35. Morsure.








SUNOO.




Putain j'deteste la saint Valentin.

Y'a rien de plus con sur terre. Ces petits cœurs qui volent partout, les baisers enflammés de ces couples aux hormones qui débordent; c'est pour m'asphyxier. Tout ce mielleux m'écoeure. Les gens sont chiants avec leurs regards emplis d'amour.

J'avais pourtant décidé de finir mes jours sur mon lit à toiser mon plafond et me perdre dans des questions existentielles. J'aurais fait passé le temps jusqu'à ma vieillesse. Et puis un jour, j'me serai réveillé en remarquant que tout le monde a crevé, j'aurai finit dans une maison à retraite à discuter avec des oiseaux et des grenouilles.

Il a fallut que Jake s'en mêle. Me tire de mon lit pour aller respirer l'air frais des derniers jours d'hiver. Bientôt le printemps, l'éveil, les bêtes du jardin qui fanfaronnent, c'est affreux. Je suis devenu plus aigris. J'en sais trop rien. J'crois que je suis plongé dans un état demi dépressif. Si ça existe comme terme.

« Je ne comprends pas, tu passes ton temps à l'éviter alors qu'il te manque », m'avait lancé Jake avec ses yeux perçants cachés derrière ses lunettes aux allures moralisatrice.

— Comme s'il y avait quelque chose à comprendre.

Je soupire et me rapproche de madame chenille qui grimpe sur sa tige d'aloe Vera depuis deux heures. Il vient de sonner quinze heures et elle n'en est encore qu'à la moitié. Courage futur papillon, un avenir radieux t'attends. Le mien ressemble à... à rien.

— Écoute, entre Heeseung et moi, c'est compliqué. Alors oui, je le fuis comme la peste, mais !

Je me redresse, laissant mes bras retomber.

— S'il est désolé ou qu'il a des excuses à confesser, qu'il vienne me voir. En plus il traine avec l'autre là. Une fille qui m'énerve. Elle porte toujours son odeur. Tu t'en rend compte toi ?!

Je braque mes yeux sur l'animal qui laisse une traînée de bave sur son chemin.

— Ah ouais désolé tu ne peux pas me répondre. Bon, j'en étais où ? Jake dit que c'est ridicule. Je dis juste que j'ai pas à faire de premier pas pour briser la glace. Tu vois ? Et puis, je n'ai pas besoin de lui pour survivre.

Je le dis mais la nuit je tremble de froid parce qu'il est trop loin de moi. J'ai les dents qui claquent et je l'appelle dans un murmure. Sauf qu'il ne répond pas, il ne vient pas. Normal, il se trouve à plusieurs kilomètres de la fac, me direz vous.

C'est pourquoi je dis que l'amour c'est stupide. Je suis même pas sûr d'en ressentir pour lui. Parce que, ok, il me plaît —encore plus depuis qu'il a dévoilé ses talents cachés— mais ce n'est pas une raison pour s'emballer.

Sérieusement Sunoo, tu crois que c'est un connard ?

Ce que je dis c'est que, je, oh ça m'énerve de réfléchir. J'enfonce les pas dans la neige. Il y en a de moins en moins. Ça me met hors de moi. C'est vrai quoi, pourquoi ça ne pourrait pas être l'hiver toute l'année ? Ok il fera tout le temps froid; et j'y pense, ça donne une raison de plus pour se lover contre quelqu'un devant un feu de cheminée.

Rien qu'à l'idée, je grimace. On avait dit quoi Sunoo ? On déteste la saint Valentin. Heeseung n'a rien changé à sa routine. Oui, ça fait des jours qu'il respire et passe du temps avec ses potes sans se soucier de moi. Il n'a même pas essayé une seule fois de m'approcher et coupe le plus souvent nos brefs contacts visuels en premier.

Je n'arrête pas de me répéter que je m'en fiche mais ça devient pesant. À force de m'éloigner, je finis par le vivre mal. Et là, je peux plus retourner vers lui. J'aurais l'air d'un con. Ce qui fait que c'est finit. C'est du passé, c'est juste un mec à qui j'ai donné mon cul.

— Eh mais mec fait attention.

Je viens de bousculer un couple qui s'embrassait. Franchement, je sais pas ce qui se passe dans leur tête. Qu'ils aillent faire leurs démonstrations d'échange salivaire ailleurs. Ici, c'est un espace public, qui appartient à tout le monde.

Bref, je m'engage dans le couloir. Je souffle, devant il y a des membres de l'équipe de football. Je sais pas ce qu'est devenu Ni-ki et sa vengeance mais Joshua est introuvable. Le reste du groupe est quand même présent, même si les deux amis —escalves— du leader font profil bas. Bref, ils sifflent ceux qui passent.

Ils ont une puce à la place d'un cerveau j'ai juré. Un Omega peine à échapper à leurs taquineries. D'ailleurs, il n'y en a qu'un ici. Il paraît qu'ils sont très rares. Et reconnus pour leur beauté. Celui-ci ne fait pas exception. Je ne l'avais jamais croisé jusqu'à quelques jours environs.

Des cheveux soyeux et longs, un corps androgyne où les traits féminins se fondent à ceux masculins, une peau qui paraît si douce et lisse de loin, sans oublier l'odeur de fleurs et le visage harmonieux. La meute de Heeseung en contient. Et parfois j'en viens à me demander comment faire le poids contre des humains pareils.

Je veux dire, je dois moi-même admettre qu'ils semblent irréelles et supérieurs à toute norme de beauté. En plus d'être délicats, de plaire, d'avoir une belle éloquence. Je sais que ça me ressemble pas de complexer autant. Mais ça vient tout seul sur ce coup. L'oméga est défendu par une fille que je reconnais, celle qui traine maintenant avec Heeseung.

C'est une alpha qui agresse les joueurs d'un regard meurtrier. Pendant ce temps, le garçon paraît presque flotter jusqu'à son casier. Ce ne sont pas les mêmes qu'au lycée. Ils sont spécialement conçus pour ce jour précis. Lorsqu'il l'ouvre, il y a une flopée de chocolat, de fleurs et de lettres qui tombent.

Ceux qui traînent dans les parages sont admiratifs. Il faut dire qu'à part les crétins de l'équipe, la majorité est sous le charme de l'oméga. J'évite de m'attarder sur cette scène et ces joues qui rougissent.

C'est mieux de critiquer. Je passe devant les crétins qui pouffent. Il y en a un qui tente de me barrer la route. Mais pas pour les mêmes raisons que les autres, non. Sûrement espère-t-il faire de moi son souffre douleur du jour. Pas de chance, je suis loin d'être dans mes bons jours.

C'est alors que les coups de griffes partent seuls. Un filet de sang commence à suinter de son visage. Pendant un moment, j'oublie que même s'il y a des primates parmi eux, celui-ci est un ours. Je regrette un peu mais, il l'a bien cherché.

Il est figé, surpris par l'action. Leurs rires se sont calmés. Il revient à moi, touchant son visage blessé. Ses sourcils se froncent d'un coup et ses muscles se contractent. J'avais oublié que l'absence de venum me rendait plus vulnérable aux phéromones. C'est pire. Il faut que je me casse. 

— T'es mort.

À peine ais-je le temps de déglutir et reculer sans tourner le dos —parce qu'on ne tourne pas le dos au danger— que toute expression de fureur a disparu de son faciès. Son regard décale du mien et paraît se focaliser sur quelque chose derrière moi. Je lis la panique pure agrandir ses yeux.

Ses potes sont dans un état similaires. Certains commencent à mettre plus de distances entre eux et moi. Ils baissent la tête peu à peu, rentrent leurs épaules et déguerpissent. Le plus affecté est celui que j'ai blessé. Il grogne mais pourtant baisse les yeux.

À croire qu'on l'oblige à se soumettre.

C'est le dernier à s'en aller. Mon cœur tambourinne dans ma poitrine. Je met du temps pour assimiler ce qui vient de se produire. J'ai des habitudes que j'ai du mal à délaisser, comme répondre aux provocations.

Je dois me coincer une bonne fois pour toute dans la tête que je ne suis plus aussi intouchable qu'avant. Je jette un coup d'œil circulaire, les couloirs sont vides. Je me demande de quoi (ou de qui) ils ont eut peur au point de s'enfuir ainsi.

***

Je me jette sur mon lit, épuisé.

J'ai aucune idée de comment faire pour gérer les chaleurs suivants. Et si je me faisais agresser ? Et si on découvrait ma particularité ? Et si je finissais en cloque ? Je touche mon ventre en ressentant une douce chaleur à cet endroit là. Je finis par secouer la tête, c'est bête, je peux pas en avoir. Ça ne me fait pas grand chose.

Il y a d'immenses chances que je sois devenu stérile avec le venum qui a déréglé mon cycle naturel. Quand bien même mes chaleurs reviennent, il faudrait un miracle, d'après le médecin. Après, je n'ai consulté qu'elle. J'aurai détruit mon corps selon ses dires. J'ai vite compris quel genre d'hybrides elle était et je ne suis plus retourné à son cabinet.

C'était juste par curiosité que j'y avais mit les pieds. Ce genre de femmes radicales aux idées arriérées. Pour elle, si un corps est créé pour enfanter, on doit tout faire pour le préserver. Elle voulait me prescrire des plantes pour arranger ma situation. De base, je voulais juste des informations supplémentaires sur ma condition.

Il est vrai que tout petit, j'ai refusé de m'y intéresser. Seuls mes parents échangeaient avec la sage femme qui s'est chargée de l'accouchement, pour savoir comment s'occuper de moi.

Je les fuyais comme la peste, la peur au ventre que cette différence provoque un rejet total. Je pense finalement demander à ma mère. Mais parler de ça avec elle, c'est limite. Ou alors la sage femme ? C'est une grande amie à elle. Est-elle encore au même cabinet ?

Je plonge mes doigts dans mes cheveux noirs.

J'en avais marre de ce roux qui me faisait penser à Heeseung. Il faut dire que mon esprit rejoue chaque fois son compliment dès que je me croisais à travers le miroir. De toute façon, je suis bien comme ça. Je baille, quand on toque contre ma porte.

Je pense à Jake et me demande depuis quand il frappe avant d'entrer. Or après je me rappelle que je ferme toujours à clé maintenant. Ça reste étrange, mon meilleur ami prévient toujours avant de passer. Je me lève pour ouvrir, mais ne trouve personne à l'extérieur.

C'est une blague de cette fête maudite c'est ça ? Je suis prêt à balancer toutes les insultes de ma mère quand l'un de mes pieds protégés par mes chaussettes épaisses heurtent quelque chose. Une feuille d'érable est posée par terre. C'est, surprenant.

Je scanne les environs sans détecter d'odeurs, ni de présence. Tout est si calme et si vide. Je m'accroupis près de la feuille et la prend. Il y a des cœurs collées dessus. Elle est bordeau au niveau des pointes et jaune à l'intérieur, me rappelant ceux de mes rêves. Je la retourne. Encore ces stickers.

Je me sens tout drôle, des fourmillements dans mes pieds, tout au bout des doigts, une montée de température non identifiée, des battements cardiaques aléatoires. Pour une raison que j'ignore, l'attention me touche. Aujourd'hui, on offre des roses, et moi, je reçois ça sur mon pallier.

Je me pose de sérieuses questions sur l'auteur. Peut-être qu'au fond, je le sais déjà et que je préfère ne pas me l'avouer. Je ne la jette pas. Je rentre avec, un sourire que je m'efforce de dissimuler et glisse la feuille entre deux pages d'un cahier.

***

Je n'aime pas la saint Valentin.

Mais ce qu'il y a de cool, ce sont les afters organisés. C'est moins romantique, on se lâche, l'alcool coule à flots. Ce moment me rappelle la première fête étudiante organisée sous forme de bienvenue aux premières années.

J'y étais, un peu bourré, slalomant entre les corps éméchés. Une bouteille en main et une clope dans l'autre. Je fuyais les bouches qui voulaient m'embrasser, les invitations à la piste de danse, les gros lourds, les ours et leurs réputations de brute.

Puis, j'ai senti son odeur se différencier des autres.

J'étais à l'étage lorsque j'ai vu sa silhouette élancée faire tâche dans la foule. Une présence impressionnante admirée par des regard obnubilés.

Il se tenait fièrement parmi eux, tel un membre de la royauté, à l'autorité incontestée. Le campus était si vaste et j'étais si peu présent sur les lieux que j'avais haussé les sourcils en constatant la présence de loups dans les parages.

Surtout lors d'une fête pareille. Il faut dire que j'ai toujours été dans mon monde sans prêter attention à ceux qui m'entourent. Ma surprise n'a été que de courte durée. Parce que Lee Heeseung m'a repéré dès lors que j'ai pris conscience de son existence. J'ai eus la trouille de ma vie.

Mon père me défendait d'approcher mon prédateur le plus direct par tous les moyens. Par conséquent, je me devais de fuir les loups. Et comme par hasard, il a fallut que j'en croise un. Une coïncidence douteuse. Papa le disait, une fois qu'un super prédateur te repère, il fait de toi sa cible jusqu'à ce qu'il se lasse.

Et me voilà à nouveau dans un lieu similaire où l'odeur forte de l'éthanol couvre les phéromones volages. Il s'est lassé, et il s'en est allé. Franchement, l'ambiance n'est pas ouf. Moi qui prévoyait de me bourrer comme jamais. Un mec à moitié ivre m'accoste.

— Toi et moi on baise ce soir, hehe.

Je le lorgne et le pousse.

— Bouffe ta queue enculé, dis-je, ponctué d'un doigt d'honneur. 

J'ai zéro patience. Je me retire à l'extérieur et prend une bouffée d'air fraiche. Au coin de la rue, non loin de cette maison piteuse, il y a tout une résidence à couper le souffle où se rendent les fortunés, la classe supérieure des hybrides, ceux qui préfèrent une célébration plus raffinée et romantique.

J'ai eus de nouvelles de personnes ce soir et ça me fous le cafards. Alors, lorsque je tombe sur une notification de Jake, je saute limite dessus. En lisant son message, je comprends qu'il est à cette fête. Je ne sais pas si je dois le prendre mal ou être heureux qu'il passe un bon moment.

D'habitude il n'apprécie pas cette période. Parce que les femelles adorent attirer les mâles avec leurs phéromones et Layla l'a traumatisé avec, durant son enfance. J'ai peur qu'il se lasse de moi, fasse sa vie loin du mec compliqué que je suis. Peut-être qu'il va trouver une bonne personne avec qui construire une belle relation.

Je ne sais vraiment pas ce qui me prend depuis un moment. Mes pensés sont tout le temps négatives. Je papillonne des yeux, ils sont secs. Je pleure rarement, voir jamais, donc ça rendra le moment moins dramatique. Soit, Jake me demande de le rejoindre.

Je m'ennuie. Ça serait mieux si j'étais avec lui, quitte à me taper des couples mièvres. J'espère quelque part qu'on passe la soirée à les juger et rigoler entre nous. J'éteins mon téléphone et le glisse à l'arrière de mon jean. Une bouffée d'air supplémentaire, puis je m'engage déjà sur la route.

Je vais me pointer dans cette salle sophistiquée avec mon accoutrement un peu outsider. Un simple t-shirt, une chaîne style rappeur du 73, mon jean taille large et ma veste de la même matière sur lequel je tire, sans oublier un second plus épais. Top.

Je me présente à l'entrée, il y a un hybride qui fait la sélection. D'abord, j'ai dû gravir des marches espacées pour atteindre l'entrée principale soutenue par de grandes colonnes en marbre. Et me voilà devant cette porte à double battant où se tient donc un loup.

Il me lorgne de la tête aux pieds pour remarquer que je suis hors thème. Quoi ? Il veut que je le cogne ? Si seulement je pouvais le faire. Je me calme intérieurement. Après de longues secondes de silence, il accepte de me laisser passer. J'étais prêt à ce qu'il me foute dehors.

Il m'ouvre même, ce qui me surprend. Du coup, j'entre. Et là, la différence entre l'After de l'autre côté est frappante. Ici, c'est une gigantesque salle au toit en forme de dôme, où scintillent les cristaux accrochés aux chandeliers.

L'argenterie tinte, les flûtes de champagnes valsent de doigts en doigts, les rires fusent, une musique plus douce résonne. Je remet mes cheveux en place, effleurant au passage la boucle en argent à mon oreille. 

À la seconde où je repère Heeseung, tout s'arrête.

Pendant que le monde s'efface, je le regarde devenir plus visible. Il a prit des couleurs, ou alors ce sont les néons rosâtre teintent son visage. Il semble fan de cette coiffure ces derniers temps, le mulet. Mais comment nier le fait que ça lui aille si bien ?

Il est élégant dans son costume dont les boutons de sa veste sont lâchés, dévoilant une chemise blanche aux rayures fines bleues. Je mentirai si je disais ne pas le trouver époustouflant ainsi.

Mais une chose qui me surprend plus, il me fixe sans détourner la tête. Je crois que c'est l'échange visuel le plus long que nous avons eut ce mois de février. C'est peut-être insignifiant, cependant, il ravive une flammèche d'espoir, l'idée que cette page ne s'est pas encore tournée.

Ou alors que si ça a été le cas, elle n'a fait que céder sa place à une nouvelle, prête à poursuivre l'histoire en cours. Je ne me rend pas compte que j'avance, mon corps est aimanté et sans cesse attiré par lui. Nous sommes seuls dans notre réalité, sous les faisceaux que projette la boule à facettes.

C'est comme si des lustres s'étaient écoulés sans pouvoir me noyer dans la mer translucide de ses pupilles de verres. Plus Heeseung semble proche, mieux je distingue son visage. Quelque chose de sombre et lumineux à la fois, autant dans son aura que la façon dont il m'observe.

Est-ce que lui aussi se rapproche ? Ou tout ceci n'est qu'un rêve ? Non, il est bien là, me surplombant. Je ne sais tellement pas quoi dire. Tu m'as manqué ? Tu n'es qu'un connard ? Pourquoi cette distance ?

Ou juste, l'ignorer ?

Mon cœur palpite et m'est si lourd. Un cœur, c'est dur à porter lorsque des sentiments le prennent d'assaut et le remplissent au ras bord. Il suffit d'une petite fissure pour que tout éclate.

Heeseung s'empare de mes mains. Les frissons se propagent jusque dans mes os. C'est hallucinant. Privé de contact durant autant de temps, mon corps réagit au manque qui est enfin comblé. Le cèdre et l'ambre emplissent mes narines et ne m'ont jamais semblé aussi enivrant.

Je suis incapable de résister à la douceur de ses paumes. Encore moins lorsqu'il approche ses lèvres et dépose un baiser sur mes doigts. J'ai de la fièvre, tout ce qu'on veut. C'est inexplicable, le fait que je tienne toujours sur mes deux jambes. Cet homme, c'est, je ne peux pas l'expliquer.

Je suis désolé.

« De ne pas t'avoir écouté. D'être parti sans rien dire. »

Il n'a pas besoin de lister les raisons. Je les ressens grâce à ses phéromones qui enlancent les miens et me communiquent tous ses sentiments. Il tente de faire entrer son loup en contact avec ma renarde. Et je le perçois de plus en plus en moi.

Heeseung en entier, une force oppressante, qui est à craindre mais qui m'est rassurant aussi étonnant soit-il. Je devrais me ratatiner, or je continue de chercher sa proximité. Je n'ai aucun doute sur ses intentions.

Parce qu'il me parle avec sa forme animale.

Un terrain où le mensonge et la tromperie n'existe pas. Ma renarde frétille, glapit, cherche à sauter dans les bras de cet alpha possessif et dominant. La sincérité de ses excuses, me faire comprendre qu'il n'a jamais été question de couper les ponts avec moi.

— T'as pris ton temps... arrivé-je à murmurer après un long moment.

Heeseung porte ses mains contre mes joues.

— J'ai cru que te laisser respirer arrangerait la situation. Je me suis trompé, n'est-ce pas ?

Les miennes qui n'ont pas quitté les manches de sa veste s'y accrochent violemment. D'une voix implacable et sonnant presque comme un ordre, je réplique à la seconde.

— Je m'en fous de toute façon, mentis-je.

M'ignorer comme ça, ça fait un mal de chien. Un fin sourire se dessine sur ses lèvres. Ça m'énerve encore plus, mais en même temps il ne me laisse pas indifférent.

— Tu aurais pu revenir toi aussi, tu sais ? Balance-t-il ensuite.

Mon regard s'affaisse d'un coup. Je sais, j'aurai pu. J'aurai dû. J'y arrivais pas, peu importe à chaque fois où je voulais réduire la distance entre nous. C'était compliqué. Je me mord la lèvre inférieure, un peu coupable.

C'est là qu'un rire amusé lui échappe.

— D'accord, ce n'est pas ton truc. Tu es vachement difficile, mais je t'aime.

C'est l'explosion dans mon cœur, dans ma tête, partout. Je n'ose pas le regarder. La façon dont ce mot glisse sur ses lèvres a un effet particulier sur moi. Il n'y a rien qui va en fait. Comme les papillons qui affluent dans mon ventre, me chatouillent de l'intérieur. C'est à n'y rien comprendre.

Je lève les yeux mais avec beaucoup de mal à soutenir son regard. Tout l'amour qui en déborde, je ne sais pas où me mettre. Il m'arrache les mots, je me retrouve dans l'incapacité de parler, mon cerveau comme drogué par une substance qui ralenti mes réflexions.

Rien ne sort. Il n'a pas l'air de mal le prendre. La surprise écarquille ses yeux déjà grands à mon sens.

— Tu as retiré ta couleur ? Il t'allais bien pourtant.

— Je...

C'est ce que je suis devenu ? Un mec muet, parce qu'il est admiratif devant l'homme qui lui fait face ? Je passe un peu pour un débile. Et j'ai de plus en plus chaud. Expliquez moi comment on peut avoir chaud avec les températures qui chutent ? C'est de la sorcellerie à ce niveau.

Encore une fois, il n'a pas l'air vexé par mon silence. À croire que ça l'amuse même.

— Oublie, tout te va te toute façon.

— Ce sont tes sentiments aveuglants qui te font dire ça ?

Il éclate de rire aussitôt. Ma réponse est partie toute seule. Je me mord l'intérieur de la joue. Lui, est euphorique, les pupilles flamboyants.

— Je me demandais quand tu allais parler.

Ah. Bref, qu'il se moque bien. Je ressemblais sûrement à un poisson hors de l'eau. C'est moi ou il est encore plus séduisant lorsqu'il rit aux éclats ?

— Sunoo !

Je sursaute.

— Ouais... ? Dis-je, hésitant.

J'adore le Heeseung un peu mignon et tout mais lorsque ses yeux luisent de cette façon, ça ne me rassure pas. Je veux dire, c'est qu'une demande spéciale traverse ses pensées. Il reprend mes mains avec plus de fermeté, sans pour autant me faire mal.

— Danse avec moi.

Danser ? Moi ? Je ne sais pas faire ça. Est-ce que ses chevilles sont prêtes à souffrir ? Dans mon quartier, on allait en boîte pour se lâcher. Ces soirées style gala qui requièrent une maîtrise des pas de danse m'est nouveau. 

Heeseung ne prend pas mon silence en compte et me tire avec lui. J'allais m'écrier « et ceux qui nous entourent ? Et les gens qui nous fixent » ? Mais je n'ai vu personne, que de sombres silhouettes derrière une brume dense. De toutes les façons, depuis quand les regards comptent ?

Je plonge dans notre bulle lorsqu'il glisse son bras dans le bas de mon dos. Il m'invite, avec l'autre, à entremêler nos doigts. Ce que je fais avec plus d'hésitation que lui. La même lenteur en m'appuyant sur son épaule. Nous sommes vachement proches. Un faux mouvement me fait vaciller vers l'avant, mes lèvres effleurent ses clavicules nues.

Je ne dis rien, avec un peu de chance, il fera pareil.

— Je ne sais pas danser, dis-je, peu sûr de ce que nous faisons.

— Je pourrais t'apprendre.

Il ne me laisse pas le temps d'y penser, me guide malgré mes hors pas qui ne font qu'écraser ses pieds. Je me rappelle qu'il possède une résistance remarquable à la douleur. Il ne s'est pas plains une seule fois, pas de grimaces. Il me fait tourner, sa gestuelle à lui est plus fluide, gracieux, un cygne au milieu d'un bal.

J'essaie de suivre comme je peux, les plis ornant mes sourcils, je me focalise sur le rythme. Ce n'est pas mon genre de musique mais je fais avec. J'analyse pour capter le truc, et ainsi calquer sa façon de bouger à la mienne. Je me rate plusieurs fois, mais de moins en moins au fur et à mesure que je me concentre.

— Tu y arrives.

Un sourire incontrôlable empreint mes lèvres.

— Je suis trop doué de toute façon, dis-je, enterrant l'humilité.

C'est comme si j'avais dansé toute ma vie. Je sens l'épaule de Heeseung secouer tout doucement. Je redresse la tête et le surprend à se moquer. Il se reprends dès qu'il remarque que je l'ai pris en flagrant délit.

— Rien ne te résiste, je plussois.

Je fuis son regard à la seconde. Je sais qu'il rigole mais bon... Il a la tête débile d'un mec amoureux dont les pupilles puent la sincérité. Je me braque, ce qui me fait rater quelques pas.

— Cette chanson est chiante.

Je souffle cette phrase sans trop réfléchir. Elle n'est certes que le reflet de mes pensées les plus véridiques, mais je la prononce sans espérer de réponse ou de réaction particulière. Sauf que Heeseung le prend autrement en s'arrêtant.

— On s'en va.

Battant des paupières comme pour dissimuler toute trace d'illusion dont je serais victime, je tente de comprendre. Il n'a pas l'air remonté ou quoi que ce soit ; juste spontané et sérieux.

— Que— quoi ? Attends, pour aller où ?

— Quelque part où on passera quelque chose de plus intéressant ?

J'aurais pourtant cru que Sia serait son genre. Je le toise dans l'espoir de déceler un quelconque mensonge. Or le truc avec mon toutou, c'est qu'il est si transparent, ses réels émotions débordent de ses mirettes. J'ai rarement le sentiment qu'il me cache quelque chose. Du moins, il n'a jamais essayé.

Sauf pour l'endroit où il s'est rendu en disparaissant. Mais je n'y pense pas pour l'instant.

— Ok, lâché-je d'un coup.

Il m'analyse quelques secondes, puis sourit. Ce n'est pas dans mes habitudes d'être aussi spontané. Mais pourquoi pas. Fuyons cet endroit barbant remplie de personnes snobs à quelques exceptions près. Je passe un coup de main sous ma nuque, mettant un peu en désordre mes cheveux.

Je ne prête pas attention au chemin qu'on prend. C'est que je suis tellement plongé dans un état second avec le cœur qui bat à tout rompre que j'ignore tout ce qui m'entoure. C'est comme si les odeurs extérieures, les phéromones des autres hybrides ne pouvaient plus m'atteindre.

Je respire, détendu, plus léger, comme soulagé d'un poids que j'avais sur la poitrine dès que je mettais les pieds dehors. Je ne sais pas si c'est lui qui provoque tout ça. Il me présente une voiture pas trop différente de celle que conduit son chauffeur et m'ouvre la portière. Je roule des yeux pour feindre mon ennui.

En réalité, c'est pour cacher ma gêne. N'étant pas habitué à ce type d'attention. À l'intérieur, je peux retirer ma veste rembourrée et profiter de la chaleur. Il conduit en passant par le green. Nous longeons une des nombreuses rues de l'université. Si ce n'est pas des boutiques, ce sont des restaurants où des résidences étudiantes. La majorité des bâtiments appartient à Yale.

Je prends mes aises en choisissant une chanson que j'aime. Dopamine d'une chanteuse qui porte le même prénom que ma sœur. Après quoi, je regarde le paysage défiler sous mes yeux pour me distraire. Quelques secondes plus tard, je regrette le choix de chanson. Parce qu'elle participe à l'instauration d'une ambiance tamisée, un peu sensuelle ?

Il faut qu'on parle, lui et moi. Notre relation est tellement floue, tout va vite et je me laisse porter. Or à ce rythme, on risque de virer droit dans un mur ? Il m'aime, et moi, je sais pas. Il me plaît bien. Foutue musique qui m'empêche de réfléchir avec sérieux. Je laisse tomber et m'étonne lorsque Heeseung s'arrête.

Je me tourne vers lui. Son profil ne plaisante pas. Sa mâchoire et— je ferme les yeux très fort pour éloigner les dérives parasites. L'odeur de cuir neuf qui se mélange au cèdre pénètre mes voies respiratoires. J'entends le bruit de la clenche qu'on actionne. J'ouvre les yeux. Heeseung est entrain de descendre.

J'en fais de même de mon côté en emportant ma veste. Il a revêtu un de ses longs éternels manteaux qui le tient au chaud. Nous ne sommes pas loin d'un parc. Les branches des arbres sont nues et sont couverts de neige. De même pour les bancs vides.

L'endroit est désert mais je n'ai pas peur de rester seul avec lui. D'ici, on peut toujours entendre la mélodie de la musique tourner en boucle. Mon toutou est un peu plus loin à l'écart, dos à moi.

Je trouve ça bizarre. Je zieute les alentours, l'atmosphère est teintée d'une lueur rosâtre qui se marie à merveille au vert sapin. Le vent siffle en toute tranquilité, l'unique source de chaleur provient du moteur du véhicule. J'avance sur les pas du loup et son fameux caractère aléatoire, en me demandant ce qui le tracasse.

À peine je l'atteins qu'il se retourne et s'empare de mon visage. La surprise fait pulser mon cœur, pour autant, je ne bouge pas. Quelque chose s'est ajouté à son regard bienveillant et amoureux de tout à l'heure. Sa façon de me tenir est un peu désespérée. Notre contact visuel est dure à tenir. Il faut toujours que tout soit intense et brûlant avec lui.

Pourrais-je me plaindre ? Il finit par coller son front au mien et soupirer bruyamment. Ses paupières s'affaissent. Je me rend compte à ce moment qu'il a des cils magnifiques dont je suis jaloux. Comment tout peut être si délicat et masculin chez lui à la fois ? Un mélange de douceur et de rigidité.

— J'ai envie de t'embrasser... confesse-t-il, appuyant sur ma lèvre inférieure de son pouce.

Quand je dis qu'il balance des trucs qui pourraient me provoquer un arrêt cardiaque.

— Si tu es d'accord, complète-t-il en rouvrant laconiquement les yeux.

Il est parfait notre Alpha.

Ma renarde gigote et ne cache en rien la façon dont elle cherche les faveurs de l'Alpha. Elle lui montre son intérêt par mon biais. Et c'est à croire que ce dernier m'apparaît, tant je commence à sentir de plus en plus sa présence. Les yeux de Heeseung luisent.

Sa demande est franche, aucune trace de gêne. Il n'a pas de filtres.

— D'accord, je réponds alors.

De ses doigts ornés de quelques bagues, il ramène mes mèches rebelles derrière mes oreilles, un sourire satisfait aux lèvres. Ma renarde remue sans cesse à l'intérieur, elle se sent flattée, félicitée par l'Alpha qui flirte à coup de phrases comme la plus belle, ma favorite.

Heeseung plonge sur mes lèvres sans autre forme de procès. Ses mains descendent vers mon cou. Je pousse un peu la tête vers l'arrière, mon corps tendu vers lui, tandis que lui se baisse pour atteindre ma hauteur. Ses lèvres se pressent contre les miennes. Une délicieuse sensation secoue mon ventre.

Mes doigts s'accrochent à l'intérieur de ses coudes, froissant les manches longues de son manteau. Il y a quelque chose de particulièrement séduisant dans sa façon d'embrasser. Il sollicite ma participation, et l'obtient à la seconde. Ses caresses fluettes sur ma nuque me font soupirer de plaisir.

Ces petits sons qui souhaitent s'envoler permettent à sa langue de s'introduire et chercher la mienne. Les bouffées de chaleur rendent mes membres flageolets. Heeseung est affreusement lent, d'une paresse à me rendre fou. 

De l'érotisme avec nonchalence, aux mouvements maîtrisées, qui font que je presse inconsciemment mes jambes entre elles. Il aspire mon oxygène, le remplace par son essence à lui, qui me monte à la tête et me rend complètement dépendant de lui.

Il s'éloigne, juste quelques secondes pour que je puisse respirer. Puis, replonge sur mes lèvres. Son corps est bouillant, sa respiration bruyante mais moins rapide. Une de ses mains descend à ma taille, ses doigts s'ancrent à mes vêtements, ma peau. De mon côté, je le maintiens contre moi, mes bras par dessus ses épaules.

Il m'a l'air ivre de baisers, recherche hardiment à prolonger notre échange autant qu'il le pourra. Il ne semble pas prêt à arrêter, ni à ralentir sa cadence. Et c'est à ce moment que je me demande si c'est normal. Les secondes s'écoulent et ses gestes se font plus francs et passionnés.

Là où je devrais reculer, je m'enfonce avec lui dans son état d'ivresse. Il s'accroche, m'insuffle son addiction, et je l'encourage en répliquant de la même façon, appréciant l'idée qu'on soit complètement drogués. Une petite voix cachée me dit que c'est une mauvaise idée et que je ferai mieux de le repousser.

J'enterre ma raison lorsqu'il me fait reculer jusqu'à ce que mon dos rencontre le capot. Il me fait grimper dessus. Je m'appuie sur mes paumes tandis qu'il m'empêche de glisser grâce à sa jambe qui glisse entre les miennes. Il se détache, le souffle chaotique, les yeux d'un rubis étincelant, les cheveux en désordre et les rougeurs aux joues.

Il paraît ailleurs, sans pour autant être inconscient de ses gestes. Ou alors je tente de me rassurer de cette façon. Son regard est criant d'amour et je veux lui donner toute l'affection du monde. Il plonge son visage dans mon cou et hume au point de m'arracher des frissons.

Je grimace en sentant quelque chose de pointu contre ma peau. Mes doigts plongent dans ses cheveux et tirent dessus à la seconde où il plante ses canines dans ma peau. Je me cambre vers l'avant, les yeux à moitié clos. De légères spasmes me traversent, ma bouche s'écarte et laisse passer un son muet.

C'est un mélange de plaisir et de douleur que je ne pense pas pouvoir décrire. J'ai mal or les effets que la morsure procure me font trembler de plaisir. Mon toutou se retire et me mord de nouveau non loin de la première blessure. Mes yeux s'ouvrent en grand, à l'instar de mes lèvres. Les tremblements deviennent plus insistants.

Il se répète au niveau de mes clavicules. Sans me contrôler, une larme roule contre ma joue. Je vois les étoiles et succombe à l'effet électrisant de ses morsures. Mes jambes tremblotent, je suffoque presque. Heeseung réitère le geste je ne sais combien de fois, un peu partout et lape à ma pomme d'Adam.

Je lâche un gémissement franc. Mon corps se crispe à l'extrême et se relâche d'un coup. Il me sert d'appuie car je pourrais m'écrouler. Je ne sens plus vraiment de force, des faibles hoquets se libèrent. Il grommèle et se glue à moi comme un enfant boudeur qui refuse de se séparer de son précieux.

Du moins, c'est ainsi que je le vois. Il se détache, les joues complètement rouges et la respiration laborieuse comme la mienne. Il me retient par les épaules pour m'empêcher de tomber, pour ensuite m'enfermer encore dans ses bras. Je hume à mon tour son odeur comme un désespéré, pour me calmer.

Un temps que je ne saurai mesurer s'écoule. Peu à peu, je redescends de mon état brumeux, que je compare aux montagnes russes d'un orgasme. Ce n'est exactement pareil mais c'est tout comme.

Je frotte mon visage contre son vêtement. Mais quelque chose me fait gémir de douleur. Heeseung revient à moi, le regard inquiet. La sensation piquante et désagréable foudroie ma mâchoire et me force à garder la bouche ouverte.

Ses doigts palpent mon visage. Puis d'un coup il s'arrête. Pendant ce temps, moi, je panique. Mes dents me démangent d'une façon horrible. Je ne fais que grimacer pendant que lui, me fixe, perplexe.

— Sunoo... tes canines... 

J'ai tellement envie de le mordre.











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Ici mon âme qui vous parle depuis l'au delà, si vous avez survécu jusque là, je vois félicite ! Vous êtes les élus 🤩

PITIEZ WATTPAD ENVOIE LA NOTIF C'EST UN CHAPITRE IMPORTANT 🙏🏼

ALORS ?? ALOOOOOORS ??? 🌚 bb renard qui veut mordre aussi. Hum. Ils sont trop mignons mes enfants !!

Ps : j'avais dit au début de l'histoire que nos amis humains les singes n'étaient pas au courant de l'existence des hybrides mais je crois que je vais modifier ça parce que ça ne m'arrange pas.

MERCI POUR LES 11K SINON ! ON GRANDIT ! FAITES DU BRUIT, VOTEZ, COMMENTEZ, PARTAGEZ JE VOUS LOVE 🤍🤍🤍 À VENDREDI POUR LA SUITE VOUS ÊTES PAS PRÊTS !

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