07. Sortie à six.
HEESEUNG.
Nous sommes tout d'abord descendu au Green. Pour un jour de weekend, l'endroit est bondé. Six étudiants traversent l'espace verdâtre, un parc privé dans le centre ville. C'est plus exactement le Green inférieur aux arbres nues et bancs remplis.
Il est devant et ne cesse de jetter des coups d'œil dans son dos.
À chaque fois que nos regards se croisent, mon cœur bondit et mon visage s'illumine. J'ai dû lui faire coucou au moins un million de fois. Et dès qu'il se désintéresse de moi avec un air agacé, je foudroie du regard tous ceux qui s'attardent sur lui. J'ai du mal à contenir cette possessivité qui provient de mon loup.
C'est instinctif.
Pourtant, nous ne sommes liés en rien, Sunoo et moi. Il se dandine avec élégance et un peu de nonchalance dans ses gestes. Je suis hypnotisé par chaque mouvement et je pourrais les suivre de mes yeux tout en oubliant qu'il y a un monde autour.
On passe à côté de la fontaine Bennett.
Doucement, nous descendons dans le quartier de Wooster Square en dépassant l'arche de l'entrée. Il y a une belle ambiance à cette place et un lieu en particulier m'intéresse. Je vois non loin Jay me fixer, puis me faire un clin d'œil comme s'il avait deviné mes pensées. Je suis sûr qu'il nous emmène dans ce quartier pour mon lieu favoris.
De l'autre côté, Sunghoon est bien calme, se déplace toujours avec son air princier. Jake, le toutou avec qui j'ai du mal n'est pas très loin mais garde un espace raisonnable entre eux. C'est pour dire que ces deux là nous intriguent, Jay et moi depuis un moment.
J'aimerais découvrir ce qui se passe.
Mais faites un groupe et mettez Kim Sunoo dans l'équation. Comment est-ce possible que je me détourne de sa silhouette plus de cinq minutes ?
Ça devient grave vous croyez ?
— Un passage au magasin de disque, ça vous dit ?
— Moi ça me va ! S'écrit le chat.
— On avait dit au restaurant Jay.
Sunghoon replace ses lunettes de vue.
— Ça ne me dérange pas, entends-t-on Jake murmurer.
Aussitôt, chose incroyable qui se passe : Park Sunghoon clos les paupières, signe qu'il réfléchi. Après quoi, il nous fixe de nouveau et déclare sans l'ombre d'une perturbation sur son visage.
— Bien, allons au magasin.
Jay et moi nous lançons un regard en biais.
— J'sais même pas pourquoi j'suis là.
Mon cœur bondit. Je regarde mon petit renard, la mine boudeuse, qui se veut effrayante. Il peut paraître intimidant. C'est ce qui fait son charme. J'ai du le dire plusieurs fois, il faut que je calme.
Mais là tout de suite, c'est pas trop ça.
— Oh, Sunoo, si tu ne préfères pas, on peut aussi rentrer, s'enquit son pote le toutou.
De quoi il se mêle ? Je grogne d'avance, n'aimant pas cette idée.
— Je suis sûr qu'il n'a pas envie de rentrer. N'est-ce-pas ? Dis-je avec conviction.
— Qu'est-ce que t'en sais d'abord ? Tu es tellement insupportable que ouais, pour le coup, j'préfère rester chez moi.
Hé mais c'est violent ça.
— Nous sommes là pour resserrer les liens ! Déclare Jay. Ça serait quand même chouette de traîner ensemble.
— Moi ? Trainer avec un harceleur ?
Ça pique. Tout au fond.
— Heeseung n'est pas un harceleur. Juste un peu... particulier je te l'accorde. Il s'en veut. Pas-vrai-Heeseung ?
Je jette un coup d'œil à Jay qui m'attribue quelques coups de coudes légers en prononçant ses derniers mots, les dents serrés, sans articuler, rendant la compréhension compliquée.
Il y a un blanc. Il reprends.
— Putain-dit-un-truc.
Je reste là à l'analyser quelques secondes avant de répondre à la hâte.
— Ouais ! C'est ça.
— Ne me dites pas quoi faire.
On reçoit tous les deux les éclairs foudroyant contenues dans les prunelles brunes du renard. Jay finit par exploser de frustration.
— Ça suffit, tu abuses ! Il t'as quand même sauvé.
— Je n'ai rien demandé ? Je n'avais pas besoin de son aide.
— Permets-moi d'en douter.
— Mais pourquoi je traîne avec des abrutis pareils ? Vous les prédateurs, vous êtes tous pareils.
— Je ne te permet pas de m'insulter.
— Ça suffit Jay, assène sur ton glacial Sunghoon à notre ami. Cesse ce comportement.
Le brun, malgré l'irritation manifesté dans ses gestes, se retient d'ajouter un commentaire. Le toutou — je compte l'appeler ainsi — pose une main sur l'épaule de Sunoo en chuchotant son prénom, suivit de quelques mots que je n'entends pas.
Sunoo grogne en retirant sa main, puis plonge les siennes dans ses poches.
— C'est bon, allons à ce foutu magasin.
Et moi, un couinement m'échappe malgré moi en les voyant s'éloigner. Il est toujours remonté. Ce n'est pas gagné. La soirée va être longue.
***
Il y a du monde.
Une variété de disques, des rangées de vinyles de toutes sortes de musique. De l'Afro, du soul, du jazz, des groupes iconiques qui ont marqué l'histoire. Je remarque Arctic Monkeys au loin sur la pochette d'un vinyle. Ce n'est pas forcément mon style mais ça reste une exception lorsque j'ai voulu écouter.
I wanna be yours...
C'est ce que je voudrais lui dire, je pense. Il m'arrive d'avoir ces moments de lucidité où la logique prime et je me demande pourquoi d'un coup, un parfait inconnu m'attire autant. Une sorte de coup de foudre ?
Et dire que je ne crois pas à ce genre de choses, encore moins aux âme sœurs.
Pourquoi l'univers voudrait m'imposer l'amour et une personne dans ma vie ? Sans réclamer mon avis. Certains humains trouvent ça romantique. Je trouve ça écœurant. Si j'ai une âme sœur, peu importe cette personne, ça m'est égal.
Je n'aime qu'un renard moi.
Dans mes pensées, je me déplace sur les rollers jusqu'à la pochette. Une autre main entre dans mon champ de vision. Son odeur me frappe de plein fouet. Je pourrais le humer autant qu'il le faudra. Ses doigts se crispent sur la pochette.
Je recule.
— Tu peux le prendre si tu veux.
Il recule à son tour, me toisant d'une drôle de façon.
— Non, vas-y, dit-il d'une voix mystérieuse. Tu étais là avant moi.
— Ce n'est pas grave.
Il me jauge. Il n'a aucune confiance en moi. Et vu la façon dont il voit les prédateurs, je ne peux pas lui en vouloir. Dans notre monde où les lois sont faites par les plus forts en faveur des plus forts, notre condition peut nous pousser à en profiter.
Les proies ne sont que des ombres qui se cachent, la majorité, terrorisée.
Et...
— J'insiste, dit-il.
...lorsque je vois cette lueur de défi dans son regard, je ne peux pas m'empêcher d'être de plus en plus tenté de le mordre.
— Qu'est-ce que tu fais ? Je l'entends à peine.
Cette idée m'obsède de plus en plus. Je me rapproche.
— Pousse-toi, claque sa voix dure.
Je cligne des yeux en remarquant notre position. Moi penché vers lui, observant comme un obsédé sa gorge.
Merde. Je recule.
— Désolé.
Je chuchote, puis quelque chose d'inhabituel me surprend. Je place ma paume contre ma bouche pour ne pas l'effrayer. Je me fraye déjà un chemin en mettant le plus de distance possible entre nous, cherchant un endroit moins bondé.
Mes crocs de sortie me démangent.
J'atterris à une étagère au fond de la boutique avant de m'arrêter, essoufflé. Je peux enfin baisser ma main. Je sors mon téléphone et aperçoit à travers l'écran en veille mes crocs. Mon corps échappe à mon contrôle et j'ai aucune idée de comment arrêter ça.
J'ai beau tenter de les faire rentrer, c'est compliqué.
Je me retiens contre l'étagère en pensant à la forêt. J'aime courir à travers les bois sous ma forme profonde. Ça a toujours été une sorte de thérapie. En pensant à ça ainsi qu'au vent contre mes poils, ça devrait calmer mon corps affolé je me dis.
Je l'espère. Moyennement tenté par l'idée d'effrayer encore Sun—
— Hé.
Je m'arrête, les yeux élargis.
— Ça va ?
Sa main sur mon épaule m'empêche de respirer et réfléchir en même temps. Ce n'est pas le moment. Je fais le mort, refusant de me retourner.
— Ouais, dis-je avec difficulté avec mes crocs.
Son odeur se met à nous envelopper. J'ai l'impression de le sentir de partout. Que ses phéromones saturent l'atmosphère et brouillent mon odorat. Pour moi, il est partout à la fois. Il me fait perdre mes repères.
Je me demande pourquoi Sunoo m'a suivit.
C'est dangereux. Je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression que sa présence nous met en danger. Il devrait s'éloigner, fuir. J'ai envie de lui dire, de le lui hurler. Lorsque je me retourne d'une lenteur que je ne me reconnais pas, j'ai envie de lui demander de partir.
Les hurlements sont là, tout au fond, mais aucun mot ne m'échappe.
Mon esprit, ma raison, ma lucidité, tout ce qui fait que je ne perds pas pieds dans ce monde est emprisonné dans un endroit reculé. Derrière les barreaux, le Heeseung conscient hurle à s'en briser les cordes vocaux et craint les évènements futurs.
Plus rien ne m'arrête. Même quand je souhaite empêcher mes membres de bouger, j'effectue un pas, indépendamment de ma volonté. Puis un autre, je me sens étrange, comme possédé par autre chose.
Quelque chose de nouveau remonte le long de mon corps et injecte son venin dans mes veines. Quelque chose remplace peu à peu ma lucidité et me prend les commandes des mains. Elle m'impose une unique vision.
Une envie primaire.
— Qu'est-ce que tu— ! S'exclame Sunoo une fois plaqué contre l'étagère par mes soins.
Le désir dévorant de le mordre.
Je tiens dans ma paume, entre le pouce et l'index, son cou, le retenant par le simple usage de mon bras dans cette position. Il y a un mélange de crainte et d'incompréhension dans son regard.
Quelque chose qui, malgré moi, m'excite.
Je ne devrais pas. Je me force à fermer les yeux, reprendre le dessus sur une force qui me possède pour la première fois. Je ne la connais pas. Je n'avais jamais ressenti de pulsions aussi puissantes. Mais je ne sens que lui. Je n'entends que lui.
Lui et ses couinements à force de gigoter pour m'échapper.
Parce que ma volonté est faible, cette force étrange reprend le dessus. Je supprime le peu d'espace entre nous, plongeant le visage dans son cou, me droguant de son odeur. Il me rend complètement fou, à ses pieds, capable de réaliser ses milles souhaits.
— H-Heeseung...
— Bouge pas, j'ordonne.
Je recueille des milliers de frissons lorsque mes lèvres effleurent sa peau. Le contact est électrisant et d'une sensation que je n'aurais jamais pu imaginer. Je me fige un moment, mes lèvres contre sa peau brûlante.
J'entends son cœur battre, le sang pulser dans ses veines.
Perdu dans ma transe, je ne remarque même pas le fait qu'il ne me repousse pas, uniquement concentré sur sa pomme d'Adam qui bouge sans cesse à force de le voir déglutir. Mes lèvres s'entrouvrent, puis s'étirent légèrement sur le côté.
Tout est lent, affreusement lent dans mes mouvements.
J'ai l'impression de peser une tonne, que le monde s'est arrêté rien que pour que je puisse m'imprégner de chaque partie de lui. Ses phéromones éveillent quelque chose en moi, qui gronde et ne souhaite que sortir.
Je m'amuse à laisser les pointes de mes crocs effleurer sa peau.
La réponse est immédiate.
Un soupir d'aise loin d'être innocent.
Ma respiration est lente, mon cœur bat faiblement, rien avoir avec le rythme trop rapide d'il y a quelques minutes. Je me sens en total possession de ma force et à la fois dépossédé.
Ses phéromones deviennent de plus en plus douce lorsque mes crocs glissent contre sa peau. Une senteur orange qui ne fait que grossir mon désir de planter ces crocs dans sa gorge.
Malgré cela, je prend aussi un plaisir fou à nous frustrer.
— H-Hn... fais-le...
Ma langue sort aussitôt, léchant cette peau qui m'est offerte. Un autre soupir lui échappe et m'arrache un grognement. À cet instant, je pense avoir basculé dans un autre univers. Où alors il serait mon univers.
Mes pensées se suivent.
Je le veux.
Je veux le mordre.
Implanter mes crocs dans sa gorge et prouver aux autres qu'il m'appartient.
Il est à moi.
À moi.
Rien qu'à m—
— Heeseung !
Je cligne des yeux.
Le silence s'en est allé, et la douce musique de la boutique me nargue, me ramenant à la réalité la plus brutale. Bordel réveille-toi Heeseung. Je regarde le sol, mes mains, je suis toujours appuyé contre l'étagère.
Les yeux écarquillés, je me retourne.
Ce n'est pas Sunoo. Mais Sunghoon. Mes sourcils se creusent.
Ne me dites pas que...
— Qu'est-ce qui se passe ?
...j'ai rêvé de tout ça ?!
C'est hallucinant. J'ai l'impression d'avoir fait le plus beau rêve de ma vie. Ou le pire. J'en sais rien. Il y avait sa voix suppliante, me demandant en boucle de le mordre. Comme si l'univers entier me poussait à le faire.
Je regarde mes mains, plus perplexe que jamais.
Ça semblait si réel. Rien avoir avec une simple imagination. Je pouvais sentir sa jugulaire pulser sous mon pouce. Les battements de son cœur, son odeur enivrant, lui tremblant sous ma main.
Comment est-ce possible d'imaginer ça ?!
Qu'est-ce qui m'arrive ?
— Il est encore perdu.
Je me laisse aller contre l'étagère et ramène mes cheveux en arrière, m'en fichant pas mal de les désordonner. Des hallucinations d'une telle envergure ne sont pas à ignorer. Peut-être que je suis malade ?
Je me met à ricaner.
— Euh, il devient fou là ? J'entends Jay demander.
Je ne sais même pas à quel moment il est arrivé. Ni depuis quand il est là.
— Heeseung, que se passe-t-il ? Tu as un peu de fièvre.
Je cesse de rire lorsque je sens la paume de Sunghoon contre mon front. Je reprends peu à peu mon calme et finit par déglutir.
— Je vais bien.
Mes crocs ont disparus. Il y a un silence pesant.
— Tu es sûr ? S'étonne Sunghoon.
Je hoche la tête en remettant correctement ma veste. Je remet un peu d'ordre dans mes cheveux, mes traits se durcissant. Jay et Sunghoon n'émettent aucun commentaire. Je les dépasse, me dirigeant vers l'entrée.
Je l'aperçois au loin, dans une discussion plus où moins animée avec le chien et le chat. Sunoo a l'air indifférent à tout ce qui l'entoure. Enfermé dans une bulle, ses lèvres paresseuses ne se pressant pas pour fournir de réponse.
Je le fixe en même temps que les scènes de mon hallucination se répètent en boucle dans ma tête. L'image dans ma tête de lui, avide de mes touchées, se superpose à la personne réelle. Et ces voix qui ne sont que des murmures à présents, me hurlent encore silence de le mordre.
Soudain, Sunoo fronce les sourcils.
Il porte sa main à son cou et se gratte la nuque. Il se met d'un coup à fouiller autour de lui de ses yeux. Nos regards finissent par rentrer en collision. Ce n'était qu'une question de minutes. Il me lorgne, puis, la mine renfrognée, détourne le regard et plonge les mains dans ses poches comme s'il était contrarié.
Pourquoi ais-je l'impression qu'à présent, un compte à rebours est lancé ?
***
Nous sommes encore dans le quartier de Wooster Square, dans mon endroit favoris cette fois-ci.
L'allée des cerisiers.
Malheureusement nous ne sommes pas au printemps. Ça ne lui enlève pas son charme. J'ai un nouveau rêve débloqué. Revenir ici avec Sunoo et marcher sous les fleurs de cerisiers au printemps de l'année prochaine.
Cette fois-ci, je suis en total retrait du groupe.
Jay et Jungwon sont le plus bruyants. Qui se ressemblent s'assemble, j'ai envie de dire. Sunghoon et Jake sont les plus calme. Enfin, le toutou participe un peu plus à la conversation. Et mon renard préféré se déplace en silence auprès d'eux.
Les mains dans les poches, j'ai préféré me détacher d'eux.
Encore troublé par mon hallucination, j'essaie de lui trouver un sens. Je devrais en parler à Garam. Je me confis souvent à ma mère. Mais pour une fois mes instincts sont contre le fait que je le fasse. Pire encore, c'est comme s'il fallait que je garde ce qui m'arrive secret, de façon impérative.
Mais alors, comment comprendre sans aide extérieure ?
En attendant, les seuls en qui j'ai confiance sont Sunghoon et Jay. Ils ont toujours été mes frères et je ne pressent aucune faille dans leur loyauté. De plus, je ressens de plus en plus le besoin de les avoir à mes côtés.
Qu'est-ce qui m'arrive à la fin ?
C'est lié à ma nature ? Il y a tant de chose que moi-même j'ignore des loups ancestraux. Pour une raison qui m'échappe, on m'en dit peu sur ma propre espèce.
Soudain, je me rend compte d'une présence.
Les voix du groupe sont toujours éloignés puisqu'ils marchent plus vite que moi, mais j'ai Sunoo à côté de moi. Sa démarche est aussi lente que la mienne, ce qui me surprend. N'était-il pas censé être à la même hauteur que les autres ?
Je trouve ça bizarre.
La raison la plus plausible serait qu'il a ralenti. Mais pour quelle raison s'il n'a pas l'air de supporter ma présence ? Ça m'intrigue au point de hausser les sourcils. J'attends qu'il dise quelque chose mais rien.
— Tu es lent, finit-il par me faire remarquer sans me regarder.
Je suis un peu blasé.
— Essaie de marcher plus vite. Nous n'allons pas t'attendre.
Oh, il essaie de me donner un ordre. Que c'est mignon. Je suis fou. Pourquoi il n'y a qu'avec lui que je trouve ça amusant ? En temps normal j'aurais grogné de colère.
— Tu peux les rejoindre, dis-je finalement, supposant qu'il s'est mit à mon rythme pour m'avertir. Je ne vous perdrai pas.
Je m'attendais à ce que cette réponse lui convienne et qu'il s'en aille sans rien demander de plus. Au contraire, il garde sa démarche lente. Je l'observe plus attentivement. Il a la tête un peu penché au sol, comme s'il réfléchissait.
Je me demande à quoi il pense.
C'est compliqué de lire en lui. C'est une barrière en acier à lui tout seul, qu'il est difficile de perforer. Ça le rend mystérieux et attise ma curiosité.
— Pourquoi ?
Je reste perplexe face à cette question. Il m'a l'air plus sérieux que jamais. Et lorsqu'il s'arrête, je le fais en retour. Cependant, nous restons dans la même position. Lui, de dos à moi.
— Pourquoi m'avoir sauvé ?
Soudain, Sunoo se tourne et alors, son expression faciale me fait déglutir. Je ne sais pas quoi comprendre dans ses pupilles. Et sa question en mon sens l'est encore moins.
— Parce que tu étais en danger, je fournis naturellement.
Le vent choisit ce moment pour se lever, faisant virevolter quelques feuilles mortes autour de nous.
Ses yeux s'écarquillent, bien que de façon discrète. Pourquoi ma réponse le surprends ? Je ne me rappelle pas avoir réfléchi dès que j'ai su qu'il était en danger. Tout ce qui m'importait à ce moment c'était massacrer tous ceux qui s'en étaient pris à lui.
Et si je ne le faisais pas, je me sentais souffrir de l'intérieur, mon loup à jamais tourmenté, comme s'il aurait dû accomplir son devoir le plus sacré.
— Ce... Ce n'est pas une raison !
Je vois sa mâchoire se resserrer, de même que ses poings. Ses épaules remontées et ses iris se couvrir peu à peu d'un voile de colère, sombre. Toujours cette colère qu'il nourrit pour ma personne.
Je suis conscient avoir fait mauvaise impression la première fois, mais est-ce que je suis la cause de toute cette rage ? N'y a-t-il pas une autre raison derrière ? Parce que sa colère me paraît trop profonde.
— On ne se connait pas. Tu as décidé de me prendre en chasse. Et... et j'ai été particulièrement cruel avec toi la dernière fois.
Son aveu me surprend. Mon regard se dirige vers le sentier pavé.
— Tu n'as pas été cruel. Tu as eu raison.
J'ai tendance à me montrer excessif et il est compliqué pour moi de m'établir des limites fixes. J'apprends. C'est un peu les contraintes de ma nature. Parfois, j'ai envie de supprimer cette possessivité maladive.
— Si. Je...
Je fronce les sourcils quand Sunoo hésite. Je remonte aussitôt la tête. C'est la première fois que je le vois hésiter. Il s'est toujours montré ferme et sûr de lui en s'exprimant.
Pourquoi je n'ai pas le pouvoir de télépathe ?
Parce que je meurs d'envie de savoir ce qui lui trotte dans la tête en ce moment. Le vent se soulève à nouveau, sifflant dans nos oreilles. Il n'y a personne autour de nous. Et s'il y en avait, ils n'existent pas pour moi.
— Tu n'avais aucune raison de me sauver... finit-il par ajouter dans un murmure.
Qu'est-ce qui le surprend autant ?
— Tu étais en danger. Il était hors de question que je n'intervienne pas. Mais d—
— Non, tu ne comprends pas !
En effet. Je plonge de nouveau dans ses pupilles claires. J'essaie de lire en lui avec ses phéromones mais il n'y a que de l'incompréhension.
— Tu n'avais aucune raison de le faire, me répète-t-il.
Je soupire. Le silence nous enveloppe. Avançant pas à pas, j'arrive à sa hauteur. Quelques pauvres centimètres nous séparent. Il m'a l'air sur ses gardes mais ne me repousse pas. Ce constat me conforte.
— Dis-moi pour quelle raison tu penses que je n'avais aucune motivation.
Il soutient mon regard, semble troublé par quelque chose. Je remarque ses cernes et commence à me faire un sérieux soucis pour sa santé. Je demeure calme, voir intransigeant, trouvant ses affirmations plus étranges les unes que les autres.
— Parce que tu es un—
Il s'arrête d'un coup.
Nous sommes seuls, heurtés de temps en temps par la brise de l'automne.
— Vas-y, dis-le, je l'encourage.
Il allait protester mais je fais un pas de plus. Cette fois-ci, je l'aperçois déglutir. Mon visage stoïque, je me pose des questions sur le fait qu'il ne réplique plus de façon virulente.
Je me penche vers lui, attrapant son menton de mes doigts, soulevant un peu son visage, perpétuant notre echange visuel. Étrangement, je suis calme. Ses lèvres pulpeuses bougent plusieurs fois.
— Un super prédateur, souffle-t-il, fébrile.
Je repulse aussitôt cette sensation mesquine qui s'emballe à cause de cet éclat de fragilité dans sa voix que je découvre pour la première fois.
— Cela change-t-il quelque chose ?
— T'es pas censé m'aider.
— C'est pourtant le cas, Sunoo.
Ça y est, je pense que je peux le voir. Aussi, mieux le comprendre.
— Pourquoi ?
Il est perdu. Ancré dans l'idée de l'ordre naturel des choses qui devrait me pousser à le pourchasser, le coincer entre mes griffes et le croquer, sans me soucier de son bien-être. Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres.
Mon programme n'est pas si éloigné de ce schéma.
— Sois plus clair.
— Qu'est-ce que tu veux de moi ? Reformule-t-il de façon à se montrer plus direct.
Alors je lui fournis une réponse quoi de plus honnête, lâchant son menton en tapotant le haut de son crâne, mes lèvres s'étirant naturellement.
— Juste toi petit renard.
Je me penche un peu plus vers lui. Mes sens aux aguets perçoivent le changement brutal de sa respiration. Elle devient plus saccadée, bien que son effort pour le cacher soit remarquable. Dans mon mouvement, nos lèvres se rapprochent. Tout comme nos souffles qui se mêlent.
— Euh, C-Comment... ?
Tiens ? Il bégaye maintenant ? Intéressant.
Je devie sur le côté, atteignant son oreille.
— Est-ce que je dois me montrer plus explicite ? Je lui glisse à l'oreille. J'ai quelques idées.
J'attends son feu vert pour faire quoi que ce soit mais à la place, il me repousse d'un coup. Sauf que ce n'est pas pareil. Il ne me repousse pas dans le but de se montrer violent.
Il est rouge et garde une distance de sécurité entre nous.
— Non, non non c'est bon ! Je ne veux rien savoir finalement.
Il agite ses mains devant lui, me surprenant.
— Est-ce que ça va ?
Je tente de m'approcher mais il recule de plusieurs mètres.
— Reste loin de moi ! T'approche plus.
Mes oreilles animales s'aplatissent.
— Je te fais encore peur c'est ça... ? Demandé-je, un peu vexé par moi-même.
— Quoi ? Haha moi peur de toi ? Du tout.
Oh ? Un sourire tente de naître sur mes lèvres.
— Alors, je peux te prendre dans mes bras ?!
Mes yeux s'illuminent rien qu'à cette pensée. Je jubile comme une louve en chaleur. Je suis la groupie de Sunoo je crois.
— Non ! Surtout, bouge pas !
— Allez juste un câlin !
— Mais arrête de me suivre sale fou !
— Tu viens de dire que je ne te faisais pas peur.
— Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre moi ? J'en veux pas de ton câlin.
— Alors un baiser ?
— Au secours, c'est un malade !
Au loin, Jay et Sunghoon secouent la tête en observant la déprimante scène. Heeseung qui court après Sunoo autour des arbres. Jake et Jungwon sont un peu plus en retrait. Jungwon regarde la scène avec curiosité, là où Jake garde un air indéchiffrable.
Jay soupire.
« - Ils ne sont pas prêt d'avancer ces deux là. »
« - C'est clair. » renchérit Jake, désespéré.
Et Sunghoon ne peut être que d'accord. Et pourtant, les deux amis ont un sourire chaleureux sur les lèvres en voyant Heeseung finalement tenir ce renard dans ses bras avec un sourire niais et les joues rougies. C'est si doux de voir Heeseung comme ça.
Tout simplement heureux.
___________________
Je pose ça là comme ça. Je vous ai feinté hein 🌝
Prochain chapitre emoji indice : 🫦🥺😳😡
Et je fuis 🏃🏽♀️🏃🏽♀️💨 !
(À dimanche prochain les gars !)
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