoisonnées* je peux tout expliq— *fuis la horde de guêpes lâchés à mes trousses* ok...

😔🤲🏽Plus sérieusement j'espère que vous avez aimé 🤍 Encore un chapitre et après vient l'interlude 🌚 des THÉORIES ????

Vous en avez pensé quoi, de la morsure ?? Qui sont ces loups ? Que voulaient-ils ? Que se passe-t-il avec bb alpha ? Avec bb renard ? 🧐

J'espère que vous avez passé une bonne journée 😋 on se revoit bientôt pour la suite. Merci pour les 1,4 K de votes ! Les votes sont toujours précieux !!


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