Chapitre 17 : Le retour
Je rouvre les yeux au bout de ce qui semble être quelques secondes mais qui doit probablement être quelques minutes. Je suis un peu sonnée et n'arrive pas à bouger. J'essaie de lever mon bras droit, mais il est coincé. Je ferme de nouveau les yeux pour remettre mes pensées dans l'ordre au lieu de divaguer. Je volais. Avec Kira. Et je suis descendue très vite. Et on s'est écrasée contre un arbre. Là je suis dans l'herbe, coincée entre le sol, le fameux arbre et Kira. Elle m'a habilement retournée avant le choc alors je ne me suis pas cassé le nez contre l'écorce. Mon corps entier me fait mal, mais moins que ce à quoi je m'attendais. Je dégage laborieusement mes bras et commence à me redresser avant de me tenir la tête à deux mains. J'ai l'impression qu'elle pèse une tonne ! Je me rappelle que Kira m'a dit de rétracter mes ailes avant l'impact et heureusement parce que sin-... Kira !
Prenant soudainement conscience du fait que je ne suis pas la seule à avoir foncé dans un arbre, je fais de mon mieux pour me tourner vers elle. Ses bras sont toujours entourés autour de ma taille, mais elle ne bouge pas. Son visage est neutre et ses yeux sont fermés. Un mince filet de sang coule de sa bouche. La peur me prend soudainement par les tripes. Je me dégage de son étreinte et l'allonge sur le dos. Elle est écorchée au niveau des coudes et des avant-bras et un gros bleu a pris possession de sa tempe gauche. Mais elle n'ouvre pas les yeux. Je me mets à la secouer frénétiquement.
- Kira ! Kira réveille-toi ! C'est pas drôle, debout !
Je continue à appeler son nom tout en la secouant. Les larmes me montent peu à peu aux yeux, et, malgré moi, je commence à pleurer comme le jour de mon arrivée.
- Kira, s'il te plaît, réveille-toi... Je peux rien faire sans toi ! Je suis désolée, je-
Je me tais instantanément en remarquant que ses paupières qui jusque-là étaient closes commencent à bouger. Je stoppe tout mouvement, comme si le moindre toucher de ma part allait la briser. Elle papillonne légèrement des yeux avant de les ouvrir complètement. Elle regarde autour d'elle et ses yeux finissent sur moi. Semblant prendre conscience des évènements, elle se redresse et commence à parler.
- Méora, pourquoi tu pl-
Je ne la laisse pas finir et me jette dans ses bras, sans réfléchir au fait que ça puisse lui faire mal.
- Tu m'as fait peur ! Plus JAMAIS tu me fais ça, tu m'entends ?!
Je resserre mon étreinte en continuant de sangloter sur son épaule, comme le premier jour. Elle m'enlace à son tour et je tressaille de douleur mais ne la repousse pas. Lorsque je relève enfin la tête, elle semble fixer quelque chose sur ses mains. En même temps, vu toutes les écorchures qui s'y trouvent, c'est normal d'être un minimum choqué. Elle fronce les sourcils.
- Minute, je suis presque sûre de ne pas autant saigner...
Elle tente de se redresser et je me relève pour lui faciliter la tâche. Elle fixe ses mains qui sont en effet bien plus rouges que tout à l'heure. Pour ma part, elle a protégé mon visage et toute la partie avant de mon corps, bras y compris, était contre elle. Je me mets debout pour regarder mes jambes et tourne mon buste pour vérifier l'arrière, lorsque Kira m'interpelle bruyamment.
- Mon Dieu ! Méora, c'est ton dos qui pisse le sang !
Ah oui. Toute la partie avant de mon corps était protégée mais l'arrière était directement contre l'arbre au moment de l'impact et durant le frottement contre l'écorce quand on est retombée au sol. Zut, c'est vrai que c'est pas joli, de ce que je peux en voir. Kira qui semble avoir récupéré un minimum nous ramène à nos pulls au milieu d'une vapeur bleue et commence à couvrir mon dos et à compresser les plaies pour stopper le saignement avec les vêtements.
- Tout ce qu'on fait se finit en blessures et en pansements, remarque-t-elle en riant nerveusement.
- Oui, mais ça vaut le coup. Tu verras que, les prochaines fois, je ne prendrais pas d'arbre.
- Tu sais, ce n'est pas ta faute, c'est moi qui ai percuté le tronc.
- Parce que je tombais.
- Pourquoi tu tombais d'ailleurs ?
- J'ai cru que toi tu tombais et j'ai voulu te rattraper. Je suis trop bête, évidemment que tu sais te sortir d'une situation comme celle-là.
- Méo...
- La prochaine fois je ne descendrai pas. Mais si c'est pour de vrai que tu tombes, je ne pourrai pas rester comme ça ! C'est énervant, je-
La jeune fille me fait finalement taire par un baiser qui me tire de mon monologue. Elle nous sépare et me regarde droit dans les yeux.
- J'éviterai ce genre ce figure tant que tu auras du mal à voler, d'accord ?
- Ah, euh, d'accord...je marmonne.
- On va se rentrer par contre, j'ai pas ce qu'il faut sur moi, termine-t-elle en désignant, d'une part, ses bras et, d'autre part, mon dos.
Nous ramassons le sac avant de reprendre forme humaine et d'entamer notre trajet vers la ville. Nous prenons un peu plus de temps qu'à l'aller, sûrement à cause de la fatigue, mais débouchons finalement sur la rue. Kira a désormais suffisamment récupéré et peut maintenant nous faire parcourir des centaines de mètres en un instant. C'est un quart d'heure plus tard que nous arrivons enfin au château. Nous nous retrouvons, à ma surprise, dans les jardins, que je n'avais jusqu'à maintenant que regardé depuis la fenêtre. Kira tombe assise par terre.
- Ҫa va ? je finis par demander.
- Oui, répond-t-elle essoufflée, comme quelqu'un qui vient d'enchaîner les téléportation sur, hhh, à peu près cent kilomètres ! Aaah, c'est fatigant...
- Je m'en doute...
Le crépuscule donne une lueur orangée au ciel, je ne me lasserai jamais de le regarder. Je me souviens de ma première réflexion à son sujet... "Le plafond du monde"... Je souris bêtement et m'allonge doucement par égard pour mon dos. C'était il y a combien de temps déjà ? Neuf mois... Comment ai-je pu me passer de cette vision et vivre entre quatre murs sans jamais percevoir l'extérieur pendant quatorze ans ? Le fait est que l'on ne peut pas manquer de quelque chose dont on ne connaît ni le nom, ni même l'existence. Même si quand j'y pense, je ne me souviens même pas du moment auquel j'ai commencé à ressentir cette soif de liberté. Kira finit par prendre la parole.
- Tu sais, Méo... Je ne plaisantais pas quand je disais qu'on allait se barrer. Je veux dire... Regarde ce qu'on a fait aujourd'hui ! Soit, on s'est bien ramassées, mais tu n'as pas envie de pouvoir faire ça sans te soucier des conséquences ?
Je ne réponds pas. C'est vrai que l'on avait parlé vaguement de ça et fait des petites promesses, mais... Est-ce vraiment possible ? Et, si oui, beaucoup trop risqué... Bien sûr que j'aimerai pouvoir faire ça sans avoir à me soucier qu'une troupe de garde soit à notre recherche, mais s'enfuir ne signifierait-il pas d'être recherché en permanence ? Après, si on disparaît suffisamment longtemps, ils ne nous chercheront sûrement plus... Les arguments se valent, je ne sais que répondre. Mais l'amour que porte à la personne en face de moi fait pencher la balance d'un côté.
- Si.
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