XVI

Hyacinthe se dévoila

Grand océan, archipel pirate

Ses mots résonnaient dans toute la taverne. Surtout un.

Immortel.

Le silence était de plomb. Surtout auprès de la partie adverse. Que faire quand la vermine est incapable de mourir ?

Rien.

Cette réalité était irréversible, rien ne pouvait l'empêcher. Le sacrifice d'une vie était une marque indélébile, personne ne pouvait plus rien faire, pas même un dieu. Elle était inéluctable. Personne en face ne pouvait rien contre elle à moins de l'entraver.

De leur côté, le choc plus intense était auprès de Faveur. Elle n'avait rien vu venir. Naos devait s'en douter, elle l'avait fait comprendre à Le Roux. Lui qui connaissait bien les capacités de la classe de mage de Aurel. Elle avait expliqué en quelques mots à Météore. Puis pour ce qui était des anciens matelots de son père, il n'y avait pas de question à poser, il avait suffi d'un regard.

– C'est impossible... Souffla l'amiral.

Elle regarda d'un air vide le chef de cette bande de chien. Ils la dégoûtaient à se croire si supérieur et meilleur, comme s'ils avaient tout gagné déjà. Pourtant la victoire était occupée à glisser de leur main. Météore avait raison, ils avaient fait une grave erreur. L'esprit rationnel de la jeune serveuse peinait à tenir debout. La bascule dans les tumultueux ténèbres qui l'entouraient approchaient. Sa respiration était lente, une impression de mort l'entourait et ses pas vers celui qui avait ordonné son exécution était lent et pesant.

Son regard fixait l'amirale encore assis sur son siège.

Il l'avait tué.

Non, ce n'était pas lui.

C'était cet homme.

Son regard se figea sur son bourreau. Ses yeux ne semblaient plus vouloir cligner. Ses yeux naviguèrent jusqu'à la lame ensanglantée. Le métal était recouvert de son sang. Ce rouge venait d'elle. Il avait osé la transpercé !

– Hyacinthe !

Son esprit s'éclaircit un court instant alors que sa main se tendait vers l'homme qui venait de la tuer. Le bout de ses doigts tendu dans sa direction palpitait. Elle lui en voulait à mort. Sa disparition serait son salut.

– Il doit mourir, il va mourir.

Sa voix était glaciale, sa vengeance était proche. Il allait payer de sa vie.

Soudain le corps de l'homme se contorsionna, cela n'avait plus de sens, ses mouvements étaient saccadés et incohérents. L'air semblait lui manquer. Puis, enfin, il hurla en s'effondrant au sol avant de rendre son dernier souffle.

– Un mage de sang ! Fit un autre soldat totalement effrayé.

Elle se tourna vers ses amis. Météore était d'un calme olympien, le menton posé sur ses mains emmêler, les choses étaient sous son contrôle pour lui. L'improvisation était l'allié des pirates, il gérait tout. Sa fille se tenait toujours son rôle mais son air blasé avait disparu en partie, les yeux de Faveur brillaient d'étoiles. Elle ne changeait pas mais sa main était proche d'un de ses pistolets. Naos veillait sur son capitaine pendant que Le Roux était prêt à contre-attaquer. Il était toujours aussi vif, son sang-froid l'empêchait de tout réduire en cendre. Théon avait pour sa part ses yeux qui brillaient d'un bordeaux profond. Premier signe de magie bien que caché par ses mèches noires. De ses doigts émanaient la magie même qui venait de l'aider à tuer le soldat.

La discussion était un échec total.

Personne chez eux n'avait espoir de gagner cette mascarade. En face, ils les voyaient déjà rendre les armes et remettre le mage de vie. Les pirates étaient en effet au fond du trou. Mais si loin... Tellement que personne n'avait vu le coup arrivé. La dernière chance, était-ce ce que voulait Nébuleuse ?

Si Saphar continuait comme ça, ils gagneraient définitivement sur eux.

L'amiral allait étendre sa flotte et réduire à néant la cité des pirates. Cap Fortune se verrait vider de toute sa vie. Elle vit rouge à nouveau et au moment où elle voulut agir, trois coups de fusil furent lancés.

Trois balles, l'épaule, la poitrine, le ventre.

Son esprit avait pris trop de temps à réfléchir, ou plutôt à se perdre dans les tumultes de ses obsessions. Elle recula de quelques pas sous le choc. Ses mains recouvrirent instantanément ses plaies. Elle cria de douleur l'instant suivant.

– Monstres !

– C'est toi le monstre, fille d'Aurel.

Elle se redressa en tremblant ses mains recouvertes de son sang qui coulait. Fini de se prendre la tête ! Fini les bonnes manières ! Fini de vouloir rester neutre ! Fini d'épargner des vies ! Il voulait voir du monstre ? Il allait être servit !

Théon s'occupa de ses blessures pour qu'elles arrêtent de saigner et progressivement se soigner. Il était meilleur qu'à l'époque.

La jeune fille traça simultanément de son index et majeur deux lignes parallèles à l'intérieur de chacun de ses avant-bras en partant du coude à sa main et en traça de son petit doigt une coupure sur ses poignets. Son aura magique changea. Elle traça les mêmes signes sur ses yeux ensuite, leur donnant leur couleur dorée. Puis appliqua sur les côtés de son crâne des signes similaires laissant apparaître des fines mèches d'or.

– Attrapez la !

Deux soldats foncèrent vers elle, elle ne bougea pas et se contenta de souffle :

– Mort.

Les deux tombèrent au sol tel de poids. La vie les avait quittés et rejoints ses mains. Elle passa au-dessus des cadavres et étendit sa main vers un autre qui tremblait comme une feuille morte. Sa magie dorée retira lentement toute vie à ce dernier. Elle tourna son regard vers l'amiral.

– Vous vouliez le mage de vie, me voilà. Courez si vous ne voulez pas finir comme eux...

L'amiral Jared regarda sa garde étalée au sol. Il n'y avait plus aucun souffle de vie. Hyacinthe lui tournait le dos, elle s'avançait vers les autres pirates.

– Je me charge d'eux, roi des pirates.

Météore plongea son regard dans celui de leur dernier ennemi debout. Elle était cruelle quand on lui rappelait sa condition mais encore plus quand on touchait à ceux qui lui était chère. Il se redressa et posa ses coudes sur la table en nœud ses doigts. D'un air calme et tranquille, il y posa sa tête et sourit à son adversaire. La partie était gagnée. Ils avaient sorti Hyacinthe de sa grotte.

– Pas de quartier.

Elle approuva d'un mouvement de tête et sortit suivit de Théon.

– Vous avez perdu amiral Jared. Les trois jades viennent de ressusciter grâce à vous, vous ignorez combien vous me faites plaisir.

Au Nord et à l'Est, se trouvaient des forces destructrices qui n'allaient jamais plus loin que leur archipel pour dire. Une personne seule suffisait à éloigner les menaces. Si Hyacinthe avait ce potentiel, elle refusait de l'appliquer. Mais tous les anciens qui l'avaient connue savaient qu'elle pouvait ôter la vie d'un claquement de doigt.

– Vous feriez mieux de vous dépêcher, mon ami...

– Elle ne quittera pas le port !

– Oh, vous savez, un équipage composé uniquement de mages peut faire des miracles...

Il se leva.

– Je vous souhaite de survivre à la tempête qui approche...

Le roi des pirates sortit de la taverne suivit des trois derniers.

– Est-ce une bonne idée ? Demanda Naos.

– Cela devait arriver. Hyacinthe devait s'en douter. Bien qu'elle cache habituellement ses aptitudes, on fait toujours des erreurs et elle en avait fait une en examinant Era... Enfin d'après ses dires.

– Hyacinthe ? C'est vraiment elle le mage de vie ?

– Elle est encore plus têtue que toi ma fille... Le Roux, tu la connais mieux que n'importe qui.

Le rouquin allongea son pas pour avancer aux côtés de Météore. La barque n'était plus si loin déjà.

– Vous aussi... Vous avez réussi à la pousser hors de son confort.

– Je sais que c'est mal, pire même : une mauvaise idée. Est-ce que tu l'as déjà vue dans cet état ?

– Elle tient de sa mère de ne jamais lâcher la corde avant d'avoir gagné. De son père, elle tient son esprit affûté. Elle savait que vous alliez l'utiliser d'une manière ou d'une autre, et si c'était pour le bien de plus grand nombre, elle fera le sacrifice. Tant que cela reste dans le camp des justes selon elle. Ça aussi c'est de son père...

Il l'avait bien connu. C'était quelqu'un de fiable qui ne changeait pas d'avis comme de chemise. Peut-être trop droit dans ses bottes. Il voulait aider le monde, alors il était devenu un mage de vie. Seulement, s'il pouvait sauver les autres, Aurel était désormais pourchassé pour sa magie. Cela l'avait emmené à devenir un pirate vite célèbre sans que personne ne le sache. Quand il était petit, Le Roux ne comprenait pas pourquoi son parrain était poursuivi, il ne comprenait pas jusqu'où cela pouvait aller. Mais il comprenait pourquoi après le massacre de Hyacinthe.

Son parrain avait sauvé la brune, elle lui avait fait comprendre. La vie éternelle. C'était du grand art. Une magie oubliée qui n'était pas sans conséquences. C'était bien pour cela que Hyacinthe avait insisté auprès de leur soigneur : la magie finit toujours par avoir des conséquences. Même les moindres flammèches qu'ils créaient n'étaient pas sans importance. Le risque était toujours présent. Mais ce n'était pas aussi dramatique que pour d'autres.

Un mage jouait avec la corde fine, dans un équilibre précaire qu'il devait maintenir et surtout maîtriser. À tout moment, un incendie était déclenché de ses mains, un ouragan de vent puissant pour Wu, le sang sortait des corps avec Théon, ou encore la vie disparaissait. C'était Hyacinthe la pire de tous.

– Comment c'est arrivé ? Demanda Faveur.

– De ? Il lui répondit.

– Qu'elle soit...

Sa gorge se nœud rien que d'y penser. Avait-il le droit de lui en toucher deux mots ? Il n'en savait rien, celle qu'il aimait était jusqu'à présent si discrète. Mais c'était terminé, elle était réveillée définitivement pour le malheur de tous. Ses angoisses étaient toujours présente mais sa réaction prenait une forme terriblement différente.

– Parles lui de Aurel affirma Météore devant eux.

Il prit contenance.

– Le père de Hyacinthe ?

– Il était capitaine comme tu le sais... Il est devenu pirate après avoir été découvert. C'était un mage de vie.

– Il est donc traqué pour sa magie, conclu la jeune capitaine. Mais pourquoi ses mages là en particulier sont visé de la sorte ?

– Pour ce qu'ils peuvent faire. Quel roi ne rêve pas d'être immortel ?

Puis il suffisait de voir comment Hyacinthe pouvait éliminer quelqu'un en un mot.

– Ce n'est pas très étonnant, elle approuva.

– Hyacinthe va avoir des ennuis à tous les coups. Imagine pour rendre immortel, il faut que le mage de vie sacrifie sa propre vie.

Faveur se figea un instant comprenant tout ce que cela entraînait. Aurel avait sauvé sa fille en lui donnant l'immortalité au prix de sa vie. Le sacrifice ultime, pas étonnant qu'elle n'en parle pas.

– Beaucoup prendrait la tête...

– C'est un fardeau de son point de vue. Je la connais depuis toujours, elle est trop rationnelle.

– Rationnelle ? Tu rigoles ?!? Le Roux, on vient de la voir tuer de sang-froid.

– C'est sa nature la plus profonde, il répondit.

Ses sourires étaient sincères, elle ne désirait qu'une vie simple et l'obtenait. Mais sa nature de mage de vie était de protéger les siens. Voilà pourquoi elle avait dû probablement aider un tant soit peu Era, il savait que l'épouse de Météore aurait dû mourir bien plus tôt. Mais elle était toujours là.

– Tu ne vas pas le faire croire que ma sœur de cœur est le mage terrifiant qui aurait tué quiconque le dérange ?

– Elle vient de le faire Faveur, tu l'as dit toi-même. Hyacinthe a tué de sang-froid des soldats de Saphar.

Ils arrivaient à leur embarcation. Hyacinthe était occupé à aider Théon à lancer leur départ dès qu'ils arriveraient. Son visage était fermé et dur, il n'y avait pas cette appréhension qu'elle avait lors de leur départ. Non, c'était la deuxième face qu'elle cachait toujours soigneusement. Le Roux avait appris à y faire face, ce n'était pas une première mais peut avait survécu à sa colère glaciale. C'était un trait de famille qu'elle avait hérité de son père.

Il se pencha vers Faveur :

– Regardes bien ses yeux, ce regard, est-ce que tu crois qu'elle va se gêner pour les anéantir ? Est-ce que tu la trouves toujours aussi gentille ?

– Non, elle fit.

Faveur était en état de choc. La fouineuse qu'elle était n'avait pas vu venir le coup. Cela faisait mal à son égo et puis elle découvrait une facette bien plus sombre.

– Je te présente la pirate Hyacinthe. C'est comme ça que je l'appelais quand elle passait dans cet état.

– Donc ce n'est pas nouveau...

Mais ils arrivaient à leur hauteur et ainsi le restant était pour plus tard. Ils montèrent dans la chaloupe en se mettant d'accord sur le fait qu'il fallait rentrer au plus vite.

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Demain :

Dans toute son horreur...

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À demain 9h pour la découvrir la suite ❣️

Bizzz
Anarsis ❣️