HEESEUNG.

La pièce est enveloppée de silence.

— Depuis quand ?

C'est la question qui me brûle les lèvres. Ça et les innombrables autres questions qui s'ajoutent. Sunghoon me fait face, l'air un peu coupable. Pourtant, je ne lui en veux pas véritablement. Je suis surtout confus.

Jamais je n'avais connu cela possible.

Je veux dire, le sexe de notre forme animale qui diffère de la notre. C'est censé représenter qui nous sommes, nous refléter comme si elle était notre miroir. De ce fait, une si grande différence n'est pas censé exister. Je suis d'apparence calme malgré toutes les questions que la situation soulève.

Adossé contre le mur, j'en viens à la conclusion que ça ne sert à rien de se creuser la tête. Seul Sunoo pourra m'éclairer sur ce coup. Parce qu'aucune explication ne me vient en tête. C'est un phénomène que je n'avais jamais confronté. Or je me dis que s'il existe des loups plus gros que la normale, au propriétés qui vont au delà des capacités de base...

— Je n'ai pas d'explication logique non plus.

...pourquoi pas une renarde dans le corps d'un garçon ?

Je fixe Sunghoon, l'invite à s'étaler un peu plus.

— La nuit où tu étais dans son dortoir, lorsque tu étais en rut, j'ai senti l'odeur du fluide que les femelles produisent habituellement. Mais je n'avais pas fait ce lien.

Je ne me rappelle pas de cette nuit pour ma part.

Ce qui m'interpelle moi, c'est qu'il savait pour ce détail, et qu'il ne m'a rien dit. En croisant mon regard, Sunghoon éjecte sa culpabilité à travers son regard.

— Jake m'a fait promettre de ne rien te dire. Il était... désespéré, précise mon ami pour sa défense.

Mes épaules se détendent. Sunghoon n'est pas du genre à briser ses promesses, peu importe ce que ça lui coûte. Il me l'aurait quand même avoué si j'avais eus des soupçons et que j'avais insisté ; si vraiment je suis devenu son alpha.

Je range l'information d'un côté, alors qu'elle est bien plus capitale que la maigre importance que je lui donne. C'est que l'état de mon renard prime sur tout.

— Jake a-t-il parlé ?

Sunghoon secoue la tête. Le golden retriever doit se trouver dans la salle d'à côté avec ma sœur aînée ; à tenter de se calmer. J'ai besoin de savoir pourquoi Sunoo a paniqué. Et surtout, ce qu'ils foutaient près de cette école maudite. J'ai envie de croire qu'il ne s'agissait que d'une coïncidence.

Me redressant, j'adresse un regard à Sunghoon.

— Pas un mot sur ce qui s'est passé.

Il hoche la tête, me rassurant. Déjà que ma mère et Kang ont fait pister Sunoo par les caméléons auparavant, il ne manquerait plus qu'ils sachent qu'ils se trouvaient à l'école abandonné, pour le prendre pour cible.

En y pensant, mon renard leur a tenu tête, vu l'état des caméléons. Un faible sourire se grave sur mes lèvres. Évidemment qu'il leur a tenu tête. Mon plaisir réside en le fait qu'il n'existe pas d'être capable de le contrôler.

Je sens l'alpha s'agiter en moi. Je ne l'ai jamais autant ressenti depuis ce soir.

Depuis que ma mère est entré dans mon esprit, par je ne sais quel moyen. C'est peut-être encore faible, je n'entends que de faibles grondements, mais sa voix s'élève de plus en plus. Elle s'accorde à la mienne, se calque à la perfection à mes désirs.

Lui et moi avons une vision plus ou moins identique.

— Heeseung, je pense que c'est la raison pour laquelle il prenait ce produit.

Je hoche la tête en accord avec la théorie de Sunghoon. Ça me paraît évident. Quel type de relation il entretien avec la renarde au point de lui faire du mal ? Ça devient plus compliqué, au fur et à mesure que je pénètre son univers.

J'en découvre, couche apres couche. Et peu importe la nature de ses secrets, je ne me vois pas me soustraire de sa vie. Je me sens concerné comme nous avions toujours été proches. Je le veux.

Je m'arrête sur le pas de la porte, un peu surpris par mes pensées. Cette phrase pèse bien plus que la simplicité des mots. Je fixe le vide, ressentant ce sentiment grandir en moi de plus en plus, au point de prendre une place considérable.

— N'hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit, résonne la voix chaleureuse de ma sœur.

— Merci, réponds avec politesse Jake.

Nous avançons, Sunghoon et moi, jusqu'à nous arrêter à sa hauteur. Il est assit, tenant un mug fumant entre ses mains. Sarang lui accorde un regard bienveillant, toute sa personnalité respire la bienveillance. Mes yeux sont braqués sur Jake. Je prend une seconde pour vérifier qu'il est bien calmé.

Une fois que ses phéromones ne signalent rien d'alarmant, je fais disparaître toute trace d'inquiétude en moi. Sarang tourne son regard vers moi, intriguée.

— Vous préférez que je vous laisse discuter ?

Avant d'obtenir une réponse, elle reprend aussitôt, s'adressant à Jake.

— Je serai juste à côté si tu as besoin de quoi que ce soit ! Mais si tu n'es pas à l'aise, je peux rester.

— Non, ça ira.

Le golden retriever se veut rassurant. Pourtant, je décèle les légères traces de panique dans ses phéromones dès qu'il pense à rester seul avec nous. Cependant, il n'a semblé ni impressionné par la taille de notre demeure, des protocoles, encore moins des loups qui l'entourent.

Nos deux races fonctionnent sur le même principe après tout. Il doit mieux comprendre le concept de meute puisqu'il en a une, lui-même. D'une famille aisée qui possède un beau territoire, bien situé.

Sarang sourit avant de quitter la pièce. J'attaque sans ménagement.

— Dis-moi ce que je dois savoir.

Sans se laisser impressionner, il fronce les sourcils.

— Je veux savoir si Sunoo va bien, tout d'abord.

Je suis déjà sur les nerfs, à deux doigts de craquer. Mes poings se resserrent malgré mon calme apparent. Sunghoon intervient, dans le but de tempérer la tension naissante.

— Il est en sécurité avec Heeseung, ne t'en fais pas.

— Je passerai la nuit ici de toute façon.

— Tes parents sont au courant ? Lancé-je sous la provocation.

Ce qui l'irrite d'emblée, raison pour laquelle son visage se crispe. Il paraît offusqué, signe de me dire qu'il fait ce qu'il veut à son âge.

— Heeseung...

Sunghoon souffle de désespoir à côté. Je ne fais pas ça pour m'amuser. La situation m'agace et met ma patience à l'épreuve.

— Ne pense pas me convaincre de partir ! Claque Jake, me surprenant au passage.

Je ne doute pas qu'il ne s'en ira pas d'ici comme ça, tout en sachant Sunoo seul dans une maison inconnue, après son moment de panique. Cette amitié est la seule raison pour laquelle nous ne sommes pas en conflit Jake et moi. De ce côté, je dois reconnaître que Sunoo a le meilleur ami qu'il pourrait espérer.

— Est-ce que Sunoo va bien ? Répète-t-il.

Je hausse le sourcil.

— Sunghoon vient de te répondre. Il va parfaitement bien.

Étonnement, il n'a pas demandé à le voir. De toutes les façons, j'aurai refusé. Pas ce soir. Peut-être qu'il a deviné ? Et en parlant de lui...

Mon souffle s'amenuise. Jusqu'à quand il restera dans cet état ? Ça fait des heures que je l'ai ramené dans ma chambre. La lune s'est déjà hissé dans le ciel, entouré d'une ribambelle d'étoiles. Nous sommes au beau milieu de la nuit. J'ai peur qu'il reste bloqué dans sa transformation trop longtemps.

— J'ai besoin de savoir, finis-je par dire.

À propos de la renarde.

Or Jake demeure fermé, sans rien laisser paraître.

— Je ne dirai rien à la place de Sunoo.

Il suffit de croiser son regard pour savoir que je n'obtiendrai rien de lui. Sa réaction me rassure en un sens, il ne dévoile pas ses secrets. Très bien, je demanderai directement à Sunoo alors. Autant pour sa forme animale et la raison de sa panique.

Je l'observe lui et Sunghoon à tour de rôle. Je n'ai pas la tête à analyser leur relation alors je me retourne. J'entends Sunghoon lui souffler cette dernière phrase, sous un ton plus doux.

— Suis-moi, tu dois être épuisé toi aussi, lui lance Sunghoon sur un ton bien doux.

Je suis déjà loin. Cette partie du domaine m'appartient. J'ai interdit à tout le monde de pénétrer ces lieux sans mon autorisation. Et je sais que ce n'est qu'une question de minutes pour que la nouvelle de la présence d'un renard se répande.

En soit, ce n'est pas une information nécessaire puisque je ramène qui je veux chez moi. C'est surtout la réaction de ma mère, et celle de Kang que je veux éviter. Je n'aime pas non plus l'idée que les gens de la meute posent leur regard de Sunoo. L'imaginer me met hors de moi.

J'arrive au bout du couloir qui mène à ma chambre. Je souffle en m'arrêtant devant la porte. Est-ce qu'il est toujours une renarde ? Ou est-ce qu'il a reprit forme humaine ? J'hésite un moment, puis pose ma paume contre le poignet, avant de le tourner. Je ferme la porte. Puis, je me retourne.

Elle est là, au milieu de mon lit, couchée sur les draps.

On dirait qu'elle se repose. De la forêt jusqu'au domaine, ses griffes se sont accrochés à mes vêtements, au point de provoquer de petites déchirures. Les griffes étant aiguisées. Je l'ai caché sous ma veste. Et ce n'est qu'en entrant dans ma chambre qu'elle m'a finalement lâché.

Elle s'est tout de suite dirigé au milieu du lit avant de se rouler en boule dessus. Et depuis, c'est comme si elle dort. Elle paraît tellement insouciante et à l'aise dans ma chambre. Rien à voir avec Sunoo qui se montre très souvent sur ses gardes.

La lumière tamisée se reflète doucement sur la couette. Elle n'a pas aimé lorsque j'ai appuyé sur l'interrupteur. Alors j'ai préféré allumer la lampe de chevet qui diffuse une lumière plus douce et confortable.

Je traverse l'espace vide entre la porte et mon lit. Elle bouge un peu. Sa queue enroulée autour de défait et dévoile son adorable museau. Tout lentement, ses paupières se replient, dévoilant les pupilles ambres et deux fentes noires.

Elle est tellement belle.

— Petite renarde, dis-je en me penchant contre le matelas.

Elle se tient sur ses pattes, d'une allure presque fière. Je suis intrigué. C'est quand même époustouflant. Ce n'est pas un renard mais une renarde. Est-ce que Sunoo m'entends ?

Soudain, elle saute de mon lit et atterrit sur la table de chevet.

— Attention, tu vas te faire mal.

Son saut fait trembler la structure en bois. La lampe vacille et faillit tomber. Je glisse à temps pour la rattraper. La renarde ne prête pas attention à l'objet, prenant appuie sur la table de chevet pour atteindre une étagère métallique où est disposé plusieurs objets.

— Qu'est-ce que...

Notamment un vase en céramique. Elle grimpe avec agilité mais sa queue touffue ne manque pas d'envoyer valser la décoration. Je m'élance en vitesse pour rattraper le vase.

— Attends ! Dis-je, désemparé.

Elle ne m'accorde aucune attention, tournant autour de mon pot de fleur que j'arrive aussi à retenir de justesse. Je suis outré. Elle crée un basar pas possible. Je n'ai jamais aimé qu'on mette le chaos dans ma chambre rangée avec soin.

C'est Sunoo... respire Heeseung...

Je pose rapidement le vase et le pot de fleur en la voyant grimper sur ma table. Elle s'arrête devant les quelques photos qui ornent cette dernière. Elle les regarde avec grande attention.

C'est moi où... j'ai l'impression qu'elle juge chaque cliché...

Sa patte touche une de mes photos. Elle s'y attarde. J'ai l'impression que son regard est hautain ? Je rêve ? Mais depuis quand j'ai perdu le contrôle sur la situation ? La renarde se tourne brusquement vers moi.

C'est ça... on dirait qu'elle me toise de façon hautaine. Son regard encercle ensuite la pièce. Elle descend au sol et trottine sur ses pattes. Je saisis cette occasion pour l'attraper.

Sans succès.

L'aisance avec laquelle elle échappe de mes mains est aberrant.

— Arrête-toi deux secondes.

C'est à l'instar de la nuit où il s'est saoulé. Il me filait entre les doigts comme s'il était fait de vent; destiné à chantonner dans mes oreilles, à n'être qu'un murmure, insaisissable.

Depuis quand les renards sont aussi agiles que les chats ? Je veux dire, c'est un serpent ? J'en viens à tomber. La renarde, sournoise, nettoie ses pattes arrières contre mon visage, me narguant avant de poursuivre son ascension.

— J'hallucine... dis-je, bouche bée en la voyant partir.

Elle grimpe ensuite sur l'étagère en bois massif de ma bibliothèque. Elle s'arrête devant quelque chose. Me demandant de quoi il s'agit, et la raison pour laquelle elle paraît calme d'un coup, je me lève et m'approche.

Une faible exclamation m'échappe devant ce qu'elle visionne avec autant d'intérêt. Un dessin de deux louveteaux qui représentent Jay et moi. C'est une gravure importante pour moi, qui compte énormément. Je ne sais pas si elle l'a senti.

Je crois que oui. La renarde y accorde une attention particulière.

Puis, elle passe en revue les nombreux livres qui ornent les planches en bois. L'odeur de papier me détend toujours. Ensuite, elle termine sa visite — parce que c'est bel et bien une visite — en passant près de mes fenêtres. Ses griffes s'accrochent aux rideaux en lin, sortant tous les démons en moi.

— Pas les rideaux !

Je vais faire une attaque. Elle a laissé d'affreuses rayures ! Je suis juste scandalisé. La renarde s'installe avec calme au milieu du lit, comme si de rien n'était, détendant ses pattes sur la couette, donnant l'air d'avoir plus ou moins apprécié ma chambre. Avec quelques avis mitigés.

Je suis un moment figé. Elle est bien plus impertinente que Sunoo. C'est pire. Pendant une seconde, une grimace déforme mon visage. Jusqu'à ce qu'elle croise mon regard. Ses pupilles ambre sont fascinant. Elle incline la tête sur le côté, l'air de rien.

Elle est mesquine...

La renarde sourit.

Et ma colère s'envole de moitié. Je suis censé lui en vouloir comment ? Je l'entends glapir, puis se réinstaller avec soin sur mon matelas.

— Moque toi...

Sa queue flotte autour d'elle. Elle est allongée comme si elle était maîtresse des lieux, dans son royaume, et moi, un pauvre serviteur. Je regarde autour de moi, tout les dégâts qu'elle a causé et dont elle ne semble pas s'en soucier. Elle n'en a rien à faire.

— Laisse tomber Heeseung.

Je me résigne à tout ranger.

***

Je sèche mon corps tout en me regardant à travers le miroir.

Depuis une demi heure, tout s'est calmé. Pendant que je rangeais, la renarde s'est de nouveau endormie. Alors, j'en ai profité pour prendre une douche. J'ai finalement retiré ma coloration qui commençait à partir. Je demeure inquiet pour son état, mais en même temps, je suis heureux.

Heureux qu'il soit avec moi. Enfin, espérons que ma chambre survive d'ici là. Tout en étant perdu dans mes pensées, j'enfile des sous-vêtements et un bas. Restant torse nu, j'attrape une serviette propre pour nettoyer mes cheveux à présent noirs, retournant à l'intérieur.

Je m'apprêtais à prendre les vêtements laissés sur mon lit avant la douche. Sauf que je ne remarque plus la touffe rousse. Mes sens sont en alerte.

— Sunoo ?

Je décide de fouiller sur le lit et découvre avec stupeur, la renarde caché dans mon t-shirt. Elle sort son museau, puis ses pattes, et enfin sa petite tête. Je ne sais pas si je dois être attendri ou... ou non. C'est mignon. Je fond.

Elle se roule en boule dans mon vêtement. Elle semble vraiment apprécier tout ce qui est à moi. Je souffle et lui laisse alors mon t-shirt. Je pars ouvrir mon armoire et en ressort un autre que j'enfile. Je reviens et m'allonge à côté.

La renarde me paraît plus sereine. Encore plus détendue que précédemment. La sentir autant à l'aise est plaisant.

— Il faut dormir maintenant petite sorcière.

Le surnom n'a pas l'air de lui plaire — c'est pourtant mérité — alors elle tapote ma main grâce à sa patte. Quelques ricanements m'échappent car je ne sens pas la douleur. Elle n'a pas l'air d'attaque à se murer dans la rancune. Alors, quelques secondes après, elle abandonne bien vite et s'allonge tout près.

J'hésite un petit instant avant de poser ma main contre sa fourrure. J'attends, figé avec ma paume, pour savoir si ça ne la dérange pas. La renarde ne montrant aucun signe qu'elle est contre, je décide de doucement la caresser.

Je sens son plaisir dans les airs, alors je lui procure de légères caresses. Sa fourrure est tellement douce. Je frotte sa petite tête. Je suis complètement fan. Elle est adorable. Quand elle veut. Parce qu'elle est aussi mesquine.

Je commence à bailler. J'aime la renarde — je précise au cas où il y aurait encore des doutes —. Ça ne m'empêche pas de vouloir que Sunoo revienne. Il me manque.

— Reviens... soufflé-je sur le bout de mes lèvres.

Avant de m'endormir.

***

Qu'est-ce qui ne va pas ? Je veux dire, de connaissance, les renard aiment bien le tofu ?

Ça tombe bien, on en a dans les réserves. J'ai beau lui servir le meilleur, elle ne bouge pas. Le bol est abandonnée au sol, sous son regard indifférent. Elle n'a même pas pris la peine de descendre du lit. À ce stade, je me demande comment la nourrir. Puisqu'elle ne peut pas rester affamée.

Je soupire en quittant ma chambre. Je traverse le couloir, à la recherche de Jake et Sunghoon. Les deux se trouvent dans la pièce voisine. Jake a voulut la voir ce matin.

Seulement, la renarde s'est contenté de se prélasser sur le lit, refusant de sortir. J'ai du tolérer le chihuahua quelques secondes dans ma chambre, en veillant à ce qu'il retire ses chaussures et mette des chaussons pour ne pas salir le tapis berbère.

Elle s'est approché de Jake quelques secondes, avant de retourner dans son monde.

Une réaction qui n'a pas vraiment étonné l'étudiant en médecine. Il a revêtu une expression indéchiffrable avant de sortir. Mais à en juger par ses phéromones, il était rassuré.

— Elle ne veut pas manger, claqué-je d'entrée de jeu.

Sunghoon fronce les sourcils.

— Laisse-moi chercher d'autres sources de nutrition pour les renards.

— Pas la peine, intervient le chihuahua. Tu as servi ton tofu comment ?

Sourcil arqué, je saisis mal sa question.

— Je veux dire, reprends-t-il, dans une assiette en porcelaine et non un bol de croquette pour chien ? Posée sur une mini table avec un mouchoir et de l'eau ?

J'ai bien entendu ? Sunghoon dévisage Jake de la même façon que moi. Ce dernier soupire.

— Écoutez, elle est... spéciale. Elle estime qu'elle doit être traité dignement alors, sors le grand jeu.

Je sais que nos formes profondes possèdent un trait de notre caractère qui est exacerbé chez eux. C'est même ce caractère qui influence notre personnalité. Alors, la renarde aurait-elle un égo surdimensionné ? Un rire nerveux résonne depuis ma gorge.

Mais Jake a l'air tellement sérieux.

Il est vraiment sérieux ?

Mon rire cesse. Dans le doute, je fais ce qu'il a conseillé. Une petite table avec un plateau sur mon matelas,  une de nos plus belles assiettes et son tofu décoré avec soin ; comme s'il s'agissait d'un plat cinq étoiles. À côté, il y a un bol d'eau en céramique.

Je prend une chaise et j'attends.

Les yeux exorbitant, j'aperçois la renarde se lever et s'approcher. Elle me regarde. Puis fixe le mouchoir. Elle me regarde à nouveau. Je pense avoir compris. Je m'approche avant de nouer le mouchoir autour de son cou.

Une seconde, suis-je vraiment en train de faire ça ?

Je ressens presque la mine blasée de mon alpha tout au fond. Je ne sais pas ce que ça aurait été si Sunoo était exactement comme sa renarde. Elle croque enfin dans son tofu comme pour goûter. Puis, réitère. À petites bouchées, elle avale chaque morceau.

Et quelques temps après, elle s'hydrate.

La renarde est capricieuse, joyeuse, la pire sorcière qui existe ! Cependant, elle m'est précieuse. Je passe ses exigences, la regardant retourner à sa place d'origine.

Je suppose que si je l'aime, je prend tout avec ?

***

Le crépuscule tombe, les rayons retardataires du soleil s'étoilent progressivement.

C'est une journée de plus où Sunoo n'est pas revenu. L'inquiétude commence à gagner du terrain. Je suis surpris que personne ne soit passé embêter. Ma mère, Hanse, les autres. À part Sarang qui discute souvent avec Jake, rien.

D'ailleurs, ils ont l'air de bien s'entendre ces deux là. J'ai fouillé les livres des bibliothèques sans rien trouver; épluché les sites, mais aucun article ne fait écho à son cas de figure. De plus, on ne reste pas sous sa forme animale aussi longtemps. Si ça persiste, je devrais peut-être me tourner vers sa famille.

Je me demande à quoi ressemble sa famille. Est-ce que lui aussi a des codes aussi strictes et complexes à suivre ? Une mère surpuissante, un père détaché de la réalité ? Je veux vraiment imaginer à quoi ressemble ses parents. Et s'il a des frères ou sœurs.

— Toujours aucune nouvelle ?

Jake se tient à une distance raisonnable de moi.

— Non.

Je le sens hésiter et regarder un peu partout.

— Sunghoon m'a dit que vous cherchiez la raison pour laquelle c'est... c'est une renarde et non un renard.

Je le fixe, le poussant à poursuivre.

— Moi non plus je ne sais pas. Et lui aussi.

Un silence nous avale. Lui non plus ne connait pas la raison ? Mes bras se détachent de mon corps sans que je ne m'en aperçoive. Mes jambes se déplient.

— Il n'y a pas de raison clair, il est né comme ça. Je ne vais pas rentrer dans les détails, c'est à lui d'en parler, s'il veut.

Il marque une pause.

— Mais, il y a bien des hommes chez les loups capable d'enfanter.

Les Omega mâles sont effectivement capable de procréer. Ils sont certes plus rares, mais ils existent. Avant, on ne se demandait pas pourquoi de telles créatures existaient. On préférait célébrer les dieux. La déesse mère, ou toute divinité suprême selon la religion de chacun.

Or avec l'évolution de la science, des théories sont nées. Certaines intéressantes, et d'autres farfelues.

Le loup des Omega restent des mâles. Cependant, le corps humain possède un utérus.

— L'évolution des singes est bloqué, poursuit Jake, ce qui fait qu'ils n'ont aucune connexion avec leur part animale.

Et il nous arrive à nous les hybrides de se demander comment ils vivent. S'ils ressentent un vide creux en eux. Après, comment ressentir du vide s'ils n'ont jamais senti la présence de qui que ce soit ? Ils sont dans leur monde, dans leur norme.

— Puis, il y a nous les hybrides qui pouvons nous transformer. À ce stade, pourquoi pas une renarde. Mais tout ça me rend vraiment curieux.

Il est vrai que la nature hybride demeure au cœur de toutes les réflexions, depuis la nuit des temps. Surtout pour les scientifiques passionnés qui ont conscience de notre existence.

Mais, une seconde.

Je suis vraiment en train de discuter normalement avec Jake là ?

Je crois que lui aussi l'a senti. Nous nous figeons tous les deux. C'est plutôt... inhabituel. Jake se crispe comme s'il venait de se rendre compte de l'aisance avec laquelle il s'est confié— non c'est trop fort; exprimé avec moi.

— Je vais rentrer.

Sans tarder, il s'en va. Je sens sa gêne. Je ne suis pas gêné de mon côté. C'était juste inhabituel. Et puis, la réelle question au final n'est pas tant de savoir pourquoi une renarde et pas un renard.

Mais plutôt, pourquoi Sunoo prend du venum, tout en sachant qu'elle est blessée ? C'est un complexe ?

Je me rend dans ma chambre, tandis que la nuit se lève. Son voile d'obscurité englobe peu à peu la terre. J'ouvre la porte et la referme tout en douceur, au cas où elle serait endormie. Or après, je me dis que ça ne sert à rien. Elle se réveille au moindre coup de vent.

La pièce est plongée dans le noir. La lune n'est pas visible ce soir et la lampe est éteinte. Je suis intrigué, je ne l'entends pas glapir comme d'habitude. Je me retourne, faisant face à un lit vide.

Mon regard se durcis aussitôt, mêlé d'inquiétude. J'avance le cœur battant, espérant la retrouver le plus rapidement possible.

Soudain, une touffe noire se détache de la pénombre.

Je m'arrête, reniflant l'atmosphère. Ça sent la peur, une odeur aigre que je reconnais à la seconde.

Est-ce qu'il est...

Quelqu'un est là, contre le pieds du lit, emmitouflé dans ma couette bleu nuit. Un petit éternuement résonne. Je le rejoins sans hésiter, posant mes mains contre lui. Aussitôt, il soulève la tête, dévoilant son visage bouffi.

— Sunoo.

Il est un peu surpris de me voir. Il paraît presque méfiant lors des premières secondes. Et dès qu'il m'entend prononcer son prénom, ses épaules s'affaissent. Son calme me surprend. Je pensais qu'il aurait paniqué en se réveillant.

Car je commence à connaître les rouages de sa nature. À ma surprise, je le trouve plus calme. Et surtout, silencieux. Je m'assois en tailleur face à lui. Je ne parle pas non plus. L'alpha commence à tourner en rond, gronde tout au fond de moi, me hurle à quel point j'ai besoin de cette proximité.

Je me penche vers l'avant. Mon renard ne bouge pas. Je me penche un peu plus, mes bras s'écartant pour l'encercler. Doucement, ils passent tout autour de son corps, contre ses épaules, et se rejoignent dans son dos.

Tout ce que je ressens de lui n'est que soulagement.

Alors je n'hésite pas, l'étreint de façon plus franche. Mon renard à moi, le seul pour qui mon cœur bat. J'entends son petit cœur à lui aussi. Je le tiens au creux de mes bras. Il repose son front contre mon épaule, une façon à sa manière de contribuer au câlin, me montrant que lui aussi le voulait.

Je l'enlace au point de pouvoir me fondre en lui. Et ma question m'échappe.

— Pourquoi ?

Je ne supporte pas le fait qu'il ait mal, qu'il se détruise de cette façon. De sa voix étouffée, il me réponds.

— Tu n'as toujours pas compris ?

Son ton n'est pas sarcastique. C'est même loin de paraître moqueur. C'est plus une phrase soufflée par un corps un peu à bout. Je sais qu'il y a quelque chose qui m'échappe. Et je m'en rend compte en tombant sur une source de lumière qui jaillit dans l'ombre.

Sur le tapis, son téléphone vient de s'allumer. Je fronce les sourcils. L'écran laisse apparaître un rappel pour une date précise. Une date en décembre. Le rappel provient d'une application que je connais plus que bien, du temps où je fréquentais l'école privée pour lycanthropes.

C'est une application que tous les Omega de la meute utilisent.

Le choc m'envahit, je m'en veux de ne pas avoir pensé à cette raison tellement plausible. Les morceaux du puzzle s'emboîtent dans mon esprit. Sa forme animale est une femelle, il est évident qu'il ne fonctionne pas comme les mâles. J'aurais du y penser plus tôt.

S'il affaiblit autant sa renarde, c'est pour une raison évidente.

Étouffer ses chaleurs.

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Surprise... ? J'espère que ce chapitre vous a plu ! <33

La renarde elle est à l'aise hein 😂 ça me rappelle Comme chien et chat. Mon ancien Heewon avec Jungwon comme hybride chat diabolique.

NOTE importante à lire svp : SI vous pensez que pas grand chose ne peut vous choquer et que vous préférez ne pas être spoil, arrêtez vous ici et attendez patiemment le prochain chapitre. Je suis responsable uniquement de ce que j'écris. SI AU CONTRAIRE, vous n'aimez pas l'idée d'être surpris par une scène qui pourrait vous mettre mal, LISEZ JUSQU'AU BOUT SVP.

Dans le chapitre suivant, je vais soulever une problématique qu'on retrouve souvent dans les omegaverses. C'est un problème tellement inscrit dans l'univers a/o/b que je ne pourrais pas le contourner. En voyant la dernière phrase de Heeseung, je pense que vous devinez un peu de quoi ça va parler ? Les habitués de l'omegaverse, les chaleurs... les abus. Après, le chapitre ne sera pas lourd non plus (même si ce sera à vous d'en juger selon votre sensibilité). Mais je tenais quand même à vous prévenir et ne pas sortir ça d'un coup. Normalement, le passage passe vite.

🤍🤍🤍 Prenez soin de vous !!