Chapitre 8 : Le drame

Je vois le visage de Kira se décomposer en entendant les paroles de son père. En la voyant dans cet état, je sens le mien s'affaisser.

- C'est une blague, pas vrai ? demande la jeune fille.


Son père a pourtant l'air très sérieux et ignore la question de sa fille en discutant du fameux mariage la concernant avec Victor. Tous les gens regardent le « couple » avec un sourire en applaudissant. Seules Kira, sa tante et moi semblons mécontentes de la nouvelle. Le roi échange finalement un regard entendu avec son futur gendre et annonce à sa fille et à l'assemblée :

- Je vous annonce donc que le mariage de ma fille Kira Van Ogel, princesse du Royaume des Andals, avec Victor An Gudral, prince du Royaume des Caridels aura lieu d'ici 6 mois lors de la nouvelle lune.

- NON !


L'attention des invités se tourne vers la princesse, qui vient de crier. Sa respiration est forte et ses yeux reflètent une colère que je ne lui avais jamais vu auparavant, même le jour de mon arrivée. Elle est à une bonne dizaine de mètres de moi, mais je peux sentir l'atmosphère devenue pesante. Mon être me pousse à intervenir lorsque je vois du coin de l'œil la tante de Kira s'approcher de moi et poser sa main sur mon épaule.

- Je comprends ce que tu ressens en ce moment Méora, mais maîtrise ton instinct, je peux presque sentir tes pulsions, dit-elle en avisant mon poing serré à tel point que mes ongles entaillent ma paume. Si tu cèdes, les gardes t'arrêteront et les conséquences peuvent être terribles pour toi, tu sais de quoi je parle.


Sa main sur mon épaule et ses paroles commencent à me calmer. Je lève de nouveau les yeux vers Kira qui continue son discours auprès de son père.

- Je ne veux pas me marier ! Surtout pas avec lui ! Tu n'as pas à choisir pour moi, je veux être avec quelqu'un que j'aime ! Pas que tu veux que j'aime ! Ce mariage n'aura pas lieu.

- Je ne t'ai pas demandé ton avis, je suis le roi, tu es ma fille, j'ai un royaume à gérer et une descendance à avoir. Tu vas donc te marier avec le prince Victor un point c'est tout.

- C'est mon avenir, c'est à moi de choisir ! Je n'ai jamais demandé ce trône et tout ce qui va avec !

- Tu es ma fille. Donc c'est à moi de décider ce que tu vas faire, comme ce sera Victor qui le fera pour votre futur enfant. Je n'attends qu'une chose de toi alors tâche de le faire correctement, même si je sais que c'est dur venant de toi.


Impuissante, Kira tombe à genoux devant son père. Je remercie intérieurement sa tante de laisser sa main sur mon épaule.

- S'il te plaît, je t'en supplie, je ne veux pas me marier, je-


Elle est interrompue par son père qui lui met une énorme gifle. Du sang commence à couler de mes paumes, sérieusement écorchées, et je sens de légers picotements au niveau de mes omoplates.

- Méora, calme-toi, me dit fermement la femme à côté de moi en accentuant la pression des deux mains qu'elle a posé sur mes bras pour me maintenir du côté de la raison.

- Tu m'humilies devant mes sujets, tu refuses de te marier, tu as un comportement outrageux et j'en passe ! continue le roi. Tu as de la chance que le prince Victor veuille tout de même de toi après ça et malgré tes penchants honteux !


J'aperçois distinctement deux sillons mouillés sous les yeux de Kira qui est à terre. Ledit prince s'approche d'elle et l'attrape par le bras avant de la relever brutalement. Il la tient face à lui par les poignets. Ma rage se décuple face à ce triste spectacle auquel personne ne réagit. Ce genre de situation est donc normale dans la vie ? Les picotements au niveau de mon dos s'accentuent et je sens que quelque chose sur ma tête tremble. Deux petites flaques de sang se forment par terre, sous mes mains.

- Veux-tu être ma femme ? demande le prince.

- N-


Il l'embrasse de force avant qu'elle puisse dire « non ». Mes poings tremblent et les « ploc ploc » rouges par terre s'accélèrent. Je ferme les yeux me sentant céder. J'ai seulement le temps de tourner mon visage vers la femme qui m'aide à me contenir depuis une dizaine de minutes.

- Désolée...

- Ce n'est pas grave, je n'aurais pas pu te retenir éternellement. Amoche le bien.


Je place un petit sourire avant de laisser la place à mon instinct. Ce qui tremblait sur ma tête s'avère être mes oreilles que mon corps a miraculeusement réussi à dresser. Les picotements dans mon dos s'atténuent lorsqu'une paire d'ailes en sortent brutalement avant déchirer l'arrière de ma robe et de se déplier dans un grand froissement de plumes. Victor retire ses lèvres de con de celles de Kira et tourne la tête vers moi. Il a à peine le temps d'ouvrir de grands yeux que mon corps s'élève dans un claquement d'ailes avant de fondre sur lui. Toutes les personnes occupant la salle sauf la tante de Kira se mettent à hurler en me voyant plaquer l'homme au sol. J'entends vaguement le roi appeler les gardes. Mais je m'en fous de tout ça. J'agrippe le connard terrifié par le col.

- Plus jamais, AU GRAND JAMAIS tu ne poseras la main sur elle, je dis avant d'envoyer mon poing dans son crâne.


Il se met à hurler comme tous les autres démons de la salle pendant que je déforme son visage de con. Et c'est ça qui prétend gouverner la planète ? Quelle blague ! Les gardes qui sont également hybrides essaient de se frayer un chemin à travers la foule qui crie, cours, vole. Je ne m'enfuis pas, je continue à massacrer la face de ce prince qui aura voulu lui faire du mal. Il ne s'évanouit pas encore sous mes coups ce qui me permet de voir son visage tordu par la douleur et d'entendre ses cris. Quelle satisfaction. Je le frappe, encore et encore avant de le griffer jusqu'à ce qu'il ne reste sur son visage que des rayures de chairs sanguinolentes. Ce n'est pas pour autant que je m'arrête. Ce connard ne doit plus jamais avoir le moyen de faire du mal à Kira. Après m'être essuyée les mains sur son costume, je me lève finalement, satisfaite de mon travail sur ce visage que j'espère ne plus jamais revoir. Lorsque la foule voit enfin la tête du vénéré prince, l'hystérie augmente ce qui me permet de gagner un peu de temps par rapport aux gardes. J'avise l'entre-jambe du corps par terre avant de violemment l'écraser de mon pied gauche. Voilà un savoir qui m'aura été utile connard. Il s'évanouit enfin sous ce coup.

- M-Méora...


Je me rappelle soudainement que la jeune fille pour qui j'ai fait ça se trouve encore par terre après être tombée quand je me suis jetée sur Victor. Je m'adoucis instantanément. Elle me regarde avec de grands yeux. Je crains qu'elle ne veuille plus de moi après ce que j'ai fait mais ce n'est pas ce que je lis dans son regard. Je vois du soulagement ainsi qu'une autre petite chose que je n'arrive pas à déterminer. Je lui souris avant d'avancer vers elle pour l'aider à se relever.


C'est alors que des mains m'attrapent brutalement et me tirent en arrière. La princesse appelle mon nom mais je ne l'entends pas, mon instinct reprenant le contrôle en sentant le danger. Ma rage remonte et je tourne violemment la tête pour apercevoir sur deux gardes qui me tiennent par les bras. Ce sont, comme la plupart des gardes, des hybrides loups de 1m80 portant une armure d'acier, une longue épée, quelques dagues à leur ceinture et la muselière imposée aux hybrides gardes accompagnée d'un collier épais permettant de les paralyser s'ils tentent une quelconque action contre un humain ou un démon (un hybride ça se repaye après tout...). Ils me tirent loin de Kira qui commence à se relever. Je me débats et crie. Ils me maintiennent du mieux qu'ils peuvent mais je réussis à me détacher. Je me prépare à prendre mon envol lorsque l'un d'eux m'attrape par ce maudit collier avant de me couper le souffle en le tirant violemment vers le sol. J'essaie de me frotter le cou pour atténuer la douleur mais ils m'attrapent les bras avant que je ne puisse bouger un doigt. Je suis maintenant le dos contre un garde qui me maintient contre lui alors que je me débats et que l'autre me tient fortement les bras pour m'immobiliser un minimum. Ma colère se décuple et j'en viens à tenter de mordre mes semblables. Je vois autour de moi les gardes regarder le roi en attendant un ordre ; ce dernier me regarde avec un regard tellement noir que j'ai l'impression que le néant se trouve dans ses yeux. La mère de Kira est horrifiée par le spectacle qui règne dans la pièce et tente d'appliquer les premiers soins à Victor mais vu ce à quoi il ressemble, ça ne servira pas à grand-chose. Kira est maintenant debout et essaye de venir me séparer des gardes, mais ça tante la retient heureusement. C'est trop dangereux pour qu'elle vienne. Je vois sa tante me faire un vague sourire malgré la situation. Tous les autres êtres se trouvant dans la pièce ont reculé et regarde la petite distraction que je suis.

- Les bras, ordonne finalement le démon.


À cette annonce, instantanément, ce n'est plus de la colère que je ressens mais de la peur. J'essaye de me dégager à tout prix alors que, maintenant que l'adrénaline est passée et que je ne suis plus aussi puissante qu'avant, le garde me tiens les poignets avec une main pendant qu'il sort une dague de son fourreau. Kira percute sur ce que dit son père et tente de me venir en aide malgré le fait que sa tante essaie de l'en empêcher. Elle se dégage enfin lorsque le garde m'assène le premier coup à travers mes mitaines. Mes oreilles se rabaissent instantanément et je me mets à hurler de douleur. Le garde fait bouger la lame dans ma chair avant de la retire brutalement horizontalement. J'ai ma première coupure avant les nombreuses qui vont suivre. Je ferme les yeux et commence à pleurer bruyamment. J'entends Kira crier à son tour lorsque le second coup s'abat sur l'autre poignet et que je hurle de nouveau. Mes ailes se rangent naturellement. Ça se fait maintenant automatiquement. Je n'aurais pas eu la force de toute façon. J'entrouvre les yeux et voit Kira qui essaye de frapper le garde qui a la dague mais son père arrive et la tire par le bras d'un coup sec pour l'en empêcher. La troisième coupure part et je ferme de nouveau les yeux en poussant une énième plainte. L'officier avait donc bien parlé des « traitements » au roi lors de ma vente. Cette torture continue jusqu'à ce qu'une flaque de sang se soit formée à mes pieds. Il ne faut pas que j'en perde trop, sinon il faudra gaspiller une poche de sang pour la vilaine créature que je suis.


Les gardes arrêtent de me lacérer les bras et l'un deux me prend sous son bras pour m'emmener à ce que je suppose être une réplique de la salle de sanction du centre, si on suit la logique, tandis que l'autre porte le prince Victor jusqu'à sa chambre pour qu'un médecin s'occupe de lui urgemment.

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