Chapitre 41
Honnêtement, je n'aurais imaginé, ne serait-ce qu'un seul instant, que les événements iraient dans ce sens. Je pensais, comme beaucoup sans doute, que l'on aurait eu le droit à notre fin heureuse, que tout rentrerait dans l'ordre. Je pensais que l'on pourrait faire face à toutes les épreuves se présentant à nous. Il faut croire que je pensais vraiment beaucoup.
J'étais loin de la réalité. Loin de ces scénarios plus tordus et improbables les uns que les autres.
Pourtant, nous y voilà. Nous voilà à, j'oserais dire, la fin d'une histoire. La fin de mon histoire. Je devrais passer le flambeau et laisser le droit à la parole à quelqu'un d'autre mais la vérité . C'est que je ne peux pas. Je ne peux pas car... Quelque chose me retient. Encore et toujours.
« - SI TU MEURS JE M'ASSURERAIS DE TE RESSUSCITER POUR TE TUER moi-même ! »
Voilà pourquoi, dans cette histoire-là, même dans la mort, nous ne sommes jamais tranquilles.
J'y ai cru pourtant. J'ai vraiment cru que cette fois-là, c'était la bonne. Je pensais que le monde serait débarrassé de moi. Que le monde en avait fini avec moi. Que j'en avais assez fait et que j'avais assez donné.
Mais il faut croire que non. Je me trompais.
C'était un pari. Mon acte était un acte de foi. Je voulais, depuis le début, croire en elle. Je voulais qu'il y ait un déclic dans sa tête. Je voulais qu'elle comprenne. Je voulais qu'elle réalise. Oh oui, j'attendais beaucoup d'Amélia et je ne pensais pas que ce pari fait avec moi-même marcherait.
Honnêtement ? J'en suis bien content. Ça me ferait un peu chier de mourir maintenant. Autant se le dire.
« - REVIENS ! KYLE REVIENS ! »
J'entends sa voix. J'entends ses cris. J'ai l'impression que si je n'étais pas « mort », elle serait capable de me tuer de ses propres mains, juste pour s'assurer que le travail soit bien fait.
Ça c'est la Amélia que je connais.
Quand je reviens à moi, quand j'ouvre les yeux brusquement comme sortant d'un long et terrible rêve, j'aperçois au moins une dizaine de visage au-dessus du mien. J'aperçois celui d'Amélia s'effondrant totalement. J'aperçois celui de mon « père ». Et j'aperçois aussi une fille, brune, avec un large sourire. Des yeux légèrement bridés.
« - Ouf ! J'ai vraiment cru que j'avais raté cette fois. Ce n'est pas évident de ramener un mort...dit-elle en soupirant. »
Je suis largué. Vraiment. Je n'ai pas d'autres mots.
« - Bon aller on évacue, on lui laisse de l'air. Aller circulez bande de curieux ! Oust ! »
Soudainement Magnus monte sur mes jambes et me regarde avec les yeux presque plissés. Il me dévisage comme ça pendant cinq bonnes minutes avant de me dire :
« - T'es un peu idiot toi non ? »
En regardant autour de moi, je remarque que nous ne sommes plus dans ce rêve étrange. Nous sommes... Dans la réalité. Nous sommes dans une salle du palais. Une infirmerie ou quelque chose de semblable.
« - Mon Dieu... Plus jamais je refais ça, fis-je en m'assurant d'être en entier, vérifiant même ma poitrine.
- Y a intérêt ! Je ne ramène pas les gens à la vie habituellement ! »
À côté de moi, il y avait cette fille, l'air contrarié. Enfin mi-contrarié, mi-soulagé. C'était bizarre. Ça lui donnait un air étrange.
« - Et...vous êtes ? demandais-je en levant un sourcil
- Miya, déesse de la lumière. Sauveuse de demi à mes heures perdues.
- Ah...
- Ah ? C'est tout ce que j'ai le droit ? Tu sais mon kiki, je ne sais pas si tu te rends compte de ce que je viens de faire pour toi.
- C'est juste que...
- Que quoi ? T'es déconnecté encore ? Bah reconnecte-toi vite. Le monde réel n'attend pas lui. En attendant, permettez mais j'ai des affaires à régler d'une importance capitale. Toi là, l'humaine, vient avec moi. »
Je l'ai vu s'adresser à Amélia et à peine s'était-elle retourné en sa direction qu'elles disparurent aussi sec, comme volatilisées.
J'ai l'impression de délirer. Encore. Pour changer.
« - Bon... L'important c'est que Sa Majesté soit revenu en entier. Sur ce, moi aussi je file. La guerre n'attend pas les petits ! Aller à plus tard le gamin !
- Merci Magnus... »
Tout le monde sortit de la pièce, ou presque tout le monde. Mon père lui, resta. Il attendit que tout le monde sorte pour fermer la porte derrière lui, prît un fauteuil, croisant jambes et bras, soupira et me regarda avec son air le plus grave.
« - Il faut qu'on parle Kyle. »
Quand j'étais petit, cette phrase, elle me faisait peur.
« - Je sais... Je n'aurais pas dû...
- Je ne veux pas te parler de ce que tu as fait... Je veux te parler des conséquences de ton acte et de la suite des événements.
- Comment ça ? Quelle suite ?
- Tu sais combien de temps es-tu resté « mort » ? Combien de temps VOUS êtes restés dans cet état ?
- Quelques heures ? Je veux dire...ça ne fait pas si longtemps. Peut-être un jour ou deux max non ?
- Kyle...ça va faire deux semaines. »
Je n'ai pas les mots. Deux semaines. Alors j'étais vraiment...on était vraiment... Mon Dieu. Qu'a-t-on fait ?
« - Te rends-tu compte maintenant ?
- Mais je devais... Enfin je ne pouvais...
- Ne panique pas. Assume. Je ne cautionne pas ton geste et je ne saurais expliquer ce que tu as fait. Si c'est par amour ou stupidité. Je cherche encore la raison X ou Y qui pourrait l'expliquer. Mais aujourd'hui, nous n'avons pas le luxe de nous attarder sur ta bêtise. L'heure est grave. Peut-être même trop pour que l'on puisse se permettre de perdre du temps en explication.
- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Mara est partie. »
À nouveau ce sentiment étrange me parcours à l'énonciation de ce prénom. « Mara ». Je ne m'y ferai jamais. Chaque fois que ce son résonne dans mes oreilles, j'en ai mal au cœur.
« - Comment ça « partie » ? Je viens de voir Amélia là juste... Je veux dire...
- La dague que tu as utilisée sur Amélia... Un puissant sortilège l'entoure et, mal utilisée, elle peut créer une catastrophe que l'on tenait absolument à éviter en vous faisant venir ici.
- Je ne comprends pas... Je pensais que juste « poignarder » l'enveloppe humaine...
- Elle est là ton erreur Kyle. Tu as « pensé » mais jamais plus loin que le bout de ton nez. Tu as créé un « double ». Libérant la déesse de son vaisseau humain.
- QUOI ?! Attends, attends, je croyais que les déesses étaient des « âmes » et que sans corps...
- « La pierre des dieux » permet à l'âme de se stabiliser sur les deux mondes justement... Ainsi libérant la Kirla de ses « chaînes ». Mara n'est plus liée à Amélia. »
Oh mon dieu...Qu'ai-je fait ?
« - Où est-elle maintenant ?
- Non. Tu en as assez fait. Maintenant, tu vas te reposer. Quand Miya en aura fini avec Amélia, elle s'occupera de toi aussi. Magnus veillera également sur toi en attendant. Il est temps que vous laissiez les grandes personnes gérer cette crise.
- Et... Nico, Tara...et... Raya ! Où est Raya ?!
- Raya est en convalescence au palais. C'est sa dernière vie. Hors de question de perdre quelqu'un de notre monde encore une fois. Quant à tes deux amis, nous avons fini leur formation. Ils sont répartit sur terre avec les connaissances et les capacités nécessaires pour régler vos soucis terriens. Si c'est vraiment tes amis, alors laisse-les gérer ça à ta place. Tu n'es pas un héros Kyle. Tu ne le seras sans doute jamais d'ailleurs.
- ...............
- Maintenant, c'est à nous de faire du ménage derrière vous.
- Tu ne peux pas nous garder ici dans tous les cas.
- Crois-tu ? Je te défie d'essayer de partir mon fils. Tu serais surpris du contraire.
- Nous retenir contre notre gré c'est comme nous retenir prisonniers.
- Non. Je vous sauve la vie, nuance. Vos sacrifices amoureux ridicules, c'est terminé maintenant. Ta mère et moi n'avons pas donnés naissance pour que vous vous amusiez, ton frère et toi, à faire n'importe quoi. Cessez de vous comporter en enfants gâtés et comportez-vous un peu en hommes.
- C'est facile pour toi de critiquer maintenant hein ?! Facile de nous faire les reproches alors que tu avais ton cul assis sur ton beau trône depuis tout ce temps ! Mais tu ne sais rien de nos vies. Tu ne sais rien de ce qu'il s'est passé !
- Le crois-tu ? Ce n'est pas parce que je ne t'étais pas là que je ne sais rien.
- C'est vrai... Tu sais toujours tout mieux que tout le monde ! Tu es LE ROI des esprits après tout.
- Et je m'en vais agir en tant que tel, réparer les bêtises de mon imbécile de fils. En commençant par botter les fesses de mon premier. Les tiennes, viendront après. Patience.
- Tu crois que tu me fais peur ?
- Non. Je ne cherche pas à te faire peur. Ce n'est nullement mon intention. Je cherche à te prévenir. Ne me défie pas. Ni moi, ni mon autorité. Je n'aurais aucun scrupule à te traiter comme un de mes prisonniers s'il le faut. Si ça peut te remettre les idées en place et faire taire cette folie en toi. Redescends de tes grands chevaux Kyle. Tu n'es pas le prince ici. Tu n'es pas non plus un esprit et encore moins un homme. Tu n'as pas ta place dans ce monde. Ou plutôt, tu ne la mérites pas. Tu veux te rendre utile ? Prouve à tout le monde que tu en vaux le coup. En attendant... Je laisse ton « éducation » à quelqu'un de plus compétent que moi. En espérant que Miya puisse résoudre ce problème. »
À ses yeux, c'est ce que je suis devenu. Un problème. Un autre sur sa longue liste. Il ne m'a jamais vraiment vu comme son fils ou quelque chose qu'il s'en rapproche. D'entrée de jeu, il a voulu me tester. Il faut croire que j'ai lamentablement échoué. Partout. À son test stupide de bravoure et à tout le reste.
Encore une fois, j'ai tout fait foiré.
Arriverais-je seulement à me le pardonner ?
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