2.
« Hé toi, là-haut ? »
Louis sursauta, son corps devenant raide.
Il était à nouveau au bord du pont, la semaine ayant été trop dans son ensemble, même avec les bons moments ici et là. Il en avait juste besoin, d'une certaine façon, s'assoir sur le pont et regarder la rivière sombre l'aidaient à ressentir ce dont il avait besoin, comme s'il jetait à l'eau une bouteille pleine de ses émotions et les observait disparaître. C'était juste... réconfortant.
Ça faisait une heure qu'il était assis dans un silence presque complet. Il y avait les habituels brames des cerfs, le chant des oiseaux et au loin, il y avait le bruit de la circulation venant de la nuit d'Halloween animée. Pas de voix, cependant. Pas du tout.
« Hé oh ? » entendit-il à nouveau et, quelque part dans le fond de sa tête, il pensa que ce n'était pas réel.
« Ecoute, » soupira la voix, « je sais que t'es là-haut, Louis. Je peux voir les semelles de tes chaussures. Il y a un smiley sur celle de gauche – bien que je ne puisse pas réellement le voir à cet instant parce que t'es un peu trop haut – mais, t'es là. »
Louis déglutit puis cligna des yeux. Pendant la dernière heure, il n'avait fait que revoir la façon dont Harry lui avait souri dans le couloir plus tôt dans la journée, ainsi que ce qu'il s'était passé un an auparavant lorsqu'il avait été collé à son torse en train d'haleter dans sa jolie bouche.
« Est-ce que tu descends ou je vais devoir monter là-haut ? Je te fais juste savoir que je suis très maladroit et que j'ai aussi un peu le vertige, alors je n'ai pas envie de devoir le faire, mais je le ferai. »
Il y eut une pause, le seul bruit était le vent froid faisant bruisser les arbres et le courant de la rivière en contre-bas. Louis ne pensait qu'il était aussi stupide – pour grimper jusqu'ici pour un garçon qui ne l'avait jamais appelé. Il n'y avait pas moyen qu'il le fasse, c'était dangereux et stupide, et il devait bien ressentir un peu d'amertume envers lui pour ce qu'il lui avait fait. Du moins, c'était ce qu'il espérait. Il pensait que ça soulagerait sa conscience si c'était le cas.
« Très bien, alors, » dit le garçon, soupirant fortement, clairement et de façon forcée.
Les yeux de Louis se fermèrent et il dit, « Tu n'es pas obligé de monter, je vais bien. »
« Tu descends, alors ? »
Louis déglutit, ses yeux fermement clos. « Pas tout de suite. »
« Eh bien, je vais monter, alors. »
Le grincement distinct du garçon montant l'échelle de fortune, que Louis avait lui-même grimpé une heure auparavant, résonna à travers la pénombre.
Le cœur de Louis loupa un battement.
« Oh merde. Ça fait vraiment peur, » dit le garçon et Louis eut envie de lui crier de s'arrêter, de redescendre. Il avait également envie de le prendre dans ses bras et lui dire de pas être aussi stupide, lui dire qu'il l'aimait. « Si je meurs, c'est de ta faute. Putain de merde – ne regarde pas en bas, ne regarde pas en bas. »
Le bruit cessa. Un nouveau put être entendu, un pleurnichement.
« J'ai regardé en bas et putain – t'es aussi responsable d'avoir ruiné mon jeans. »
Louis rigola, un vrai rire. Il fut un peu étouffé et un peu désespéré, mais il était sincère et c'n fut ridicule.
« Ça ressemblait à un son joyeux. »
Louis pouvait entendre le sourie dans sa voix et il garda ses yeux fermés, espérant peut-être que ça l'aiderait à se ressaisir pour le moment inévitable qui arrivait.
« Lou, » dit le garçon, à bout de souffle, « salut. »
Louis inspira de façon tremblante par le nez, sa poitrine frémissant lorsqu'il expira. Il sentit le garçon bouger à côté de lui et probablement s'assoir. Puis, un bras s'accrocha au sien, une main agrippant son avant-bras.
« Je – j'ai vraiment la trouille, alors – alors je vais juste, » Louis sentit le garçon serrer son bras et glousser avec anxiété, « j'vais juste me tenir à toi. »
Louis hocha de la tête après un moment, se concentrant pour contrôler sa respiration.
« Alors, » entendit Louis après quelques minutes d'un silence tendu, « c'est agréable d'être à nouveau aussi proche de toi. Je n'apprécie pas vraiment le froid et le noir ou, tu sais, la partie avec le pont, mais je vais prendre ce que je peux avoir. »
Il y avait de l'humour teinté dans la voix profonde du garçon et Louis ouvrit finalement ses yeux et croisa les siens – ceux de Harry. Il avait un chignon dans les cheveux et, eh bien, son visage était peint en blanc.
« Qu'est-ce que t'es supposé être ? » laissa-t-il échapper.
Harry sembla timide pendant un moment, bougeant légèrement ses fesses pour être plus à l'aise. « Je suis un fantôme, » dit-il doucement.
Louis haussa un sourcil amusé et Harry lui sourit, étant très loin d'être effrayant.
Louis détourna son regard pour éviter de l'embrasser.
Ce fut silencieux pendant un, deux, trois...
« Alors, » commença Harry, comme plus tôt, « est-ce que tu prévois de sauter ou t'apprécies juste la vue ? »
Louis ignora sa question et demanda, « Pourquoi est-ce que tu passais par ici ? »
Harry soupira profondément, trouvant un intérêt aux lignes sur le pull de Louis qu'il retraça avec le bout de ses doigts tremblant. « Ma maison est par ici, » dit-il, presque tristement, « peut-être que si tu m'avais appelé durant l'année qui s'est écoulée, tu l'aurais su. »
Louis tressaillit mais refusa de le reconnaître. « Tu passes par cette route tous les jours ? »
« Ouep. »
« C'est sombre. »
« Je ne suis habituellement pas dehors aussi tard. »
« Pourquoi t'es dehors à cette heure ? »
« J'attendais que la fête de Nick commence, » répondit-il.
« Et pourquoi tu n'es plus là-bas ? »
Harry rigola doucement, secouant sa tête. Il détourna son regard. « Tu n'étais pas là, » dit-il, comme si c'était un petit secret évident.
Le cœur de Louis se serra. Il ne savait pas comment répondre. Il inspira puis demanda doucement, malgré chaque fibre de son corps lui disant de ne pas le faire – ne sois pas un connard.
« Est-ce que tu penses vraiment que je t'aurais parlé si j'avais été là ? »
Ce fut silencieux et Louis regretta d'avoir dit ces mots dès que ce fut fait. Après un moment, il entendit Harry déglutir.
« Non, » répondit-il, sa voix triste mais franche, « mais je sais que t'en aurais eu envie. »
Louis ferma ses yeux, ses sourcils formant une ligne. Il détestait tout ce que Harry arrivait à voir, il détestait être aussi transparent pour le garçon. « Est- que tu – tu m'as déjà vu, avant ce soir ? »
« Ici ? » demanda Harry. Louis hocha de la tête. « Ouais, » soupira-t-il, « la première fois, j'étais en retard pour faire mes devoirs, du coup j'étais en retard pour amener des patates douces à ces petits faons qui ont perdu leur mère – elle a été heurtée par une voiture sur la route, je lui ai fait des funérailles, je l'ai enterré et j'ai fait une petite croix et tout – et bref, » Louis l'observait alors qu'il prononçait lentement ses mots d'une voix traînante, radotant, « Je t'ai vu grimper et – je sais pas, je t'ai en quelque sorte regardé jusqu'à ce que tu redescendes, tu vois, pour m'assurer que tu redescendais vraiment. »
Louis déglutit puis hocha de la tête.
« Ensuite, la deuxième fois, je rentrais de l'épicerie et j'ai vu ton pick-up garé au bord de la route. Alors j'ai pris mon petit chemin le long de la rivière et je t'ai à nouveau regardé, » rigola nerveusement Harry, « c'est un peu louche à dire à voix haute. »
« Pas d'autres fois ? » demanda-t-il doucement.
Harry fronça ses sourcils, « Il y a eu d'autres fois ? »
Louis décida d'ignorer ça, respirant profondément. « Qu'est-ce qui a fait que tu as dit quelque chose cette fois ? »
Harry tiqua. « T'étais bizarre ces derniers temps, genre en cours et tout. Je – je t'observe aussi là-bas, » il rigola à nouveau nerveusement, « après la première fois, j'ai en quelque sorte pensé que, genre, peut-être que t'étais tombé malade d'être resté assis ici aussi longtemps dans le froid, mais – mais ce n'est pas ça. »
« Qu'est-ce que c'est, alors ? » demanda Louis, un peu défensivement mais sans agressivité.
« A toi de me le dire, » dit Harry, le regardant.
« J'en suis pas encore vraiment sûr. »
Du coin de l'œil, il vit Harry hocher de la tête d'un air pensif. « Tu sais que j'ai sauté de ce pont ? C'est pour ça que je suis un fantôme. »
Louis le regarda, grognant et haussant un sourcil, pas amusé.
« En tant que fantôme, je dois t'avertir de ne pas faire ce que j'ai fait, » expliqua-t-il, le plus petit des sourires sur son visage.
Louis roula ses yeux. « Tu n'es pas un fantôme, Harry. »
« Oh mais si ! » dit-il, enthousiaste et mignon, « Je suis le fantôme qui hante cette ville ! »
Louis commença à sourire, alors il détourna son visage pour le cacher. « Les fantômes n'ont-ils pas besoin de genre – remplir une mission pour passer de l'autre côté ? »
« Oui ! » dit Harry, ses yeux s'écarquillant comme s'il n'y avait même pas pensé jusqu'à ce que Louis le dise, et maintenant il allait l'utiliser à son avantage, « oui, ils doivent le faire ! »
Louis le regarda à nouveau et haussa un sourcil.
« Et tu es la mien. »
Louis rougit de façon inattendue, fronçant ses sourcils. « Euh, quoi ? »
« T'es ma mission inachevée, » déclara Harry, comme si c'était la chose la plus facile à dire et la plus évidente au monde.
Louis baissa son regard. Il pouvait sentir qu'il recommençait à trembler alors que la honte inondait tout son corps. Il renifla, déglutit et espéra que Harry ne puisse pas sentir ses tremblements, puis il dit :
« Je ne t'aime pas comme ça, Harry. »
« Tu vois, » commença Harry, Louis pouvait entendre le sourire dans sa voix, « je crois que tu mens, là. »
Louis serra ses dents. Il déglutit. Si quelqu'un ici était un fantôme, c'était lui, tellement transparent.
« Je sais que tu m'aimes bien, Louis, » dit doucement Harry, « tout comme tu sais que tu as toujours mon numéro sauvegardé dans ton téléphone, exactement comme je l'avais enregistré. »
Louis sentit les larmes lui monter aux yeux, parce que Harry avait raison. Si foutrement raison. Il l'aimait bien, il l'aimait foutrement beaucoup même. Il avait toujours son contact complètement inchangé, connaissant le numéro par cœur à cause toutes les fois il avait débattu pour savoir s'il devait ou non l'appeler.
Louis ne pouvait plus protester à ce stade. Il déclara donc, « Je ne peux pas être avec toi. »
La tête de Louis était penchée en avant, ses yeux fermés pour empêcher les larmes de couler. Une main toucha doucement son visage, le pouce de Harry traçant sa barbe de trois jours le long de sa mâchoire. « Si, tu peux, » murmura-t-il, comme si Louis était idiot de penser qu'il ne pouvait pas.
Ça faisait tellement mal, tout cela. Il pencha contre la main de Harry et chuchota, « Je ne peux pas t'aimer comme tu le mérites. »
La main de Harry se déplaça jusqu'à son menton et il releva son visage. Louis tourna sa tête pour croiser le regard de Harry et ce dernier demanda, « Et quel genre d'amour je mérite ? »
Louis avait répété tellement de mots et de pensées dans sa tête à ce sujet, essayant de trouver une façon logique d'expliquer pourquoi il se refusait quelque chose qu'il voulait et pouvait avoir.
« Un amour fort et ouvert, » dit-il en déglutissant, il ferma ses yeux parce qu'il ne voulait pas que Harry voie la honte, « qui n'a pas peur d'être montré au monde entier. »
Harry rigola doucement, retirant sa main du vissage de Louis pour aller se tenir à son bras, « C'est l'amour que tu penses que je veux, alors ? »
Et l'esprit de Louis se vida, complètement, totalement. Il ouvrit ses yeux et croisa à nouveau ceux de Harry. Il fronça ses sourcils et essaya de trouver quelque chose dans le regard de Harry qui disait, 'Oui ! Oui ! Je veux de l'extravagance ! Je veux des feux d'artifice, une fanfare et une déclaration d'amour tellement forte que le monde entier l'entendra ! Le monde entier sera que je suis à toi et tu es à moi !'
Il ne trouva rien. Il ne pouvait pas. Il n'y avait rien dans les yeux verts de Harry.
Il détourna son regard, ses sourcils froncés.
Harry bougea sa main pour venir l'enrouler autour de l'avant-bras de Louis puis la poser sur sa main, provoquant un frisson qui parcourut tout le corps de Louis.
« Outside the rain is tapping on the leaves, » chanta doucement Harry, sa voix profonde et parfaite, « to me it sounds like they're applauding us, the quiet love we've made. » (ndlt : Dehors, la pluie tape sur les feuilles, pour moi c'est comme si elles nous applaudissent, l'amour silencieux que nous formons.)
Louis sentit une vague d'émotion former une boule dans sa gorge et il essaya de l'avaler. Son corps lui criait de s'allonger et de respirer profondément. Il regarda Harry à la place.
« Quoi ? »
« C'est une chanson, » il regardait l'horizon, « de Ray LaMontagne. »
Louis ne sut pas quoi répondre, alors il ne fit pas. A la place, il se redressa, la main de Harry au-dessus de la sienne qui tremblait. Il y avait une pulsation dans la paume de Harry qui tambourinait à travers sa peau et le long de ses veines. C'était chaleureux. C'étaient des émotions qu'il avait ignorées, des sentiments qu'il avait repoussés. Sa résistance était en train de se briser.
« C'est quoi la dernière chanson que t'as écoutée » demanda Harry, le regardant curieusement, « avant, tu sais, de venir ici ? »
« The Storm de The Airborne Toxic Event. »
Harry cligna des yeux, faisant une grimace de considération adorable, puis il dit, « C'est une bonne chanson. Je les aime bien, » il fit une pause et rigola maladroitement, « après que – après que je me suis rendu compte que tu n'allais pas m'appeler, j'ai écouté une de leurs chansons en boucle, pendant genre, très longtemps. »
Louis déglutit. « Quelle chanson c'était ? »
Harry le regarda et sourit à moitié, aucune honte dans sa confession. « Safe. »
Louis cligna des yeux. Il n'était pas vraiment sûr de laquelle c'était, beaucoup d'entre elles se ressemblaient. Cependant, il inscrit le titre sur une note mentale.
Après un moment de silence, Harry parla à nouveau et dit :
« Tu vois quand tu fais quelque chose, et que c'est vraiment bon ? Genre, tu crois que rien ne pourra jamais rendre cette chose en particulier encore meilleur. Ou j'sais pas, peut-être que tu gouttes à quelque chose et il n'y a pas moyen que quelqu'un puisse rendre cette nourriture encore meilleure, hein ? »
Louis fronça ses sourcils mais hocha de la tête.
« Ouais, et t'es sûr d'avoir goûté le meilleur de cette nourriture. Ou t'as ressenti le truc le plus fort pour cette chose, hein ? Ce qui est bien, genre, t'aimes ça et c'est tout. »
Harry rigola légèrement, serrant le bras de Louis, « Mais ensuite – un jour, t'essaies cette nourriture faite par quelqu'un d'autre, ou tu fais cette chose d'une façon différente ou avec quelqu'un d'autre et t'es juste genre 'mon dieu, c'est encore meilleur ! Pendant combien de temps ai-je loupé ça ?' »
Louis connaissait définitivement ce sentiment.
« C'est ce que t'es pour moi. »
Louis – Louis ne –
« J'ai embrassé une bonne poignée de personnes – garçons et filles – et bon Dieu, ce n'était rien par rapport à ce qu'il s'est passé avec toi. On a genre, une alchimie, » Harry sourit, baissant son regard vers là où il jouait avec les doigts de Louis. Ce dernier pouvait voir que ses yeux brillaient. « Quelque chose de vraiment spécial, je le sais. Juste – le simple fait de toucher ta main est comme trop et pas assez. C'est une sensation accablante mais c'est parfait. »
« T'étais mon premier baiser avec un garçon, » laissa échapper Louis, son cœur battant à la chamade, « mon seul, en fait. »
Les doigts de Harry se resserrèrent autour de la main de Louis. Celui-ci put le sentir, à quel point c'était bouleversant, à quel point c'était intense et féroce. Il expira de façon tremblante.
« Tu veux savoir quel genre d'amour je veux ? »
La réponse de Louis griffa désespérément sa gorge. « Oui, » dit-il d'une voix étouffée.
« Je veux un amour qui soit à moi. Un amour qui est genre, entre les draps, qui me garde au chaud la nuit, tu vois ? Un qui me rend à bout de souffle sans toutes les explosions et les déclarations. » Louis observa Harry, la façon dont il semblait si loin dans sa propre tête, « Je veux un amour qui me donne l'impression d'être chez moi, qui est réconfortant. Un amour où un simple regard soit suffisant pour me sentir en sécurité. »
Il prit une grande inspiration.
« Je n'ai pas besoin ni n'ai envie que le monde entier sache qu'une personne est à moi et que je suis à elle. Du moment que je sais qu'elle est à moi et à personne d'autre, je serais heureux. Tellement, tellement heureux. »
Les yeux de Louis commencèrent finalement à s'humidifier, l'air froid piquant sa peau à chaque larme qui glissait sur son visage. Il ne put pas les retenir plus longtemps.
Harry l'observa prudemment, Louis pouvait le dire à la façon dont son regard brûlait sa peau. « Est-ce que tu es heureux, Louis ? » demanda-t-il, tellement doucement.
Louis secoua sa tête, sanglotant. Harry serra sa main.
« J'ai peur. J'ai tellement peur, Harry. Tout le monde ici est si foutrement – » Louis lança en l'air sa main qui ne se trouvait pas sous celle de Harry, l'agitant devant lui, « et je suis si foutrement gay. Je le suis, bon Dieu, et – et putain, c'est la première fois que je le dis à voix haute, je crois. »
Louis rigola jaune, les larmes coulant le long de ses joues.
« C'est juste si foutrement difficile, cependant. J'ai tellement peur que même rien qu'en pensant à – à des garçons – les gens puisse – » Louis ferma ses yeux, « Je suis littéralement paranoïaque, putain, je pense que les autres vont être capable de deviner et – et, » il fit une pause, prenant une profonde respiration, « et je ne suis pas assez courageux pour assumer. Pas ici, jamais de la vie ici. Et j'ai honte de ça, de moi-même. Je suis un trop gros lâche pour m'aimer. Je – »
Harry serra sa main en signe de réconfort physique.
« Je suis un trop gros lâche pour même montrer à la personne que j'aime que c'est le cas. »
Il le murmura de façon si brisée. Tellement petit, fragile. Son cœur était comme éventré mais également extraordinairement plein, comme si c'était ce dont il avait eu besoin. Cette vulnérabilité.
Louis venait juste de déverser son cœur dans la rivière. Il l'avait laissé sauter hors de sa poitrine et tomber.
Ça lui fit du bien. Ça lui fit tellement de bien, comme un soulagement, comme s'il ne portait plus le poids du monde sur ses épaules.
Ça fit mal. Ça fit mal, mais la douleur était bonne et en valait la peine. Il le savait.
Comme une soudaine prise de conscience.
« Descendons, d'accord ? » murmura Harry. « J'ai envie de te prendre dans mes bras et – » il fit une pause, regardant Louis avec des yeux scrutateur, « et j'ai vraiment peur ici. »
« Fais attention, s'il te plaît, » chuchota Louis alors que Harry utilisait son épaule pour s'aider à se relever. Harry se figea et baissa son regard vers lui, attrapant l'un des câbles en fer, puis il dit :
« Toi, fais attention, c'est moi le fantôme entre nous deux ! »
Louis rigola tellement ce fut stupide. Bon Dieu. Ce garçon. Ce garçon qui était merveilleux et terrifiant en même temps.
Une fois que Harry fut au sol, Louis put sentir le changement dans l'air, à quel point tout semblait moins tendu. Comme si les émotions de Harry étaient comme des ondes pour Louis et qu'il en ressentait chaque fréquence. C'était tellement intense, et il n'y avait jamais assez de temps pour détecter une vague d'émotions parce qu'il y en avait toujours une autre arrivant.
Quand ses propres pieds touchèrent finalement le sol, il ne s'était jamais senti plus vivant et épuisé.
Il tremblait toujours. Putain. Mais les bras de Harry s'enroulèrent autour de lui et l'étreignirent, sa chaleur se répandant de façon rassurant dans ses os. Il fondit.
Harry le tint contre lui, là, sur la vieille route de campagne jusqu'à ce que son corps ne tremble plus et que sa respiration ne soit plus irrégulière. Harry le tint contre lui jusqu'à ce qu'il soit assez stable pour se maintenir debout tout seul, et même alors il ne lâcha pas.
« Allons chez moi, d'accord ? » murmura-t-il, sa respiration effleurant le cou de Louis et le submergeant.
Louis hocha de la tête, inspirant l'odeur de Harry.
***
Les feuilles craquaient sous leurs pieds alors qu'ils marchaient dans la pénombre. Louis sentait la fatigue s'installer dans ses os. Faible, fragile. Son corps se mélangeait à une lourdeur, faisant traîner ses pieds contre le sol. Sa main, cependant, était tenue par celle de Harry et c'était la seule chose qui lui donnait la force de ne pas se recroqueviller sur le ciment, pour s'endormir et échapper à l'émotion engendrée par son interrogation sur ce qu'il avait eu envie de se faire, de faire avec lui-même.
Harry était comme son doux rappel que tout allait bien. La chaleur de la main du garçon se répandait le long de son bras et à travers son corps ; un contact léger pour le rassurer. Louis ressentit une forme de compréhension à travers le battement du cœur de Harry, qu'il pouvait sentir dans sa paume – il ne donna pas une seule fois l'impression que Louis se trompait sur ses pensées, ses sentiments ou ses actions.
Tout va bien. Tout va bien. Tout va bien.
***
La maison de Harry était une ancienne ferme à deux étages. Quand Harry ouvrit la porte et le tira à l'intérieur, tenant toujours sa main, Louis pensa qu'il n'avait plus jamais envie d'expérimenter quoi que ce soit d'autre. Il n'avait plus jamais envie d'échapper à ce sentiment d'ouverture qui l'enveloppa simplement en entrant dans une maison avec la main de Harry dans la sienne.
« Harry, tu rentres tôt – »
Louis se figea en entendant la voix, sa main se détachant de celle de Harry.
S'échapper, disparaître, angoisser.
Harry ne le lâcha pas, cependant, et Louis regarda leurs mains puis la femme qui s'était redressée sur le canapé. Ça devait être la mère de Harry, elle était tout aussi belle que lui.
« Oh, tu dois être Louis ! »
Les yeux de Louis s'écarquillèrent, parce qu'évidemment les gens des alentours savaient qui il était mais là, non, c'était différent.
« Maman ! » geignit Harry. Louis le regarda et, sous le maquillage blanc sur son visage, il y avait un rougissement évident. Le rythme cardiaque de Louis s'accéléra.
« Je suis Anne, chéri, » dit-elle doucement, tendant sa main et Louis lâcha avec hésitation celle de Harry pour la serrer. « J'ai beaucoup entendu parlé de toi, ravie d'enfin te rencontrer. »
Louis déglutit, sa tête tournant à tout allure. « Vous n'êtes pas – euh – » Il cligna des yeux et regarda Harry, « quoi ? »
Les sourcils d'Anne se froncèrent et elle regarda également Harry qui avait cet air sur son visage, comme une phrase dans ses yeux, un léger avertissement.
« Oh, » dit Anne, une tristesse chaleureuse s'installant dans ses yeux. Elle sourit avec bienveillance et Louis sursauta quand elle le prit dans ses bras. « Ne t'inquiète pas pour ça. Tout va bien. »
Louis eut envie de pleurer quand il entendit ces mots. L'acceptation, la compréhension. Quelque chose qu'il avait toujours eu envie d'entendre dans sa vie.
A la place, il laissa échapper un soupir de soulagement tellement fort que Harry rigola un peu, bien que nerveusement.
« Maman, » Harry fit une petite moue, tirant la main de Louis. Sa mère gloussa doucement, se reculant. Tout à son sujet était comme être à la maison et réconfortant, juste comme Harry.
« Bien, » dit-elle, roulant ses yeux. « Je vais probablement aller au lit après une autre tasse de thé, vous voulez que j'en fasse en plus et le laisse sur le feu pour vous ? »
« Oui, s'il te plaît, » répondit Harry, tirant Louis vers les escaliers.
***
« Je vais prendre une douche en vitesse et enlever le maquillage, ensuite on pourra aller en bas, d'accord ? »
Louis hocha silencieusement de la tête. Il balaya du regard la chambre de Harry et capta la chaleur printanière qu'elle offrait. Les murs étaient violet pastel et le parquet en bois était sombre. Il avait une couette à l'imprimé foral ainsi que des taies d'oreiller assorties et sur le bureau en bois foncé se trouvait une pile de livres, un journal et d'autres choses comme un bouquet de marguerites et une tasse pleine de stylos.
Ses murs étaient vides, donnant l'air à la pièce être encore plus grande, sauf sur une toute petite zone sur le côté et en face du bureau où il y avait des post-it, des photos et des lettres accrochés dessus. La chambre était vraiment belle et vivante, révélant une grosse part de la personnalité de Harry.
« Est-ce que tu voudrais un jogging et tout ? » demanda Harry, surprenant Louis pendant son inspection de la pièce. Il tourna son regard vers lui pour le voir en train de retirer son long manteau noir.
« Si ça ne te dérange pas, » dit Louis.
« Bien sûr que non, » murmura Harry, semblant plus se parler à lui-même d'un air heureux qu'autre chose.
Il se baissa en avant, ouvrant un des tiroirs les plus bas de sa commande. Son haut remonta dans son dos et Louis s'étrangla.
« C'est – est-ce que c'est un tatouage ? »
Harry couina, retombant sur ses fesses et tirant son haut vers le bas. Son visage rougit vivement sous son maquillage blanc et il regarda Louis avec des yeux écarquillés et un sourire timide.
« Tu n'étais pas supposé voir ça, » murmura-t-il timidement. Il mordit sa lèvre et attrapa un jogging pour chacun.
« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Louis, sa voix rauque d'avoir pleuré.
« Euh, » Harry éclaircit sa gorge et se releva, « c'est un nœud. Je l'ai fait quand j'avais seize ans avec ma sœur. Tu ne l'as jamais rencontré parce qu'elle est restée vivre avec une amie proche dans la ville où on habitait avant d'emménager ici. »
Louis déglutit et hocha de la tête, il observa Harry alors qu'il s'approchait de lui puis se retournait, relevant son haut. Louis mordit sa lèvre à la vue du petit nœud délicat tatoué tout en bas du dos de Harry. Il était rose clair et pas très grand, peut-être cinq centimètres de long et deux de hauteur. Louis eut le souffle coupé.
« Je n'aime pas vraiment qu'il soit vu. Il est en quelque sorte... stupide ? J'sais pas, quand je l'ai fait je l'aimais bien mais, tu vois. »
Louis fronça ses sourcils. « Je l'aime bien, » dit-il, « il est mignon. »
Harry se retourna et sourit. « Merci. »
Louis hocha de la tête en toute sincérité, déglutissant tous les autres mots qu'il avait envie de dire.
Harry laissa échapper un gros souffle et posa les vêtements pour Louis sur le lit, le regardant à nouveau avec un petit sourire. « Je ne serai pas long, promis. »
« D'accord, » répondit Louis, l'observant se glisser dans la salle de bain et fermer la porte. Il détesta à quel point il se sentit loin du garçon, loin de lui-même.
Il entendit Harry retirer le reste de ses vêtements à travers la porte puis le robinet de l'évier être ouvert. Le bruit caractéristique de quelqu'un se brossant les dents.
Louis se sentit soudainement accablé par de la solitude. Elle se répandit partout en lui, le vidant. L'odeur de Harry l'entourait mais il ne pouvait le voir et ça semblait trop familier. Familier comme le voir mais ne pas être capable de lui parler, de le toucher. Harry allait être nu de l'autre côté de la porte en bois et il n'allait pas être capable de le voir.
Sa peau le démangea, un nouveau sentiment de honte s'infiltrant dans ses pores.
De la culpabilité.
Parce qu'il aurait pu appeler Harry. Il aurait foutrement pu. Il aurait également pu avoir plus de considération pour ce que Harry avait ressenti pendant tous ces mois. Il aurait pu facilement glisser de ce pont en jouant comme ça avec les frontières de la mort. Et Harry le savait.
Bon Dieu, Harry savait.
Avec la réalisation que Harry savait, ça le fit se sentir transparent, si vulnérable. Il ne voulait pas rester assis avec sa vulnérabilité, pas seul, il n'était émotionnellement pas assez fort pour ça. Pas encore.
Il se leva, marcha jusqu'à la porte juste au moment où l'eau du robinet se coupa et il toqua doucement.
Bon Dieu, il avait envie de voir la peau nue de Harry. Il voulait voir ce dont il avait crevé d'envie de voir pendant des mois, ce pourquoi il s'était mis dans tous ses états. Si c'était un péché alors il voulait brûler, et si c'était juste deux foutues personnes ensemble alors il voulait sentir la normalité, la justesse, il voulait sentir que ce n'était absolument pas mal parce que ce ne l'était vraiment pas.
« Lou ? » appela Harry.
« Ouais, euh, » Louis ferma ses yeux et déglutit, si embarrassé, « est-ce que – est-ce que je peux te rejoindre ? »
Ce fut silencieux pendant un moment. Louis retint sa respiration.
Il entendit les pas de Harry contre le sol se rapprocher, il entendit la poignée de porte se baisser quand sa main la toucha. La tête de Harry passa dans l'ouverture, ses cheveux à présent détachés et tombant négligemment sur ses épaules, ses boucles en désordre.
« Je suis nu, » dit-il, comme un enfant, avec une jolie moue. Rouge. Prudent.
« C'est – c'est pas grave, » soupira Louis, sa poitrine se serrant.
Harry ouvrit entièrement la porte et Louis pénétra à l'intérieur, ses mains jouant avec les manches de son pull. Harry retourna vers la cabine de douche et tira le rideau, mettant l'eau en route.
Louis se figea quand il s'autorisa finalement à regarder la silhouette nue de Harry.
Tout son corps devint douloureux à la vue de Harry devant lui. De ses douces hanches aux tâches de naissance décorant sa peau laiteuse en de petites rousseurs brunes – il n'y avait pas un seul morceau de lui que Louis ne trouvait pas absolument à couper le souffle. Ses petites fesses rebondies, le nœud tatoué, les poils bouclées joliment taillés en dessous de sa taille – les petites coupures et cicatrices qui jonchaient ses genoux, la façon dont ses cuisses se trémoussaient avec les pas qu'il faisait. Bon Dieu, il n'y avait rien qui n'était pas magnifique chez lui.
Il était juste tellement beau et Louis le dit d'un ton timide et haletant.
Bien qu'il fût un peu gêné de le dire, il en fut heureux parce que la réponse de Harry en valut la peine. Ses joues devinrent rouges sous le maquillage blanc, la couleur rosée se répandant jusqu'à son torse. Il sourit, baissa pudiquement sa tête et repoussa ses boucles derrière une de ses oreilles.
« Merci, » murmura-t-il.
Louis déglutit puis hocha de la tête. Il commença à retirer ses vêtements.
Lorsqu'il fut nu, nerveux et se sentant entièrement exposé, à la fois mentalement et physiquement, il croisa le regard de Harry et découvrit qu'il était en train de le fixer. Ce fut grisant, la sensation qu'il ressentit, c'était si explicitement bon, tellement intense. Parce que, même si Louis savait qu'il était attirant, ça n'était pas comparable à la sensation d'avoir le souffle coupé qui venait avec le fait de se sentir attirant, grâce à la façon dont quelqu'un vous regardait.
C'était irréel.
Finalement, Harry releva ses yeux et croisa le regard de Louis. Il rougit, détournant ses yeux.
Quand ils entrèrent dans la douche, Harry tirant le rideau et laissant Louis passer en premier, ce dernier enveloppa ses bras autour de son corps sous le jet d'eau et murmura, « J'ai juste pas envie de rester seul pour le moment. »
Harry n'hésita même pas, il enroula immédiatement ses bras autour de Louis et le tira contre son torse. Fermement et chaleureusement, il le tint dans ses bras et Louis éclata en sanglots. Sa tête lui faisait mal avec toutes ces pensées qui tournaient trop rapidement pour les saisir, pour avoir une signification.
C'était accablant, tout l'était. Louis avait tellement été bloqué dans sa tête durant l'année précédente que ça l'avait ruiné, l'avait rendu malade et malheureux, insensible.
Harry ne dit rien. Il laissa un moment à Louis, le tenant juste contre lui sous l'eau chaude de la douche. Ce n'était pas tellement intime puisque ce qui importait était le fait que ce moment était en train de se passer. Louis avait besoin de quelque chose à quoi s'accrocher, il avait besoin de Harry. Il était tellement perdu dans sa tête et le réconfort physique était quelque chose qui l'empêchait de se noyer.
***
Il ne savait pas vraiment pendant combien ça dura, mais l'eau était devenue froide et ses sanglots s'étaient arrêtés.
Louis fit un mouvement pour sortir.
Il regarda Harry et laissa échapper un rire étranglé. Le maquillage sur son visage n'était pas entièrement effacé mais il était en train de couler et il avait l'air ridiculement stupide. Il rigola si fort qu'il pensait qu'il pouvait flotter dans les airs.
« Quoi ? » dit Harry d'un ton insistant, rigolant légèrement au bonheur pur qui le submergea.
« Ta tête ! » rigola Louis.
Harry hoqueta, frappant doucement l'épaule de Louis. « Est-ce que tu sais ce qui arrive quand on se moque d'un fantôme ? »
Louis roula ses yeux. « Tais-toi, Harold, » il fit une pause, lui envoyant de l'eau dessus. Il essuya ses yeux et gloussa à nouveau. « Tu crois que tu peux parler au grand maître des fantômes pour lui demander de revenir à la vie ? Il se trouve que ta mission n'en a pas encore fini avec toi, tu vois. »
Harry sourit, si adorablement et tendrement, les mots de Louis faisant rougir tout son corps. « Je crois que je peux y arriver, je vais avoir besoin de cinq minutes, cependant. »
Louis remua ses sourcils, « Ça te prend seulement cinq minutes, alors, hein ? »
Harry lança sur Louis le gant de toilette qu'il avait pris sur un petit crochet. « Je vais nettoyer mon visage, espèce de crétin ! »
Louis rigola, « D'accord, peu importe ce que tu dis, fantôme. »
Il sortit de la cabine de douche et Harry passa sa tête à travers le rideau, « Il y a des serviettes sous l'évier. »
Louis sourit pour le remercier et Harry disparut à nouveau dans la douche. Il attrapa une des serviettes bleues qui se trouvait sous l'évier et l'enrouler autour de lui, se séchant.
Il frissonna à cause de l'air frais et ouvrit la porte menant à la chambre de Harry, ne la refermant pas derrière lui. Rapidement, il s'essuya et enfila les habits que Harry avait sorti pour lui. Le bas de jogging était grand, ample et la chose la plus chaude qu'il n'ait jamais senti. Le sweatshirt, qu'il avait vu Harry porter un grand nombre de fois, était agréable et couleur crème.
Louis aima son contact sur sa peau, la façon dont il avait l'odeur de Harry autour de lui. C'était divin, au mieux.
Quand il se regarda dans le miroir se trouvant derrière la porte de Harry, il tressaillit. Ses yeux étaient gonflés d'avoir pleuré, son visage marqué. Il était horrible, en tout honnêteté, et peut-être que s'il ne se sentait pas aussi vide, il trouverait la force de ne pas avoir confiance en lui.
***
Après une minute ou deux, l'eau s'éteignit et il entendit Harry sortir de la douche. Quelques instants plus tard, la porte de la salle de bain fut poussée et révéla Harry avec une serviette autour de sa tête et une autre autour de sa taille.
Louis s'était assis au bout du lit et lui sourit tendrement, pas exactement sûr de quoi faire ou dire.
« Ils ont pris pitié de moi, » murmura Harry en plaisantant, « ils ont décidé de me laisser une autre chance à ce truc d'humain. »
Louis roula ses yeux, un petit sourire s'étendant sur son visage. Il observa Harry attraper un pantalon de pyjama rose avec des petits nuages dessus, et il renifla, « Est-ce que tous les fantômes portent ça ? »
Harry lui fit un clin d'œil. « Seulement ceux qui sont particulièrement mignons. »
Louis regarda Harry se retourner et commencer à essuyer ses jambes. Il était beau. Sa peau laiteuse et ses petites fesses rebondies. Ce n'était pas sexuel, c'était la réalité. Ça donna l'impression à Louis que ce n'était pas absurde d'aimer un garçon, ça lui donna l'impression d'être normal, genre de faire ça, de voir un autre garçon nu et d'apprécier la vue, ça n'allait pas l'amener à brûler sur place, ni lui faire ressentir de la culpabilité ou de la honte, comme si c'était un péché.
C'étaient juste deux personnes.
Harry et lui.
Harry frotta ensuite ses boucles pour bien les faire sécher avant de rassembler ses cheveux au sommet de sa tête et de faire un chignon.
Louis était hypnotisé par ses mouvements. Il le regarda enfiler un pull blanc, ramasser ses serviettes ainsi que celle de Louis et sourire timidement quand il jeta un coup d'œil vers lui.
***
« Bon, viens, on redescend, » murmura-t-il doucement, ouvrant la porte de sa chambre.
Ils descendirent lentement jusque dans la cuisine. Un des feux de la plaque était allumé au minimum avec la bouilloire au-dessus. Harry sortit deux tasses puis des boîtes de thés du placard. « Quel goût tu veux ? »
Louis regarda les boîtes et vit citron, thé vert et menthe.
Il plissa son nez. « T'as rien de normal ? »
Les sourcils de Harry se froncèrent, « N'ose pas me dire que tu bois quelque chose comme du Yorkshire ou du Earl Grey. »
« Hé, qu'est-ce que t'as contre le bon thé ? »
« Rien, comme tu peux le voir avec ma petite sélection. »
Louis grogna, « Ce sont d'horribles thés. »
Les sourcils de Harry se froncèrent et il souffla, lui tournant le dos. « Je t'en fais un au citron. »
Le sourire de Louis fut tellement grand qu'il en fut douloureux.
***
« Il n'y a pas de télé dans ton salon, » déclara Louis, haussant un sourcil.
« Ce n'est pas un salon, » corrigea Harry, « c'est plus comme... une pièce de détente. »
« Quoi ? »
« Tu sais, genre pour lire ou étudier et tout. Il n'y a aucune distraction. »
« C'est cool. »
Harry rougit, « Merci. C'était mon idée. »
Le cœur de Louis battit si rapidement et irrégulièrement qu'il avait peur qu'il sorte de sa poitrine et finisse sur le sol. Ça ne pouvait pas être le cas, cependant. Alors, il inspira profondément et observa Harry alors qu'il posait leurs thés sur la petite table puis allait vers la bibliothèque de la pièce pour y prendre une couverture Pendleton. Louis sourit tendrement quand Harry se tourna vers lui et agita ses sourcils, défaisant la couverture soigneusement pliée.
Il racla sa gorge puis l'enveloppa autour de ses épaules, tirant les bords vers son torse et prenant la pose la plus ridicule au monde, un sourcil haussé vers Louis.
Louis grogna, posant sa tête contre le dossier du canapé et la laissant rouler sur le côté alors qu'il souriait à l'idiot devant lui.
Harry se remit à bouger avec un éclat de rire, revenant rapidement jusqu'au canapé et pliant ses jambes sous ses fesses alors qu'il s'installait à côté de Louis. « Voilà, » dit-il doucement en couvrant les genoux de Louis avec la couverture, « il fait froid et elle est bien chaude, non ? »
Louis laissa échapper un soupir d'acquiescement, sentant son corps être submergé par une vague de douceur et de nervosité, laissant Harry poser la couverture sur lui. Il la toucha légèrement avec sa main, retraçant une partie de l'imprimé alors que Harry attrapait leurs thés.
« De la laine ? » demanda-t-il, si stupidement. Cependant, Harry ne sembla pas le penser, il sourit radieusement et hocha de la tête.
« Bien sûr, de l'Oregon, » commença-t-il d'une voix douce, « ma mère achète son vin là-bas et ils en ont envoyé une gratuitement, elle est tellement agréable, » marmonna-t-il, poussant le thé de Louis dans ses mains.
Louis hocha lentement de la tête, amenant sa tasse de thé jusqu'à son nez pour le sentir.
« Attention, c'est encore chaud, » murmura doucement Harry, observant Louis avec une intention calme. Louis ne comprenait pas comment il pouvait être aussi à l'aise à cet instant. C'était comme s'il ne pensait pas à l'année dernière, à ce qu'ils avaient fait, ni à où ce que tout ceci les mènerait peut-être dans un mois, ou deux, à s'ils allaient continuer à se parler. C'était comme s'il était juste heureux que ce soit le cas à ce moment précis, content de l'avoir – Louis – ici sur son canapé en train de renifler son stupide thé au citron.
Louis hocha de la tête, inclinant prudemment la tasse pour pouvoir goûter. Le thé toucha sa langue et il sursauta, sentant le bout brûler.
Harry grogna et Louis fit la moue. « Je t'ai dit que c'était chaud. »
« Peut-être que c'est l'horrible goût de ta merde à base de plantes, » marmonna Louis, souriant en coin derrière sa tasse.
Harry haussa un sourcil, « T'as raison, ça doit absolument être ça. »
Louis rigola doucement, juste un soupir, et il observa Harry souffler sur son thé, écoutant le bruit bizarrement apaisant et regardant la fumée s'évaporer.
Harry enveloppa ses deux mains autour de la tasse, soupirant de contentement alors que la chaleur pénétrait dans son corps.
« Alors, » commença-t-il doucement, « est-ce que t'es trop fatigué pour parler ce soir ? »
Louis déglutit, agrippant plus fermement sa tasse et regardant le contenu. « Qu'est-ce que tu veux dire ? » marmonna-t-il.
Harry sourit et Louis releva son regard juste à temps pour l'apercevoir. Sauf qu'il pouvait dire qu'il y avait plus de tristesse qu'autre chose dans son sourire, surtout quand Harry soupira doucement et prit leurs deux tasses et les posa à nouveau sur la table. Louis le regarda nerveusement alors que le garçon se décalait pour lui faire face, ses jambes toujours repliées sous ses fesses. Louis sourit tendrement en l'observant alors qu'il posait le côté de son visage contre le dossier du canapé et le regardait.
Louis déglutit, brisant le contact visuel et se sentant encore plus nerveux en ayant rien à quoi se tenir, rien pour s'empêcher de regarder Harry. Ce dernier sembla s'en rendre compte parce qu'il prit une des mains de Louis dans la sienne et entremêla leurs doigts.
« Est-ce que je peux te demander quelque chose ? » dit-il d'une voix douce.
Louis hocha de la tête, regardant leurs mains.
« Il y a d'autres raisons pour lesquelles tu, euh, te sens mal ? »
Louis déglutit, haussant des épaules. « Je – Je ne sais pas. »
Harry hocha de tête, ses yeux parcourant son visage. « Dis-moi ce que tu sais. »
Louis soupira, tournant la main de Harry dans la sienne et recourbant ses longs doigts en un poing. « Je – euh, je sais que ça fait mal, tu sais, ce que tout le monde dit dans le coin. Et, » il inspira de façon tremblante, « je sais que je me sens coupable, genre, de cacher quelque chose d'aussi gros à des personnes comme ma mère et – et Zayn. »
Harry prit prudemment une des mains de Louis et la serra avant de le laisser continuer à jouer avec ses doigts. Louis laissa échapper un rire, si nerveux et fatigué. Tellement amoureux de Harry que ça l'effrayait, ayant si peur d'être ici, comme ça, sachant qu'il pourrait très bien ne plus pouvoir le refaire, même s'il en avait envie.
Il déglutit et continua. « Je sais que j'ai l'impression de me trahir, comme je l'ai dit tout à l'heure et – et que je suis juste triste parce que j'ai trop peur de – de m'autoriser à exprimer quelque chose qui me rendrait heureux, » il fit une pause, sentant ses yeux s'humidifier à nouveau en disant tous ces mots à voix haute, « et – et je suppose que j'ai toujours eu une confiance en moi assez merdique, » il rigola de lui-même, essuyant les larmes sous ses yeux avec les manches du sweatshirt de Harry, « alors ça rend tout encore pire, tu vois."
Harry fronça ses sourcils, hochant de la tête.
Louis le regarda et rigola tout en pleurant, roulant ses yeux. « Désolé d'avoir utilisé ton pull comme un mouchoir. »
« Hé, non. T'as aucune raison de t'excuser, » dit-il, de façon sincère. Ça fit monter encore plus de larmes dans les yeux de Louis.
« Genre – genre je sais que ce n'est pas, genre, vraiment immoral d'être gay. Genre, je sais que ça ne l'est pas. Mais, » il s'arrêta, fermant ses yeux et sentant des larmes couler sur ses joues, « mais tout le monde dans le coin donne l'impression que ça l'est et juste – c'est tellement difficile. »
« Je sais, » murmura Harry, si doucement qu'il ne l'entendit presque pas, puis il serra à nouveau sa main.
« J'aimerais juste pouvoir m'aimer, » dit-il finalement, lâchant les mains de Harry pour essuyer à nouveau ses yeux. Il essaya de sourire, juste un tout petit peu, mais en croisant les yeux de Harry et en voyant à quel point il était triste, son sourire disparut et d'autres larmes coulèrent sur ses joues, de plus en plus rapidement. Il était sur le point d'essuyer à nouveau son visage, mais Harry alla plus vite et passa si tendrement ses pouces sur ses joues, le fixant avec cet air qui donna l'impression à Louis qu'il voyait tout ce qu'il y avait en lui.
« Peut-être qu'on ne devrait pas continuer à parler ce soir. »
« J'suis désolé, » chuchota Louis, sa lèvre inférieure tremblant, et Harry la caressa avec son pouce.
« Chut, » dit-il pour le calmer, « pas besoin de t'excuser. T'es juste probablement un peu fatigué, c'est tout. » Il leva ses yeux de là où ils étaient fixés aux lèvres de Louis et sourit tendrement, se reculant après quelques secondes, « Allez, pourquoi tu n'essaies pas ce thé, il a probablement assez refroidi maintenant. »
Harry tendit ses bras et attrapa les tasses, en renversant un peu sur le plancher. Il murmura un petit 'oups' puis rigola tout doucement, il poussa une des tasses refroidies dans les paumes de Louis.
Louis l'apporta à nouveau jusqu'à son nez, aimant l'odeur sucrée. Il observa une larme solitaire glisser de sa joue jusque dans la tasse et pour une quelconque raison ça le fit sourire, regardant le petit plouf. Il croisa à nouveau les yeux de Harry et vit qu'ils étaient posés sur lui, souriant.
Il était assez froid pour pouvoir être bu donc il prit une petite gorgée. Il plissa immédiatement son nez, faisant rire Harry.
« C'est horrible ! » s'exclama-t-il, « absolument dégueulasse ! »
Harry fit semblant d'être offensé, se détournant de Louis et relevant son menton, « Dis celui qui aime le Yorkshire Tea. »
« Le Yorkshire, c'est du vrai thé ! » dit Louis, souriant si largement et sentant ses larmes sécher sur sa peau.
Harry lui lança un regard noir, plaisantant, « Je parie que tu ne mets pas non plus de sucre dans ton thé. »
« Bien sûr que non, ça ruine juste le goût, chéri, » dit-il en souriant en coin puis il prit une autre gorgée du thé au citron, parce que ce n'était pas vraiment mauvais, mais il ne l'avouerait jamais à Harry.
« T'es une abomination ! » Harry rigola, ses yeux si brillant et un énorme sourie aux lèvres, « J'arrive pas à croire que je t'ai laissé entrer chez moi ! »
Louis renifla, se demandant comment il pouvait passer d'un état aussi triste à rire si rapidement. Il secoua sa tête, souriant dans sa tasse. Il garda son esprit focalisé sur le moment présent.
***
Après avoir bu leurs thés, Harry montra à Louis où se trouvait la salle de bain du bas puis il partit chercher encore plus de couvertures. Au moment où Louis revint dans la pièce de détente, Harry avait bougé le canapé vers le mur du fond et avait superposé plusieurs couvertures sur le sol, ainsi que des oreillers.
« Ça ne te dérange pas si on dort ici ? » demanda Harry, le regardant depuis là où il tapait les oreillers sur le sol, « il y a des lumières tamisées ici et j'ai pensé que ce serait plus confortable d'avoir une sorte de veilleuse puisque c'est un nouvel endroit pour toi et tout, » il s'arrêta et repoussa de son front une boucle qui s'était échappée de son chignon, « en plus j'ai pensé que tu n'aurais pas envie d'être seul et mon lit est en quelque sorte trop petit, ce n'est peut-être pas la meilleure façon de faire pour ce soir, tu vois ? »
Louis était impressionné par à quel point ce garçon était attentionné, tout ce qu'il put faire fut d'hocher de la tête. Harry lui sourit radieusement en retour.
***
Une fois que Louis fût installé sur la pile de couvertures, Harry lui en donna quelques-unes en plus pour se couvrir puis il tamisa les lumières et se coucha à côté de lui, leurs épaules se touchant légèrement.
Ce fut silencieux pendant un moment, fixant tous les deux le plafond – leur respiration hésitante. Finalement, Harry effleura la main de Louis avec la sienne puis l'attrapa doucement et la serra. « Bonne nuit, Lou, » dit-il, aussi doux que d'habitude, « réveille-moi si t'as besoin de quoi que ce soit, d'accord ? Promis, ça ne me dérangera pas. »
Après que Louis eut acquiescé, Harry lui sourit. « Fais de beaux rêves, Lou. »
Il se tourna sur son flanc, tournant le dos à Louis.
***
Louis ne savait pas vraiment combien de temps était passé, mais il n'arrivait pas à dormir.
Bien sûr qu'il avait essayé, son corps lui suppliant, avec ses os craquant et des mouvements douloureux, de fermer ses yeux et se forcer à s'endormir. Il n'y arrivait pas. L'épuisement mental ne pouvait pas arrêter la façon dont son cœur battait irrégulièrement à l'idée que Harry se trouvait à quelques centimètres de lui.
A portée de bras.
Il n'y avait aucun moyen que son corps puisse se reposer quand ce qu'il désirait si désespérément était aussi proche – quelque chose dont il avait rêvé. Bon Dieu, tant de rêves que ça devrait en être gênant, ça devrait lui donner envie de fermer ses paupières et laisser tout ceci se passer. C'était même ridicule de l'espérer.
« Harry ? » chuchota-t-il.
En quelques secondes, Harry laissa échapper un soupir en réponse et Louis se demanda pourquoi il n'arrivait pas non plus à dormir – il se demanda si c'était pour la même raison que lui.
« T'arrives pas à dormir ? » demanda-t-il.
« J'sais pas vraiment, » murmura Harry, laissant échapper un rire dans un souffle, « et toi ? »
« Non. »
« T'as besoin de quelque chose pour t'aider à t'endormir ? »
Louis inspira profondément puis expira. « Tu crois – tu crois que je pourrais – euh – te prendre dans mes bras ? »
Ça fut silencieux pendant de longues secondes – comme des phares aveuglants que vous ne voyez jamais, vous entendez juste le crissement des pneus sur la chaussée. Un raclement métallique. Des os craquant. Harry n'avait même pas l'air de respirer et la poitrine de Louis se serrait en un nœud nauséeux.
« Je ne sais pas si c'est une très bonne idée, » dit-il doucement, se tournant pour lui faire face et se relevant sur un de ses coudes. Il ne regardait pas Louis.
« Ouais. » Louis secoua sa tête et avala le rejet, « C'est pas grave – euh, désolé. »
Harry fronça ses sourcils, regardant toujours vers l'espace séparant leurs corps. « Ce n'est pas que je n'en ai pas envie, c'est juste que – je ne sais pas si on se parlera toujours après ça, et – et je ne vais pas le dire tout de suite, parce que je pense que t'es probablement assez dépassé comme ça, mais je ne pense juste pas que ce soit une bonne idée. »
« Dire quoi ? » demanda Louis, ses sourcils se fronçant.
Harry regarda finalement Louis dans les yeux et, pour la première fois, ce dernier reconnut l'anxiété dedans. « Pas ce soir, d'accord ? »
Louis secoua sa tête, se redressant pour pouvoir regarder Harry de haut. « Si – si c'est quelque chose qui va me bouleverser, je préfère l'entendre maintenant, » dit-il, sur la défensive, parce que tout ce à quoi il pouvait penser était comment il avait plus ou moins dit qu'il aimait Harry (il avait dit qu'il avait honte de ne pas pouvoir être assez courageux pour le montrer,) et Harry semblait presque tellement... triste.
Le cerveau de Louis trouva immédiatement une raison à quoi se raccrocher – une explication. Il pensait que Harry sortait peut-être avec quelqu'un et c'était pour ça qu'il voulait rester platonique, que ça bouleverserait Louis, parce que ça lui briserait le cœur.
Rationnel ou pas, il s'accrocha à cette idée tournant en boucle, s'ancrant et prenant de l'ampleur dans sa tête. Dans son cœur.
« Lou, » chuchota Harry, « je dois faire attention à moi, aussi, d'accord ? »
Louis sentit des larmes monter dans ses yeux, son visage se fronçant. « Qu'est-ce que ça veut dire ? » demanda-t-il.
Sa tête tournait, il ne lui restait plus aucune rationalité, seulement des émotions. Des émotions qui le mangeaient, de plus en plus, jusqu'à ce que plus rien n'ait de sens et que tout soit douloureux.
Dès que Harry entendit sa voix se briser et vit les larmes, il se mit à genoux et essuya les joues de Louis, la confusion se lisant sur tout son visage. « Pourquoi – pourquoi tu pleures ? »
Louis ferma fort ses yeux. « Parce que je veux simplement que tu me dises ce que tu me caches. Je – »
Sa phrase fut coupée par un faible sanglot puis il se tut à nouveau. Bon Dieu, qu'il voulait être gêné – gêné à cause de tous ces pleures, toutes ces émotions, mais il ne pouvait pas l'être, il n'y avait aucune place pour l'embarras alors que sa tête ne semblait même plus être ici.
Le mouvement des pouces de Harry sur ses joues commença à ralentir avant de s'arrêter complètement, ses mains tombant du visage de Louis à sur ses genoux.
« Je suis amoureux de toi, » murmura-t-il, « et je comprends que tu puisses te sentir vraiment vulnérable à cet instant, mais si on se blottit l'un contre l'autre, je ne sais pas si je serai capable de m'empêcher de vouloir plus. Je sais que je vais tomber encore plus profondément amoureux de toi, et je ne sais pas si tu vas me reparler après ce soir. »
Une tempête se développa entre eux, bruyante, faisant rage et trop dangereuse pour être touchée, le genre de tempête qui faisait fermer les portes et les volets aux mères. Louis pensa que s'il pouvait, il tendrait une main pour piéger les nuages dans une bouteille, gardant ainsi les éclairs fuyant et le tonnerre faisant sursauter enfermés – il pensa également que c'était ce qu'il avait fait toute sa vie ; garder les choses enfermées et cachées – fuir.
Son rythme cardiaque accéléra dans sa poitrine, sa respiration irrégulière. Les yeux de Harry étaient baissés, ses joues rouges sous la lumière tamisée. Les fantômes de Louis avaient empêché la personne la plus courageuse qu'il connaissait d'entrer dans sa vie. Ça, il l'avait toujours su mais il n'avait jamais voulu le reconnaître.
« Harry, » chuchota-t-il, sa voix se brisant, ruisselant de désespoir, « je suis désolé. Je suis tellement désolé. Je – putain. »
Il tendit une main et attrapa celle de Harry, entrelaçant leurs doigts ensemble et ne fléchissant pas aux sentiments que Harry éprouvait pour lui.
« Je le ferai, » murmura-t-il, des larmes silencieuses coulant sur ses joues, « Je te promets que je te parlerai – je – j'ai vraiment toujours ton numéro enregistré exactement comme tu l'avais fait et – je – j'ai toujours cette foutue écharpe et je – »
Je sens toujours ton goût. Je te sens toujours. J'oublie toujours de respirer à chaque fois que je te vois.
Harry observa prudemment son visage, un air plein de vulnérabilité dessus.
« Je le ferai, » dit-il tout bas. « Je veux te parler tous les jours, Harry. Bon Dieu, je veux le faire au point où t'en auras marre de moi. Je – je te veux plus que n'importe quoi d'autre – » il renifla, serrant la main de Harry et recevant tout en retour, « J'en avais envie tous les jours, » murmura-t-il, « et je suis désolé de ne l'avoir jamais fait. »
***
Harry se coucha sur son flanc, les couvertures tombant sur la courbe de sa taille moelleuse. Louis en avait rêvé, l'avait désiré ; toucher innocemment les douces hanches du garçon, ses flancs – de ses épaules à ses mains, s'y accrocher. Sa respiration se saccada silencieusement dans sa gorge à cette simple idée et encore plus à la vue, au privilège.
« Viens alors, espèce de tombeur, » le taquina Harry, tournant sa tête pour regarder Louis avec un sourire en coin coquin qui donna l'impression que ses fossettes étaient des piscines.
Louis était en train de retirer son gilet de sauvetage qui devenait trop petit.
Il rigola doucement, secoua sa tête et se coucha derrière Harry, collant son torse au dos du garçon et fermant tout l'espace qui les séparait. Naturellement, Harry se déplaça en arrière, comme si c'était possible qu'ils se fondent l'un dans l'autre. Louis ne s'y opposerait pas si c'était possible.
Louis entendit Harry soupirer de contentement – faible, innocent, heureux. Doucement, il leva sa main et la passa sur l'épaule du garçon, des caresses douces. Il mordit sa lèvre, l'air lourd, et il défit résolument l'élastique qui retenait les cheveux de Harry dans un chignon.
« Ça ne te dérange pas ? » murmura-t-il, mais sa voix sembla quand même très forte dans l'espace qu'ils avaient créé.
« Bien sûr que non, » répondit tout aussi doucement Harry, son sourire s'élargissant.
Il laissa échapper un souffle et emmêla ses doigts aux cheveux de Harry, les passant dedans pour défaire complètement le chignon et observant ses boucles se dénouer, encore mouillées mais si magnifiques. Il enfouit son nez dans les doux cheveux sentant la pêche, la crème de lait et l'été.
Lentement, il fit traîner sa main sur l'épaule de Harry, le long de son bras, jusqu'à ce qu'il atteigne sa main où il entrelaça doucement leurs doigts, laissant leurs mains liées retomber sur la taille du garçon. Il sentit ce dernier frissonner contre lui, un faible soupir s'échappant de ses lèvres.
Louis bloqua toutes ses peurs, tous ses doutes, ses insécurités. Il bloqua tout jusqu'à ce qu'il ne ressente plus qu'un contact humain de base avec quelqu'un qui lui faisait ressentir tout au-delà des émotions humaines de base.
C'était bouleversant et c'était difficile, mais c'était tellement, tellement beau.
« Merci, » murmura-t-il, enfouissant un peu plus son nez dans les boucles de Harry et fermant ses yeux pour empêcher ses larmes de couler.
***
Ils furent tous les deux réveillés très tôt, à sept heures, par Anne leur disant qu'elle allait aider au marché du samedi. Elle sourit en voyant leur position, comme si elle était heureuse et pleine d'affection. Louis n'avait jamais ressenti une sensation aussi forte de réconfort, de soutien et de quelque chose de tellement inimaginable.
Une fois que Anne eut fermé la porte, Harry étira ses longs membres et se retourna sous les couvertures.
Louis sourit quand leurs yeux se croisèrent, tendres, gonflés et pleins de sommeil.
« Je ressemble probablement à rien, » murmura-t-il doucement.
Harry prit la petite blague si sérieusement, ses sourcils froncés alors qu'il secouait sa tête et tirait les couvertures jusqu'à son menton. « T'es beau. »
Louis roula ses yeux malgré son cœur battant à la chamade, se mettant sur le dos pour que Harry ne puisse pas le voir rougir et sourire. Il bailla fortement, se sentant tellement fatigué malgré sa nuit de sommeil. « Merci de m'avoir laissé dormir ici. »
Il sentit une main attraper la sienne sous les couvertures et il rougit encore plus, tournant sa tête vers Harry.
« Lou ? » marmonna Harry, sa voix rauque.
Louis soupira en réponse.
« Je ne l'ai pas dit hier soir, mais je ne veux pas que tu meures. »
Le cœur de Louis loupa un battement, son corps frissonna. Il sentit qu'il commençait à trembler et des larmes coulèrent à nouveau sur ses joues. « Moi non plus, » il secoua sa tête, « je ne veux pas mourir, je ne le veux pas. Je te le promets. »
Harry se rapprocha de lui, tirant Louis dans ses bras et le laissa avoir ce dont il avait besoin. « Ne meurs pas alors. S'il te plaît, ne meurs pas. »
Louis sentit le poids de ses pires pensées peser dans la lourdeur de l'air autour d'eux. Ça l'étouffa, le fit haleter.
« D'accord, » chuchota-t-il.
***
Pendant que Louis prenait une douche, Harry leur fit des pancakes. Louis se dirigea à pas feutrés vers la cuisine, se tenant maladroitement dans l'encadrement de la porte et observant Harry réarranger des fraises sur l'une des piles de pancakes pour dessiner un visage. Son cœur battit follement quand il vit Harry en train de sourire pour lui-même alors qu'il finissait sa décoration – comme s'il était ridiculement fier de son art sur pancake. Ce fut à cet instant que Louis décida d'entrer dans la pièce et faire savoir sa présence.
« Hé, » murmura-t-il, déglutissant sa nervosité.
Harry releva son regard, un peu surpris, mais ses joues se creusèrent quand même pour laisser apparaître ses fossettes. « Salut, je t'ai fait des pancakes. »
Louis rougit à son enthousiasme adorable. « Merci, » dit-il doucement.
Harry lui sourit radieusement, lui faisant signe de s'assoir là où les tabourets en bois étaient alignés le long du comptoir. Louis le fit et haussa un sourcil quand Harry opta pour se tenir debout en face de lui, de l'autre côté du comptoir en marbre de la cuisine. Harry haussa simplement des épaules.
« Très artistique, » murmura finalement Louis, souriant aux pancakes que Harry avait décorés pour lui. C'était assez honnêtement la chose la plus mignonne qu'il n'avait jamais vu, ça lui rappelait ses petites sœurs quand il les emmenait manger des pancakes Mickey Mouse au diner local.
(Son subconscient amassait des images de Harry là-bas avec eux, décorant les pancakes, rigolant et faisant tomber amoureuses toutes ses petites sœurs de la même façon que Louis.)
« Merci beaucoup, » dit gaiement Harry, rouge de joie.
Louis tourna à nouveau son regard vers la nourriture, prenant seulement de petits morceaux à cause de son anxiété. L'absence de conversation à propos de ce qui allait se passer pour eux nouait complètement son estomac, les nœuds remontant et se lovant dans sa gorge jusqu'à l'étouffer avec sa nervosité. Ça n'aidait pas que Harry se trouve aussi près de lui, appuyé sur ses coudes alors qu'il picorait dans ses propres pancakes. Le col de son haut était lâche et Louis pouvait voir son torse de cet angle et, bon Dieu. Comment était-il censé respirer ?
« T'es pas obligé de manger si tu n'as pas faim – genre, je comprends que tu n'en aies pas probablement pas envie et je – »
« Et maintenant ? » l'interrompit nerveusement Louis, « Je veux dire – pour nous deux ? »
Harry déglutit faiblement, posant sa fourchette dans son assiette. Le petit bruit lorsqu'elles s'entrechoquèrent donna une sensation de brûlure dans les oreilles de Louis – hypersensible au bruit et tout ce qu'il l'entourait pendant qu'il attendait désespérément la réponse de Harry.
« Je pense que t'as besoin de résoudre certaines choses pour toi-même. »
Louis cligna des yeux avec ses sourcils froncés.
Harry était silencieux et Louis pouvait sentir son regard. Il soupira à nouveau, faisant monter les larmes dans les yeux de Louis parce que quoi ? Qu'est-ce que c'était supposé signifier ? Une main toucha la sienne sur le comptoir et il recula au contact, surpris. Il leva son regard, les yeux écarquillés, et il croisa celui de Harry.
« Je – honnêtement, je ne savais que c'était aussi difficile pour toi – de te cacher, » Harry déglutit, « je ne t'aurais jamais fait du rentre-dedans de cette façon si ça avait été le cas. »
Louis inspira de façon tremblante, ses sourcils se fronçant encore plus. « J'ai beaucoup aimé ce qui – ce qui s'est passé entre nous, Harry. Je t'aime beaucoup, j'veux dire – »
Harry sourit doucement, touchant à nouveau la main de Louis et le coupant. Louis ne s'écarta pas cette fois. « J'ai beaucoup aimé aussi, et je t'aime aussi beaucoup, mais t'as tellement peur, Lou. Tu n'étais pas à l'aise dans ton corps à ce moment-là et tu ne l'es toujours pas, tu vois ? »
Louis en avait tellement marre de pleurer mais voilà où il en était à nouveau, putain.
« T'as juste besoin de réfléchir à certaines choses, les comprendre pour toi-même. »
« Est-ce que c'est ta façon de me dire que tu préfères qu'on reste juste amis ? » murmura Louis, essuyant son visage avec sa main. Il se sentait tellement fatigué, ses épaules commencèrent à trembler. Il se mit à brailler. « Est-ce que je suis trop en retard ? »
« Louis, » dit doucement Harry, semblant tellement confus, « regarde-moi. »
Louis commença à sangloter complètement. Bon Dieu, sa tête était si embrouillée et il était si émotionnellement vide, pourtant il pleurait encore si facilement alors que ses émotions tiraient le meilleur de lui.
Il voulait juste tellement Harry. Il était tout ce à quoi il pensait, le seul visage qu'il cherchait au lycée, dans les foules. Tout chez lui était ce qu'il voulait le plus. Louis n'arrivait pas à s'imaginer ressentir tout ça pour quelqu'un d'autre et, même si c'était le cas, il choisirait Harry à chaque fois.
(Il le voulait tellement et il avait si foutrement peur, et il savait que ces deux choses n'allaient pas coexister ensemble. Elles ne pouvaient pas et ne le feraient pas.)
Harry fit le tour du comptoir, posant de façon hésitante une main sur son genou. « Louis, » dit-il avec ses sourcils froncés, « ce – ce n'est pas ce que je voulais dire, si c'était le cas je n'aurais pas dit ce que j'ai dit hier soir. Je veux juste que tu sois heureux – » et Louis était sur le point de le couper et dire qu'il serait heureux s'il pouvait être avec lui, mais ensuite Harry ajouta, « avec toi-même, » et Louis n'avait jamais connu autant d'amour et d'éclat venant d'une seule personne.
Harry était tellement mature pour son âge mais il avait le cœur d'un enfant. Tellement gentil et adorable. Tout chez lui surprenait Louis encore et encore, parce que c'était si incroyable qu'un garçon aussi doux et altruiste existe.
Il voulait que Louis s'aime lui-même. Il voulait ça plus que son propre bonheur.
« Qu'est-ce que je fais ? » demanda-t-il si pathétiquement, son corps douloureux à cause de l'épuisement émotionnel et mental.
Harry sera son genou. « Est-ce que quelqu'un sait que t'es gay ? »
Louis secoua sa tête. « Seulement toi. »
Harry laissa échapper une expiration tremblante. « Ça m'a vraiment aidé quand je l'ai dit à ma mère, » dit-il, « et j'veux dire – c'est juste comme si quelque chose avait changé en moi. Qu'elle soit au courant et m'aime toujours était quelque chose que je ne m'étais pas rendu compte avoir autant besoin. »
Louis inspira.
« T'as besoin de personne avec qui tu peux être à cent pourcents toi-même, et – et je pense que c'est pour ça que ça m'a autant aidé de lui dire. Genre, je peux faire semblant toute la journée en cours, cacher qui je suis, mais je ne suis pas obligé de le faire chez moi. Pas là où je vis et pas avec ma mère, tu vois ? »
« Mais, et si ça se passe mal ? »
Harry fronça ses sourcils. « Tu n'es pas obligé de garder dans ta vie des personnes qui ne soutiennent pas qui tu es en tant que personnes, » il fit une pause, mordant sa lèvre, « et – et il y a toujours ma maison, au fait. Si quelque chose se passait mal, tu pourrais rester ici. » Harry prit une profonde respiration, semblant hésitant, « Mais si tu sais que ça ne va pas bien se passer, alors peut-être – peut-être que tu ne devrais rien dire. »
Harry prit un air renfrogné et baissa ses yeux, réfléchissant. Louis l'observa avec des larmes floutant sa vision.
« Je – je sais juste que ça m'a aidé, Louis. Mais tu n'es pas moi. Je ne te connais même pas si bien que ça, genre personnellement. Je t'ai juste observé et espéré que ce soit le cas. » Harry semblait tellement blessé, « Mais c'est pour ça que t'as besoin de réfléchir à tout ça. T'as besoin d'être bien dans ta peau, et – et je te dis ça en tant qu'amis, d'accord ? Tu mérites d'être bien dans ta peau. »
Louis ferma ses yeux. « Et nous ? »
« Nous ? » Harry haussa un sourcil, son sourire toujours présent. Louis hocha de la tête et Harry regarda par terre en rougissant, mordant sa lèvre. « Peut-être que c'est quelque chose à quoi tu devrais aussi réfléchir, genre, si tu peux le supporter. Si tu – si tu veux quelque chose... avec moi. »
Louis déglutit et hocha de la tête, baissant son regard. Harry saisit l'opportunité pour passer ses pouces sous les yeux et sur les joues de Louis, une caresse tendre et affectueuse.
« Je ne pleure pas autant d'habitude, » dit Louis avec un rire mélangé à un sanglot. « En fait, je ne pleure pas du tout d'habitude. Je suis désolé. »
Harry grogna et roula ses yeux. « Pleurer te fais du bien, ne t'inquiète pas, » sourit-il, « tout ceci n'est pas facile, non plus. Je ne te juge pas. »
Louis se pencha contre la douce main de Harry qui se trouvait toujours sur sa joue, souriant tendrement. Il n'arrivait pas à croire à quel point Harry était adorable.
« Tu fais de bons pancakes, » dit-il et Harry sourit radieusement. « J'arrive à peine à faire des macaronis au fromage sans faire brûler toute la maison. »
Harry rigola si forte que Louis jura qu'il sentit le sol trembler.
***
Harry raccompagna Louis chez lui, ses mains dans ses poches et leurs épaules se touchant.
« J'ai vraiment envie de t'embrasser à nouveau, » murmura Harry, se tenant au pied de l'escalier devant chez Louis alors que ce dernier était sur la marche au-dessus, « mais je ne vais pas le faire, pas aujourd'hui. »
Louis hocha de la tête, baissant son regard.
Harry attrapa sa main et la serra, mais il la relâcha assez rapidement pour que, si quelqu'un les avait vu, il ne s'imaginerait rien à ce sujet. « Réfléchis à toutes ces choses. Il n'y a aucune urgence. »
« Merci, » chuchota-t-il.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top