03. En danger.














SUNOO.



Plusieurs milliers d'années se sont écoulés pour permettre l'évolution de certaines espèces sur terre.

Et l'histoire place en son centre, l'Homme.

Encore aujourd'hui, des sont scientifiques ont dû mal à se mettre d'accord mais une chose est sûr, lorsque nous avons commencé à « évoluer » nous avons conservé notre part animal. Certains animaux n'ont pas connu cette évolution, et d'autres, en l'occurrence les singes sont restés bloqués à cette forme dite finale appelé homo sapiens, sans pouvoir se métamorphoser.

Aussi, avec les guerres, les hybrides ont commencé à s'éteindre à petit feu, faisant de nous une minorité dans cette société qui fut autrefois riche en diversité. Nous en sommes à un point où nous ne devenons que des légendes. Ces primates ne perçoivent pas nos transformations partielles, ni les odeurs, les marques, rien. Nous sommes devenus invisibles, dans une petite communauté à se perpétuer les valeurs d'antan.

Malgré la civilisation, la vie primitive nous gouverne encore. Nous en venons alors à cette différence au sein du règne animal. Il existe deux types de prédateurs.

Les prédateurs donc, et les supers prédateurs. Tout en haut de l'échelle pyramidale.

Parmi les mammifères terrestres, le tigre et le Lion. Ces espèces d'hybride s'éteignent de plus en plus, ne comptant qu'une poignée de dizaines dans le reste du monde.

L'ours. À l'heure d'aujourd'hui, près de cent sont encore répertoriés dans les registres. Ils se balades d'une allure fière dans les ruelles. Mais s'il y en a bien une espèce capable de leur faire de l'ombre...

— Kim Sunoo !

...c'est bien les loups.

Et la nature m'oblige à les fuir comme la peste. Mais comment y parvenir lorsqu'on a un loup plus collant que son ex ? Je ne comprends pas ce qu'il me veut, pourquoi il ne m'a pas déjà bouffé. Dans le sens littéraire bien sûr. J'en ressens encore des frissons hier, lorsque sa queue s'est enroulé contre mon corps. Je l'ai senti. Il m'étais impossible de me dégager. Il aurait pu me broyer contre lui. Je suis resté tétanisé de peur et je me demande s'il l'a remarqué. Mes griffes étaient de sortie par réflexe pour me défendre.

Outre mon ego — surdimensionné d'après mon père — c'est surtout la peur de faire une bêtise. Si je l'attaque, il y a de grandes chances qu'il sorte les griffes pour se défendre. Je finirai dans sa gueule sans la moindre chance. Je n'ai pas envie de mourir comme ça. J'ai une carrière et de grands rêves à réaliser.

— Attends !

Au contraire, je presse le pas pour me faufiler entre les étudiants dans le but de m'échapper. Je me demande comment il a su pour l'horaire de mes cours.

— Je ne te veux aucun mal !

— Sans dec'. Arrête de me suivre sale fou !

Vous connaissez le chaperon rouge ? Voilà. Il ne faut jamais faire confiance à un loup. L'histoire nous l'a bien apprise.

Bon je dis ça mais, je n'utilise ces stéréotypes que quand ça m'arrange parce que si on doit parler du cas de jean de la fontaine alors je passe pour un voleur, manipulateur rusé. Ah les stéréotypes sur les animaux. Ça peut sembler anodin mais dans la cour de récré, ça créait une vraie discrimination qui conduisait directement au harcèlement.

C'est débile. C'est pour cela que je me suis toujours battu pour me défendre.

Ce n'est pas aujourd'hui que j'arrêterai. Je cours à travers les couloirs pour échapper à sa présence. Encore une fois, je pue le loup. Et bien plus fort que précédemment. J'ai beau changer de vêtements, j'ai l'impression d'avoir son odeur collé à ma peau. Ce n'est pas désagréable dans un sens, c'est juste qu—

Une seconde, comment ça "pas désagréable" Kim Sunoo ?

Je m'arrête d'un coup sec dans ce couloir vide, surpris par mes pensées. Je ne suis pas censé trouver agréable quoi que ce soit venant de lui ! Et puis, j'en ai assez que Jake me renifle tout le temps et s'écarte. Il dit qu'il a du mal avec mon odeur car elle devient agressive lorsqu'il s'approche un peu trop de moi. Je vais—

— Ah, trouvé.

Je tente de reculer mais trop tard. Une main retiens mon col, m'empêchant de courir loin. La mine blasée, je me rend et me retourne lentement vers lui. On doit renvoyer une image bien drôle avec lui qui me tiens le col comme les mamans le font la plus part du temps avec leur progéniture. J'ai presque l'impression d'être suspendu à son bras. Et je suis obligé de lever, lever, lever la tête pour croiser son visage.

C'est ridicule ! Je rougis, c'est trop la honte.

D'autant plus que son sourire stupide m'énerve. Je reviens à son torse. Il porte une chemise blanche qui n'a laissé que deux boutons ouverts. Ça et une veste grise que je trouve jolie. Pas sa tronche bien sûr. Juste la veste. Rien que la veste.

De façon mécanique, je renifle un peu l'air. Il porte son habituel odeur de cèdre, à la fois sèche et résineuse, me faisant souvent penser à un crayon, un coucher de soleil sur le flanc d'une montagne. Puis, il y a aussi, je crois, une composition ambré que je juge être son parfum ? Il porte une montre à son poignet et de nombreuses veines y sont apparentes.

Je ne connais rien sur ce type.

Même pas son prénom. Je devrais peut-être commencer à faire des recherches au cas—

Je m'arrête de façon brusque lorsque devant moi, s'affiche deux yeux globuleux aux pupilles d'un gris clair comme une journée pluvieuse chargés de nuages sombres (calmez le poète en moi). Le loup s'est penché vers l'avant pour que son visage soit à ma hauteur. Il cligne des yeux et je reste figé, uniquement à cause de la surprise.

Il incline un peu la tête sur le côté et j'aperçois ses oreilles animales entre ses cheveux d'un violet qui tend vers le cuivre. Une oreille bouge comme si elle traduit son étonnement à lui.

— Tu m'as reniflé ?

Que...quoi... Qu'est-ce que.

— ... Non.

— Si. Je l'ai senti.

Mais n'importe quoi. Alors que je m'apprête à nier, son sourire s'élargit et j'entends un bruit en fond avant de remarquer que sa queue bat lentement contre sa jambe. C'est moi où elle est nettement moins massive que la fois dernière ? Une seconde, ça veut dire qu'il peut réguler sa taille ? Il mesure combien du coup ? Si je me fie à la dernière fois que sa queue s'est allongé, il doit être gigantesque.

Ce qui serait anormal. Lorsque nous nous transformons, notre taille ne peut pas dépasser les mensurations qu'on connait aux simples animaux de maintenant (ceux là qui n'ont jamais évolué). Ce détail ne me fait tilter que maintenant !

Il—

— J'y crois pas !

Mes yeux s'ouvrent en grand après l'exclamation du loup qui me tire de ma réflexion. Au vu de son expression, je crains le pire. Oh non. Je délaisse rapidement mes pensées pour me défendre.

— C'est complètement faux, je ne t'ai pas reniflé ! Dis-je avant de commencer à me débattre. Et puis, lâche-moi.

Mon geste peut sembler anodin vu comme ça. Parce que oui, renifler quelqu'un n'a pas de réel importance. C'est une autre histoire chez les canidés. Ça peut vouloir dire plein de choses. Un signe d'affection par exemple.

Et il est hors de question qu'il pense que je l'apprécie. 

— Tu es mignon.

Je m'arrête d'un coup, plissant des yeux pour le regarder de façon sévère, tandis qu'il me tiens encore. Et pas une seule seconde je n'ai réussi à me défaire de sa prise. Les loups sont si fort que ça ? Il m'épuise.

Soudain, il fronce les sourcils et me fixe comme un fantôme.

— Quoi ? Demandé-je naturellement.

Il ne dit rien, continuant de me fixer de façon intense. Ça en devient gênant d'avoir ses pupilles braqués sur mon visage. Il ne bouge pas. J'ai l'impression d'avoir une statue devant moi avec des yeux humains et l'image est flippante.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Je commence à m'inquiéter. Il rapproche son visage. Naturellement, je recule. Enfin, je tente de reculer ma tête pour lui échapper. Il continue d'approcher. Je suis obligé de poser mes mains contre ses épaules.

Il a de larges épaules n'empêche...

Concentre-toi. Son visage est bien trop proche du mien à mon goût. J'arrive même à sentir sa respiration. Je ne suis à l'aise comme ça. Soudain, il approche son autre main. Intrigué, je me demande ce qu'il compte faire.

Quand soudain, je sens un doigt appuyer sur ma joue.

Non.

C'est une blague. Dites moi que je rêve. Le loup retrouve son stupide sourire que j'ai envie d'arracher.

— Je fond.

— Mais t'es débile en fait... dis-je sans mâcher mes mots.

Il appuie encore sur ma joue, se foutant bien de mes paroles un peu crues. Ma joue est ronde et molle d'habitude. Ce qui fait un petit bruit quand on appuie dessus. 

— Je suis fan.  

Au secours. Il appuie plusieurs fois sur ma joue comme un petit diablotin avec un sourire niais au visage. Pitié, c'est un gamin en fait ? Elles sont passés où ces légendes effrayantes sur les loups ? Ceux là avec d'énormes crocs, des chasseurs aguerris, des tueurs sanguinaires.

Dans quel monde parallèle je suis tombé ?

— Stop ! Ça suffit, redépose moi !

— Seulement si tu arrêtes de fuir. C'est usant de te courir après.

Je suis déstabilisé pendant une seconde quand sa voix redevient moins niaise, un peu plus rauque, et que son visage redevient à moitié sérieux.

— Alors ne le fais pas.

— Si c'est le seul moyen pour t'empêcher de m'échapper.

Je grogne, n'aimant pas la façon dont il parle.

— Dépose moi.

Je me veux menaçant, le foudroyant d'un regard noir. C'est comme si l'ambiance décontracté de tout de à l'heure avait complètement disparue. C'est plus tendu à présent, quelques éclairs obscurcissant le moment. Le loup paraît surpris mais me dépose.

Je me rend alors compte que j'étais légèrement suspendu dans les airs. Mes pieds retrouvent la solidité du sol. Le loup fronce les sourcils comme s'il avait détecté quelque chose d'étrange.

Et moi, je sens comme un vif coup dans ma poitrine qui m'oblige à exploser. Quand bien même il ne vaut mieux pas me provoquer, je ne me connais pas impulsif. Je sais garder mon calme froid dans certaines situations. C'est différent là, sur l'instant.

— Est-ce que ça v—

Avant même qu'il ne demande, je crache mes mots avec violence.

— Arrête ça, cette manie de me suivre. Je ne t'appartient pas. Je ne compte pas non plus t'obéir.

Les sourcils du loup se creusent. Puis, se rehaussent. Il m'a l'air, hautain ? Indifférent, comme s'il n'en avait rien à faire de ce que je dis. Et d'habitude, que les gens agissent comme ça m'affecte peu. Mais avec lui, je le prend pour une affaire personnelle. 

— Pourquoi tu ne le ferais pas ? Tu es un renard. La nature fait de toi ma proie.

Un sourire malicieux se glisse sur ses lèvres et accentue ma colère. Je me fige à cause de sa réponse. C'est ça, c'est exactement ça. Je suis stupide. Qu'est-ce que ça aurait pu être d'autres ? Je me suis laissé distraire par son visage aux expressions enfantines.

Or il n'en reste pas moins un super prédateur qui me court après parce que je ne suis qu'un jouet, une distraction pour lui. Il fait passer le temps en se jouant de moi. Je ne comprends pas. À quel moment je me suis permis de penser à une autre raison ? Quelle autre raison pouvait-il y avoir ? Aucune.

Il avance une main comme pour la placer sur ma tête mais d'un revers de main, je pousse la sienne en lui donnant un coup.

— Très bien... alors retiens ça, commencé-je, le plus froid possible. Je suis loin d'être le jouet avec lequel tu t'amuseras. Tu te penses puissant à utiliser tes privilèges pour me harceler mais t'es tombé sur la mauvaise personne. Tu es comme tous les prédateurs de ton genre. Je ne me laisserai pas marcher dessus.

Je déglutis, conscient que menacer quelqu'un comme lui est dangereux mais pour le coup, j'envoie au diable toutes les préventions de mon père. Je suis loin d'être stupide. Pour un prédateur comme lui, il s'amuse à me marquer, faire de moi sa propriété, s'amuse à m'effrayer juste parce qu'il a ce pouvoir.

C'est l'une des choses qui me rebutent les plus.

Plusieurs agressions ont eut lieu à cause de ces différences de force qui nous classent dans le règne animal. Et parce qu'il y en a qui se sentent plus forts, ils en profitent. Je lui tourne le dos, bien que je sois terrifié à l'intérieur à l'idée qu'il devienne violent. Mais par chance, il ne fait rien quand je commence à m'éloigner. Ce qui me soulage.

Je me demande pourquoi il a paru aussi surpris par mes mots sinon. Ses yeux sont restés écarquillés pendant que je parlais. Pourquoi jouer au perplexe ? Il sait que j'ai raison, que c'est dans leur nature d'écraser les faibles, chasser leurs proies sans considération.

Je quitte le couloir pour de bon en espérant qu'il ne se venge pas.

***

— Jake, je vais mourir !

— Oui, ça tu l'a dit plus de vingt fois.

Mon ami ne m'accorde pas grande attention. Il ne comprend pas la gravité de la situation. Je sens que ce loup me traque, il m'attend au détour d'un couloir pour me tuer. Je suis sur mes gardes, mes sens alertes.

— Mais non, tu ne comprends pas ! S'il me chope, je ne pourrai pas me défendre ?

On s'arrête. Le futur médecin pivote vers moi. Les traits si sévères, comme s'il me jugeait. Mais je sais qu'il ne me juge pas. Jake sourit juste rarement. Il replace ses lunettes de vue et m'examine du regard.

— Pourquoi lui avoir dit tout ça alors ?

Mon humeur décline.

— Tu le sais très bien. Je déteste les types dans son genre.

Jake hoche la tête car il en sait suffisamment sur mon adolescence. Et même, tous ces meurtres causés par les prédateurs. Ces derniers n'hésitent pas à assoir leur domination quand bon leur semble. Je me rappelle qu'au lycée, les couloirs étaient bondés de ces ours qui faisaient la loi. Il fallait leur obéir. Beaucoup d'élèves se sont par malheur retrouvés dans leur collimateur.

— Sunoo.

Je croise les orbes brunes de mon ami.

— Tu dois faire attention à toi. Tu es stressé.

Je fronce les sourcils.

— Absolument p—

— Regarde tes doigts.

Je fais ce qu'il me demande lorsque je remarque mes griffes de sortie plantées dans le mur, éraflant ce dernier en y créant une légère entaille. Surpris, je retire ma main et tente de faire rentrer mes griffes. Mais c'est compliqué.

— Ceci peut être expliqué par ton stress. Tu es tout le temps sur tes gardes parce que tu te sens traqué. Et à voir tes yeux je suppose que tu n'as pas beaucoup dormi ces derniers jours.

Je suis scié, incapable de me défendre. Il a raison.

— Sunoo.

— Quoi ?

Je détourne la tête malgré moi, lui ayant répondu d'une voix plus froide que je ne l'aurai voulu. Oui, j'ai peur. Mais il est hors de question que je me laisse faire.

— Ça fait une semaine que je n'ai pas senti une trace d'odeur de ton loup.

Mes yeux s'écarquillent malgré moi.

— Quoi ? Non, attends, c'est une ruse.

Pourtant, Jake n'a jamais eu l'air aussi sérieux.

— C'est impossible et tu le sais bien.

Parce que son odorat ne peut pas le tromper. Si ce loup avait été là, Jake l'aurait senti arriver. Alors pourquoi j'ai l'impression de le sentir partout moi ? Il ne peut y avoir qu'une explication.

— Il utilise un autre moyen pour me traquer. Peut-être qu'il prend des pilules ? Des suppresseurs d'odeurs ? J'en sais rien moi. Un truc chimique et là, il est caché quelque part et attend seulement que je sois seul avant de me briser la nuque ! Jake... dors avec moi ce soir.

— Hors de question.

— S'il-te-plait.

— Sunoo, ça fait une semaine que ton loup ne vient plus aux cours.

Ébahi, je retiens un hoquet de surprise.

— Comment tu peux savoir ça toi ?!

Jake demeure immobile. On se regarde durant un long moment. Il joue à la statue jusqu'à ce qu'il détourne le regard. Attendez, laissez-moi vous expliquer : Sim Jake détourne le regard. C'est moi où il y a une teinte rose sur ses joues ?

— Sim Jake, as-tu quelque chose à me dire ?

— Rien.

— Ah si si. Je t'écoute.

Jake tente bien de se débarrasser de son malaise mais c'est peine perdue. Il n'est tellement pas doué pour faire semblant.

— Il n'y a rien. Je t'informe juste que tout ce que tu ressens n'est que le fruit de ton imagination. Ton odeur est de plus en plus aigre. Tu dois te reposer. Et si ça ne va pas, pense à te faire prescrire des calmants.

C'est le médecin en lui qui parle.

Je sais qu'il me cache quelque chose. J'ai beau le toiser de façon sévère, il n'a pas l'air de vouloir lâcher le morceau. Tant pis, j'essayerai plus tard. En attendant, je me contente de soupirer.

— Bon, d'accord.

— Tu vas te faire prescrire des calmants ?

— Non.

Je suis trop sec. Je reviens alors sur mes mots.

— Mais, merci pour le conseil Jake.

Je tente un faible sourire qu'il me rend. Je sais qu'il est fier de lui, d'avoir été d'une aide pour moi. C'est sur ces paroles que je compte conclure et rentrer. C'est vendredi mais vu que la dernière fois, mon père n'a pas supporté l'odeur de ce loup sur mes vêtements, je me dis que c'est une mauvaise idée de rentrer à l'immeuble. Je vais donc passer le weekend à l'université.

Tandis que je plonge mes doigts dans les poches de ma veste en cuir, comptant me retirer, Jake revient sur ses pas.

— Oh, au fait, Sunoo.

— Oui ?

— Tu sais, ça fait aussi une semaine que tu ne porte plus l'odeur de ce loup. Alors si tu veux mon avis, peut-être qu'il a décidé de te laisser tranquille. Tu devrais pouvoir dormir en paix ce soir.

Je suis sur les marches en pierre qui mènent à l'extérieur. Jake, encore dans le bâtiment, m'informant de là. Il sourit et s'en va pour de bon. Sans doute parce qu'il pense que ses mots me réconfortent. L'air vient soulever quelques mèches de mes cheveux.

C'est vrai que je ne perçois plus cette odeur de cèdre sur ma peau. Juste la mienne, rien que la mienne. Même ma veste n'a gardé que ma trace. Je me sens étrange. C'est censé me rendre heureux. Jake dit que ça fait une semaine en tout. Ça va faire une semaine que j'ai menacé ce loup.

Et une semaine que j'enchaîne les nuits blanches, avec l'impression qu'il me suit à la trace. Pourtant, Jake dit qu'il n'est plus revenu à la fac. Pour pouvoir m'affirmer ça, il a sûrement une source fiable. Jake ne dit jamais les choses sans en être sûr.

Donc, je devrais être rassuré.

Je descends et atteint la cour de l'université assombrit par le voile de la nuit un peu trop épais ce soir.

Tu devrais te sentir rassuré.

Je tente un sourire en marchant. Soit rassuré. Tu as tenu tête à un loup et tu l'as chassé. Ce n'est pas commun. Je passe une main contre ma nuque et mon sourire s'évapore quelques secondes à peine. Je tente encore un autre sourire. Mais ce dernier disparaît de nouveau.

Je soupire, me rendant compte que je ne suis juste pas d'humeur.

Soudain, des frissons m'assaillent. Malgré ma veste, je me frotte les bras. J'ai froid. Ce qui me semble bizarre. Je ne suis pas frileux de nature. L'ambiance en général est terne.

Je secoue la tête et plaque mes deux mains contre mes joues.

Pendant une seconde je me remémore la sensation de son doigt dans ma joue.

Non Sunoo, non.

Je me donne une tape au front, un peu désespéré. C'est peut-être la fac qui me rend ainsi. Je vais rentrer, me coucher avec un vêtement à ma mère pour me rassurer. Nous ne sommes pas très tactiles dans la famille mais il m'arrive que parfois, je ressente encore le besoin de chercher l'odeur de mes parents.

Ma mère dit que je ne suis qu'un enfant encore.

Conneries. C'est juste exceptionnel ce soir d'accord ? C'est pour me reposer, avoir une nuit complète. Oui, voilà. De plus, je ne sens plus le loup alors je peux rentrer chez moi sans aucun soucis.

À peine je fais un pas qu'un couinement me parvient aux oreilles. Je me fige sur place car ce son me fait principalement penser à un son de détresse. Mes sourcils se creusant, je regarde autour de moi. Non loin, il y a une rangée de bancs et quelques arbres. Mes pas me mènent à cet endroit où il fait un peu noir.

Plus je m'approche, plus je perçois la chair de poule qui recouvre ma peau.

Ce n'est cependant pas suffisant pour me faire reculer. Parce que les couinements se font plus fréquents. Quelqu'un est en danger ! C'est suffisant pour que je fonce droit, me rendant dans une sorte d'allée un peu sombre.

Mes poumons se vident d'air.

Je reconnais contre le mur un garçon. Une touffe noir. Je ne vois pas grand chose mais sa tristesse est présente dans les airs. Il me suffit de renifler pour détecter sa détresse et sa peur.

C'est un chat.

À côté, je suis agressé par d'autres odeurs qui me retournent le cerveau.

— Vide son sac, dit l'un d'entre eux.

— Il n'a vraiment rien ce con, ajoute le second.

Je compte les silhouettes massifs dans ma tête qui s'en prennent à ce garçon. Trois, ils sont trois. De carrures imposantes. Mais ce n'est pas la raison qui me fait flipper sur place.

— Où est-ce que t'as foutu ton fric ?

Ce sont des ours. Et il ne m'en faut pas beaucoup pour remarquer le harcèlement qui se déroule sous mes yeux. C'est presque le même schéma qu'au lycée. Je devrais fuir normalement.

— J-je... j'en ai plus... j'ai plus rien...

À la place, ma colère explose.

— Alors je vais te défoncer à la place parce que tu m'a sacrément mis en rogne.

Ils sont tous pareils. Ils penseront toujours être venus au monde pour écraser les plus faibles ; chasser la proie. Moi je choisi de ne pas me laisser faire. Et d'habitude, je ne me connais pas si zélé. Parce que ce serait suicidaire de se confronter à trois ours.

Or la colère fait que j'ai du mal à me contenir.

— Relâchez le.

Ils s'arrêtent. Puis, doucement, leurs regards pivotent vers moi. Je me fais la remarque silencieuse sur le fait d'être tellement insignifiant pour eux qu'ils ne m'ont même pas me sentis approcher.

— Hein ? C'est qui lui ?

— Ne...n'approche pas ! Panique l'autre.

Mes yeux se tournent vers lui, qui vient de crier. C'est le garçon qu'ils comptent frapper. Le chat est effrayé et me renvoie un regard emplis de terreur.

L'un des ours, cheveux chatain clairs et coupés cours affiche un sourire large. Il porte le maillot de l'équipe de foot des bulldogs, notre équipe. Et dire que les rangs de ces joueurs comptent des enfoirés pareils. Mais pourquoi je suis surpris ?

C'est un super prédateur, c'est dans leur nature.

L'ours me fixe de nouveau puis...

— Alors, où en étions-nous ?

...puis m'ignore avant de retourner à sa victime.

Je suis si insignifiant que ça ? C'est parce qu'il connait ma nature. Il n'a rien à craindre de moi, je ne suis qu'un pauvre renard. Qu'est-ce que je pourrais bien lui faire ? Peut-être qu'à sa place, moi aussi je me sentirai hors de danger.

Je ramasse rapidement une pierre que je lance à l'un d'entre eux.

Putain mais qu'est-ce que !

Voilà, j'ai enfin leur attention. Celui qui tenait le chat contre le mur me donne l'impression d'être leur chef. Il lâche le garçon qui tombe au sol, puis se tourne vers moi. J'ai enfin tapé dans l'œil du gros poisson on dirait.

— Toi, je sais pas qui t'es mais tu ferais mieux de gentiment passer ton chemin au lieu de jouer les héros.

— Fuis ! Lancé-je au garçon encore sonné au sol.

C'est quand il tourne la tête vers moi que je remarque ses pupilles qui luisent à cause de ses larmes. Il me regarde, tente de me dissuader de ce que je compte faire mais je reste intransigeant. Je ressens là même, sous ma peau, une colère imperturbable envers ces ours.

— Allez, cours !

Les joueurs de foot ne bronchent pas lorsque le garçon cherche à se mettre sur ses jambes. Ils ne font rien non plus lorsque ce dernier commence à courir et s'éloigner. Ils sont là, sans rien craindre. Ils ont une confiance absolue en leur force, à la différence de puissance qui nous sépare.

— C'est malin. J'ai perdu ma proie. Tant pis, tu vas le remplacer.

— C'est ça approche, ordure.

— C'est qu'il est rebelle le petit renard. Les gars, je sens qu'on va s'amuser, dit un autre tandis qu'ils se rapprochent tous les trois.

Je tique. Petit renard. J'aime pas la façon dont ça sonne quand ça vient d'eux.

L'un d'entre eux essaie de me choper. Je recule vers l'arrière par réflexe et le griffe au visage.

— ARG ! Le salopard !

Il hurle, tandis que les deux autres affichent un regard surpris. Je sens les morceaux de peau de celui que j'ai griffé sous mes ongles. Je regarde les traces un peu profondes sur son visage et le sang qui coule. Je n'ai pas passé mon enfance à me battre pour ne pas avoir de l'expérience. Alors, quitte à ce qu'ils se défoulent sur moi ce soir, autant ne pas leur rendre la tâche facile.

— River, attaque le.

Je vois les bras de ce River commencer à se métamorphoser et devenir massif. Ses bras se recouvrent d'une fourrure brune. Ils deviennent très épais avec de longues griffes, bien plus effrayants que les miens. Que dis-je, mes doigts à côté sont ridicules. Il tente de m'attraper mais je lui échappe grâce à mon agilité aiguisé acquis au fil des années.

Je ne tiendrai pas comme ça longtemps, je le sais. Ils sont trois. Et moi je suis seul. Je vais tenter de les distraire pour leurs échapper. Mais ce n'est pas parce que je suis en colère que je compte devenir suicidaire.

Alors j'espère que ce garçon que j'ai sauvé aura la présence d'esprit d'avertir quelqu'un.

Dans le cas contraire, je suis mal.

— Trois ours contre un renard et vous n'êtes pas capables de m'attraper ?

Très mal.

— Reste tranquille ! Grogne l'un d'entre eux tandis que je leur ricane au nez.

Je fais mine d'être aisé et ça les déstabilise. Parce que la nature voudrait qu'on s'écrase devant eux. Et moi, je surmonte ma peur, mon cœur qui bat avec hargne et force, mes sens qui me hurlent de me laisser frapper pour ne pas aggraver ma situation.

— Raté ! Encore raté ! Je m'ennuie... c'est rat—

Je finis à peine ma phrase qu'un son étouffé m'échappe lorsque le bras d'un d'entre eux me tiens par surprise au cou, me plaquant violemment contre le même mur.

Raté tu voulais dire ? Je crois qu'on a réussi plutôt.

Il affiche un sourire moqueur et son regard sombre ne me dit rien qui vaille.

Là, je suis vraiment mal.













Une demi heure plus tard, des bruits courent dans les couloirs. Ça discute de tous les côtés. Jay trouve l'agitation étrange. Lui qui était heureux d'avoir réussi à sortir son ami Heeseung du lit ce matin. Ils étaient au réfectoire en compagnie de Sunghoon lorsqu'ils décident enfin de rentrer chez eux. Mais en passant par l'entrée, ils surprennent malgré eux une discussion entre deux filles.

« Vous avez entendu? Il paraît qu'il y a un renard battu à mort à l'arrière de la cour. C'est affreux ! »

Jay se fige. Ses amis aussi. Un bruit de verre qui éclate au sol provoque le silence. Heeseung vient de lâcher son plateau. Et au vu de son regard, Jay comprends. Il commence à reculer.

« Heeseung... non... Sunghoon, attrape le ! »

Trop tard. Car ils entendent un grognement guttural et les battements lents et puissants d'une queue massive contre le sol.


















_____

Exceptionnellement je me suis dis que j'allais poster ce samedi et non dimanche. Mais je pense crois qu'à partir de maintenant, je vais poster tous les dimanches.

ON SOUFFLE PAS HEIN ! VOUS SENTEZ LE CARNAGE ARRIVER ?!

Il s'est passé beaucoup de choses, DITES MOI VOS IMPRESSIONS 

Merci pour vos retours sur cette histoire 😔 🤍 

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