8 ~ The desk

Contre toute attente, Victoria n'a rien trouvé sur Luke Hemmings, si ce n'est l'enlèvement de son petit frère, Ben et la mort de son père dans le même incident que celui qui a tué le mien ainsi que le mari de Cécile. Bien que j'avais espéré trouver un moyen de le faire taire, je n'ai plus qu'à attendre sagement qu'il parte réclamer sa récompense, cherchant ainsi la reconnaissance de sa mère, comme toujours.

Ce soir je me force à manger, donnant l'impression que tout va bien, alors qu'au fond je réalise qu'il s'agit de ma dernière nuit ici. J'observe chaque recoin, chaque geste des membres de ma famille, comme si je pouvais ainsi garder de bons souvenirs à tout jamais. Quand je serais dans les sales glacées de l'Iceberg, il n'y aura que ces semblants d'images qui me rappelleront qui j'ai été. J'aimerais les serrer dans mes bras, toutes les trois.

Mais je ne veux pas les inquiéter.

Aussi je finis mon assiette et pars directement me coucher, prétendant être fatiguée. Je dépose un simple baiser sur la tempe de ma mère, puis sur celle de Victoria. Cécile quant à elle m'ouvre ses bras pour une étreinte, comme si finalement après toutes ces années à jouer a comédie, cet amour était devenu réel.

Puis je me couche.

Comme j'aurais aimé ne jamais grandir.

Les souvenirs de Luke remontent en moi contre mon gré et je mentirais si je disais que je ne ressens pas une pointe de remords. Je crois que je l'ai aimé moi aussi, un jour, quand j'étais enfant et que mon seul souci était de ne pas parler de ma famille devant tout le monde. Il me faisait penser à autre chose, lui et Michael également. Demain sera différent et j'espère que tout comme ces souvenirs que je m'étais créés à table tout à l'heure, les visages des deux garçons que j'ai aimé resteront avec moi.

*

C'est presque deux heures après m'être couchée qu'un bruit de porte me fait sursauter, me faisant sortir de mon demi-sommeil. En bas la lumière est toujours allumée, mais faiblement, pour ne pas trop attirer l'attention.

Mais quelqu'un vient d'entrer.

Est-ce un de ces enfants venu fouiller la maison une fois encore ?

«- As-tu des nouvelles ? –Murmure Cécile alors que je fronce les sourcils-

-Tessa m'a dit que de nombreux Illégaux allaient être enlevés entre ce soir et la fin de la semaine.

-Pourquoi prennent-ils autant de temps ?

-Il semblerait que le nombre d'Illégaux ait explosé, l'AGFA ne pensait pas en dénicher autant après la journée sportive d'aujourd'hui.

-Est-ce que.... Pandore fait partie des noms que Tessa a relevés ?

-Non, j'ai réussi à éviter ça –Murmure l'inconnue que je soupçonne d'être Mme Calgary- Pour le moment Pandore est en sécurité, mais j'ignore pour combien de temps. Je pensais qu'ils cesseraient de traquer les Illégaux après avoir atteint un certain quota, mais je crois que l'AGFA est décidé à vider le Nouveau Canada.

-Le vider ?

-D'après Tessa, quelque chose de sans précédent est en marche et je peux te confirmer qu'après avoir vu les Subs géants dans l'entrepôt des facultés, je n'en doute pas une seule seconde. Ils commencent par les Illégaux, puis ensuite, j'ai bien peur qu'il fasse un autre tri.

-Qu'est-ce qu'il serait meilleur de faire ? Dénoncer Pandore pour lui éviter une autre peine ? A quoi bon avoir cherché à la protéger durant toutes ces années si le résultat sera le même quoi qu'il arrive ?

-Fais-moi confiance, je dois encore régler quelques petites choses et si Pandore reste discrète jusque-là, alors nous serons sauvées, toi, elle et moi.

-Et que fais-tu d'Alice et Victoria ?

-Elles occupent toutes deux des postes qui les rapprochent de l'AGFA, c'est triste à dire mais si Pandore veut vivre, elle devra le faire loin de sa véritable famille.

-Ce n'est pas dit qu'elle acceptera, mais c'est d'accord.

-Si je reçois quoi que ce soit de la part de Tessa, concernant Pandore ou toi, tu devras te cacher.

-Et ensuite ?

-Je te promets de faire vite. Soyez prudentes.

-Toi aussi. »

Puis la dernière lumière s'éteint et la porte claque à nouveau, une ombre glissant le long des allées silencieuses. Peut-être aurais-je dû leur dire pour Hemmings.

*

Si j'avais cru mon heure venue, je suis surprise de passer la semaine sans aucun accroc. Hemmings n'est pas revenu vers moi, les cours se sont passés normalement et il semblerait qu'il n'y ait plus de traces d'Illégaux. La tension est redescendu et c'est comme si le Nouveau Canada s'était remis à vivre, ignorant totalement le destin de ceux qui avaient été arrachés à leur ancienne vie. Dans ma classe, plus personne ne parle de Vénus ou de Minna, nos quelques professeurs ayant été également enlevées ont été remplacées et les barrages de Gardiens se font plus rares.

La vie semble avoir repris son cours normal, jusqu'à l'annonce de l'AGFA, confirmant les rumeurs.

En plus des Gardiens, une section de combattants vient d'être officiellement ouverte, permettant aux individus âgés de dix-huit ans et plus de protéger les gouverneurs, en fonction de leurs résultats sportifs. Bien qu'il ne manquait pas de motivation, Michael, n'ayant encore que dix-sept ans, a été recalé et j'imagine qu'Hemmings aussi, quant à moi, je ne m'en suis même pas occupée.

Je continue de travailler avec Mme Calgary sur des travaux de physique, faisant comme si je n'avais pas entendu sa conversation avec Cécile il y a une semaine de cela. Mes notes s'améliorent et je ne cherche même plus à essayer d'aller nager hors du champ de force. Je suis une étudiante normale.

Mais alors que je mange avec Eponine et Michael à midi, l'écran de la télé du réfectoire se met à grésiller et un nom apparait noir sur blanc, suivi de la sonnerie qui annonce un message de l'AGFA.

« Mademoiselle Jones Pandore est attendue dans le bureau d'Amadalia Lambert, Mademoiselle Jones Pandore. »

Je n'ai pas l'impression d'avoir bougé ou quoi que ce soit. Pourtant Michael et Eponine se sont écartés de moi en un sursaut, mon verre s'étant brisé dans ma main, propulsant des bris de verre et de l'eau un peu partout alors que je sens plusieurs têtes se tourner vers moi.

Bien que l'annonce passe une seconde fois, je suis collée à ma chaise et c'est lorsqu'un Gardien se rapproche de moi avec son arme que je trouve la force de me lever, laissant Michael et Eponine sous le choc. Je ne prends pas la peine de détailler chaque tête tournée vers moi, mais je sais qu'il y a au moins celle d'Hemmings.

Mes pas sont mécaniques.

Seule l'arme que je sens dans mon dos me fait avancer et j'ai l'impression d'avoir perdu toute consistance lorsque l'on me fait entrer dans le bureau d'Amadalia, laquelle se tourne vers moi avec un large sourire. Le genre de sourire qui en dit long sur l'intérêt d'une personne.

«- Laissez-moi seule avec elle, merci –Dit-elle à l'attention du Gardien qui ferme la porte derrière-lui, me faisant me retrouver coincée- Je suis désolée de t'avoir coupée dans ta pause déjeuner, j'espère au moins que tu avais terminé ?

-Presque –Dis-je la gorge nouée-

-Bien, je suis contente que tu sois là ! –Dit-elle en s'asseyant sur son bureau, redressant ses lunettes à l'aide d'un ongle acéré- J'ai bien réfléchi et tu es la personne qu'il me faut.

-Si c'est pour le groupe de combat, je.... Je n'ai pas dix-huit ans madame.

-Oh non oublie-ça, j'ai bien compris que ce n'était pas le domaine vers lequel tu comptais te tourner et au final, cela m'arrange. Je vais avoir besoin de ton aide. Je n'en ai pas parlé à ton professeur Mme Calgary, non pas que je ne lui fasse pas confiance mais vois-tu, il lui manque quelque chose, quelque chose que tu as toi, un réel dévouement pour la physique. Je ne peux pas demander à un professeur de se donner corps et âme pour autre chose que son travail, mais toi, tu as l'avenir devant toi et je te sens prête.

-En quoi puis-je vous aider ?

-Ce masque que tu as créé est excellent, le régulateur de pression individuel relié à la capsule d'oxygène est d'une qualité indéniable et j'ai peur qu'il ne soit dénaturé si jamais j'en faisais faire par les élèves de la faculté de physique. Si tu l'acceptes, j'aimerais que tu réalises plusieurs autres masques pour moi. A la vue de ce que tu as déjà fait, je ne doute pas que ton travail sera bien fait et j'estime que les jeunes talents doivent être encouragés et récompensés.

-Eh bien je vais y réfléchir.

-De quoi ta mère et toi avez besoin ?

-Pardon ?

-Il doit bien y avoir quelque chose non ? Dis-moi qu'elle est la chose qu'il vous manque le plus et je te l'offrirai en échange de ton aide.

-Avec tout le respect que je vous dois madame, jamais vous ne pourriez nous rendre mon père. Il est.... La seule chose qui nous manque réellement –Dis-je d'un ton calme- Mais s'il devait nous manquer quelque chose de matériel, je dirais des planches de bois pour reboucher les trous de notre baraquement.

-Et si je vous offrais un autre baraquement ?

-Celui d'un Illégal ? –Je demande en cachant le défi dans ma voix, l'observant qui se met à sourire en coin- Excusez-moi, je n'aurais pas dû dire ça.

-Tu as un caractère bien à toi, on ne dirait pas en te voyant aussi timide et silencieuse, mais rassure-toi, je pensais à un tout nouveau baraquement, je ne vais quand même pas vous refourguer le baraquement d'une personne indigne de notre société voyons, tu mérites mieux que ça et puis, je te l'ai dit, les jeunes talents doivent être récompensés.

-Du bois suffira madame –Dis-je en serrant le fauteuil discrètement-

-Est-ce que cela revient à dire que tu acceptes ? –Je fais un simple oui de la tête- Parfait, je savais que tu ne me décevrais pas. Je mettrais un laboratoire à ta disposition, juste à côté de mon bureau, que tu puisses être tranquille.

-Je ne peux pas travailler dans le laboratoire de Mme Calgary ?

-Oh non je préfère que tu sois tranquille, dans un espace bien à toi. Qu'en dis-tu, marché conclu ?

-Marché conclu –Dis-je après une courte hésitation-

-Bien, tu recevras les horaires sur ton écran lorsque tu devras venir travailler. Ah oui et autre point, garde ce projet pour toi, j'aimerais éviter que quelqu'un d'autre puisse s'emparer de l'idée.

-D'ailleurs vous ne m'avez pas dit... A quoi serviront ces masques ?

-Oh j'aimerais seulement équiper nos nouveaux Gardiens.

-Les nouveaux ? Ceux du groupe de combattants ?

-Oh non, eux seront à part, une véritable Elite.

-D'ailleurs Madame la Gouvernante, si vous me permettez, j'aimerais vous suggérer quelqu'un pour ce poste, quelqu'un de très motivé –Dis-je d'une petite voix- Il n'a pas encore dix-huit ans, mais je suis sûre qu'il vous conviendra.

-Est-ce un de tes amis ?

-Oui, Michael Clifford. Cela fait maintenant plusieurs semaines qu'il parle d'y entrer et depuis que ça a été officialisé, il n'a pas montré un seul signe de relâche. C'est quelqu'un de fort et de loyal, j'ose espérer que vous pourrez lui trouver une petite place dans vos rangs.

-J'y penserais, c'est très aimable à toi. Ne veux-tu pas en faire partie toi aussi ? Joe Duncan m'a semblé être très intéressé par tes performances et je serais ravie de t'avoir également à mes côtés.

-J'ai été claire avec Joe, le sport n'est pour moi qu'un moyen de me défouler, la physique est une réelle motivation.

-Très bien, alors je te garde le labo. Tu peux retourner en classe, ton absence sera justifiée sur ton écran. »

Je la remercie d'un petit signe de tête et sors rapidement, prenant le chemin de l'Ecole tout en sentant mon dos moite devenir glacé au contact de la ventilation.

Ou bien est-ce le fait d'être entrée dans la sphère un peu trop rapprochée de l'AGFA qui me glace ?

*

Aurais-je pu imaginer un tel scénario il y a encore quelques semaines ? Il est probable que je sois une des dernières Illégales au Nouveau Canada et pourtant je me trouve également être la physicienne personnelle d'Amadalia. Chaque soir je me retrouve dans le laboratoire qu'elle a confectionné pour moi et chaque soir je me dis que j'ai finalement de la chance. Me rapprocher du danger était peut-être la meilleure solution, car plus aucun mot de menace ne m'a été envoyé et je ne me suis jamais senti aussi apaisée. Joe, après avoir appris que j'avais accepté le projet d'Amadalia plutôt que le sien, a bizarrement mis les voiles, quant à sa collègue à la peau foncée qui répond au nom de Mélawi, elle a fini par s'en aller elle aussi. Au même moment le groupe de combattant de l'AGFA a commencé à prendre forme. Chaque soir, depuis mon laboratoire, je peux voir défiler des individus de tous les âges. Certains semblent se présenter par pur hasard, quant à d'autres, il suffit de regarder leurs visages mauvais pour comprendre leurs motivations. Certaines femmes donnent même quelques frissons dans le dos et j'aurais eu du mal à m'imaginer entourée de tels molosses.

*

Après les soirs, je passe désormais des après-midi au laboratoire, dispensée de cours par Amadalia en personne, chose qui n'avait pas tardé à faire jaser les élèves aussi bien filles que garçons. Eponine et Pia ne disent rien, mais je sais qu'elles n'en pensent pas moins. Beaucoup se sont imaginé que j'étais devenu la préférée de la gouvernante et que c'était grâce à mon niveau sportif que j'en étais arrivée là, que malgré mes dix-sept ans, j'étais la plus haute élite du groupe et que je passais mes après-midi à m'entrainer.

Le midi on m'observe encore plus qu'avant et je pense ne pas me tromper en disant qu'il y a un Gardien destiné à me protéger dans le réfectoire. Me protéger ou me surveiller, je l'ignore, mais c'est quelque chose qui ne fait qu'agrandir le malentendu à mon égard.

Surtout auprès de mes amis.

«-Tu ne manges pas Mikey ? -Je demande d'une petite voix-

-Je n'ai pas faim.

-Où est donc passé ta motivation, tu sais que si tu ne manges pas tu ne garderas pas un aussi bon niveau en sport.

-Si tu le dis –Dit-il avec un soupçon d'ironie que je me force d'ignorer- Qui est partant pour un foot en rentrant des cours ce soir ?

-Pourquoi pas –Répond Baptiste- Tu as pu avoir l'aire sportive ?

-Non, mais j'imagine qu'avec certaines relations on pourra y arriver –Dit-il en se tournant vers moi- Tu vas venir ?

-Non –Dis-je en buvant mon verre d'eau d'un coup- J'ai des choses à faire.

-Oh c'est vrai j'oubliais, bon eh bien on tentera l'air sportive malgré tout.

-Pourquoi malgré tout ? –Je demande- Tu comptais sur moi ?

-Je me suis dit qu'étant donné ta position auprès de l'AGFA, tu pouvais nous avoir une autorisation spéciale pour l'aire sportive.

-Ma position ?

-Ce n'est pas ce qu'il voulait dire Pandore –Rattrape Eponine-

-Bien-sûr que si ! –Dis-je les dents serrées en me tournant vers Michael- Mais navrée de te décevoir, je n'ai aucune position auprès de l'AGFA. Navrée de vous décevoir tous d'ailleurs.

-On le sait bien Pandore –Murmure Pia- Mais c'est juste que les rumeurs... Enfin tu sais quoi, beaucoup pense que tu fais partie des Elites de l'AGFA.

-Je ne suis pas leur Elite ! –Dis-je les joues en feu-

-Ah oui ? Alors tu es quoi au juste ? –Demande Michael, ses yeux ancrés dans les miens- Ca fait des semaines qu'on ne te voit plus, tu ne prends plus le Sub avec nous, tu ne suis plus tes cours, tu ne dis rien à ta propre famille et tu te permets de ronchonner quand on émet des hypothèses !

-Des hypothèses ? Ce ne sont que des idées bâties sur des rumeurs ! Je ne suis pas leur Elite, je n'ai jamais voulu faire partie de leur groupe sportif et je n'en ferais jamais partie. J'avais pensé t'aider à y entrer, mais finalement je me demande si je ne devrais pas te laisser le faire seul, tu as l'air si malin. Toi autant que les autres.

-Pandore j... -Commence Eponine alors que Baptiste lui fait signe de se taire-

-Non je comprends, vous préférez croire les rumeurs, très bien. »

J'attrape mon plateau et pars le vider, sans même que Michael ou qui que ce soit n'ai fait un pas pour me retenir. Après tout, je m'en fiche. Je n'ai pas mangé, je n'ai pas faim et la seule chose qui m'empêche d'aller au laboratoire en avance, c'est Hemmings que je me prends de plein fouet.

«- Ca se prend pour une Elite mais ça ne regarde même pas devant soi –S'amuse le blond alors que j'entends Diane glousser derrière-lui-

-Ta gueule.

-Oh vraiment, j'ai peur.

-Allez Luke laisse-là, sinon elle va réussir à te faire avoir des ennuis alors que tu n'auras rien fait –Couine Diane alors que je la fusille du regard-

-Ah ouais ? J'aimerais bien voir ça –Dit-il en restant face à moi, puis en m'empêchant de passer- Où est Michael, Jones ? Tu peux te défendre seule maintenant ?

-Je t'ai dit de fermer ta gueule et laisse-moi passer.

-Si j'avais su que de nous trois, tu allais être celle qui allait trahir ses amis, je ne l'aurais pas cru.

-Luke arrête –Pleurniche Diane avant de finalement décamper par peur des représailles-

-Tu fais peur à bien des gens Jones, mais sache que moi je n'ai pas peur de toi, je sais qui tu es.

-Pousse-toi.

-Tu penses être en sécurité Jones, mais loin de tes amis, tu cours droit à ta perte.

-Je n'ai pas de leçons à recevoir de la part d'un garçon qui a caché un Illégal dans sa famille et qui est devenu un sale con juste après –Dis-je avec fureur- Si tu ne te pousses pas Hemmings, je te jure que je le ferais moi-même.

-Tu sais quoi ? Je suis bien content de ne plus être ton ami. »

Son regard passe du mien à quelque chose derrière moi. Il me suffit de me tourner pour voir Michael avec le reste du groupe. Tous me voient en galère face à Hemmings, mais aucun ne réagit. Au contraire, les filles me saluent en me disant à demain et seul Baptiste demande du bout des lèvres à Luke de me lâcher.

«-Je crois que Michael doit se dire la même chose finalement, dire qu'il voulait ce poste d'Elite plus que tout au monde. »

Mes yeux se détournent de Michael, lequel n'a même pas prêté attention à moi et en une seconde, j'étale Hemmings au sol, animée par une colère et une fatalité que je ne peux plus contrôler. Plusieurs cris alertent les Gardiens et il me semble même que finalement Michael accourt vers moi, me dissuadant de continuer.

Mais très vite je suis tirée hors du blond par un Gardien et quelques minutes après, je me retrouve dans mon laboratoire, faisant face au regard interrogateur d'Amadalia.

« -Alors comme ça, tu t'es battue ?

-Je l'ai simplement poussé, je ne voulais pas en arriver là.

-Luke Hemmings n'est-ce pas ? Il est venu se présenter ce matin, pour le groupe et j'imagine qu'il n'a pas apprécié que je lui dise que le poste était déjà occupé.

-Il a pensé que c'était moi –Dis-je- Ils s'imaginent tous que je fais partie de votre groupe malgré mon âge.

-Laisse-les parler, seules les vraies personnes savent qui tu es et qui tu n'es pas, parfois la famille n'est d'ailleurs que ce qu'on a de mieux –Dit-elle se m'offrant une tasse de chocolat chaud- J'ai traversé des épreuves difficiles moi aussi, devenir Gouvernante, c'est se mettre à part des autres, être la cible des critiques, être autant aimée que détestée et perdre ceux qu'on pensait être ses amis.

-Pourtant je ne deviens pas Gouvernante, ils ne devraient pas agir ainsi.

-Les personnes qui sont en quête du pouvoir, réveillent leur jalousie lorsque quelqu'un d'autre semble menacer ce pouvoir. Tu n'y es pour rien si je t'ai choisi toi et non eux, tu n'as pas à te sentir mal d'être différente. Allez, reprends ton travail, il n'y a que ça qui importe. »

*

Comme chaque soir depuis des semaines, je prends le Sub seule et cela semble encore plus pesant depuis que Michael l'a souligné. Je me sens véritablement à part, comme si malgré moi j'avais été arrachée à cette vie normale que je comptais garder. J'ai échappé à l'Iceberg, mais finalement je n'ai pas l'impression d'être totalement redevenue comme les autres. Illégale ou Elite.

Je soupire et marche lentement jusqu'à mon baraquement totalement refait à neuf. Il jurerait presque comparé aux autres et je sais que ça n'est pas passé inaperçu. Finalement, je le préférais avant.

Je badge mon écran et entre, trouvant Michael dans mon salon auprès de Victoria. Tous deux tournent leur tête vers moi, ce qui est un réflexe normal, pourtant j'ai l'impression qu'on me juge encore une fois et sous mon propre toit.

«- Pandi est-ce que ça va ? Michael m'a dit que tu t'étais disputée et j...

-Et qu'est-ce qu'il t'a dit d'autre ? Que j'étais une sorte d'Elite dans un groupe de combat ? –Dis-je en dardant le concerné du regard- Tu ferais mieux de ne pas l'écouter.

-Tu as été punie ? –Me demande-t'il sans attendre-

-Pardon ?

-Après avoir été amenée par le Gardien, tu as été punie ?

-Pourquoi ?

-Je veux savoir si tu as été punie Pandore ! –Dit-il d'une voix forte-

-Ce ne sont pas tes affaires c'est clair ?!

-Bien, alors je m'en vais, je ne veux pas empiéter sur tes nouvelles affaires. »

Il se dresse violemment, attrape sa veste et me bouscule presque en sortant alors que je bouillonne, rigide au centre de la pièce. Ma sœur part ranger sa tasse sans bruit avant de me regarder du coin de l'œil. Je n'ai jamais voulu ça.

«- Vous êtes toujours ensemble ?

-J'en sais rien –Dis-je en bougeant enfin- Pourquoi était-il là ?

-Il s'inquiétait, à vrai dire s'il voulait savoir si tu avais été punie, c'est parce que Luke l'a été.

-Quoi ?

-Après que vous vous soyez disputés lui et toi, un Gardien est venu le chercher en plein cours.

-Mais.... Amadalia n'a pas dit qu'elle le punirait !

-Peut-être qu'elle l'ignore elle aussi, mais j'ai du mal à croire qu'un Gardien puisse effectuer des ordres tout seul –Dit-elle nerveuse- Pandi dis-moi la vérité, que fais-tu au juste avec l'AGFA ?

-Rien ! Juste un petit boulot, rien qui ne justifie une telle haine envers moi.

-Pourquoi tu as accepté ce petit boulot ? Tu aurais dû te douter que ça ne t'apporterait rien de bon.

-Je n'ai pas eu l'impression d'avoir le choix et puis j'ai pensé un instant, qu'en étant proche du danger, je serais en sécurité.

-Effectivement, mais regarde ce que ça crée autour de toi. Tu perds tes amis les uns après les autres, même à nous tu ne nous dis plus grand-chose.

-De toute façon ce sera bientôt terminé. Je reprendrais une vie normale, Amadalia ne m'a pas parlé d'un travail infini à ses côtés.

-Bien, tu es sûre de ne pas vouloir en parler ?

-Certaine.

-Bien, sois simplement prudente. L'affaire Luke n'en restera pas là. »

Et effectivement, le lendemain matin je suis évitée comme la peste. Si jusque-là les rumeurs avançaient ma protection par un Gardien, les élèves pensaient maintenant que j'étais un comité exécutif et disciplinaire à moi toute seule. On me regarde de travers, on ne reste pas longtemps à côté de moi et bien que je pensais que la situation ne pouvait pas être pire, c'est désormais les professeurs qui se méfient de moi. On ne m'interroge plus, on me laisserait presque dormir pendant les cours. Comme si j'étais la petite princesse de l'AGFA, encore plus repoussante qu'une Illégale.

Mme Calgary est même devenue distante, ma dernière séance avec elle dans son labo remonte à plusieurs jours et je n'ose même plus aborder le sujet. Même auprès d'elle je ne suis pas honnête alors qu'elle avait pris de nombreux risques pour moi et quand je tente de lui parler, elle m'interrompt et s'excuse, prétextant devoir retourner travailler un cours.

Le midi je mange seule, hors du réfectoire. Ça fait du bien à tout le monde.

Puis je retourne travailler à mon laboratoire.

Je n'ai rien dit au sujet d'Hemmings, par peur que quelqu'un d'autre ne soit puni pour m'avoir mise au courant et désormais je ne parle plus que pour annoncer l'avancement du projet à Amadalia. Comme elle disait, seul le travail compte.

Je suis sur le point de finaliser le dernier masque, tous sont prêts à être utilisés et bientôt je n'aurais plus à me couper de ma vie sociale de cette façon et finalement je suis fière de moi, fière de voir ce que je peux donner quand je ne suis pas bridée par la peur de faire quelque chose d'illégal.

Amadalia aussi est fière de moi.

Mais c'est tout.

En dehors d'elle et moi, personne n'est au courant et personne ne le saura avant un moment. Puis quand viendra le jour où l'on apprendra que j'ai créé les masques des Gardiens ; Ceux-là même qui nous terrorisent tous, Illégaux ou non ; On me considérera comme la plus jeune membre de l'AGFA.

Je détache ma natte rousse et plie ma blouse, la rendant à Amadalia alors que cette dernière hausse un sourcil.

«- Alors tu ne veux pas rester ? –Elle demande-

-C'est que je dois me concentrer sur mes études.

-Pourtant tu sais que je peux t'éviter ce soucis, tu le mérites réellement et si jamais tu le désires Pandore, tu pourras devenir la plus jeune physicienne du Nouveau Canada. Je peux t'épargner de longues années frustrantes à attendre et te faire commencer maintenant, auprès de l'AGFA, en plus si je ne m'abuse, tu n'as plus vraiment d'amis dans ta classe n'est-ce pas ? Alors que tu les quittes maintenant ou dans quelques mois, ce sera la même chose.

-J'aimerais en discuter avec ma famille avant.

-Evidemment, je te laisse le temps d'y réfléchir. Je sais que tu feras le bon choix. L'AGFA a besoin de quelqu'un comme toi, c'est avec de réels talents que nous construirons le futur de ce monde. Veux-tu bâtir le futur de ce monde ?

-Oui.

-Alors réfléchis-y et donne-moi ta réponse quand tu auras choisi. »

*

Après avoir quitté la Ruche, je rentre directement au Terrier, marchant comme à mon habitude lentement. En chemin, les gens me reconnaissent et m'évitent. Certains changent d'allée et j'en aurais presque envie de rire tellement cette situation est désespérante, lorsque je suis tirée en arrière, par les cheveux.

Je gémis, me débats, mais une force m'attire dans les galeries éclairées au néon, me laissant voir les visages fermés de Michael et Hemmings, ce dernier ayant des bleus sur le visage.

«- Mais qu'est-ce que vous foutez ?! –Dis-je avec colère alors que Michael retire sa main de contre ma bouche- Vous êtes complétement cinglés !

-Tu vas encore aller te plaindre c'est ça ? –Dit Hemmings en lâchant mes cheveux après en avoir sûrement arraché quelques-uns-

-Ecoute tête de con, je suis ravi de voir ton visage dans un tel état mais crois-moi que j'aurais préféré que ça vienne de moi ! Je n'en savais rien de tout ça, c'est Michael qui me l'a appris, personne ne m'a parlé d'une punition !

-Alors explique-nous quel rôle tu joues !

-Mais en quoi ça vous regarde ?!

-On est tes meilleurs amis ! –Dit Michael avec force-

-On était –Rectifie Hemmings- Je ne veux rien avoir à faire avec elle tu le sais.

-Alors pourquoi t'es là ? –Je grogne à son attention-

-Car je veux une explication, si vraiment tu n'as pas demandé à ce que je sois tabassé, c'est qu'on l'a fait pour que tout le monde puisse penser que c'était de ta faute.

-Qu'es-tu réellement pour l'AGFA ?

-Amadalia... M'a proposé un poste de physicienne à l'AGFA, je revenais de son bureau tout à l'heure quand vous m'avez enlevée.

-Physicienne ? –Tousse Hemmings- Donc tu vas faire partie de l'Elite, tu vas devenir une des proches du gouvernement.

-Je n'ai pas encore donné ma décision.

-Et que comptes-tu répondre ?! –Me demande Hemmings avant même que Michael n'ait pu parler-

-Je n'en sais rien.

-Ca n'est pas une réponse !

-Je vais répondre oui ! Ca vous va ?

-Moi ça ne me va pas –Dit Michael les sourcils froncés- Tu ne seras plus des nôtres.

-Ah parce que je suis encore des vôtres aujourd'hui ?! J'espère que tu te fous de moi Michael.

-Je t'avais dit qu'elle était hystérique et que ça ne servait à rien de lui parler –Soupire Hemmings que je me retiens d'encastrer dans la roche-

-Vous m'avez mise de côté parce que vous avez cru aux rumeurs !

-Parce que tu ne nous a jamais dit la vérité surtout !

-Et à aucun moment tu ne t'es dit que c'était peut-être parce que je n'avais pas le choix ?! Quoi qu'il arrive on prendra tous des voies différentes, alors autant se séparer maintenant que nous n'avons presque plus d'attaches.

-Je n'arrive pas à croire que tu puisses dire ça –Se recule Michael-

-La faute à qui !

-C'est bon on s'en va Michael, de toute façon c'était perdu d'avance, elle n'est plus celle qu'on a connue. Je te souhaite de réussir à l'AGFA, mais fais attention à toi, tu ne seras jamais en sécurité. »

Luke se retire le premier, puis Michael hésite, son regard triste se posant sur moi. Je détourne le regard, le souffle court et je me braque presque lorsque je sens ses lèvres sur ma tempe.

Avant de sentir les larmes affluer.

Me voilà de nouveau seule, comme si j'avais été envoyée à l'Iceberg, mais finalement à l'endroit où je pensais être en sécurité et surtout vivante.

*

Cette nuit je n'ai quasiment pas dormi, j'ai réfléchi à ma réponse à Amadalia. Cécile a pensé que c'était une mauvaise idée, quant à ma vraie mère, elle semblait mitigée. Seule Victoria n'a pas dit un mot, effrayée par la tournure de la situation sûrement. Je lui ai également raconté l'épisode avec Michael et Hemmings dans les galeries et finalement, selon elle, la meilleure solution semble être d'accepter la proposition d'Amadalia.

Ce qui sera toujours moins pire que de retourner à l'Ecole où je suis devenue la bête noire.

Je suis épuisée, j'ai l'impression d'avoir perdu tout entrain et même mes capacités sportives semblent être mises à mal. Si Joe me voyait, il ne chercherait pas à me faire venir dans son projet.

Peut-être aurais-je dû accepter finalement.

*

Une fois ma famille embrassée, je quitte le baraquement et rejoins le Puit, mes paupières se faisant lourdes. Peut-être qu'en étant physicienne à l'AGFA, je travaillerais sur une éventuelle exploration de la surface, c'est une chance à saisir et finalement il ne me tarde qu'une chose, être cet après-midi pour donner ma décision.

*

Dans le Sub je croise Michael, Hemmings, Eponine et Baptiste. Aucun d'eux ne vient me parler, même si je sens qu'Eponine tente de me faire quelques sourires. De toute façon je n'ai jamais rien attendu de mes relations scolaires, même ma relation amoureuse avec Michael semblait être vouée à s'estomper et bien que la rupture ait été violente, sans pour autant être officielle, tout ce que je souhaite maintenant c'est passer à autre chose, ne plus sentir ce poids sur mes épaules.

Je descends la première du Sub et suis la première en cours. Les Gardiens ne s'occupent plus de moi, je ne perds presque plus de temps à badger et finalement je me sens vide.

Ce matin nous avons quatre heures de physique, pas une seule fois Mme Calgary ne m'accorde un regard, alors je me contente de prendre des notes, priant pour que le cours se termine vite. Mais tout se passe de façon bien trop longue. Je veux en finir, ne plus sentir les regards de mes camarades, ne plus entendre Diane murmurer des choses à mon sujet.

Bientôt.

A l'interclasse je ne sors même pas de la salle, je reste à ma place, attendant au fond de moi qu'Eponine vienne me parler. Mais rien.

Et si je quittais le cours plus tôt et allais voir Amadalia ? Après tout, je suis la petite princesse de l'AGFA maintenant, je peux.

Je range mes affaires avec ironie, me lève sous le regard surpris, sans l'être réellement, d'Eponine et Pia, puis j'atteins le couloir où Mme Calgary s'est cachée. Elle est recroquevillée contre un mur, dans le noir et porte sa manche contre sa bouche tremblante. J'entends une voix provenir de son écran, quelqu'un parle avec elle. Je racle ma gorge pour annoncer que je m'en vais, lorsqu'elle se tourne vers moi.

Comment qualifier son regard en cet instant, suffisamment terrifiant pour que je sente quelque chose en moi exploser.

«- Tu.... Tu en es sûre Tessa ? –Balbutie Mme Calgary à son écran tout en me fixant sans cligner des yeux-

-Ce n'est plus qu'une question de temps ! »

Je fronce les sourcils et m'excuse, prête à passer, lorsqu'elle agrippe violemment mon bras et me fait rentrer de nouveau à l'intérieur. Mon bras me brûle, des larmes de surprises montent à mes yeux alors qu'elle tourne la tête en tous sens.

Les élèves présentent regarde la scène sans comprendre.

Celles qui rentrent ne comprennent pas non plus.

Puis elle me tire jusqu'à son bureau et sans aucune douceur, elle me met à terre et me pousse sous son bureau, m'empêchant de sortir avec sa chaise. Mon souffle est coupé et alors que je commence à crier, elle hausse le ton, d'une voix aussi aigu que terrifiante.

«- Pandore Jones a quitté la classe pendant l'intercours –Dit-elle tout haut- C'est bien d'accord mesdemoiselles ?! Votre camarade Pandore Jones a quitté la classe pendant l'intercours car elle était malade.

-Mais madame vous l'av...

-Pandore Jones a quitté la classe ! –Hurle-t'elle presque avant de tapoter nerveusement sur son écran- Pourvu que ce ne soit pas trop tard. »

Elle baisse sa tête me fais signe de me taire. Son regard me pétrifie un peu plus encore et finalement je reste en boule avec mes affaires sous l'épais bureau, ne voyant que les pieds de Mme Calgary aller et venir nerveusement.

Puis, pas moins d'une vingtaine de minutes après, la porte de la classe s'ouvre à la volée et des Gardiens se mettent à brailler, faisant sursauter mes camarades.

«- Vous êtes la TD2 ? –Demande un Gardien alors que Mme Calgary s'avance, sortant de mon champ de vision-

-Oui, que puis-je pour vous ?

-Nous venons arrêter Pandore Jones -Dit-il d'une voix glaciale alors que mon coeur semble s'arrêter-

-Pandore, pourquoi ?

-Où est-elle ?! –Braille un autre Gardien alors que mon cœur bat à tout rompre-

-Elle est rentrée chez elle ! –Dit Eponine- Elle était malade, elle est partie lors de l'intercours.

-Le baraquement des Jones et des Keanon a été saisi et elle n'y est pas, je répète où est Pandore Jones ?!

-Elle est partie ! – Répond Mme Calgary en cœur avec des élèves alors que je plante mes ongles dans le sol dur, jusqu'à les briser-

-FOUILLEZ LA CLASSE ! »

Mon cœur rate un battement et je retiens un cri lorsque je vois deux Gardiens se diriger vers les placards. Tous sont vidés, éventrés et je suis sur le point de vomir lorsqu'ils ouvrent le dernier placard, n'y trouvant rien.

Je ne dois pas bouger.

Mais un bruit parvient à mes oreilles.

Un Gardien vient de charger son arme.

J'ignore si il vise une des filles, ou s'il l'a fait seulement pour les effrayer, mais un silence de mort règne à présent dans la classe.

«- Je répète, où est Pandore Jones ? Vous feriez mieux de coopérer sinon je les descends les unes après les autres.

-E....Elle est partie ! –Tremble Mme Calgary-

-Cacher une Illégale est un crime et vous savez ce que vous encourrez.

-Je vous assure qu'elle est partie, toutes les élèves ici présentes l'ont vu s'en aller.

-Garet, appelle l'infirmerie pour savoir si Pandore Jones s'y est présentée, Wilmore, contacte le bureau d'Amadalia, il semblerait qu'elle avait rendez-vous avec elle.

-V...Vous ne venez pas sur ordre d'Amadalia ? –Demande Mme Calgary-

-Nous venons sur ordre d'un appel, bizarrement c'est le second que l'on reçoit, désignant Pandore Jones comme étant Pandore Keanon. Si Joe Duncan l'a cachée, c'est bien parce que comme lui elle était Illégale et à présent ça ne fait aucun doute. Nous avons des preuves.

-Quelles preuves ?

-Des échantillons, prélevés directement sur elle. Si le sang peut être modifié avec des sérums, les cheveux sont des éléments sûrs et non modifiables. Alors Garet ? Wilmore ?

-Négatif.

-Les caméras ne montrent pas d'élève sortir. A moins qu'elle ne soit passé par le réfectoire.

-Donc, elle n'est plus ici ? –Sourit le Gardien, chargeant à nouveau son arme, ce qui fait sursauter tout le monde- Vous avez dix secondes pour me dire la vérité, madame, ou bien vous pouvez dire adieu à cette petite. »

Qui est-il en train de viser ? Je n'entends plus rien, les filles se sont mises à hurler, à les supplier d'arrêter. Certaines continuent de dire que je suis partie, les Gardiens finissent par y croire. Ils vont bientôt partir. Il le faut. Puis les cris recommencent et un seul se détache du lot, un seul monte à mes oreilles et traverse mes tympans puis tout mon corps.

« - E...ELLE EST SOUS LE BUREAU ! »

Un nouveau silence de mort, puis les Gardiens se mettent à rigoler.

J'entends Mme Calgary hurler, d'autres filles s'y mettent, puis un coup de feu retenti, faisant un vacarme pire encore, jusqu'à ce que la chaise soit projeté dans les airs. Je me colle contre la paroi du bureau, écrasant mon crane alors que je recule sans pouvoir aller plus loin, lorsqu'une main m'attrape par le col et m'extrait violemment de ma cachette, mes genoux s'éraflant contre la roche au sol.

Mme Calgary a été poussée et tente de se relever, hagarde. Les cris s'intensifient, puis l'épaisse main du Gardien s'enroule autour de ma gorge, me soulevant de quelques centimètres alors que je me débats avant qu'on ne m'injecte un produit, directement dans le cou.

La douleur est horrible, je me sens brûler de l'intérieur.

Puis mon corps devient lourd, les cris deviennent lents, je ne sais plus s'il s'agit des miens. Je ne touche plus le sol, pourtant on ne m'étrangle plus. Entre temps le Gardien tente de me montrer qui m'a dénoncée, mais je n'ai pas besoin de l'écouter, je le sais, j'ai reconnu la voix.

J'ai simplement le temps de lancer un dernier regard à Eponine, réfugiée au fond de la classe, en larme, aux pieds de laquelle se trouve un corps, puis les cris semblent exploser pour finalement s'arrêter d'un coup.

Et je vois blanc.

*

Un vrombissement grossit à l'intérieur de ma tête, devenant de plus en plus gênant, comme une ventilation sur le point d'exploser. Puis une odeur d'algue me prend aux tripes et je me redresse d'un coup sans savoir dans quelle position je suis, régurgitant tout ce que je peux.

«- Eh bien, j'ai connu des voyages plus glamour. »

Je vois tout en double. Je n'arrive pas à fixer les choses et cette situation augmente mes nausées alors que je sens une main tenir mes cheveux.

« -Déjà que je trouvais que l'odeur d'algue était un calvaire, tu viens de me donner une excuse pour pouvoir enfin changer ce Sub de merde.

-Q...Qui...

-Eh doucement Pandore –Dit la voix alors que je chancèle, essayant de tourner ma tête vers la voix- Tu es encore gazée par le sérum. Pff, je t'avais bien dit de venir avec moi. Mais bon, chapeau d'avoir tenu jusque-là. »

Je fronce les sourcils et discerne une masse rouge au-dessus de moi. Je ne comprends rien, je ne sais pas où je suis, mais une chose est sûre.

Je suis avec Joe.

«- O...Où on.... On est...

-On se dirige vers l'Iceberg –Dit-il sans trop insister- Je suis désolé. »

D'épaisses larmes roulent sans que je puisse les contrôler à mesure que je comprends ce qu'il s'est passé et bientôt je vois net, découvrant le visage qui se veut réconfortant du rougeâtre. Il m'aide à me redresser et une fois attachée, il me donne à boire.

«- Tu as vraiment mauvaise mine.

-L...La ferme.

-Est-ce que tu te souviens de ce qu'il s'est passé ? –Je fais un timide oui de la tête- Bon, quoi qu'il en soit c'est du passé, tu vas vivre à l'Iceberg désormais, tu verras c'est un endroit cool où on peut se teindre les cheveux.

-C...C'est ce que tu as dit à chaque gamin qui a été envoyé de force ici ?

-A vrai dire, je n'ai pas le droit d'accompagner les Illégaux, étant donné que j'en suis un également, mais pour toi j'ai fait une exception, je savais que ça te plairait de faire le voyage avec moi.

-Laisse-moi tranquille.

-Très bien, mais je veux que tu m'écoutes attentivement. A l'Iceberg tu ne pourras pas en faire qu'à ta tête, bien que ce soit un endroit plus libre qu'au Nouveau Canada, tu as des règles très strictes et tu n'as pas de seconde chance. Considère l'Iceberg comme ta seconde chance et ne fais pas de bêtise.

-Du genre ? Me battre ?

-Oh non tu pourras te battre, mais je peux te donner un conseil, ne révèle jamais ton Hunternumb, à personne et sous aucun prétexte.

-M...Mon quoi ?

-Tu comprendras quand on arrivera, mais quand tu l'auras reçu, garde le pour toi, ne me le dis même pas à moi. Les autres se venteront sûrement, ils te diront le leur, mais toi, ne leur dis jamais.

-Pourquoi moi en particulier ?

-Disons que j'aimerais éviter que tu te fasses tuer. Je te l'ai dit, l'Iceberg sera ta seconde chance, tu vas apprécier j'en suis sûr. »

Je ne dis rien et retiens simplement une larme. Cecile, Alice, Victoria, Michael... Je n'ai pas pu leur dire au revoir. Tout ça parce qu'on m'a dénoncée.

«- Et moi qui pensais t'avoir couverte, vraiment j'ai été surpris d'apprendre qu'ils t'avaient arrêtée.

-Est-ce que tu sais qui m'a dénoncée ?

-J'ai ma petite idée, mais je ne pense pas que tu aies envie de l'entendre, ou alors, tu dois déjà le savoir au fond de toi. Allez n'y pense plus, ta nouvelle vie commence maintenant, Pandore Jones Keanon. »


~ Bonsoir, juste un petit mot pour vous dire que je m'excuse platement pour cette attente, j'espère que malgré tout vous êtes toujours dans l'histoire et que ce chapitre vous aura plu :) merci d'être toujours présents !

Kactus

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