Chapitre 29
Sac sur le dos, adresse dans la main, je redescends les escaliers sous les regards à la fois curieux et interrogateurs de toute cette petite bande. Ils ne pouvaient pas rentrer chez eux et moi je ne pouvais pas rester ici.
« - Ok. On y va, finis-je par dire »
À mon grand désespoir. Je ne pouvais pas dire « non » mais je ne pouvais pas dire « oui » non plus. Il fallait faire un choix et le mieux que je puisse faire pour eux, c'était au moins de les emmener avec moi jusqu'à Ygdressa. Là-bas, on pourra certainement trouver une solution pour eux aussi.
« - On va où ? demanda Michael bêtement
- Loin d'ici, répondis-je. Là où on pourra s'occuper de vous.
- On y va comment ? demanda une autre
- Vous verrez...soupirais-je »
Le Siège avait de nombreux garages à disposition en cas d'urgence un peu partout dans la ville et par chance, l'appartement d'Amélia n'était pas loin du garage que je cherchais. Normalement en mini-van, tout le monde rentre.
« - Aller on se sert, on rentre son petit popotin et il est interdit de demander une pause pipi toutes les deux heures, fis-je en ouvrant les portes
- Et pour manger ? me regarda Michael
- Tu ne trouves pas que tu as assez de réserve pour tenir là ? répondis-je en regardant son petit ventre.
- Ahahahaha !
- Attachez vos ceintures, on y va, sifflais-je en refermant les portes
- Mais tu as ton permis Kyle ? me chuchota Hayley en se mettant à côté de moi
- Je n'ai jamais dit que je ne l'avais pas, rétorquais-je dans un clin d'œil »
C'est ainsi qu'on prit la route. Tous ensemble. Je regardais la ville s'éloignait progressivement dans le rétroviseur tandis qu'une colonne de fumée s'élevait encore dans le ciel. Certains des enfants tournèrent la tête, d'autres préféraient nettement regarder le paysage.
Ygdressa n'était pas la ville la plus proche et à ce rythme il allait bien nous falloir trois jours pour l'atteindre.
« - Tu crois que ça va aller ? me demanda de nouveau Hayley au bout d'un moment
- Ta sœur est forte. Je suis certain qu'on finira par la sauver. Ne t'inquiète pas, fis-je en attrapant ses mains
- Non... Pas Amélia. Mais toi. Tu es le seul maintenant non ? Tu es comme nous... »
Ses mots eurent l'effet d'une lance que l'on me planta droit dans le cœur. Il n'y avait rien de plus juste que ces paroles. Je suis seul maintenant.
« - Écoute Hayley... Je ne suis pas un super-héros et encore moins un de ces héros de roman fantastique trouvant toujours une super idée à la dernière minute et réussissant à sauver le monde.
- Mais tu vas réussir non ?
- Honnêtement ? Je n'en sais rien mais je ferais tout ce que je peux pour le faire.
- Et tu ne veux pas de nous ?
- Je n'ai pas envie de vous mêler à ça. Tu t'occuperas des autres quand on arrivera ? Tu me le promets ?
- Comment tu sais que je le ferais ?
- Ahaha... C'est parce que tu es comme ta sœur. Tu es forte. Tu le feras. »
C'était un trait commun chez les femmes de cette famille. Cette force qu'elles portaient toujours en elle, comme si elles portaient tout le poids du monde sur leurs épaules. C'était quelque chose que j'enviais, que je jalousais et que je n'ai jamais réussi à faire mais j'ai toujours réussi à soutenir du mieux que je pouvais.
Même aujourd'hui encore.
Au bout de quatre heures de route, l'estomac de Michael résonna dans l'habitacle jusqu'à présent sans bruit du mini-van et tout le monde explosa de rire. Ils en avaient besoin. Ils avaient besoin de rire. De se relever. Parce qu'au fond, ils ne sont pas seuls. Pas autant qu'ils semblent tous le penser.
S'ils sont tous ensemble, ils pourront faire la différence plus tard.
« - J'ai faim ! C'est quand qu'on s'arrête ? demanda Michael en tenant son ventre
- Moi aussi ! Je veux faire pipi !
- Moi aussi, j'ai mal aux fesses !
- C'est bon, c'est bon ! J'ai compris, on va faire une pause mais je vous préviens, on ne s'attarde pas !
- OUAIIIISSS ! »
Grosse erreur. Dès qu'ils purent descendre de la voiture, ils se mirent à courir et à gambader partout. J'ai mis une heure pour rassembler tout le troupeau et calmer les pulsions aventurières de certains.
« - Dis Tonton Kyle... C'est vrai que t'es un esprit toi aussi ? »
Non mais... D'où...
« - Euh ouais. Comment vous savez ça vous ?
- Hayley ! »
Je fusillais Hayley du regard qui fit mine de regarder les pissenlits à ses pieds.
« - Si t'es un esprit, pourquoi t'es comme nous ?
- C'est parce que c'est un demi. Moitié homme, moitié esprit. Pff, vous savez rien vous ! expliqua une fille du groupe
- C'est cooooolll ! Tu nous montres ?
- Je ne vais rien vous montrer, maintenant en voiture avant que je ne vous montre comment je mets des fessés.
- Tu mets des fessés aussi à Amélia ? »
QUOI ?! Mais d'où ils sortent ces gamins ?
« - Ne parle pas de ce que tu ne sais pas toi. Tu comprendras quand tu seras plus grand.
- Maman elle dit qu'elle aime bien quand papa lui donne la fessée. Je l'ai entendu une fois.
- Je ne veux pas savoir... Aller en voiture ! »
Non mais vraiment... Aucun respect.
Quand tout le monde était en place, ceinture bouclée, je repris la route et je remarquais une légère différence de comportement. Ils souriaient enfin. Ils discutaient entre eux. Certains s'échangeaient des paquets de gâteaux. D'autres racontaient des blagues. Vraiment nulles mais on en riait quand même. Parce qu'on en avait besoin.
On avait besoin de ça. De légèreté.
On fit un arrêt le soir, sur une aire d'autoroute, pas loin d'un camping où l'on demanda le gîte. On fut pris, les gens pensant certainement que l'on était l'une de ces colonies du coin. Avais-je la tête d'un animateur ? Sérieusement ?
« - Tu nous racontes une histoire ?
- Non. Vous avez quel âge sérieusement ?
- Et mon bisou du soir ?
- N'y compte même pas.
- Aller Tonton Kyle !
- Depuis quand je suis votre Tonton ?
- Hayley elle a dit que t'étais gentil... »
Hayley, elle dit vraiment beaucoup de choses, je trouve.
Quand je pense qu'y a à peine quelques heures ils étaient tous agglutinés dans mon salon, l'air sérieux, criant qu'ils voulaient aller à la guerre avec moi. Quelle différence dit donc.
« - Dormez maintenant et le premier qui fait une bataille d'oreiller, je le suspends aux ventilateurs par les orteils. Compris ?
- Ouiiiii »
Et voilà rébellion de 3 ans et demi, matée.
Quand je retourne vers l'accueil pour payer, une dame me regarde, tout sourire, l'air charmé.
« - Vous êtes bon avec les enfants. Cela fait longtemps que vous êtes animateur ?
- Seulement depuis quelques...heures, répondis-je en essayant de lui rendre son sourire
- Oh ! Vous devriez vous méfier si vous aller vers le sud. On a appris qu'Irita avait subi une attaque terroriste. C'est malheureux. Il y aurait des dizaines de morts. »
Une attaque terroriste ? C'est comme ça que le commun des mortels justifie ce qui s'est passé ?
Quoi qu'à tout bien y réfléchir, ce n'est pas loin de la vérité.
« - C'est gentil à vous, je ferais attention. »
Je retourne vers le mini-van, cherchant mon sac que j'avais délibérément laissé ici pour emmener les enfants s'installer.
Baissant le siège, j'attrape Felix dans le sac et le regarde sous tous les angles. Il a un œil de travers et y a un bout de coton qui sort de ses fesses.
« - On dirait que toi aussi, tu t'uses avec le temps. Par contre...si t'es censé être moi... Je vais t'enlever ce bout de coton que tu as de suspendu sur les fesses car vraiment...on dirait que tu fais caca et ça me va pas. J'suis pas de ce genre-là.»
En essayant de remettre la boule à sa place dans la peluche, je m'aperçois que mon pouce fait un trou encore plus gros que celui qu'il y avait déjà.
Et là... C'est la fin. Je me surprends à avoir un fou rire. Un énorme fou rire. Je sais que c'est nerveux. Mais je rigole.
« - J'ai un doigt dans les fesses ahahahaha ! »
On parlera de maturité plus tard. Ça ne devrait même pas me faire rire ce genre de débilité mais là, c'était différent. Là, je rigole. J'en ris jusqu'à en pleurer. Jusqu'à me défoncer les abdominaux. J'en ris parce que je trouve ça drôle d'avoir un bout de coton qui sort des fesses.
Quand j'essaye de retirer mon pouce, je sens comme un bout de papier à l'intérieur même de la peluche. Je l'attrape, le retire et je suis surpris de trouver une toute petite boule roulée comme un mini parchemin.
Qu'est-ce que ça fait là ça ?
Ce n'est pas possible...
Je le déroule et reconnais alors cette écriture si particulière.
« Je t'aime, Kyle. »
Amélia.
Quand l'avait-elle écrit ? Comment ?
« - Finalement... Je vais te garder sous le coude toi, fis-je en examinant la peluche de plus près. »
Même avec un œil de travers et un trou dans les fesses faisant déborder des boules de coton. Je vais la garder.
Je vais la garder comme symbole.
Symbole d'espoir. Parce qu'au moment où j'en avais le plus besoin, j'ai réussi à avoir ce que je voulais. Tel un miracle venu de je-ne sais trop où, j'ai réussi à l'entendre me dire « Je t'aime ».
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