04. Sauvetage.








JAY.


— Allez, lève-toi ! Ça fait des jours que t'es comme ça.

Je soupire, rien à faire. J'ai beau tirer sur son pyjama, il refuse de quitter son lit. Je ne comprends toujours pas ce qui a pu se passer. Aux dernières nouvelles, il devait déjeuner avec ce renard. Je creuse la tête en me demandant ce qui l'a mit dans cet état. Ça fait des jours qu'il n'a pas mis les pieds à l'université. Même l'Alpha se sent impuissante.

Réfléchis, qu'est-ce qui pourrait le faire quitter son lit ?

— Heeseung, ce n'est pas la fin du monde.

Lui, quand il a un chagrin, c'est quelque chose. J'aurais presque l'impression d'avoir affaire à un petit louveteau de primaire qui s'est fait rejeté par la plus belle louve de la classe.

— Je vais jamais réussir, me plaignais-je dans ma peine.

Cette chambre pue ses phéromones de tristesse. C'est comme du poivre ou du piment. Dans les deux cas, j'ai les yeux qui picotent et des envies de toux sévères. À force de vouloir le tirer du lit, j'ai froissé les manches de ma chemise Prada que j'ai payé à plusieurs centaines de dollars. Est-ce qu'il a conscience de tous les sacrifices que je fais juste pour sa sale gueule ?

— Tu ne vas pas quitter ton lit, n'est-ce pas ?

Je ne reçois en réponse qu'un grognement.

Ok le mâle alpha.

Je reste assis sur une chaise de son bureau. Pendant un moment je m'attarde sur cette chambre qui a été un peu la mienne aussi. Elle est si grande que je serais capable de la comparer à un terrain de tennis. Peut-être que j'abuse. Je passais toute mes journées ici. Rien n'a bougé. Si ce n'est que plus jeune, le bleu dominait cette pièce.

Cette fois-ci, c'est un bleu nuit et des meubles moins enfantins. Les larges fenêtres au dessus de son lit donnent sur le jardin à l'arrière de la maison. Je me redresse et traverse la pièce pour me rendre à la bibliothèque au fond. Heeseung a cette habitude depuis petit de dévorer des livres. Je sais qu'il tiens cette habitude de son père.

On aimait imiter les adultes à l'époque.

Je me dirige ensuite vers son bureau. À côté, contre le mur, quelque chose de gravé est à peine recouvert par une peinture neuve. Deux dessins de loups, des herbes et une montagne. L'enfance était amusante. Nous ne savions juste pas ce que impliquait réellement la nature de Heeseung.

Je braque mes yeux sur la masse allongée sur le matelas et cachée sous ses draps blancs et bleu nuit. Je n'avais jamais vu mon meilleur ami dans cet état. Je n'ai jamais vu quoi que ce soit en ce monde capable de le rendre aussi triste, autre qu'une dispute avec sa mère. Il faut que je sache.

Je me place devant le matelas et replie chacune de mes manches.

— Tu peux le faire Jay.

Je me saisi d'un bout de tissu de chaque main et tire dessus. Je sens une résistance de l'autre côté ainsi qu'un autre grognement.

— Faut... que... tu... sortedelà.

Le bruit qui provient de lui n'est pas rassurant. Je redouble d'effort en pleurant déjà pour mes ongles que je suis en train d'abîmer. Ma mâchoire se resserre sous l'effort, mes veines ressortant une par une le long de mes bras.

— Tuvaspaspassertavie... ici... Wow !

Je retombe presque vers l'arrière et en voulant me rattraper, mes pieds s'emmêlent dans les draps et m'emportent dans une chute inévitable. Je me débats au sol de façon pitoyable rien que pour me dégager de ce tissu qui veulent m'étouffer.

Lorsque j'atteins la surface, mes yeux croisent ceux gris de mon meilleur ami. Il est contrarié à cause de moi. Soupire Jay, tu es capable de raisonner ce grand garçon par la diplomatie.

— Écoute Heeseung, ton renard ne veut pas de toi et alors ? Tu ne vas pas passer ta vie dans ta chambre.

— Si.

Quoi ?

Je cligne des yeux. Je le fixe et me rend compte du sérieux de sa réponse. J'ai toujours du mal à me faire à ça. Je veux dire, il a beau avoir vingt-deux ans, c'est toujours un adolescent du côté de son loup. Enfin, c'est compliqué à expliquer. Ça reste cependant troublant.

— Bon, dis-moi au moins ce qui s'est passé ?

Il me regarde quelques secondes et se recouche. Ses cheveux sont en bataille. Sa queue bat lentement contre sa jambe. Ses oreilles animales sont repliées sur sa tête. De faibles couinements proviennent de lui, me faisant comprendre que cette histoire est plus sérieuse que je ne le pensais.

Je m'approche de lui, me mettant à moitié sur le lit.

— Tu trouveras meilleur je te promet. De toutes les façons, je l'aimais pas ce type.

C'est faux, je n'ai absolument rien contre son, bref. Mais je tente cette tactique, voir si ça lui remontera le moral.

Et la réponse est immédiate puisque son grognement s'intensifie et qu'il me foudroie d'un regard si sombre, montrant le début de ses crocs, s'apprêtant à m'attaquer.

— Ok j'ai compris, on ne critique pas le renard. Excuse-moi.

Je le vois se calmer aussitôt et sa tête retombe contre son lit. Ses oreilles auparavant droit, se replient de nouveau et sa colère soudaine se métamorphose en tristesse profonde. Son changement d'humeur me surprends.

Si je comprends bien, il est triste à cause de ce type. Mais je n'ai pas le droit de le critiquer. En fait, non, je ne comprends rien.

— C'est quoi le soucis Heeseung ? Il a refusé de manger avec toi c'est ça ? Il fallait s'y attendre. Sunghoon te le dis tout le temps, ce n'est pas parce que tu le demande que les gens te diront automatiquement oui.

Je reste le plus doux et délicat possible avec ce sujet. C'est compliqué. Il ne bouge pas alors je poursuis.

— Je veux dire, si tu veux qu'il mange avec toi il ne suffit pas de lui demander. Tu dois te montrer sympa. Mais s'il ne veut vraiment pas te parler, tu dois accepter sa décision.

Ses paupière s'ouvrent légèrement et il me jette un coup d'œil. J'essaie de décrypter ce regard pour savoir ce que ça veut dire mais rien à y faire. Vu qu'il ne réagit toujours pas, je continue de lui expliquer.

— C'est important de respecter les limites des autres.

Je voudrais vraiment être devin pour lire dans son esprit et savoir ce qui s'est passé. De plus Sunghoon est introuvable. C'est lui qui réussi le mieux à faire parler Heeseung. Ces derniers temps il est absent et je suis certain que ça n'a rien avoir avec ses études. Cet homme est tellement cachottier.

— Du coup, reprends-je, s'il te dit non, c'est qu'il n'a pas envie.

Pas ça, me réponds-t-il enfin d'une voix guttural.

Il me parle, la mâchoire serrée et les mots sonnent étouffés, restant tout de même compréhensibles. Mes sourcils se froncent.

— C'est quoi alors ?

Il grogne de nouveau et détourne le regard. Je ne le sens pas très énervé. C'est compliqué de décrire ses phéromones. C'est un mélange de tristesse, de colère; on dirait surtout qu'il se pose des tas de questions, que quelque chose le chiffonne.

— J'suis méchant, me dit-il.

Par cette unique phrase, je suis censé découvrir le fond de l'histoire. Mon regard sérieux se braque sur lui.

— C'est ce qu'il t'a dit ?

Silence.

— Il l'pense.

Alors c'est ça. Son aveu ne m'étonne pas. Je ne peux même pas en vouloir à ce renard d'en être arrivé à cette conclusion. J'ai une situation similaire dans ma tête qui s'est déroulé plus jeunes. Nous avons été au primaire dans une école pour louveteau au sein même de la propriété des Lee qui englobe tout ce quartier.

Il s'était disputé avec un garçon et l'avait mordu parce que ce dernier avait volé la voiture télécommandée de Sunghoon. Ce garçon l'avait traité de monstre et lui, s'était reclus dans sa chambre en se demandant s'il était vraiment un monstre.

Parce que Heeseung n'est pas comme nous, les hybrides loups.

Et cette différence propre à sa lignée rend tout le reste compliqué. Je soupire en devinant très bien ses pensées. Il se sent coupable, et donc il réfléchit. Et moi qui croyais à un chagrin d'amour.

— Ce n'est pas une raison pour rater les cours. Prend une douche et on réglera cette affaire ensemble ok ?

Il ne bouge pas.

— Je t'aiderai. Parole de potes.

Il me lorgne à cet instant et se demande sans doute si je suis sérieux ou pas. Je me montre sincère. Me voilà à régler les soucis de cœur de mon meilleur ami.

Qu'est-ce qu'on ne fait pas par amitié.

***

Les cours viennent de prendre fin.

C'est Vendredi et l'université va se vider pour ceux qui veulent passer le weekend ailleurs.

— On devrait se rendre au chalet ce weekend, vous en pensez quoi ? Leur proposais-je.

— Je ne pourrais pas, j'ai des devoirs à rendre.

Tout de suite je braque mon regard scrutateur sur cet homme toujours bien apprêté sur lui. J'aime les hommes qui savent s'habiller. Sunghoon a bon goût. Bon, je m'égare. Je disais donc, je fixe le futur avocat en le scannant.

— Des devoirs tu dis.

Sunghoon s'arrête de manger d'un coup en me fixant en retour.

— Oui.

— Ces devoirs n'auraient pas par hasard un rapport avec un médecin ?

Sunghoon est tellement doué qu'il ne laisse rien paraître. Il se contente de froncer les sourcils en feignant l'innocence.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Avoue le une bonne fois pour toute ! Si tu disparaît autant, c'est à cause de lui. Bon, tu n'as aucune trace de son odeur mais vu comment tu es malin, je serais pas étonné que tu utilises une méthode pour ce détail.

— Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles Jay.

Mon visage se décompose. Il est trop fort. Sunghoon se concentre sur son plat qu'il fini presque.

— C'est ça, je t'aurai un jour.

Heeseung, à côté, mange à peine. Il n'a pas cessé de remuer sa fourchette. Lui qui est souvent remplis de joie depuis qu'il a croisé ce renard. Mon ami est transparent quand il s'agit de ses émotions et lorsqu'il est triste, ça ne rate pas niveau odeur. On le sent très bien.

— Et toi Heeseung, tu vas mieux ?

Je sens une petite inquiétude dans la voix de Sunghoon. Pourtant, on ne dirait pas comme ça au vu de son ton et regard glacial.

Hmmm, fais le concerné sans même nous adresser un regard.

Je soupire.

— Je lui ai promis de l'aider pour son renard. Mais je ne vois pas ce qu'il y a à faire à part s'excuser ou un truc du genre.

Hmmm, refait Heeseung en laissant sa tête allongé sur la table.

— Tu dois te nourrir Heeseung.

Seul le silence nous réponds.

Ciel, on ne va jamais y arriver.

— C'est nécessaire. Tu es encore en pleine croissance.

Il refuse de nous écouter. J'échange un coup d'œil avec Sunghoon. Il va falloir qu'on commence à discuter à propos de ce renard. J'ai l'impression que Heeseung commence à s'intéresser un peu trop à lui.

Ce qui est déjà choquant. C'est la première fois qu'il tourne autant autour de quelqu'un, et je me demande si lui-même s'en rend compte. 

— Raison de plus pour passer un weekend au chalet. Rien qu'entre nous. Alors Sunghoon je compte sur toi pour annuler tous tes projets avec ton petit ami secret médecin. Notre pote a besoin de nous.

— Ce n'est pas mon— bon, ce sujet est clos.

Sunghoon s'arrête et se nettoie les lèvres avec un mouchoir. Lui et ses manières de princes.

— Ouais. Bon, allons déposer tout ça.

Sunghoon acquiesce et Heeseung suit la danse tout en marchant de façon morne, comme s'il n'était qu'un revenant. C'est affligeant. Soudain, en passant près d'un groupe de filles, nous ne pouvons pas nous empêcher d'entendre leurs conversations puisque leurs voix portent.

— Vous avez entendu ? Il paraît qu'il y a un renard battu à mort à l'arrière de la cour. C'est affreux !

Je me tends et m'arrête.

Un verre se brise. Je remarque aussitôt le plateau de Heeseung qui vient de tomber. Rien qu'en voyant son expression faciale, je crains le pire. Déjà qu'il n'était pas très stable, je sens déjà sa colère exploser au grand jour. On ne peut pas la rater.

— Sunghoon, arrête le !

Mais c'est trop tard, Heeseung court déjà vers l'extérieur. Je crains le pire parce que s'il se transforme là maintenant, les singes le verront. À l'heure d'aujourd'hui où nous n'existons même plus, il y a des singes qui n'ont jamais entendu parler de métamorphes de notre genre. Nous ne sommes que des créatures créés par le cinéma, un peu comme les vampires, des espèces de buveurs de sang.

C'est dégueulasse en passant.

On cours à la catastrophe. Je suis après Heeseung et regarde les poils qui apparaissent de façon progressive.

— Heeseung, arrête-toi !

Pourquoi est-ce que je cris d'ailleurs ? Il ne m'entends plus. Il se sert de son flair pour détecter l'odeur du renard d'après ce que je remarque. Je ne sens que le sang qui sature l'air dès qu'on se rapproche d'un mur, un endroit à l'abri des regards indésirables. On entends des coups.

Mes yeux s'écarquillent lorsque les vêtements de Heeseung se déchirent.

Il se transforme, il se transforme vraiment !

Je cherche Sunghoon du regard mais ne le trouve pas. Ce n'est pas possible, où est-il ? C'est trop tard, je ne peux rien faire. Le corps de mon ami devient massif. On entends d'ici ses os se briser et se former, changer de morphologie jusqu'à ce qu'il tienne sur ses pattes. Il dépasse légèrement la voiture garée à côté.

Recouvert d'un pelage gris et quelques poils blancs en dessous, un grognement provient de sa gorge.

— Eh c'est quoi ça ?

Je ne vais pas le laisser seul.

Je m'approche un peu plus et reconnaît des ours, des mecs de l'équipe de football. C'est pas vrai, on dirait River, Joshua et un autre dont j'ai oublié le nom.

— Qu'est-ce que... merde...

Ils sont alertés par les grognements de Heeseung ; qui d'ailleurs s'élance vers eux.

— Putain !

— Arrête de flipper ! À trois on peut se le faire.

Je leur conseillerai de se retirer si possible pour éviter des morts. Postré à quelques mètres, j'observe Heeseung s'arrêter d'un coup au lieu de foncer sur ces ours.

C'est là qu'un de mes battements cardiaques résonne plus fort que les autres. C'est affreux à regarder. Ce jeune homme renard est couvert de griffures et saigne. Ses vêtements sont déchirés, il semble inconscient.

Il est inconscient. Et ces enfoirés continuaient de s'acharner contre lui. Je regarde Heeseung se pencher sur le corps et le renifler. Je ne sais pas s'il veut vérifier s'il est toujours en vie. Il faut le sauver. Sa respiration est légère et son cœur bat encore. Je m'approche.

Heeseung me fixe.

Je m'arrête, me demandant si je pourrais atteindre le renard sans que le loup ne me saute dessus, au vu de son hostilité. Il y a bien des situations où j'ai senti la sueur perler contre ma nuque et me provoquer la chair de poule ; nous sommes en plein dedans, dans ce types de moments critiques. Je déglutis puis notre attention est attiré par ces ours.

— Toi là, qu'est-ce que tu veux ? C'est ton pote c'est ça ?

Dégagez d'ici ! Leur hurlé-je sur un ron violent. Partez avant que ça ne dérape.

Je vois bien que deux du trio semblent prendre mes préventions au sérieux en reculant mais ce putain de Joshua ne peut pas s'empêcher de jouer au plus fort. Ce n'est pas le moment ! Provoquer Heeseung dans cet état est la pire des décisions.

— Avant que ça ne dérape tu dis ? Répète Joshua. J'vais en faire de la pâté pour chien moi, ton p'tit loup.

Heeseung grogne en retour. Il dévoile ses dents et ceux de devant plus longs et plus aiguisés.

— Euh, mec... on ferait peut-être mieux de partir comme l'autre le dis...

— Ouais... Joshua... je le sens pas.

Putain fermez là bande de peureux ! Nous sommes des ours ! Je suis tout aussi fort que ce cretin !

Mes yeux s'écarquillent de nouveau lorsque Heeseung s'élance vers lui. Je cours à mon tour pour tenter de l'arrêter avant de me rappeler que j'ai toujours mon enveloppe humaine. Je ne suis capable de rien dans cette forme. Et même si je me transforme, il est bien plus grand.

— Joshua, attention !

Ce type s'acharne et je remarque son bras qui triple de volume et se recouvre d'une fourrure brune avec de longues griffes qui remplacent ses ongles. Mais avant même qu'il n'ait le temps de faire un mouvement, il est balancé contre le mur, heurté par la patte de Heeseung.

— Qu'est-ce que... c'est... c'est un putain de monstre ! Moi j'me casse d'ici.

C'est suffisant aux amis de Joshua pour qu'ils s'enfuient. Je suis à moitié soulagé qu'ils s'en aillent mais il reste ce crétin, petit prétentieux qui ne veut pas m'écouter. Je dois trouver un moyen de les arrêter.

Or tout se passe vite. Je n'ai aucune maîtrise sur la situation. Joshua tente de répliquer. Du sang coule de ses cheveux. Je sens bien qu'il est choqué par la force employée par Heeseung. Je le vois d'un coup commencer à se transformer à son tour, ses vêtements se déchirant au passage pour laisser sa fourrure brune le couvrir dans son entièreté.

Joshua est à peu près aussi grand que Heeseung côté taille, quand il se met sur ses pattes arrières. Il hurle et je sens que leur vacarme pourrait attirer d'autres personnes, autre que les hybrides. Ou encore des professeurs. Je ne peux pas crier pour raisonner Heeseung, je ne ferai pas le poids si je tentais de l'arrêter. Je sens d'ici à quel point sa colère alourdie la tension déjà présente. Comme une seconde couche qui se superpose à l'attraction de la terre.

Il reste cependant une chose encore à faire, je me dis. Atteindre ce jeune homme blessé et l'emmener le plus possible à l'hôpital. Mes sourcils se froncent lorsque Heeseung envoie un coup de patte à cet ours et je le sens saigner rien qu'en reniflant. Le loup en voyant Joshua tenter de l'approcher de nouveau le saisit avec sa mâchoire en plantant ses crocs dans son cou pour ne plus le lâcher. Il le secoue plusieurs fois avant de le lancer beaucoup plus loin.

La bête gémit de douleur.

Je sais que Heeseung s'apprête à le tuer. Les meurtres sous forme profonde ne sont pas punis par la loi si le défunt a rendu l'âme dans sa forme animale. Allez savoir pourquoi. De ce fait, je sais que dans le monde, il existe encore ce moyen barbare de régler les comptes entre nous, hybrides.

Les combats sous forme animale où le perdant meurt.

Je suis aussi en train de penser que Heeseung deviendra un meurtrier si je ne l'arrête pas. Lorsque je m'approche du renard, j'attire sans le savoir son attention. Je touche à peine le bras du blessé qu'il me lance un grognement. Je comprends de suite qu'il ne veut pas que je le touche.

Je recule malgré moi, bien que étant de plus en plus stressé au vu des minutes qui passent. Plus on tarde et moins les chances de survie du renard peuvent s'amplifier. Je laisse assez d'espace jusqu'à ce que Heeseung arrête de me fixer avec ce regard d'animal enragé. Je ne sais pas s'il va m'attaquer, je ne suis plus sûr de rien.

Je ne l'avais jamais vu autant en rogne.

De l'autre côté, Joshua demeure au sol. Je sens d'ici qu'il se soumet de son propre gré. C'est instinctif chez nous, hybrides. On s'écrase devant plus fort que soi, lorsqu'on se rend compte de la différence de puissance, pour ne pas mourir. Ça a toujours fonctionné ainsi. Faire le contraire serait aller contre la nature et c'est impossible. C'est comme vouloir supprimer la peur alors que nous nous trouvons au dessus d'un gouffre de plusieurs mètres.

On ne la contrôle pas vraiment, cette terreur.

J'ose espérer que Joshua reste ainsi pour le reste de la soirée.

Des couinements se font entendre. Le museau de Heeseung renifle le blessé de partout. Rien qu'à l'odeur, je le sens inquiet et perdu. Je sais qu'il attend, il attend que le renard se réveille. J'inspire et tente de me détendre avant de parler.

— Heeseung.

Il ne m'accorde aucun regard, rien. Je réessaie.

— Heeseung je sais que tu comprends, il faut l'emmener à l'hôpital.

Je tente un pas vers l'avant. Il grogne aussitôt et devient agressif. J'ai l'impression qu'il me voit comme un ennemi.

— Je ne lui ferai pas de mal.

Je suis en colère contre Sunghoon qui n'est pas là. Puis après, je m'imagine qu'il est peut-être partie chercher de l'aide.

C'est l'Alpha qu'il devrait appeler oui.

— Tu dois me croire.

J'effectue d'autres pas en avant mais il se montre de plus en plus agressif, sur ses gardes, le devant légèrement penché au sol. Je n'ai jamais trouvé mon costume trois pièces aussi inconfortable que ce soir. Malgré l'air glacial du mois de septembre, la sueur coule sur mon front et me donne l'impression d'étouffer.

— Je vais juste l'emmener à l'hôpital. C'est important. C'est pour qu'on le soigne.

Je parle à un mur.

À croire qu'il ne me laissera jamais le toucher. Soudain, son grognement se fait plus intensif et il pivote de moi à quelque chose derrière moi. Je remarque dès lors de nouvelles présences, de nouvelles odeurs qui saturent l'atmosphère.

Un loup gigantesque qui fait deux fois la taille de la voiture saute au dessus de ma tête. Je le vois passer presque au ralenti et déglutis à l'idée qu'il puisse s'écraser sur moi à tout moment. Mais sa présence ne m'effraie pas puisque je reconnais ce pelage blanc. Il atterri au sol et envoie Heeseung valser contre le mur plus loin.

Puis, le loup blanc se retourne vers moi.

À son regard, je comprends qu'il voulait éloigner Heeseung pour que je puisse atteindre le renard. Je hoche la tête puis une autre voix m'interpelle.

— Jay !

C'est Sunghoon qui court en arrivant. Je comprends pourquoi il prenait autant de temps.

— Aide-moi à le porter.

Je soulève le renard qui m'a l'air bien amoché. Il respire encore. Une respiration faible mais présente. Sunghoon et moi entendons Heeseung au loin dès lors qu'on touche le renard. Heureusement qu'il est arrêté par le loup blanc.

— Je pensais pas que tu ferais venir Lysandre, dis-je à l'avocat.

— C'est l'un des seuls capables de l'arrêter qui était disponible.

Et Sunghoon a bien raison. Lysandre n'est autre que le frère aîné de Heeseung. Il est deux fois plus massif et fort que lui. Donc mon ami ne devrait pas tarder à s'incliner. N'empêche, la lignée des Lee fait flipper. Ils sont hors normes pour les hybrides loups.

Et la forme de Lysandre représente la taille adulte qu'ils atteignent. Son pelage est éclatant et il possède une marque sur le front. Une sorte de sceau qui se développe et apparaît dès qu'ils arrivent à leur puissance maximale. Ayant confiance en Lysandre, je me concentre sur le renard.

— Il faut l'emmener à l'hôpital.

Je hoche la tête. Sunghoon paraît calme là mais je sais qu'il est tout aussi chamboulé que moi. C'est juste qu'il est plus doué pour garder la tête froide. Ses gestes sont bien plus précis et moins chaotiques que les miens.

— Sunoo !

Je fronce les sourcils à cette autre voix qui s'ajoute et signale l'arrivée d'une présence nouvelle. Je me tourne et remarque l'ami du renard — Sunoo donc — dans une simple tenue. Vu la façon dont ses cheveux châtains sont en désordre, je suppose qu'il se trouvait au fond de son lit pas moins de quelques minutes plus tôt.

Les yeux embués de larmes, il court vers nous en se mettant entre Sunghoon et moi, puis prend le visage de son ami en coupe. Sa détresse est telle que même sans avoir d'affinité avec le châtain, je ne peux pas m'empêcher d'avoir le cœur serré devant cette vision. Deux larmes coulent de ses yeux.

— Oh non... c-c'est horrible.

Ça me chamboule d'autant plus parce que le châtain est de base similaire à Sunghoon. Un bloc de glace au regard sévère accentué par ses lunettes de vues ; toujours impeccable sur lui. Là, il est tout juste bouleversé et ses mains se mettent à trembler.

— Qui a fait ça...

Ses doigts se saisissent du poul de Sunoo. Il paraît un minimum rassuré que ce corps n'ait pas encore flanché sous les coups et les griffes qu'il a reçu.

— Jake.

Excuse-moi ?

Je hausse les sourcils lorsque Sunghoon appelle le fameux médecin dont le prénom est Jake. Jake donc, se retourne d'un geste presque automatique vers mon ami.

— Calme-toi, se contente de lui dire Sunghoon.

Qu'est-ce que se passe là... ?

Jake qui ne semblait plus arriver à contrôler ses tremblements s'arrête quelques minutes avant de hocher la tête. Étant dos à moi, je ne peux rien voir de son expression faciale. Juste qu'il hoche la tête. Puis, ses yeux retrouvent le visage de Sunoo.

J'ai l'impression que Jake paraît plus apaisé ?

Si la situation n'avait pas paru aussi critique, je jure que j'aurais tout donné pour comprendre ce qui se passe là. Mais l'heure n'étant pas à ces détails, je reviens au blessé. Jake tiens coûte que coûte à tenir Sunoo. Mais ses jambes tremblent tellement qu'il a du mal à le supporter. Je soupire et tente de lui prendre le blessé des mains.

— N-non !

Sérieusement, c'est ce garçon tout aussi flippant que Sunghoon qui bégaye là où je rêve ? Cette soirée est pire que les montagnes russes. Je me sens passer par des tas d'émotions.

— Jake, appelle de nouveau Sunghoon.

Qu'est-ce qui se passe avec ces deux là à la fin ?! Ça va ? Je ne vous dérange pas ?

Comme par magie, Jake baisse encore la tête et finit par me laisser porter Sunoo. C'est ainsi qu'on arrive enfin à emmener ce jeune homme à l'hôpital.

***

J'ai toujours été nerveux dans cet endroit.

Rien avoir avec un passé traumatisant en rapport avec les cliniques. Mon aversion pour ce bâtiment concerne surtout les odeurs chimiques qui s'y trouvent. Et l'odorat étant mon sens le plus aiguisé, je n'y suis juste pas à l'aise. C'est l'hôpital de l'université. Jake se ronge presque les ongles en attendant les médecins. Sunghoon attend avec lui, à une certaine distance qui m'a surpris.

Pour ma part, je suis assis sur les marches, dehors.

Je remarque d'un coup Lysandre qui s'approche. Son état me laisse ébahi. Il a quelques éraflures à quelques endroits.

— Jay.

Je me redresse aussitôt face à l'homme qui se rapproche de la trentaine sur le papier, mais qui ne fait pas vraiment son âge. Il ressemble à Heeseung, si ce n'est ses traits un peu plus mature. Des cheveux noirs un peu en bataille à cause de tout à l'heure. Il possède les mêmes yeux de Bambi mais ses pupilles sont bruns comme celles de sa mère.

— Est-ce qu'il va bien ?

Il me fixe comme si j'avais posé une question délicate. Je ne comprends pas. Après de longues minutes, il finit par soupirer.

— Oui, il est calmé. A-Song le ramène au manoir.

Il s'agit du prénom du chauffeur de famille. Je suis soulagé d'un coup.

— Est-ce qu'il... court un danger ?

Je suis quand même inquiet pour mon ami. Lysandre pousse un soupir.

— Vous n'êtes pas passé inaperçu. Et tu connais les règles, il sera jugé en fonction de la gravité de son erreur.

— Où des circonstances. Parce qu'il y en a un.

— Vois ça avec ma mère, dit-il sur un ton sarcastique, avec un petit rire nerveux en arrière.

Je me crispe aussitôt. En temps normal je serais amusé mais, nous parlons de la matriarche Lee. Heeseung est dans la merde. De toutes les façons, je témoignerai en sa faveur.

— Oh, Lys'.

— M'appelle pas comme ça Jay putain, je te le répète tout le temps.

Je lâche un petit rire moqueur. Quand on le voit, lui et sa carrure imposante et qu'on lui colle son surnom, ça paraît d'un coup hilarant.

— Ouais, ok. J'voulais savoir, pourquoi t'es blessé ?

— Tu aurais remarqué que mon cher petit frère de trouvait dans un état particulier et pas très apte à discuter.

— Ça je le sais mais, pourquoi tu es blessé ?

J'insiste sur ce mot parce qu'il sait ce que ça veut dire. Lysandre passe une main dans ses cheveux et incline la tête en arrière. J'ai l'impression qu'il y a un truc que je dois savoir.

— Rien. Il s'est juste débattu. Un peu.

Je cligne des yeux.

— Débattu ? Tu sais que c'est impossible, tu es plus fort que lui—

— C'est exact. J'ai réussi à le maîtriser. Bref va prévenir Sunghoon, nous rentrons.

Lysandre pose sa main dans mes cheveux et remet les mèches en désordre comme quand il le faisait encore lorsque j'étais gamin.

— Hé arrête, ma coiffure.

Je souffle tandis qu'il pouffe. Je remet mes mèches en ordre, bien que je sache que ça ne serve à rien.

— Nous n'allons pas rentrer.

Lysandre me regarde.

— C'est pour ce renard ?

— Oui, c'est un camarade.

— Je ne l'avais jamais vu trainer avec vous.

— C'est un nouvel ami.

Je préfère ne pas lui expliquer le réel lien qui unit cet étudiant à Heeseung. Quelque part, j'estime que c'est privé. Même pour son frère aîné. Lysandre hoche alors la tête.

— Très bien alors. Mais soyez présent demain parce qu'il y aura une réunion à coup sûr.

— Oui, bien sûr. Nous y serons.

— Parfait. Je vais y aller. Et plus de bagarre cette fois-ci. Sérieux, vous êtes plus au lycée.

Il peste en s'éloignant et moi je me contente de rouler des yeux. Puis, je repense à ce qu'il m'a dit. Je me fais juste des idées non ? Parce que Heeseung n'aurait pas pu attaquer son frère. Il aurait du naturellement se soumettre et je suppose que c'est ce qui s'est passé ; et que les griffures de Lysandre ne sont que des blessures accidentelles.

Parce que si mon ami l'avait attaqué, ça signifierait un problème.

— Mais non Jay, tu te fais des idées.

Je soulève la tête en pensant rejoindre l'intérieur de l'hôpital lorsque je croise une touffe noire au loin dans une tenue de l'hôpital et des bandages un peu partout. Je rêve, ce n'est pas lui ? Si. Je le reconnais à la seconde.

C'est le chat pour qui j'ai craqué.

Il tend le cou, semble chercher quelque chose autour de lui. Et moi je suis surpris de le voir ici. Qu'est-ce qu'il fiche ici avec tous ces bandages ? Est-ce qu'il est blessé ? Tombé malade ? Et moi je ne le savais pas ?

Nos regards se croisent.

Je me sens d'un coup projeté dans ses mirettes onyx que je trouve si magnifiques. Je perçois sa peau rougir.

Puis, il se retourne... et fuis.

Yang Jungwon, en première année de biologie.


















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🤭 Vu comment je suis sympa, je poste mercredi ~

Il se passe des trucs dans ce chapitre ! 5K de mots. C'est plutôt long. Je pense varier entre 3,5 et 5,5 K de mots pour les chapitres. Tout va dépendre de ce qu'ils doivent contenir.

Petit mot : j'ai posté un aesthetic dans la partie avant propos kskdjs. Il y a une image qui correspond tellement au Heesun de cette fic, allez voir 😩

Donc, vos IMPRESSIONS ?!

On a de nouveaux personnages. 😏 Le chat, Lysandre...

Sunghoon et Jake là ils cachent quoi 👀

Et HEESEUNG OMG. Il y a encore tant à apprendre sur cette famille et les loups 🌝 comment Sunoo réagira-t-il à son réveil ?

J'ai préféré faire du point de vue de Jay parce que ça marchait pas avec Heeseung. J'avais besoin d'une vue extérieure. Mais ce sera juste occasionnel au cours de l'histoire. Le point de vue de Heeseung reviendra bientôt.

Bref à plus pour un nouveau chapitre ! Et hésitez pas à voter, ça aide beaucoup 🤍.

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