34. Tendresse.
HEESEUNG
Mon loup tourne en rond, enragé et réclame vengeance parce qu'on a fait du mal à Sunoo.
J'aurais pu m'attendre à une telle trahison de la part de n'importe qui mais Ni-ki... Il me fait face, les yeux dévorés par sa haine à lui. Nous sommes tous deux tourmentés pour de différentes raisons.
Cependant, nous nous rejoignons là où nous sommes animés par le besoin de protéger ceux que nous aimons. Pour autant, je ne peux pas le comprendre, l'accepter, lui pardonner. Une douleur lancinante me déchire de l'intérieur.
La colère de mon loup est dure à porter. Tout est si flou et mes pensés, si violentes. Ma raison s'étiole, ma mâchoire se crispe. Mes membres réagissent d'eux-mêmes en le voyant, le poussant contre les barreaux métalliques de la cage dans laquelle il était enfermé.
Je ne sais plus si je les brisé en entrant, mes souvenirs sont floues.
— Pourquoi ?!
Je me saisis de son col. C'est une trahison, une faute impardonnable. C'était l'un des miens. Et quand bien même j'ai beau lire du regret dans ses yeux, je n'arrive pas à l'assimiler.
— J'voulais pas. Je ne lui aurais fait aucun mal !
— Tu l'as fais.
Il est de nouveau propulsé contre les barreaux. Ces derniers tremblent sous l'assaut. Malgré la violence de l'impact, il se redresse. Ce qui ne me surprend pas. D'aussi longtemps que je m'en souvienne, nos forces étaient sensiblement égales. Enfin, cette nuit, tout paraît différent.
— C'est Jay et tous les autres ! Tente Ni-ki de se justifier. Vous m'avez trahis en premier en me cachant la vérité.
Il me fait douter quelques secondes. Une brèche dans laquelle je veux comprendre sa peine. Une faille qui se referme aussitôt, absorbée par ma haine qui reprends le dessus. Je me rapproche, il recule en sortant de la cage par le passage que j'ai forcé.
Alors... je suis responsable de leur distorsion...
— Si vraiment tu es mon frère alors donne moi leurs noms...
Mes pas sont lourds et lents. L'impression de transporter avec moi tout un poids. Même après tant d'années la force de l'Alpha me paraît toujours dure à supporter. Elle oppresse mes os malgré mes efforts pour ne pas flancher.
Sans le contrôle que j'exerce, je ne sais pas ce que ça aurait donné si je lui avais entièrement cédé.
— ...je lui présenterai mes excuses. Tout ce que tu voudras.
Mon poing part, il me démangeait. Ni-ki sait mieux que n'importe qui à quel degré sa faute est grave. Utiliser son statut pour immobiliser une proie, s'en prendre à un Omega de ma meute. Le mien.
Il se relève en nettoyant le filet de sang de ses lèvres. Il m'a déçu, pour autant je me retiens de le faire payer en faisant couler du sang, comme le souhaite mon alpha. C'est l'instinct animal, il est dépourvu de toute morale dans ces situations.
— C'est injuste Heeseung ! T'as vu ce qu'ils ont fait à Jungwon ! C'est putain d'injuste. Juge les miens autant que tu veux mais ils ne méritent pas de vivre.
D'aussi longtemps que je le connais, j'ai toujours eut conscience des pratiques de sa famille. Les tigres sont si fiers, bien trop, ils se considèrent à part, au dessus des autres espèces. Ils trouvent la beauté dans la mort, les duels, le sacrifice.
Ils méprisent ceux qu'ils considèrent comme faibles. Son cousin faisant partie du lot. Cependant, pour eux, c'est un devoir de s'en prendre à ceux qui attaquent leurs « maillons faibles ».
Ce n'est qu'une question d'honneur, rien avoir avec des liens d'amour familiale. Mais je sais que s'il veut retrouver ces types aujourd'hui, c'est uniquement parce qu'il tient à son cousin.
Je tenais également à Ni-ki.
— Réfléchit ! Il y a des humains parmi eux, tu les aurais tué jusqu'au dernier, et tu te serais condamné.
En violant la loi principale qui préserve la paix entre les cétacés et les hybrides. Ils ne sont pas aussi forts que nous, leurs sens ne sont pas aussi développés que les nôtres. S'en prendre à eux serait injuste. Tout hybride qui s'attaque à eux est immédiatement exécuté.
Peu importe son statut, sa puissance, ses relations, il sera traqué sans relâche par une unité spéciale vieille comme le monde qui connait notre communauté comme jamais. Et je sais que leur statut de primates n'aurait pas empêché Ni-ki de se venger. Il était hors de question qu'il le sache.
Son visage s'assombrit. Il se fige en premier, comprennant la raison pour laquelle nous avions décidé de lui cacher les identités. Or là où il aurait peut-être dû prendre du recul, son regard se durcit. Sans surprise, je le vois serrer des poings.
— Tu penses que c'est ça qui va m'arrêter ?
Je m'en doutais. Ses motivations pèsent plus que les conséquences qu'il provoquerait. C'est pour cela que je ne réagis pas lorsque Sunghoon l'atteint discrètement par derrière avant de lui asséner un de ses coups de ses entraînements secrets à la nuque.
Ni-ki s'écroule avant même d'avoir pu libérer ses phéromones. Il était à deux doigts d'exploser. Je me convainc que c'est mieux ainsi. Qui sait si sa réaction n'aurait pas provoqué mon loup en retour et donné un résultat chaotique.
Je regarde mains. Celles qui ont servie à briser les membres de ces tigres. J'avais en horreur la violence, le fait que je puisse détruire les choses qui m'entouraient lorsque la colère prenait le dessus.
Il y avait cette sensation de honte dès lors que les émotions fugaces redescendaient. J'ai du mal à culpabiliser à ce moment. J'ai beau ressentir les os se briser dans ma paume, je n'ai ni plaisir, ni dégoût.
À mon sens, ils le méritent. C'est tout.
Je fais face à Sunghoon. Sa confusion ne m'échappe pas. Pourtant, il est toujours là, à mes côtés. Je n'accepterai jamais qu'un d'entre eux touche à Sunoo. Et je le ferai payer, de la pire des façons qu'il soit.
— À son réveil, fais lui savoir qu'il n'aura plus jamais le droit de se présenter devant moi.
Sunghoon paraît neutre. Je remarque cependant que ma décision ne le laisse pas indifférent. Il hésite avant de me le dire.
— Tu es sûr de toi ? Il le regrette.
— Je sais.
Il ne répond pas. Nous nous arrêtons là. Il a beaucoup de questions, moi aussi j'en ai. Je suis plus fort que n'importe qui l'aurait espéré. Et j'ai beau expérimenter cette puissance, elle me paraît encore plus grande, comme une source inépuisable, encore cachée que je n'ai pas encore atteint.
Ce n'est pas habituel. Un alpha est fort mais pas à ce point. J'en viens à me demander, qu'est-ce que je suis ? Pourquoi de tous, c'est mon loup qui gronde plus férocement ? Pourquoi est-il aussi assoiffé de dominance ? Mes parents en savent plus qu'ils ne le laissent paraître.
— On va découvrir ce que tu as, me lance Sunghoon, sa main sur mon épaule.
Je l'observe un long moment, perdu dans mes réflexions. Une réponse se prépare à se détacher de mes lèvres. Je n'ai pas l'occasion de formuler ma phrase, que mes pupilles s'écarquillent, la douleur est si vive qu'elle confère l'impression que mes os se disloquent un à un.
— Heeseung !
J'entends mal les derniers mots de mon meilleur ami. Ma vision devient trouble. Une pression écrase mes voix respiratoires. Mon souffle devient laborieux, une brûlure vive ravage ma gorge. J'arrive à peine à percevoir des traces étranges sur mes bras.
Des poils... ce sont des poils. Habituellement, ils sont gris, signe de ma transformation future. Cette forme que j'aurais du dépasser depuis un moment pour atteindre celle des loups ancestraux. Je me croyais condamné à rester bloqué toute ma vie.
Or mes poils sont bel et bien blancs. D'un coup, je pense aux histoires de Lysandre sur sa première transformation, à quel point il avait eut mal. Mais qu'une fois dans sa forme animale, il s'est senti pleinement lui.
Mes jambes me lâchent, mes paupières tombent lourdement, les appels affolés de Sunghoon ne m'atteingnent plus. Je deviens sourd à tout bruit extérieur. Je suis pris de court, brisé par la douleur. C'est une impression de mourir, de se désintégrer de l'intérieur.
Suivit d'une perte de connaissance.
SUNOO
Ça fait des heures que je suis ici.
Heeseung n'a pas bloqué la porte. Je pourrais sortir. J'étais persuadé que des loups seraient quand même dehors à me surveiller ou monter la garde. Il n'y a personne devant l'entrée, les couloirs sont vides. J'ai conscience que je pourrais m'en aller.
Pourtant, me voilà dans sa chambre.
Pour une raison que je n'explique pas, je n'arrive pas à partir. C'est trop fort et instinctif pour que je cède à la liberté. Je ne comprends plus rien à mes humeurs. Je lui en veux, il me manque, je suis en colère, son odeur me calme, ça m'énerve de voir sa tête dans la mienne.
Tout est contradictoire.
Je me demande où il est allé, ce qu'il fous et pourquoi les environs sont aussi vides. Ça fait légèrement peur. Je soupire et me gratte l'arrière de mon crâne. Il y a quelques photos sur son bureau et une bibliothèque. On dirait qu'il aime lire. Tout ce que cet endroit inspire est un calme profond.
Il y a tellement d'ouvrages et j'en saisis un, dont la reliure est ornée de dessins de roses. Dessus, il y a une lune et un loup. Je l'ouvre sans pouvoir reconnaître l'écriture. Autant aller chercher la langue sur internet. Une fois la page actualisée, il est inscrit qu'il s'agit d'une langue norvégienne.
Je n'ai sincèrement pas la tête à tout traduire. Je m'assois en ramenant mes jambes contre mon torse. Il est plus de minuit, entre ces quatre murs, j'ai eu le temps de réfléchir à plein de chose. À Ni-ki par exemple. J'ai aucune idée de ce qui se passe mais j'ai essayé de faire des déductions.
Il voulait les prénoms de Joshua et sa clique de connards. Je ne suis même pas certains de ma théorie comme quoi, Jay ne voulait pas que je parle. Dans le pire des cas, Ni-ki aurait juste causé un massacre. On s'en branle de ce qui peut arriver à ces types. Quelque chose cloche. Un truc au milieu de tout ça qui ferait le lien.
Je n'ai rien trouvé à force de chercher. Alors je suis passé à la soirée d'Halloween. Là encore une fois, ça n'a pas de sens. Il n'y a que sur mes pressentiments que je peux me baser. La façon dont tout s'est déroulée pour que je me rende exactement à l'école abandonnée.
Tout était si flou, je me sentais détaché de mon corps. Il n'y avait plus la voiture de Jake. On l'aurait volé ? Déplacé ? Et puis mes putains de rêves où je vois Heeseung en loup, cette forêt mystique, ces feuilles, la forme de ces arbres, tout ça me donne mal au crâne.
Peut-être que je devrais en parler à ma mère. Ou ma grand-mère. Je sursaute lorsque la porte s'ouvre en vrac, dévoile un jeune homme à la chevelure blonde, un peu longue, dans des vêtements du style dark academia.
C'est fou comme une coiffure peut changer une personne. Je suis muet, à le fixer comme s'il s'agissait d'un inconnu. Jake a à peine passé quelques jours en Europe que j'ai l'impression qu'il a changé. Son regard farfouille la pièce jusqu'à ce qu'il me tombe dessus. Il me rejoint aussitôt à pas précipités.
— J'ai appris ce qui s'était passé. Tu vas bien ?
En tant que futur médecin, il m'examine de partout. Ses doigts ne me gênent pas et ne me sont pas intrusives. Il me scrute avec attention, je le laisse faire, remarquant toute l'inquiétude contenue dans ses gestes.
C'est un tel soulagement de l'avoir avec moi. J'avais besoin de parler, avec quelqu'un qui n'est pas un prédateur de préférence.
— Si rester enfermé dans la tanière du grand méchant loup c'est être en sécurité alors ouais, t'en fais pas, dis-je, ajoutant un rire amer.
Il enchaîne aussitôt en ignorant mon sarcasme.
— Je suis rentrée il y a peu mais je ne voulais te rejoindre.
Je l'aime Jake, de fou. C'est mon frère de cœur, comme je n'en ai jamais eus. J'ai des potes mais lui, je l'aime juste. Alors je le prend dans mes bras. C'est l'une des rares personnes —peut-être le seul à part ma famille— avec qui j'ai des contacts physiques aussi francs.
Je n'en suis pas friand mais j'en avais envie. Il est un peu surpris, se crispe légèrement au tout début, mais finit par se laisser aller et accepte que je l'enferme dans mes bras. L'un des points communs qui a fait que je l'ai tout de suite apprécié, est que nous ne sommes pas fans des démonstrations d'affection physique.
Mais bon, il faut croire que parfois, se faire des câlins n'est pas si mal. Je le lâche ensuite, il m'offre un de ses sourires un peu bancales mais qui le rend, je dirais, mignon ?
— Tu— commence-t-il avant de s'arrêter, hésitant.
C'est rare qu'il soit en proie au doute. Il a toujours eut cette manie de parler avec assurance, de façon claire comme s'il avait préparé son discours trois fois dans sa tête.
Je ne sais pas si je devrais le prendre pour une bonne ou une mauvaise chose. Au moins, il est de retour.
— Tu ? Répété-je au milieu du faible son de sa respiration.
— Je suis désolé Sunoo. Ni-ki est un crétin mais, je ne pensais pas qu'il serait capable de faire ça.
Je remarque qu'il n'y a qu'en parlant de lui qu'il lâche des insultes. Un détail que je laisse délibérément de côté. Je pousse un soupir. Là actuellement je suis trop épuisé pour m'énerver mais j'espère ne plus jamais croiser son chemin.
— Ce n'est pas toi qui m'a agressé. Tu ne m'as pas enfermé non plus, j'ajoute, faisant référence à un sale toutou.
Bon, techniquement je ne le suis pas mais c'est tout comme. Il m'a emmené ici contre mon gré. C'est comme s'il était sourd à tout ce que je disais. Je le prend mal.
— Je comprends ce que tu dois ressentir. Mais s'il agit comme ça ce n'est pas pour te blesser.
Non... pas toi Jake.
Mon cœur bondit à la seconde. Il ne va pas le défendre. Il ne peut pas faire ça parce qu'il est censé m'épauler dans ma situation. Et pourtant, la façon dont résonne sa réponse m'annonce la couleur.
— Si tu me sors un seul argument comme quoi, tout ce qu'il a fait c'est pour ma sécurité, on s'arrêtera là. Toi et moi savons que c'est juste son égo qui a été blessé. Il s'en fous de moi.
C'est peut-être naturel comme réaction mais je trouve ça con.
— C'est plus compliqué que ça, essait-il de m'expliquer.
Sauf que je reste sourd à ses tentatives, buté dans mes conclusions.
— C'est très simple.
— 'Noo...
On ne va pas se disputer, merde. Ce n'est pas comme ça que j'aurais voulus que ça se passe. Je me lève pour le contourner. De toutes les façons je ne décrit que la réalité. Si Heeseung réagit comme ça c'est pour les raisons que j'ai cité.
Sur le chemin, il n'arrêtait pas de clamer que j'étais à lui. Pas une seule fois il ne m'a écouté. Qu'il aille défendre son stupide honneur. Je marche près des larges fenêtres tout en regardant le dehors sous un air mélancolique.
— C'est stupide... lâché-je.
J'écarte légèrement le rideau, ayant une vue magnifique sur le ciel, la neige. La nature est toute blanche, ça me paraît vide et magnifique à la fois. Il n'y a pas à dire, c'est le plus beau paysage de toutes les saisons. Les branches verdâtres soutiennent les flocons qui se sont entassés.
Ils sont tous bercés sous la lumière de la lune. Elle est ronde et étincelante. Elle me rend nostalgique et sensible. Et je n'aime pas être les deux. Après tout, un renard vit au jour le jour, trompe les autres pour survivre et préfère sa solitude pour se préserver. Les vieux stéréotypes.
Je perçois la présence de Jake à mes côtés, il m'a rejoint en silence. Je n'ai pas envie de le regarder dans les yeux et de craquer. De lui avouer tout ce que je pense. Je veux me casser d'ici mais j'y arrive même pas et je ne sais pas pourquoi. C'est comme si j'aurais un vide à la poitrine si je partais.
Je me sens tellement bien dans sa chambre mais je ne veux pas me sentir comme ça parce que je lui en veux. Il s'est cassé après mes chaleurs. Aussi, je ne veux pas vivre comme ça, avec la boule au ventre à chaque fois que je mets un pieds dehors.
Je débite. Je me demande même si ce que je raconte est cohérent. Je ne sais pas comment Jake arrive à se débrouiller dans la vie de tous les jours. Ni comment Jungwon continue de sourire tout en ayant subit du harcèlement.
J'aurais clairement la haine. Je l'ai. Ça et la frustration qui me tourmente. Cette faiblesse biologique est tellement injuste. J'ai été gâté à ce niveau, toutes les conditions réunies pour faire de moi une personne pitoyable et sans défense.
— Je veux juste te proposer une autre vision. Tu sais, la condition des prédateurs est aussi compliquée que la nôtre. Juste de façon différente.
Un rire moqueur m'échappe.
— Ils ont trop de pouvoir à gérer c'est ça ?
— En un sens.
Sa réponse m'étonne. Je hausse le sourcil. Il veut m'expliquer quoi là ?
— L'instinct animal est parfois difficile à maîtriser. Surtout quand la leur se définie par la violence et la barbarie, au point de leur faire perdre la tête, s'ils venaient à perdre le contrôle.
— Ok mais ce n'est pas une raison.
— Je suis d'accord.
On ne dirait pas.
— Je veux juste t'expliquer qu'être aussi possessif avec toi, et fou parce qu'on t'a attaqué, c'est comme inscrit dans les gênes de Heeseung.
Jake détourne légèrement la tête. Dans une telle position avec le halo argenté de la lune sur son visage, son expression paraît mélancolique. Il se frotte doucement le bras.
Je ne sais pas quoi en penser. Aussi, j'ai l'étranger pressentiment qu'il ne parle pas que de moi.
— Je sais que pour toi, c'est bizarre. Et même pas correct.
Contrairement à moi, Jake a souvent côtoyé des supers prédateurs. Je n'ai pas cette habitude, je ne connais pas grand chose sur leur fonctionnement. Quand bien même, je ne sais pas comment le prendre.
En fait, si on pouvait juste ne pas passer à la case agression. Mais je suppose que c'est trop demandé ? Le monde est cruel, il y aura toujours des prédateurs vicieux et moi, j'aurais obligatoirement besoin de l'un d'eux pour me protéger.
Jake hésite à me tendre la main. Or la porte s'ouvre d'un coup. Des pas se précipitent, Sunghoon porte Heeseung sur son dos. Mon cœur s'affole, je les regarde, curieux. Jay sur ses talons, ils nous dépassent et le posent sur le lit.
Heeseung est inconscient, le corps couvert de poils blancs. Comme s'il se trouvait bloqué en pleine transformation. Ses traits humains sont facilement perceptibles. Cependant, sa pilosité a triplé de volume.
— Occupe-toi des fenêtres, lance Sunghoon à son ami.
Chacun s'applique, Jay tire sur les rideaux, ils disposent les oreillers, les draps, et je ne comprends rien. Pourquoi ils ne parlent pas ?
— Qu'est-ce qui se passe ?! Finissé-je par m'exclamer.
L'avocat se redresse, un air grave plaqué au visage. Il laisse planer le silence comme s'il voulait m'enfoncer dans le suspens.
— Il termine la manifestation. Avec une transformation complète.
Une... quoi ? Il va se métamorphoser en loup ? Comme celui de mes rêves ? Il est vrai que j'ai souvent été curieux, dans l'envie de le voir pour de vrai. Ça a l'air crucial comme étape, surtout au vu de comment ils réagissent. Je devrais m'en foutre, mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir concerné.
Je me frotte les bras, luttant contre le désir de les approcher. Je zieute quand même par dessus leurs épaules larges, juste pour voir Heeseung. Il est plongé dans un sommeil agité et grince des dents, de fluets grognements passant la barrière de ses lèvres.
La chair de poule me chatouille l'échine. Les traits de son visage se plissent. Il a l'air de souffrir, et le remarquer me met mal. J'aime pas ça. Mon ventre se tord. Mes jambes sont clouées, mon âme est perturbée, aimantée par lui, désireuse de le soulager, peu importe les maux qui le tourmentent.
Je n'arrête pas de me répéter que je lui en veux, qu'il peut bien aller se faire voir. Sauf qu'il suffit que je le regarde. Mon cœur se fend. Après avoir fait je ne sais quoi — tout simplement parce que je n'ai pas suivit leurs gestes — ses amis s'éloignent. C'est si silencieux que s'en est déroutant.
Mes yeux se cramponnent à sa silhouette allongée, ses paupières qui se plissent au même degré que ses cils, ses doigts qui se replient, secoués de légers tremblements. Sa respiration laborieuse, ses cheveux éparpillés, dans un chaos total.
J'ai l'impression d'entendre d'ici son cœur palpiter anormalement vite. C'est comme si ses organes s'affolaient, que son système était déréglé. Je me mord la lèvre de peine, déglutit, prend une légère inspiration et demande à voix basse.
— Il... il a mal ?
Je crois que ma question est stupide.
— Malheureusement, rétorque Jay, inclinant la tête.
Je ne peux pas décrire le sentiment qui brise mon cœur. Je n'arrive pas à rester insensible.
— Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi il est dans cet état ? C'est normal ? Pourquoi vous ne faites rien ? Il devrait y avoir un médecin ou je sais pas moi, bougez vous le cul. On dirait que vous vous en foutez—
— Sunoo.
J'ignore Jake, affrontant les deux loups du regard. L'un ne laisse passer aucune émotion, l'autre se retient de me sauter au cou.
— Je te signale que c'est mon ami ! Un médecin ne pourra rien dans son état et nous sommes tous passés par là, dit-il, agressif.
Puis, son ton s'affaisse, devient mélancolique.
— C'est juste qu'il est différent. Alors, c'est plus dur pour lui. Faut toujours qu'il souffre... crache Jay.
Cette phrase cache bien des choses. Et évidemment, je ne trouve rien à répliquer. C'est Sunghoon qui vient briser le cycle de silence.
— Ni-ki ne t'approchera plus. Si tu souhaites une chambre, je peux t'en—
— Sortez.
Je suis tout aussi surpris par ma demande qui a devancé mes pensées. À voir la façon dont les trois me lorgnent, je me rattrape vite après m'être raclé la gorge et toussé.
— Je veux dire, je vais rester avec lui. Alors, laissez-nous seuls...
— Es-tu s—
— Tu as entendu Sunghoon. Ils veulent être seuls, intervient Jake avec douceur, en appuyant fort sur le dernier mot, ses lèvres s'étirant.
Mais pourquoi il sourit ? Il s'imagine quoi là ?
Ensuite, peut-être que si j'avais été plus attentif à ce moment, j'aurais remarqué la façon dont le loup a réagit face à l'intervention de mon pote. Le fait qu'il ait obéit sans objecté. Malheureusement, un autre homme torture mon esprit.
Jay me lance un regard méfiant. Lui et moi ne sommes pas si proches. Nous arrivons juste à nous supporter. Pour l'instant. Je l'ignore, je sais qu'il n'est pas mon plus grand fan. C'est son problème. Je me sens quelque peu soulagé de voir la chambre se vider.
Jake m'adresse un clin d'œil qui veut dire beaucoup de choses. Je choisi d'agir comme si je n'avais rien vu. Je n'ai rien pardonné. Mais pour ces quelques heures, je fais comme si nous n'étions pas en froid.
Une fois l'intimité exigée obtenue, je m'accroupis près du lit et l'observe. Je ne me rappelle plus la fois où une personne a eut autant d'influence sur moi. En a-t-on déjà eut déjà ?
Je déplace une mèche tombant contre sa paupières vers l'arrière. Des cernes entourent ses yeux, son teint est pâle. Des signes d'une fatigue accumulée. Je ne sais toujours pas ce qu'il a fait durant son absence.
— Quel idiot, je grommèle dans ma barbe. Même pas fichu de s'occuper de lui.
Je me lève, pose un premier genoux sur le matelas qui s'affaisse. Je ferme les yeux, prenant une bouffée d'air en pensant à ce que je m'apprête à faire. Tu ne vas pas en crever, ça va aller.
J'ouvre les yeux, il gigote dans sa peine, prisonnier des limbes du sommeil. Mon second genoux suit la cadence, je le rejoins. Je ne sais pas quoi faire pour l'aider, je laisse mon instinct prendre alors le dessus. Je soulève assez sa tête pour la poser sur mes cuisses.
Fesses sur les talons, je le maintiens de chaque côté, mes doigts se faufilant à travers la racine de ses cheveux. Ses couinements plaintifs s'apaisent dès que nos peaux entrent en contact. Des cris de détresses qui, franchement, me brisaient de l'intérieur. J'aime pas le voir comme ça.
Heeseung commence à me renifler, toujours les yeux fermés. Il frotte doucement son visage contre ma jambe. Puis, il tend le bras et me tâte. Je le laisse faire, même si mon cœur est moins calme et que mes joues chauffent. Les sales traîtres. Son bras s'enroule autour de ma taille après plusieurs tentatives.
Il se rapproche un peu plus et plaque son visage contre mon abdomen. Son corps est bouillant, sa respiration me chatouille au niveau de mon nombril, ce qui me provoque des frissons. Je secoue la tête pour chasser toute image non conforme.
Il ressemble à un enfant cherchant désespérément un contact affectueux. Mon aigreur fond comme de la glace, je l'enserre contre moi et m'allonge doucement. J'effectue quelques caresses contre sa toison en voyant que ça le soulage un peu.
Je repense à ma mère pour appliquer la façon dont elle prodiguait ses soins à mes frères, ma sœur et moi, lorsque nous étions plus jeune. Je ne suis pas doué, un peu maladroit et bancale. Mais bon, je le fais quand même.
— C'est douloureux hm ? Ça va aller. Tu es... fort. Très fort. Et courageux.
Ses poils se rétractent et ressortent continuellement, suivant le rythme difficile de sa respiration. Il bloque ma taille dans ses bras en couinant. J'en fais de même en tenant sa tête dans le creux des miens comme s'il s'agissait d'un trésor délicat.
C'est une position qui dure, je suis resté silencieux à réitérer mes caresses, à fixer le vide, en écoutant son souffle se calmer, ses épaules se relâcher.
Mais la pression autour de ma taille demeure la même. Le sommeil ne tardera pas à me voler. Mes membres abattus ne tiennent plus. Dans la fatigue, je ne contrôle plus mes pensées. Je me sens si bien avec son odeur et la mienne réunies.
J'avais juste voulut qu'il reste.
Le regard grave de Garam se pose sur son époux qu'elle n'a plus vu depuis des années. Une gêne constante les sépare. L'homme a fait le trajet jusqu'en Amérique.
— Je suis consciente de ta rancœur envers moi... s'exprime-t-elle avec un soupçon de douceur, pour la première fois.
— Ce n'est pas le cas.
— Je le sais Jungkook, tu ne me déteste pas. Mais je t'emprisonne malgré moi. Enfin, poursuit-elle en se reprenant. Il est temps de tout révéler à notre fils.
Jungkook ne laisse passer aucune émotion. Son unique préoccupation concerne Heeseung.
— Nous sommes d'accord alors. Pour une fois.
Ainsi, leur accord se conclut en silence. Sans amour, sans haine, juste de vieilles blessures non pensées.
_________________________
C'est pas le chapitre avec le plus d'action mais j'espère que ça vous a plu !
Mes enfants sont mignons jdjskshshsk Jake et Sunghoon toujours suspects. Et Ni-ki... 😞
Et oh là là, que vont annoncer les parents de notre bb alpha ? 👀
💔 Wattpad n'envoie plus de notifs askip. J'espère que ça va s'arranger, je ne sais pas si ce chapitre se verra. J'essaie de me consoler en disant que vous verrez la publication tôt ou tard...
Sinon, j'ai hâte du prochain !
Petit indice : ✨février✨
C'était tout ! À la semaine prochaine 🤍🤍🤍
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top