32. Le calme avant la tempête.
SUNOO.
Il n'y a personne à l'horizon. Je rêve sans doute, je ne fais pas face à une armée de tigre quand même.
Je savais que ce Ni-ki était louche, mais pas au point de me prendre en get-a-pen. Je mentirai si je disais ne pas être mort de peur. Raison pour laquelle mes muscles sont immobiles.
Peut-être qu'il le prend pour une forme d'affront. Parce que normalement, je devrais trembler, me ratatiner ou chercher à fuir ; pas rester planté là et le regarder droit dans les yeux. Ses phéromones sont trop lourdes à gérer.
Je reconnais là l'écart considérable entre la proie que je suis et un prédateur au dessus des prédateurs.
Les phéromones de Heeseung me prenaient autant la tête — quand j'ai arrêté le venum — me nouant la gorge. La différence est qu'il rendait ses odeurs agréables pour moi. Ceux de ce tigre me donnent la nausée. Pour la simple et bonne raison qu'il pue l'agressivité.
Un désert aride au vent sec dont les grains de sables agressifs écorchent la peau, la perforent et la dessèchent. Qu'est-ce que je peux faire à part feindre l'insensibilité ? Je refuse de lui montrer ma peur de façon explicite, au risque que cela l'excite.
Ça ne veut pas dire que je vais jouer au con. Il suffit de croiser son regard pour comprendre qu'il n'accordera aucune pitié si je tente quoi que ce soit.
— J'veux savoir qu'une chose. Les noms des enfoirés qui s'en sont pris à Jungwon.
Je manque de m'étouffer avec un rien, perplexe. Si je me base sur le message de Jay, je devrais la fermer et me tirer le plus vite possible. Mais je ne comprends pas. Si ce tigre est à la recherche des harceleurs de Jungwon, où est le problème ?
Je pourrais facilement céder pour mon bien être. Or au fond de moi, quelque chose me retient.
— Je ne les connais pas, arrivé-je à articuler sur le bout des lèvres.
Même parler est devenu compliqué. Il ne me laisse aucun répit. Qu'est-ce que j'ai toujours haïs cette condition. Avec le venum j'aurais été moins exposé à ses phéromones. Là, je reçois ses attaques invisibles en pleine face.
Enfin, je parle d'attaque, il ne le fait même pas. Il ne fait que déployer ses odeurs hostiles qui l'enveloppent. Ces derniers sont tels un poison qui me fragilisent. J'ai l'impression que mes muscles sont broyés, puis tendus à l'extrême.
Mon ventre se noue, l'acide brûle ma chair. Cela remonte à si loin, la fois où je suis resté pétrifié devant un prédateur. L'expérience avait été si douloureuse que je ne voulais plus jamais la vivre.
Peu importe comment j'ai pu être irresponsable avec cette drogue, on ne peut pas m'en vouloir. On ne peut pas me juger d'avoir voulut échapper à cette condition injuste ; un monde où en un claquement de doigt, je pourrais être réduit en bouillie.
À quel moment le point de vue des plus faibles sera prit en compte ?
Les prédateurs sont avantagés de tous les côtés. Moi qui entrevoyait une autre facette de la vie à travers Heeseung, replonge dans les mêmes pensées toxiques qui m'ont conduit à la plus dangereuse des décisions, attaquer ma forme profonde.
Ni-ki se rapproche, et je souhaite plus que jamais mettre de la distance entre nous. Mais mes jambes n'obéissent pas. Il a beau connaître Heeseung, ça ne change rien au fait que je n'ai aucune confiance, quant-à la possibilité qu'il puisse m'attaquer.
Je n'arrive pas à persuader ce cerveau de proie, ancré dans l'idée qu'il pourrait se faire tuer à n'importe quel moment.
— J'espère que tu ne mens pas. J'suis pas vraiment d'humeur.
J'espère aussi prendre la bonne décision. Je me met en danger en me retenant de balancer ces foutus noms. Pas que leur sort m'intéresse, peu importe ce que ces tigres comptent leur faire.
— Je sais rien... dis-je plus bas que je ne l'aurai voulut.
Tenter de retrouver une respiration régulière dans cette tempête de sentiments me demande trop d'effort. Les types derrière lui n'ont pas l'air commodes.
— Ok, on va vérifier ça.
Je ne sais pas ce que Ni-ki comptait faire, ce qu'il comptait me faire. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi une telle rage. Mais si je dois remercier quelqu'un, c'est bien mon aîné.
— Vérifier quoi mec ?
Hoseok. Il n'a certes pas les phéromones les plus puissants mais celui rassurant de son husky suffit à me détendre un minimum. Les autres suivent, ce sont tous des chiens, étant l'espèce la plus répandue.
La majorité sont des vétérans qui ont dominé ces quartiers dans leur jeunesse. Combats de rues, guerres de territoires, bandes organisées, vandalismes. Ils étaient souvent dans l'illégalité, mais se battaient pour un idéal, la liberté, l'égalité.
C'est grâce à eux que les rues sont moins dangereuses aujourd'hui. Nous avons grandit sous leurs regards bienveillants. Hoseok représente beaucoup à mes yeux, et sa présence arrive à me donner un peu de courage.
T'es Sunoo, tu peux te débrouiller sans venum n'est-ce pas ? T'as toujours été fort. C'est un putain de tigre de très mauvaise humeur, je me sens pas bien.
— Mêle toi de tes affaires, grogne Ni-ki.
Mon aîné avance d'un pas en me dépassant, défiant le super prédateur. C'est de la folie. Et je sais que lui aussi, au fond doit trembler de peur. Comme ses amis. Malgré tout, ils se lancent en bande, un véritable bloc soudé par de puissants liens.
Leur courage me procure un sentiment de sécurité.
— Figure-toi que ses affaires, sont aussi mes affaires. Si tu as des trucs à régler avec lui, tu les règles avec nous aussi.
Hoseok tente de rester pacifique mais les sous-entendus ne sont pas passés inaperçus. Le soucis est que peu importe à quel point il est courageux, je ne veux pas qu'il se fasse tuer.
Parce que Ni-ki prend mal son intervention. Il démontre par sa simplicité à nous écraser grâce à ses phéromones qu'il pourrait nous démolir en quelques secondes. Les nausées me prennent à la gorge.
Pour une femelle, l'effet est encore pire. Comme quoi, j'ai pas eus de chance sur ce coup. Le venum aurait pu me rendre insensible à tout cela.
À quel prix ?
Je sais, j'ai conscience que c'est trop dangereux. J'ai faillis tomber dans les extrêmes la dernière fois. Je raye de mon esprit ces pensées qui divaguent, voulant me focaliser sur la présence de mon aîné.
Celui-là même, qui au lieu de s'incliner, ne fait que soutenir le tigre du regard. Je me demande combien de temps et d'entraînement ça lui a prit pour s'habituer aux phéromones agressifs d'un super prédateur.
Je flippe. Parce que Ni-ki s'approche de lui. Alors je relance.
— Je les connais pas. Si tu veux te venger, fait tes recherches.
Soudain, un ricanement glacial résonne, ses épaules tressautent. Il fait vraiment peur. Je n'ai jamais su à quoi ressemblait la colère d'un animal à la tête de la chaîne alimentaire. J'en viens à me dire que je n'ai jamais vu Heeseung en colère.
Parce que c'est d'une pression qui pèse sur mes épaules. Hoseok se penche un peu plus vers l'avant en mettant son bras devant mon ventre. Peut-être qu'il a senti mes tremblements. Ma renarde est à ça de céder à la panique.
— Me venger ? J'ferai plus que ça. Je les massacrerai tous. Et t'as pas intérêt à les protéger comme les autres.
Mais pourquoi je voudrais couvrir des salauds de cette envergure ? Et ce sont qui ces « autres » ? Jay ? Pourquoi Jay voudrait protéger des types qui ne le méritent pas ? Il doit y avoir une raison parce que ça n'aurait pas de sens.
Joshua et sa bande peuvent crever. Putain j'aurais besoin d'explications après ça.
— Je protège personne.
— Tu l'as entendu. Il ne sait rien alors casse toi avec tes potes, crache Hoseok.
Il avance encore de quelques pas avant de poursuivre :
— Avant qu'on vous jette par la force.
— Tu crois me faire peur le clébard ?
— Ici c'est chez nous. Et t'as tord de nous sous-estimer.
Le ton monte si vite que j'ai à peine le temps de les canaliser. L'alerte dans ma tête sonne en voyant les tigres accompagnant Ni-ki marcher vers nous comme s'ils se préparaient à attaquer.
Heureusement, leur chef lève la main, leur signalant de rester à leur place. Ils s'immobilisent aussitôt. Le vent siffle à travers le trou profond dans l'un des feux tricolores, laissé à l'abandon et couvert de poussière.
Tout ça donne une ambiance lugubre.
— Laissez. Ce ne sont pas nos cibles.
— Oui monsieur ! Disent-ils en chœur.
Une scène impressionnante qui me fait juste penser à Tokyo revenger, avec Mikey qui commande ses gars du Toman. Sauf que là c'est moins drôle. C'est la réalité, je suis en première ligne, à deux doigts de faire un malaise.
— On s'arrache, ordonne Ni-ki.
Il me jette un dernier regard en guise d'avertissement avant de me tourner le dos. Je reste de longues et bonnes minutes à regarder ces tigres se précipiter pour ouvrir la portière et la refermer.
Les pneus crissent de nouveau contre le sol glissant. Le véhicule vrombit avant de laisser une fine fumée presque transparente derrière elle. L'odeur d'essence et de cuir neuf se mêle aux phéromones étouffants.
J'ai l'impression d'avoir assisté au film de ma vie qui prend fin en tant que simple spectateur, incapable de me défendre. Je suis resté là, pétrifié, en me demandant si j'allais mourir.
C'est quand même fou comme sensation. Celle de voir une situation tragique sous votre nez, être si près du danger et vous en sortir. Qu'est-ce qui aurait pu l'empêcher de brandir sa patte et me déchirer en deux avec ses griffes ?
Ou alors qu'est-ce qui l'aurait empêcher d'aspirer le peu d'oxygène dans mon corps, souffle essentiel ? Mes muscles se relâchent d'un coup. J'ai l'impression d'avoir été écrasé sous un camion, ou alors tiré dans tous les sens.
Je me sens un peu faible.
— Est-ce que ça va Sunoo ?
— Il ne t'a rien fait ce salaud ? T'as qu'à donner son nom, on le retrouve.
Pour aller se faire tuer ? Non merci.
— Ouais, on va lui faire payer de t'avoir attaqué.
Je ne sais même pas quoi leur dire. Je les regarde à tour de rôle, perdu entre la reconnaissance et la frustration d'avoir été aussi pathétique. Mais parce qu'ils ont risqué leur vie juste pour me venir en aide, j'étouffe à tout prix ce maudit ego qui vit mal son moment de faiblesse.
Je ne trouve toujours pas les mots. Pour autant, ça ne semble pas les déranger. Ils se rapprochent, comme dans le but de vérifier si je n'avais rien de cassé. Mais Hoseok s'interpose. D'une voix ferme, il s'adresse à eux.
— Les gars, laissez-nous seuls.
Ils ont l'air de vouloir discuter la demande, mais remarquant qu'elle sonne plus comme un ordre — venant de leur alpha — qu'autre chose, ils lâchent vite l'affaire.
— Ok. Trainez pas, il se fait tard. Ils pourraient revenir.
Ils s'en vont, leurs paroles s'emmêlent, je les retiens à peine car je suis concentré sur le visage de mon aîné. J'ai du mal à décrypter ses pensées. Il revêt une façade mystérieuse.
Je ne peux pas savoir s'il m'en veut. Bientôt, les bruits des bottes qui martèlent le sol enneigé ne sont plus que des échos lointains. Le vent lugubre vient chanter dans nos oreilles.
— Sunoo.
— Hoseok je—
— Non, écoute moi. Je sais que tu traînes avec un super prédateur.
Je ne sais pas quoi répondre. Il ne me laisse pas le temps de toute façon puisqu'il enchaîne sur un ton de reproche qui me prend de court.
— Au début, j'ai cru qu'une de ces brutes gosse de riche t'embêtait. J'ai voulu te filer un coup de main.
Est-ce qu'il est en train de parler de Heeseung ?
— Mais d'après Seungmin, tu le fréquente.
Seungmin. J'aurais du m'en douter. Ce qui me fait le plus chier est que ce dernier a sûrement dû parler de nous sans même s'en rendre compte. Mais quelles bêtises est-il allé raconter ?
— C'est vrai ?
Est-ce que je fréquente Heeseung ? Je ne le dirais pas et pourtant, avec tout ce qu'on a fait tous les deux; ça dépasse le stade de l'amitié. Je me mord la lèvre, mon cœur se resserre.
— Écoute, j'vais pas te refaire le speech du frère inquiet qui te met en garde. T'es un adulte, tu sais ce que tu fais.
Je déglutis. Je sens dans sa voix que ça ne lui plaît pas.
— Mais vous n'êtes pas du même monde, retiens ça. Si tu traînes avec lui, t'auras forcément à croiser d'autres prédateurs, qui seront moins sympa. Comme celui-ci.
Hoseok réduit considérablement la distance entre nous. Je me sens au pieds du mur, sans savoir quoi lui répondre. Ce n'est pas comme si j'avais décidé un beau jour d'accueillir à bras ouverts un prédateur dans ma vie.
Je réprime un soupir, un léger mal de tête rendant ce dernier lourd.
— T'es pas prêt à gérer ça.
— Je ne t'ai pas demandé de conseils, ne puis-je manquer de placer.
Ma spontanéité a prit le dessus. J'ai toujours eut un esprit insoumis qui grogne à la moindre contrainte. Et quand bien même ce ne sont pas des menaces que mon aîné m'adresse, être sur la défensive est plus fort que moi.
— Et moi j'veux pas te voir en danger.
— Qu'est-ce que t'en sais ? J'suis pas con.
Je... je sais que je peux le croire.
Je peux n'est-ce pas ? J'ai pris un risque, celui de lui céder quelque chose de moi, d'intime. Et lui, il a disparu au lendemain sans aucune explication, je me fait limite agresser et alors que je suis censé lui en vouloir, je rêve qu'il soit là.
Mais à part ça tout va bien. Je vais pas craquer. Je n'ai pas besoin de lui. Je ne suis pas en sucre. Ni une petite chose qu'on doit rassurer. D'ici deux jours je me serais remis de ces attaques. Je reprendrai le cours normal de ma vie.
Et peut-être qu'il n'apparaîtra plus jamais. Qui sait. Peut-être qu'il a eut ce qu'il voulait et s'est cassé. L'appartement était un dédommagement. Je peux le croire, ouais.
— S'il te fait du mal, je le défonce.
Hoseok me tient par les épaules, je le regarde, mes lèvres tremblent. Mais je me retient. Est-ce que j'ai été naïf? Ça serait une première. Le renard berné par le loup.
— Fais gaffe à toi.
D'un geste nerveux, je retire ses mains. J'arrive plus à supporter son inquiétude. Il me donne l'impression d'avoir tout foiré.
— Arrête, je sais prendre soin de moi.
Avant qu'il ne dise quoi que ce soit, je m'éloigne. Je me suis toujours débrouillé et sorti des situations les plus complexes. Et puis, je ne l'aime pas. Alors je m'en fiche. Je crois.
***
Au-dessus de ma tête, le ciel nocturne se teint d’un noir profond, à peine troublé par les étoiles. Les lampadaires clignotants projettent des halos orangés sur les pavés.
Je ne me laisse plus aller à la beauté simpliste de la ville. Mes sneakers s'enfoncent dans la couche épaisse de la neige. J'ai marché longtemps pour me vider la tête, malgré la crainte de croiser à nouveau Ni-ki.
S'il m'avait retrouvé, je lui aurais sûrement craché à la figure ces fichus noms. Je ne sais même pas pourquoi je me suis autant battus pour garder le silence. Tout est si vide est si calme lorsque la nuit tombe.
Les écouteurs enfoncés dans les oreilles, j'ignore le monde et me plonge dans les notes d'une musique que je n'ai pas l'habitude d'écouter. Mais le timbre si particulier de bad bunny me charme à chaque fois.
Lorsque je regarde autour de moi, j'ai la sensation de m'être perdu. Mais qu'est-ce que j'en ai rien à faire. J'ai éteins mon téléphone qui n'a pas arrêté de sonner plus tôt, sans voir de qui il s'agissait.
Puis j'ai erré jusqu'à ce que la lune soit haut dans le ciel. Et maintenant, on approche doucement des vingt-trois heures. Je ne sais même pas si je vais rentrer. C'est dangereux dehors pour quelqu'un comme moi.
C'est juste que... ça fait mal. Il s'est cassé juste comme ça.
Je pousse un soupir qui crée une buée. J'atteins un vieux terrain de basket, il y a un ballon abandonné sur le banc. Je m'en saisis, et le fait rebondir. Le bruit répétitif a pour don de me détendre. Je fais quelques paniers pour me changer des idées.
Et qu'on me dise même pas que je dramatise. Ce n'est pas — un panier — de ma faute — deux panier — s'il joue au mort depuis hier — trois panier. J'ai pas à lui écrire en premier.
Je jette le ballon contre le mur d'un geste rageur. Je tape dans une canette écrasée qui heurte le sol et crée un tintement désagréable.
La seconde d'après, une main se pose sur mon épaule. Je suis à ça de hurler et m'écarter lorsqu'elle s'enroule autour de mon biceps et me retient.
— C'est moi.
Je crois rêver. Or il suffit d'inhaler les particules qui composent le cèdre et l'ambre, pour comprendre qu'il est là; apparaissant en un claquement de doigt, comme sur commande. Je vais commencer à croire que j'hallucine et que je l'imagine.
C'est une théorie effrayante. Le cœur battant, je me retourne. Je peux voir mon reflet dans ses yeux à force de le fixer. Les cheveux soyeux mais un peu en broussailles. Il joint nos mains, un signe de réconfort au fond de ses prunelles.
— Je t'ai cherché partout. Tu es gelé.
Qu'il me le dise me surprend. Je ne sais pas à quel moment j'ai commencé à ignorer le froid. Parce que je ressens aussitôt une montée de chaleur avec mes mains enfermées entre ses paumes.
Mais je papillonne des yeux comme pour quitter mon état transi. J'ai aucune idée d'où il sort. Il apparaît et disparaît, puis réapparaît. Je plonge mes poings dans mes poches kangourous.
— Il n'y a pas à s'en faire. Je faisais un tour, dis-je d'une voix morne.
Je cherche le ballon du regard. Je veux encore faire quelques tirs. Après ça, on verra. Il ne me laisse pas m'en aller, j'aurais du m'en douter. Il m'a manqué. C'est compliqué de ne pas céder à l'envie de sauter dans ses bras.
Mais j'suis saoulé. Et s'il disparaît encore ?
— Sunoo.
Ce n'est plus « petit renard ». Il a eut ce qu'il voulait alors pourquoi il ne se casse pas juste ? Je voudrais qu'il reste mais plutôt qu'il dégage que piétiner ma fierté.
— Tu m'en veux, je sais.
— Moi ? Dis-je dans un rire jaune. Non tu dois te tromper.
— J'avais quelque chose à faire.
— Un truc secret que tu ne peux pas partager ouais, enchaîné-je à la seconde.
Ça me frustre d'avoir été autant ouvert et être face à autant de mystère avec lui. C'était quoi cette chose aussi importante pour qu'il s'en aille au lendemain même de mes chaleurs ?
— Rentrons d'abord, dit-il et ça sonne dans ma tête comme un calme-toi.
Le pire truc à dire. Car ça me met un peu plus en rogne. Qu'il envoie ses phéromones qui cherchent à me calmer et me détendre chauffe mes nerfs. Je ne veux pas qu'il m'apaise pour s'en sortir aussi facilement.
— Rentrer où ? Chez toi ? Attend, je te rend ça. Ça ne sert à rien de me le donner, j'ai déjà un toit.
Ses clés s'entrechoquent entre elles lorsque je les retire de ma poche. Avant de les lui fourrer dans sa veste, il me retient par le poignet.
— Je ne te l'ai pas donné pour ça.
— Je ne veux pas savoir, prend.
S'il ne peut pas me parler de ce qu'il faisait, il peut garder le reste.
— Rentre chez toi, j'ajoute.
— Je ne veux pas, si c'est pour rester fâché avec toi.
Je ne me ferai pas avoir avec ses yeux qui miroitent toute sa sincérité. Encore moins ses excuses qui se font sentir à travers ses phéromones. Et surtout pas la façon dont il me regarde, me parle.
Je ferme les yeux un moment, je ne me rappelle plus la fois où j'ai été vexé comme ça. Je me suis toujours débrouillé pour prendre mes dispositions. Mais une fois qu'on ouvre le cœur, on s'expose à tout type de blessures.
— Tu as seulement une idée de ce qui s'est passé aujourd'hui ?
Un éclair de rage traverse ses mirettes, ses traits gracieux se déforment sous la colère, son regard s'assombrit. J'arrive à trouver son fichu visage magnifique même dans ce moment. Je pourrais rire de moi, c'est débile.
— Je vais régler ça, m'annonce-t-il, glacial.
J'ignore les quelques frissons qui me traversent, refusant de le laisser m'impressionner.
— Tu te casses, tu débarques par surprise, tu décides et je suis censé te dire oui.
— Je ne serait pas partie si ce n'était pas urgent, essaie-t-il de se défendre.
Sauf que je n'arrive pas à me contrôler et tout sort.
— Mais il y avait QUOI de PLUS important ?
Je met aussitôt une distance entre nous; rouge de colère, de gêne. Ça n'a jamais été mon fort les expressions explicites. Or la frustration est une bombe à retardement.
Mais d'un coup, je me met aussi à paniquer. S'il n'en avait rien à faire ? Si ce truc comptais plus ? Tellement que le fait de rester avec moi ne l'intéresse pas. Je ne veux pas encaisser ça. Alors je prend la fuite comme je sais si bien le faire quand ça devient usant.
Lorsque ça nécessite de se livrer à cœur ouvert. Je ne suis pas ma renarde, elle a beau faire partir de moi, nous sommes indépendants sur certains aspects. À pas précipités, je longe le trottoir non sans trembler de froid.
— Rien ! Me lance-t-il d'une voix forte dans mon dos.
Ne te retourne pas Sunoo. Il est plus rapide et me coupe la route.
— Dis moi réellement ce que tu penses.
Une force invisible étreint mon organe vital. Je détourne les yeux. Je n'ai pas envie qu'il me sonde.
— Tu me barres la route.
— Et toi tu ne me dis pas tout.
— Décale.
J'ai beau vouloir passer en force, l'écart de force m'en empêche. Ça va être ça tout le temps ? Il est fort alors je m'assois comme un petit chiot et je l'écoute ?
— J'aurais dû être là aujourd'hui, je sais, dit-il, amer.
— J'avais pas besoin qu'on soit là avant de te rencontrer parce que je pouvais me défendre tout seul ! J'avais le—
Je m'arrête d'un coup en me rendant compte de ce que j'allais dire. Mes battements cardiaques sont chaotiques, je ne m'en rend compte que maintenant. De tous les efforts que mon corps fournis. Du rythme à cent à l'heure à laquelle je tourne.
Mes pensées me surprennent. Au fond, c'est ce que je voulais dire. J'avais le venum, je pouvais m'en sortir. Je ne pouvais certes pas égaler la force des plus forts, mais il suffisait juste que je sois insensible à eux.
Je n'avais pas à passer mes chaleurs, à devenir aussi sensible aux odeurs. C'est lui, Heeseung, la raison pour laquelle j'ai décidé de lâcher la seule chose qui me protégeait.
— Ce truc te tue, tranche-t-il d'une voix dure.
— Ouais, et on se demande pourquoi j'ai besoin de me mettre en danger juste pour exister !
— Tu n'as pas besoin d'en arriver à ces extrêmes.
— Je t'en prie, donne la solution !
Un faible silence me répond. J'ai l'impression que notre discussion ne mène à rien. Soudain, il me prend par les épaules, je ressens une certaine crainte tout au fond. Avec lui aussi ? Je vais flipper à ce point ?
Ce sentiment d'incertitude, de méfiance permanente me rend dingue. Je ne peux pas reculer. Une lueur rouge apparaît dans ses yeux mais s'éteint aussitôt. Un petit jeu luminescent qui se répète à un intervalle irrégulier.
— Tu m'as.
Mais il n'était pas là aujourd'hui.
Il n'a jamais été pétrifié devant quelqu'un juste parce qu'il est moins fort. On dira qu'aujourd'hui les proies vivent dans de meilleures conditions. Peut-être que pour eux, le strict minimum est mieux que rien.
Soyons reconnaissant que la traque ait été interdite. Ce n'est pas comme si certains prédateurs continuent à le faire en cachette. On peut même accéder à des postes importants. C'est juste qu'aucun prédateur n'acceptera de bosser sous plus insignifiant que lui.
On a de la chance. On aurait quand même pu être réduit au déjeuner pour ces puissants espèces. La connerie.
— Je te ramène, marmonne Heeseung après ce long silence qui a suivit sa déclaration.
C'est un ordre. Mais alors qu'il s'éloigne, je ne bouge pas. Il s'arrête après quelques pas.
— Je peux me débrou— voulus je clamer avant qu'il ne me coupe la parole de façon définitive.
— On y va, monte, insiste-t-il sans me laisser la possibilité de débattre.
Je comprends à ce moment que lui tenir tête ne sera qu'une perte de temps et d'énergie. J'suis pas d'humeur. Je le dépasse alors, un peu rageur et monte dans sa voiture. Heeseung suit la cadence peu après.
C'est si froid et silencieux. Les résidus épineux après la dispute. Et alors que la pression redescend peu à peu, remplacée par la fatigue, je lui prête plus attention. Lui et les cernes autour de ses yeux. Même si je lui en veux, quelque part, je me pose des questions sur son état.
Il a l'air épuisé, facilement irritable. De lui, je ne sens que des phéromones lourdes qui me revendiquent. Ils ne me laissent pas en paix. Je me recroqueville contre la portière en l'ignorant comme je peux. Peine perdue puisqu'il sature l'air et m'étouffe.
Ce n'est pas de ce sentiment oppressif dont j'ai besoin. Mais il ne m'écoutera pas. Il est juste heurté qu'on ait touché à ce qui lui appartenait. Je le sais parce que c'est une réaction typique de prédateur. Un mâle ne supporte pas qu'un autre mâle s'en prenne à son partenaire.
Mon père a eut un comportement du type par le passé et ma mère en a horreur. Elle me dit que les mâles ne comprennent rien à rien à nos sentiments et tout ce qui les intéresse, c'est leur possessivité qui les aveugle.
Je ramène mes jambes repliées contre mon torse. Je fais monter mon odeur pour esquiver les siens et former une petite bulle. Ça n'a pas l'air de lui plaire. Ça l'agace au plus haut point. Bah, il va s'y faire.
Pour une fois, ma renarde n'a pas cherché à me faire changer d'avis. Je crois qu'elle aussi est vexée. Je commence à douter de mes décisions, me demander si j'ai bien fait d'avoir été jusqu'au sexe avec lui. J'étais persuadé que tout se passerait bien.
Je suis resté prudent. Et puis, j'ai finis par développer un sentiment de confiance. Je regrette un peu de lui avoir cédé cette partie de moi ; puisqu'au lendemain, il s'est barré comme s'il n'attendait que « ça ».
Et maintenant il me réclame comme si j'étais à lui.
La voiture s'arrête brusquement. L'élastique de la ceinture de sécurité m'empêche d'être protégé du siège. Je regarde autour, nous sommes près de sa maison. La grande, la demeure des Lee. Il fait noir autour, aucune tête en vue. C'est un peu flippant.
Il vérifie ses notifications, son visage se tord un peu plus. Et pourtant, à l'extérieur, il paraît si calme. Je crois que c'est plus effrayant que Ni-ki qui montrait clairement sa rage. Le faciès impénétrable de Heeseung est inquiétant.
Il conduit encore un peu avant de s'arrêter près d'une allée en gravier. Dès lors, je me précipite pour descendre. Je voulais rentrer à la fac, dans mon dortoir. Pas chez lui, avec d'autres loups. Il me rejoint en un battement de cil.
— Tu vas rester ici en sécurité. Le temps de régler cette histoire.
En sécurité ? Dans la tanière des loups ?
— Quoi ? Non je ne peux pas, dis-je en secouant la tête.
Mais tout ce que je ressens de sa part peut se traduire en un seul mot : obéis. Il demande une soumission que je n'ai pas envie de lui céder. Mais je ne peux rien lorsqu'il me tire avec lui. Après le gravier, c'est l'allée en marbre veiné.
La dernière fois, je ne me suis pas attardé sur le décor. Ce soir non plus, je n'ai pas la tête à ça, plus préoccupé par mon avenir, ma vie qui tient sur une balance instable. Je ne sais combien d'escalier on prend. Et à chaque passage, les bras de Heeseung se resserrent autour de mes épaules.
Il agresse littéralement du regard chaque personne qui ose me jeter un coup d'œil. Il rembarre leur curiosité en grognant, les fusillant de ses pupilles d'un rouge flamboyant en pressant le pas avec moi. Et ces derniers baissent aussitôt la tête.
Ce sont des loups, mais je ne suis pas affecté par leur odeur. Car celle de Heeseung me couvre de la tête aux pieds et j'ai l'impression que ça me rend insensible à eux.
Je me suis à peine attardé sur les tableaux ornant les murs, vu une fraction de seconde les objets en cuir et en laine, que nous atterrissons dans un espace qui me paraît privé. Ici, il n'y a personne, juste son odeur. C'est un poil réconfortant. Ça me tue de le reconnaître.
— Tu seras hors de danger ici.
Il tente de prendre mon visage en coupe mais je l'envoie balader.
— De un, j'ai pas décidé de venir ici.
Je n'avais surtout pas le choix.
— Deuxièmement, je m'en fous si t'es en colère.
C'est à moi de l'être d'ailleurs.
— Et de trois, ne veux plus que tu me tou—
Je ne l'ai pas vu venir. Ce geste, c'est brusque, fort, inattendu.
Ses lèvres qui se plaquent sur les miennes.
Les mouvements denses et instables qui traduisent nos états d'âmes. Il est perturbé, énervé, et moi, je cherche à tout prix à étouffer la frustration qui exhale de mon corps.
Et puis merde je voulais ce baiser à en crever.
Mais je lui en veux. Et ça, je ne suis pas prêt à passer au dessus. Je lutte sans jamais me soumettre à lui, et ça ne fait que renforcer son envie de dominer ce baiser. Ses lèvres affamés me dévorent, ses doigts possessives me tiennent la taille et le cou si fort qu'ils laisseront des bleus à coup sûr.
Mon ventre s'embrase, des papillons virevoltent. Je veux l'égorger. Le pousser par une fenêtre. Il me retourne le cerveau. Je me sens perdre mon souffle, la tête, mes sens. Il se détache, me regarde avec un sombre désir qui palpite dans ses yeux carmins.
— Tu ne me feras pas changer d'av—
Heeseung prend otage de mes lèvres à nouveau, arrachant mes prochains mots de ma bouche qu'il aspire. Mordant mes lippes sans les ménager, il se lance dans un second échange plus passionné et chaotique que le précédent.
Un hoquet de surprise m'échappe, il en profite, tel un fourbe et force l'accès à ma bouche. Sa langue s'enroule autour de la mienne et ne la lâche plus, comme un amant qui aurait trouvé sa moitié. Mon cœur tend à exploser, la température semblant d'un coup augmenter.
Sa main me bloque contre lui, restreint mes mouvements. Je sens ses ongles s'enfoncer dans ma peau au niveau de ma nuque, me picoter, et à la fois contribuer à mon plaisir. Les bruits humides et obscènes emplissent la pièce.
Il n'y a rien de doux dans ce baiser et pourtant, mon corps réagit en réponse, ravagé de chair de poule, avide de plus de touchers. Il s'arrête une seconde fois, les cheveux désordonnés. Je dois être dans un pire état, les lèvres aussi gonflées que les siennes.
Concentre-toi, il tente de te distraire.
J'essaie d'en placer une encore. Cette fois-ci, il m'arrête avec des mots.
— Dis encore un truc et je te mords Sunoo.
Jamais je n'ai vu autant de sérieux dans un regard. Je me la ferme. Ce n'est pas la chose la plus rassurante à dire dans une situation pareille. Il donne l'impression de lutter contre sa nature, comme s'il se retenait de céder à sa part animale.
C'est pour ça que la couleur de ses yeux changent autant ? Les prédateurs ne sont que domination et possessivité. Avec calme, il recouvre mes joues de ses paumes. Il y a quelque chose de dangereux malgré la douceur de son geste. C'est pour ça que c'est si troublant.
— Je le ferai si ça me permet d'effacer toute trace de son odeur sur ta peau. Mon renard n'est qu'à moi.
L'odeur de qu... Ni-ki. C'est vrai, les prédateurs marquent plus facilement. C'est ça qui le rend fou ? Heeseung me lâche et balance la tête vers l'arrière, exposant sa pomme d'Adam qui bouge à chaque fois qu'il déglutit, plongeant ses doigts dans ses cheveux et les désordonne.
Alors qu'il s'éloigne, j'en fais de même, marchant à reculons. Je déglutis en ayant pleinement conscience de qui vient de parler. C'est son alpha. Il lâche un grondement féroce qui me fait sursauter, avant de claquer la porte en sortant.
Je suis soudain plus détendu. Je ne me rendais pas compte que mes jambes tremblaient. Elles me lâchent et je tombe sur un tapis, pressant mes cuisses humides entre elle pour faire taire la sournoise envie que Heeseung a provoqué en moi.
J'expire mon soulagement. Mes yeux picotent mais rien ne sortira. C'est parce que je suis vidé, abattue par une fatigue qui alourdit mes paupières, mes sentiments. Ceux à cause desquels, je désire avoir à mes côtés la même personne à qui j'en veux.
N'empêche, c'est si silencieux ; le calme avant une tempête dévastatrice.
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J'avais ABSOLUMENT PAS imaginé leur second baiser comme ça 😭
Dites vous premièrement j'avais préparé une scène romantique sur une piste de danse, et après j'ai changé, c'était sur le terrain de basket mentionné mais dans une Vibe plus romantique mdrr
Mais wesh LA TENSION ????? C'ÉTAIT TENDUUUUUU
Par contre prochain chapitre Heeseung rigole plus avec vous 💀 je tenais à prévenir des scènes violentes qui seront là. Prenez soin de vous 🤍
Rip Ni-ki... ? Mais après, pourquoi personne ne veut rien lui dire 🧐 louche son histoire.
(Pardon j'ai toujours le baiser spicy de Sunoo et Hee en tête je suis ravagée)
Que va-t-il se passer par la suite ? On se retrouve semaine prochaine avec un point de vue d'un autre personnage ~ devinez qui c'est.
Oui je poste à 23h vous allez faire quoi ? 🤨
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