Chapitre 14 : Face de chien battu

Ces instants que nous partageons sont un moment d'évasion totale dans lequel plus rien ne nous entoure. À ce moment précis, un officier pourrait débarquer et je ne bougerai pas. Je viens d'obtenir ce que j'ai inconsciemment voulu depuis toujours. La fraîcheur de la nuit me fait frissonner malgré mon pull, mais peu importe. Je n'étais qu'un navire errant qui a enfin réussi à poser l'ancre. Ce paradis s'atténue néanmoins lorsque nous nous séparons. Personne ne dit rien et je me serre contre Kira avant de fermer les yeux. Lorsque je les réouvre, nous sommes dans sa chambre. Le reste de la soirée se déroule sans qu'aucune de nous ne s'éloigne de l'autre. Finalement vient l'heure pour la jeune fille de se coucher et j'entame le chemin vers mon compartiment lorsque je sens sa main s'accrocher à la mienne et me retenir.

- Reste, me murmure-t-elle.


Je suis heureuse qu'elle m'ait demandé ça. Elle m'attire contre elle et me serre dans ses bras avant de me prêter un grand sweat à capuche avec une poche kangourou (vivre avec une princesse requiert un certain vocabulaire au niveau des vêtements, même avec Kira). Il m'arrive jusqu'à mi-cuisses, amplement suffisant pour dormir. La jeune fille m'entraine vers son lit et nous nous allongeons toutes les deux sur le large matelas. Je n'ai jamais dormi dans un lit, encore moins avec quelqu'un. Je me mets dos à elle et elle passe ses bras autour de ma taille avant de se rapprocher de moi. Je ferme peu à peu les yeux et laisse le sommeil m'emporter.


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Je sens le soleil contre ma peau et ouvre petit à petit mes paupières. Je me remémore petit à petit les évènements de la veille. Mes joues se colorent d'un joli rose et j'essaie de me retourner pour voir Kira sauf qu'il se trouve que j'ai bougé durant la nuit et que je suis maintenant face à elle. Je réfléchis de nouveau à ce qu'il s'est passé hier. Il y a tellement de choses que je n'ai jamais faites, que je ne pensais jamais pouvoir faire, et ressentir de l'amour était tout en haut de cette liste, juste avant le fait que quelqu'un ressente ça pour moi. Je ne sais que faire. Je suis heureuse, mais je n'ai aucune idée de la façon dont je dois me comporter. Je suis tirée de ma réflexion par Kira qui bouge. Son visage magnifique est à présent troublé par une expression bizarre. Elle grimace avant de baisser la tête et une larme perle sur sa joue... ?

- Eh, Kira, ça va ?

- Je...

- Qu'est-ce qu'il y a ?!

- J'ai... J'ai dormi dans une position à la con et j'ai mal au dos, répond-t-elle en faisant de grands mouvements de bras telle une comédienne de drama.


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Je reste impassible, tournant le dos à la tête de chien battu de la princesse.

- Méoraaa...

- Et dire que je me suis inquiétée pour toi.

- S'il te plaît...

- J'ai gaspillé de la salive pour te demander ce que tu avais...

- Je suis désolééée...

- Je comprends pas pourquoi je t'aime.

- Mais c'était vraiii...

- Franchement, t'es irrécupérable.

- Attends, attends, attends, t'as dit quoi ? me demande-t-elle.

- Que t'es IRRÉCUPÉRABLE.

- Nan mais avant.

- Que je sais pas pourquoi je t'aime.

- Oooooh...

- Arrête de faire cette tête pathétique qui ne changera en rien le fait que tu m'énerves.

- Tu m'aimes ?

- Bien sûr que oui, face de chien battu.

- Je pensais pas que derrière ton calme se cachait un si mauvais caractère.


Je me tourne et embrasse Kira pour la faire taire ce qui a le don de fonctionner.

- Je n'ai pas un mauvais caractère. Je n'aime pas avoir peur inutilement, c'est déjà suffisamment dérangeant dans les contextes qui y sont propices.

- Compris chef. Sers-toi dans le dressing pour t'habiller, tu devrais trouver des choses à ta taille au fond.

- Mais ton père va littéralement me tuer si je ne porte pas mes vêtements habituels.

- T'inquiète pas, je m'assurerais qu'il ne le fasse pas. De toutes façons, il a lui-même dit que tu es sous ma responsabilité, donc ça ne le regarde pas. Tant que tu évites de le croiser ça va. Et puis je ne considère en aucun cas comme une servante donc...

- ...? Je suis quoi pour toi alors ?


Je sens que c'est encore quelque chose d'évident que je ne connais pas, ça m'énerve.

- Bah, t'es ma copine... tu veux pas ?

- Si, si !


Fais comme si tu savais, tu chercheras la définition plus tard. Ça a l'air d'être une bonne chose de toute manière. Je me dirige donc, comme elle m'a dit, dans le dressing et trouve en effet au fond, des tiroirs avec écrit dessus "trop petit". En farfouillant un peu, je trouve des vêtements comme j'ai toujours voulu en porter. Un pantalon kaki (le vocabulaire de la mode), une chemise large blanche à manches courtes et des grandes chaussures (il y a écrit 39 en dessous, pourtant, mes pieds ne font pas 39 centimètres ni 39 millimètres, les humains ont une drôle de façon de mesurer leur pied, c'est énervant). Je les enfile donc avant de sortir de la pièce. Je natte mes cheveux et enfile une paire de mitaines. Kira se retourne et me détaille de la tête aux pieds.

- Ça te va super bien, je savais pas que tu aimais porter ça.

- Il y a pas mal de choses que tu ne sais pas de moi, je réponds en souriant.

- Et j'ai bien l'intention d'en apprendre le maximum.

- J'ai hâte de voir ça.


Je m'approche d'elle et me hisse sur la pointe des pieds pour lui coller un baiser sur les lèvres avant de sortir de la chambre pour aller chercher mes "affaires" dans mon compartiment car la princesse m'a gentiment fait comprendre que je n'y dormirai plus. Je me dirige donc vers la petite pièce et ramasse le petit sac contenant la blouse que je portais en arrivant ici, et les différentes robes que j'ai dû porter au château. Je prends également mon matelas et ma couverture avant de rejoindre Kira. Elle me regarde longuement déambuler dans la pièce et poser mes affaires dans un coin et m'asseoir dessus. Elle se tape la tête avec la main.

- Ah, non, non, non. Tu dors avec moi. Pas le sol, MOI.

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