Chapitre 5
Je ne me rappelle pas m'être endormi dans le canapé du salon et je ne me rappelle pas être descendu non plus. Je pensais être resté dans ma chambre à regarder Amélia. C'est Helena, remontant la couverture sur moi qui me réveilla. Dehors, le jour se lève à peine et on peine à distinguer les premiers rayons du soleil avec tous ces nuages. Génial, il va pleuvoir aujourd'hui. J'ai horreur de la pluie.
« - Helena ? Quand est-ce que tu es rentré ? demandais-je en me redressant
- À l'instant, j'avais quelques petites choses à faire. Comment ça se fait que tu dormes dans le sofa ? Amélia n'est pas resté . Il s'est passé quelque chose entre vous ?
- Hein ? Ah non, non, elle dort dans mon lit.
- Ooooooh je vois... Dans ton lit hein ? J'en conclus donc que les choses rentrent enfin dans l'ordre ? »
Face à sa question, je ne pus m'empêcher de sourire comme un idiot, parce que oui, les choses rentraient enfin dans l'ordre. Amélia était prête à nous accorder une seconde chance...à m'accorder une seconde chance.
« - Je voulais te remercier... Pour m'avoir aidé. Encore une fois.
- Ahahahaha, ne me remercie pas. Tu sais Kyle, je te considère également comme un membre de ma famille, comme mon petit-fils. Alors si une vieille dame comme moi peut encore aider...
- Ne dis pas ça ! T'es loin d'être vieille !
- C'est ça, c'est ça. Les compliments ne marchent plus sur moi. Bon, je prépare le petit déjeuner je présume ?
- Tu lis dans mes pensées ! »
Avoir dormi dans le canapé ne me réussis clairement pas, j'ai l'impression qu'un camion m'est passé sur le corps. J'ai mal partout. Va falloir investir et changer ce vieux sofa trop vieux pour moi, en plus je dépasse quand je dors dedans.
« - Je vais réveiller Amélia, je reviens.
- Je t'en prie... Va donc réveiller ta belle. Aaaah les jeunes...
- Hé ! »
J'attrape un sweat étendu sur un fauteuil au passage. J'ai totalement oublié qu'Amy avait commencé à me déshabiller hier soir et à cause de cette putain de cicatrice... La soirée fut plus courte que ce que je n'aurais imaginé.
« - Amy... C'est l'heure, fis-je en arrivant dans la chambre sur la pointe des pieds »
Et là, je remarque que le lit est fait, qu'il n'y a personne dedans et une feuille, pliée en deux, traîne sur l'oreiller.
C'est une blague...
Je me précipite et attrape le bout de papier.
« Kyle,
Je sais que tu ne vas certainement pas comprendre mon geste et je ne te demande pas de le comprendre mais le seul moyen que j'ai eu pour te faire baisser ta garde, c'était ça. J'en suis navré. Je voulais seulement que tu saches, qu'aujourd'hui, je m'en vais. Aujourd'hui, je pars, je rentre chez moi. J'en ai besoin, je crois. Je sais que ce que je t'ai dit mais j'ai également besoin de temps, notamment pour moi. Cela peut te paraître égoïste mais je t'en prie... Accepte-le. Ce monde, depuis le début, n'est pas fait pour quelqu'un comme moi.
Parce qu'au fond, je suis morte ce soir-là. Morte avec toi. Je suis morte et je n'ai pas réussi à faire complètement le deuil de moi-même. Le soir, quand je ferme les yeux, je ne vois que ça. La journée, je ne pense qu'à ça. J'admire ta force et je l'envie car toi, tu as réussi à te relever et à aller de l'avant... Et à revenir. À me revenir. Mais moi, je n'y arrive pas. J'ai constamment l'impression de me noyer quand je crois pouvoir avancer. C'est difficile à t'expliquer. D'ailleurs je ne comprends pas tout moi-même.
C'est pour ça que je pars.
Au revoir. »
Je m'effondre complètement sur le matelas en me répétant bêtement « ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai ». Pourtant, ça l'est. Elle est partie. Elle est partie et je n'ai rien vu venir.
J'entends les pas de Mima dans l'escalier et elle s'arrête devant la porte, soupirant et l'air presque désolé. Encore cet air désolé. J'en viendrais presque à le détester.
« - Elle est partie hein ... ? Que vas-tu faire ?
- La question ne se pose même pas. Je vais la chercher. »
Je sais que c'est égoïste. Je sais que je n'ai aucunement le droit de la retenir. Je sais que je devrais la laisser partir mais je ne peux pas. Je ne veux pas. C'est tout simplement plus fort que moi.
Je veux qu'elle comprenne que je suis là, que je serais toujours là. Je serais là, avec elle quoi qu'il arrive. A-t-elle oubliée ? J'ai promis.
Helena s'avance et me regarde me préparer.
« - Tu es sûr de toi ? Tu devrais lui laisser du temps.
- Le truc avec le temps, c'est qu'il a tendance à trop souvent nous filer entre les doigts et j'ai perdu un an et demi déjà. J'ai perdu un an et demi que j'aurais pu passer avec elle. Tout ça pour quoi ? Pour soi-disant avoir sauvé le monde et quel mérite j'en ai ?Personne ne le sait et ne le saura jamais et moi, j'ai tout perdu.
- Pourtant, vous en êtes conscients, que ce monde ne se fait pas sans sacrifice. On a tous perdu énormément. Toi le premier.
- Justement, je refuse de perdre encore. Je refuse de voir quelqu'un que j'aime disparaître devant moi encore une fois. J'y vais ! »
Le bout de papier est en boule dans une poche de ma veste et je compose le numéro de Tara en vitesse dès que je sors de la maison.
« - Je peux te demander un service ?
- Dis-moi tout.
- Il faut que tu m'emmènes à l'aéroport. En express.»
Aussitôt dit, aussitôt fait. Tara me dépose devant les portes de l'aéroport comme si de rien n'était. Il est 7h45... L'avion part à 8 h.
J'ai 15 minutes devant moi. Seules 15 petites minutes. Cela peut paraître énorme mais c'est tellement peu aussi...
« - Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, les passagers du vol A0853 en appartenance pour Ashmar sont priés de se présenter devant la porte d'embarquement n° 12. »
C'est ça. C'est ce vol-là.
13 minutes.
Porte 12, porte 12... Où est-ce qu'elle est cette foutue porte putain ?!
« - Pardon. Excusez-moi. Pardon. Je suis pressé, pardon. »
Pourquoi il y a toujours autant de gens dans les aéroports bon sang ?!!!
Aux grands maux, les grands remèdes.
10 minutes.
« - AMELIA ! AMELIA ! »
Jamais de ma vie, je n'aurais fait ça. Jamais de ma vie, je n'aurais crié dans un lieu public, passant pour un fou tout juste échappé de l'asile ou pour un ivrogne. Jamais, ô grand jamais, je me serais précipité à travers la foule.
Mais tout ça, c'était avant toi. Avant que tu n'arrives dans ma vie. Tu n'as pas le droit de faire ça. Tu n'as pas le droit de m'abandonner comme ça. Pas après tout ce que l'on a traversé toi et moi. Pas après tout le mal que l'on s'est donné pour en arriver là.
Tu ne peux pas m'abandonner derrière toi.
« - AMELIA ! »
5 minutes.
Où est-ce que tu es ?
Je l'aperçois alors dans la file, arrivant presque à hauteur des hôtesses enregistrant les billets. Elle va partir. Si elle franchit cette porte, elle va partir. Elle va partir et elle ne reviendra sans doute jamais.
« - NE PARS PAS ! »
Elle s'arrête dans sa démarche et se retourne tout doucement vers moi. Elle me regarde à peine, comme se sentant coupable de quelque chose. J'arrive à sa hauteur, à bout de souffle, débraillé.
« - Ne pars pas. Je t'en supplie.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Ne pars pas. Qu'est-ce que je ferais sans toi moi ?
- Écoute, il faut que tu comprennes... Non... Je ne te demande pas de comprendre. Laisse-moi juste m'en aller.
- Je refuse.
- Kyle...
- À toi de m'écouter maintenant. Je sais que tu veux partir à cause de moi. Je sais que tu veux t'en aller loin de tout ça. Je le comprends mais si tu pars, pars avec moi. Partons ensemble. Rien que toi et moi, loin de tout ça et je te raconterais tout. Je te raconterais tout ce que tu veux savoir. Je te parlerais tellement que t'en auras marre de m'écouter mais je t'en supplie ne pars pas en me laissant une vulgaire lettre clichée !
- ................
- Je vais me répéter et j'aurais l'air un peu con mais je m'en fiche. Je t'aime Amélia, tu le sais n'est-ce pas ? Je t'aime et je ne veux pas que tu partes. Pas sans moi.
- Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu insistes comme ça ? Tu ne peux pas me laisser partir tout simplement ?
- Non parce que te laisser partir, c'est accepter de te perdre. »
Je sais que j'aurais dû m'y prendre des mois plus tôt. Je sais que j'aurais dû aller la voir et j'aurais dû écouter Raya mais au fond, j'avais simplement peur. Non pas d'elle mais de moi-même. Jusqu'à présent et ce depuis que je connais Amélia, elle a toujours été la plus courageuse de nous deux, celle qui fait le premier pas, celle qui arrange tout, celle qui va au-devant des uns, des autres et des événements. J'ai toujours secrètement admiré ça. Je l'ai envié aussi. Moi, je n'étais que celui qui suivait, celui qui disait « oui » à tout en réellement avoir d'avis. Je me laissais guider, comme le roseau qui se plie sous le vent. Amélia était ce vent. Une tornade, une tempête. Elle emportait tout et tout le monde avec elle sans s'en rendre compte. C'était un peu comme un pouvoir naturel émanant d'elle.
Autour de nous, tous les regards nous sont braqués dessus et je dois avouer que c'est vachement cliché comme scène. Le gars qui empêche la fille qu'il aime de monter dans ce foutu avion mais que voulez-vous, on n'en refait par des classiques comme celui-là.
Je lui tends alors la main dans l'espoir qu'elle la prenne. Pas pour me filer entre les doigts encore une fois, non, cette fois, je veux que ce soit de sa propre volonté. Je veux qu'elle ait envie de rester. De rester ici et si elle ne veut pas, alors je montrais dans cet avion avec elle. Je n'hésiterais pas. Je n'hésiterais plus. Moi aussi, j'ai envie d'aller au-devant des choses.
Sa main se tend et attrape la mienne. Elle enjambe les cordes de sécurité, jette son sac par terre et ses bras s'enroulent naturellement autour de mon cou.
Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression d'avoir frôlé l'arrêt cardiaque.
Sa tête vient se nicher dans mon cou et dans ses pleures heureux, j'entends un murmure. Léger mais distinctif :
« - Merci. »
J'essuie ma joue du revers de ma main discrètement, je renifle un bon coup et on rigole tous les deux en voyant nos yeux rouges et gonflés, larmoyant. Son front vient se coller au mien et on entend derrière des applaudissements avec des sifflements et quand on se retourne, on voit Nico et Tara s'agitant dans tous les sens.
« - Waouuuuuwwww ! SI CE N'EST PAS TROP BEAU CA !
- Vous êtes mimi tout pleins ! »
Ces deux-là... Toujours à traîner où il ne faut pas et à surgir quand on s'y attend le moins.
« - Depuis quand vous êtes là ? demandais-je
- Hum, depuis le début, on s'était planqués derrière un poteau. On a tout vu, tout entendu ! fit Nico
- Franchement, j'arrête de télécharger des films maintenant...continu Tara
- Ça suffit oui !
- Bon, du coup ? On vous ramène .
- Oui... Mais chez moi, fit Amélia en me regardant
- Ça sent le câlin coquin tout ça !
- Tara !
- Bah quoi ? On y a tous pensé non ? »
En sortant de l'aéroport et en jetant un coup d'œil vers Tara et Nico, je les vois s'échanger un billet allant de Nico à Tara. Ils ont encore parié sur nous et avant que je n'ai eu le temps de dire quoi que ce soit, Amy me devance.
« - Nico, tu devrais arrêter de prendre les paris avec elle. Elle va te plumer à force et t'as aucune chance de gagner, lança-t-elle
- Comment ? Que... Quoi ?
- Tara ne prend jamais de paris inutiles. Elle ne parie que si elle est sûre de gagner. C'est un fait. »
Le changement d'expression de Nico est à mourir. Un juste mélange entre confusion et choc tandis que Tara continue d'avancer en haussant les épaules, mine de rien. Pourtant, c'est bel et bien la réalité et moi-même j'en ai fait les frais quand on était plus petits.
Tara est le genre de personne banale mais qui ce don de lire en vous comme dans un livre ouvert. Elle devine tout et ce parfois même, avant que vous ne l'ayez deviné vous-même. Je dois dire que c'est frustrant mais on s'y fait à la longue.
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