Chapitre 6

Quand je franchis la porte d'entrée, je fus surpris par la taille de l'appartement d'Amélia. Quoi que... Elle a toujours aimé avoir de l'espace et moi qui m'attendais à la trouver dans un studio plutôt modeste, voilà qu'il s'agit en réalité d'un F3 avec une énorme terrasse couverte donnant directement sur la ville.

À combien s'élève le loyer ici ? Comment fait-elle pour se le permettre d'ailleurs ?

« - C'est...grand. Et t'a tout ça, rien que pour toi ?
- Disons que... Je n'ai pas à m'occuper du loyer. Et puis je comptais le partager en collocation.
- Tu comptes prendre un colloc' ? Toi ? Tu ne sais pas vivre en colocation !
- Quoi ? Ce n'est même pas vrai !
- Ahahaha tu sais bien que si. Tu laisses tes sous-vêtements traîner ici et là, tu fais la vaisselle quand il n'y a plus de place dans levier pour entasser encore, le ménage... Bah on ne parle pas des toiles d'araignées qui squattent non plus hein ?
- Je peux savoir d'où tu tiens ce genre d'information car à ce que je sache de notre période de vie commune chez Mima, je n'ai rien eu à faire et tu n'as rien à me reprocher.
- C'est Hayley... Elle m'appelait de temps en temps le soir pour s'assurer que j'étais bel et bien vivant.
- Oh je vois... Elle cafte tout celle-là. Tiens d'ailleurs, parlant d'Hayley... J'ai toujours voulu te demander d'où tu connaissais ma sœur ? »

C'est vrai qu'à ma connaissance, j'ai toujours eu d'étroites relations avec les femmes de cette famille. Helena m'a pris chez elle quand ma mère est morte, Leina m'a soutenue discrètement quand j'ai commencé à être chasseur et Hayley... Ah Hayley.

Si Amélia était une tempête... Hayley était une forme d'apocalypse. La fin du monde en miniature.

« - Hmm... Ta sœur est la meilleure masseuse de ventre que je connaisse. »

Ceci n'est ni totalement faux, ni totalement vrai. Disons qu'Hayley, contrairement à Amy, a vu les esprits très jeunes et s'en est toujours soucié.

« - Un jour, pendant que tu étais en colonie, ta mère et ta sœur sont venues passer quelque temps chez Helena. Hayley devait avoir... 5 ou 6 ans et moi... Bah...j'avais quelques soucis avec mes pouvoirs à cette période aussi.
- Qu'est-ce que t'as fait à ma sœur ? C'est quoi cette histoire de masseuse.
- Je passais le plus clair de mes journées en chaton plutôt qu'en humain et Hayley a eu la géniale idée de m'attraper un beau matin. On a joué ensemble un moment. Elle m'a traité comme un enfant traiterait un chaton.
- Horriblement mal...
- Pas du tout figure-toi ! Elle m'a caressé, m'a brossé... J'avais le poil tout doux et tout soyeux.
- Attends, attends. Ma... Ma petite sœur t'a caressé ? Et tu t'es laissé faire ?
- Bah je n'allais pas me rebeller contre une enfant de 5 ans ! Puis un peu d'amour en ce bas monde ça fait pas de mal. Toi, tu me calculais plus de toute façon.
- Alors ça c'est petit ok ? Et je ne veux même pas imaginer ce qu'elle t'a fait d'autre ...
- Comme d'habitude, tu vas trop loin dans tes scénarios. Bon, tu me fais visiter ?
- C'est ça, change de conversation ! »

Quand je pense qu'Amélia serait presque jalouse de sa petite sœur, ça me fait rire. Surtout en sachant que j'ai toujours vu Hayley comme ma propre petite sœur et que jamais, ô grand jamais, il ne se serait passé quelque chose entre nous. De plus, nous n'avons qu'une seule fois la chance de travailler ensemble et je dois avouer qu'elle était plutôt douée. Elle doit l'être d'autant plus maintenant.

Je m'approche alors d'Amélia, passe mes bras autour d'elle, posant mon menton contre son épaule, susurrant dans son oreille :

« - Mais si tu veux me caresser toi... Tu le peux aussi...
- Pfff ! Vantard ! Ne prends pas trop en confiance ! »

Haussant les épaules, je recule mais ne m'avoue pas vaincu pour autant. Je finirais bien par l'avoir.

L'appartement est grand et spacieux. Le salon et la cuisine ne sont séparés que par le comptoir de cette dernière, les escaliers menant à l'étage donnent sur un grand couloir. Au fond, il y a les deux chambres l'une à côté de l'autre et à droite, directement après les escaliers, la salle de bain. À gauche, les toilettes.

On s'arrête un moment dans la chambre d'Amélia où elle pose son sac dans un coin. Il y a tellement de livres partout que ça me donne le tournis. Moi qui la pensais allergique... Il faut croire que je me suis gouré. Les murs étaient d'une couleur pêche. Au milieu de la pièce trônait un grand lit, deux places avec une peluche calée entre deux coussins. Une peluche de chat. Un chat noir. Un chat noir avec un ruban rouge accroché sur sa patte droite. J'attrape l'objet en question, à la fois intrigué et amusé avant de l'agiter en l'air comme un trophée.

« - Tu m'expliques ce que c'est ça ? demandais-je avec un grand sourire
- Hé ! Repose-le ! N'abîme pas Felix !
- Felix ?
- C'est son nom. Quoi ? T'es jaloux ?
- Et il dort dans ton lit ?
- Oueeeppp ! Tous les soirs. Lui contre moi, tu le vois genre ? Il a beaucoup de valeur à mes yeux.
- Oh, je vois... Felix. Franchement, je ne sais pas si je dois me sentir vexer de me faire tromper avec une peluche ou honorer parce que Felix est une exacte copie de moi-même.
- Je te charrie ! C'est tellement facile ! La tête que tu fais ahahahaha ! Tu sais bien qu'entre les bras de Felix et les tiens... C'est les tiens que je préfère.
- M'ouais, bah maintenant je vais me poser des questions.
- Si tu veux, je t'expliquerais.
- Quoi donc ?
- Sa présence ici. Pourquoi je l'ai.
- Je pense que j'ai mon idée sur la question. »

« Félix le chat ». Pff, elle aurait pu lui donner un autre nom que celui-là. Même si quelque part, malgré ma fausse jalousie envers cette peluche en mousse, je me sens quelque peu, heureux. Heureux de savoir que depuis tout ce temps, depuis un an, elle aussi, à sa façon, elle m'a attendu.

Je m'installe sur le lit et m'allonge de tout mon long. J'ai l'impression de vivre un « Happy End » et que plus rien n'arrivera. Qu'est-ce que ça fait du bien !

« - Dis-moi Kyle, je peux te poser une question ?
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Cette nuit-là...
- Amélia...
- Non, écoute, j'ai besoin de savoir. Cette nuit-là, quand il s'est passé ce qui s'est passé... Est-ce que? Est-ce que t'as souffert ?
- Hum, honnêtement ? Je ne m'en souviens pas vraiment. Je revois la barre de fer, parfois la cicatrice me lance comme un cruel rappel et puis plus rien. Je ne me souviens que de ce réveil dans une sorte de tente avec Raya à côté.
- D'accord... Je suis contente. »

Sa voix se fait petite, son ton est triste et empli de douleur. Cette nuit-là, Amélia et moi étions liés. Cette nuit-là, quand je suis « mort », elle a dû le ressentir d'une puissance que je ne peux imaginer. La douleur de ça et de l'après, je ne pourrais pas l'effacer mais je peux faire en sorte, que dorénavant, elle ne ressente plus jamais ça.

« - Je sais que je t'ai promis de tout te raconter... Mais là, ce soir, exceptionnellement, j'ai envie de profiter de toi. Profiter de nous. On remet ça à demain ? Cela ne te gêne pas ?
- Non, non. Je t'avouerais que je suis crevée... C'est fou parce que je n'ai rien fait de ma journée.
- Oh ! J'ai une idée !
- Quoi donc ?
- Bouge pas ! Je reviens ! »

Je me précipite à l'autre bout du couloir, manquant de glisser en chaussette sur le parquet de son appartement, et tourne dans la salle de bain. Si je ne m'abuse, elle a une baignoire.

Bingo !

Je fais couler l'eau du bain et quand tout est prêt, je retourne la chercher, lui tendant la main.

« - Viens maintenant ! J'ai une surprise pour toi !
- Tu m'as préparé mon bain...ce n'est pas une surprise, j'ai tout entendu ahahaha !
- On s'en fiche, ça partait d'une bonne intention ! »

Elle me suit et se déshabille totalement avant de mettre une jambe après l'autre, prenant le soin de s'agripper aux parois pour ne pas glisser. Elle avait complètement lâché ses cheveux qui tombaient en cascade pour finir à flotter à la surface de l'eau.

« - On est bien là, n'est-ce pas ? fis-je en la regardant barboter.
- Hum... Mais on serait mieux si... »

Elle s'approche, le visage plein de mousse, m'embrasse langoureusement et m'attire à elle. Contre elle. Avant que je n'ai eu le temps d'au moins retirer mon tee-shirt, me voilà dans la baignoire avec elle tandis qu'elle éclate de rire.

« - Maintenant on est bien ! dit-elle d'un ton fier.
- Aaaah ! Tu'aurais pu au moins attendre que je me déshabille aussi.
- Hmm non ! Ça n'aurait pas été aussi drôle sinonahahahahahaha !
- J'ai l'air malin ...Trempé de la tête aux pieds. Je vais demander un dédommagement.
- Oh ? Vraiment ? Tu oserais ? Alors que je suis une pauvre jeune fille.
- « Pauvre » hein ? Tout d'abord, je ne demande même pas ton avis. Prépares-toi !
- Mais qu'est-ce que tu ... ? AHAHAHAHA ! Kyle ! Arrête ! Tu vas inonder toute la pièce !
- Ce n'est pas grave ça ... »

Mais effectivement, on inonda toute la pièce à nous deux. L'eau déborda de part et d'autre de la baignoire tandis qu'on était l'un contre l'autre, s'éclaboussant mutuellement et se retrouvant morts de rire par notre bêtise.

On avait plus 8 ans, mais sur l'instant, c'était tout comme.

« - J'y pense, fis-je en attrapant une serviette, je n'ai rien pour changer moi !
- Il serait dommage que tu doives te balader tout nu dans l'appartement en effet ahaha !
- Sérieusement...
- Va voir dans la chambre d'amis. »

J'enroule la serviette autour de la taille et m'exécute. Il y avait toute une penderie avec uniquement des affaires pour hommes et la plupart étaient aussi bien à mon goût qu'à ma taille. J'ai l'impression qu'on me rhabille secrètement.

« - Oh ! Ça peut être pratique, fis-je.
- Les pantalons de survet' sont tout en bas, dit Amélia à la porte »

Je me retourne et remarque ses longues jambes rondouillettes, à peine couvertes par un grand tee-shirt noir aux impressions argentées. Ses cheveux mouillés, dégoulinés encore dans son dos.

« - Hé ! Je reconnais ce tee-shirt ! Je me demandais bien où est-ce qu'il était passé...
- Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. C'est celui de Felix. Il me l'a gentiment prêté.
- Je me doute que Felix n'a rien eu à dire .
- Il n'en a pas eu le temps.
- Alors toi... »

Elle fit mine de rien et s'en alla dans sa chambre. J'enfile alors le pantalon et la rejoins.

« - Est-ce que Felix me ferait une petite place ce soir ? demandais-je en arrivant près d'elle.
- Hum, je n'en sais rien. Demande-lui. »

Elle me tend la peluche avec ce même air joueur et essaye désespérément de cacher son sourire trahissant toute action sérieuse. Je l'attrape alors et la balance par-dessus mon épaule.

« - Dis à Felix qu'il est à la retraite. Il n'y a de la place que pour un seul chat dans ce lit. »

Amélia éclate de rire dès que je bondis sur le lit mais je m'arrête au craquement de la latte. Je crois que j'ai cassé quelque chose. Merde.

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