6 ~ Syringe
J'enfouis nerveusement le papier dans ma poche et me tourne au ralenti vers Cécile et ma professeur de physique, lesquelles ne me lâchent pas du regard. Je ne peux rien dire tant que je ne suis pas seule avec Cécile, alors je fais mine de rien et prends place à leurs côtés, glissant mes mains moites sous la table. Comme je m'y attendais, j'ai le droit à un sermon, mais en dépit de la peur que j'avais ressentie face à Amadalia, je n'y prête pas attention. Qu'est-ce qu'il m'a pris de dire à Vénus que j'étais une Illégale ? Que ce papier arriver juste après cette conversation n'est pas un hasard et tandis que je devrais me concentrer sur les paroles de Cécile, je tente de me remémorer la scène. Il n'y avait que Vénus et moi, les Gardiens étaient bien trop loin pour nous entendre.
« -Pandore, est-ce que tu crois que c'est le moment d'être ailleurs ? –Gronde Cécile, d'une voix que je n'avais encore jamais entendue- Pourquoi as-tu nagé en plein jour ? Je ne sais pas si tu te rends compte à quel point ce que tu as fait est grave ! Et en plus tu as mêlée Mme Calgary à tout ça !
-Ce n'est rien Cécile –Dit-elle en lui adressant un simple sourire avant de me fixer- Cependant, bien que je t'ai couverte, il est possible qu'Amadalia s'intéresse à toi dorénavant.
-Pandore mais pourquoi ?!
-Je m'inquiétais de ne pas avoir vu Minna aujourd'hui alors j'ai simplement voulu aller voir.
-Tu as nagé jusqu'au nouveau Quartier ?! –Demande Cécile alors que je reste droite-
-Comment c'était ? –Demande Mme Calgary-
-Propre, un quartier comme un autre –Dis-je en nouant discrètement mes mains sous la table- Avec pour seule différence qu'il y avait beaucoup de Gardiens et aucun Puit.
-Pourquoi as-tu pris le risque de nager jusque là-bas en plein jour ? –Demande Mme Calgary, les sourcils froncés-
-Je vous l'ai dit, je voulais voir si Minna allait bien.
-Heureusement pour toi que je t'ai couverte dans ce cas –Soupire-t'elle- Amadalia n'aurait pas soutenu une telle excursion, déjà que je doute que ma version soit plus crédible.
-Vraiment merci Ana, ce n' était pas à toi de couvrir Pandore –Dit Cécile en raccompagnant ma prof-
-Je t'en prie, tu sais que je porte beaucoup d'espoirs en cette petite, à l'avenir. Son don pour la physique est un atout et j'ose espérer que cela nous servira à tous. Quoi qu'il en soit Pandore, j'éviterais une nouvelle expérience comme celle-ci si j'étais toi. Amadalia n'a rien laissé paraitre, mais je pense qu'après le suicide de la jeune Jenny et ta petite séance de natation illégale, les champs de force seront lourdement modifiés.
-J'ai bien compris, merci de m'avoir couverte.
-Fais très attention à toi. »
Je la remercie d'un signe de tête et reste assise à table, les jambes encore flageolantes suite au papier trouvé par terre. Voyant que je ne les suis pas, elles en profitent pour se rapprocher et chuchoter, jetant par moments des regards à l'extérieur. Je tente d'intercepter un bout de leur conversation, mais bientôt Mme Calgary s'éclipse par la porte d'entrée et tout ce que j'ai pu entendre sont les mots « Infiltré » et « cacher ».
«- Mais où avais-tu la tête ?! –Murmure Cécile, les joues rouges de colère alors qu'elle revient à ma hauteur- Tu es consciente que tu es dorénavant sur la liste des personnes suivies de près par l'AGFA ? Tu veux te faire enlever ?! Ta mère va être folle en apprenant ça ! Tu imagines, si l'AGFA se met également à s'intéresser à nous ?
-Je n'aurais pas dû être repérée, tout se passait très bien jusqu'à ce que je n'atteigne l'Iceberg !
-L'Iceberg ?! Mais enfin tu as dit que t...
-Je ne pouvais pas dire la vérité devant Mme Calgary –Dis-je les dents serrées- J'ai voulu nager jusqu'au nouveau Quartier je le jure, mais le problème c'est qu...
-Il n'y avait rien, n'est-ce pas ? –Demande-t'elle sans me regarder-
-En effet, j'ai nagé le plus loin possible en espérant le trouver, mais je suis arrivée jusqu'aux environs de l'Iceberg et j'ai dû rebrousser chemin. Vous aviez raison, Purity est un mensonge et je suis sûre que les personnes que j'ai vu déambuler hier soir, ainsi que Minna et Jeffrey, ont été envoyés à l'Iceberg, s'imaginant qu'ils partiraient pour un nouveau Quartier.
-Ecoute Pandore, les choses prennent une tournure beaucoup plus inquiétante que prévu –Me dit Cécile à présent agenouillée à mes côtés et prenant mes mains tremblantes dans les siennes- Et je veux que tu me jures que tu ne feras rien qui puisse te mettre en danger, ou même ta mère, ta sœur et moi.
-Comment ça plus inquiétante ?
-Pandore jure-le moi ! –Dit-elle en serrant mes mains alors que je sens mon cœur battre bien plus vite-
-Je te le jure –Dis-je en zieutant la boule de papier dans ma poche- Mais je veux savoir ce qu'il se passe. Est-ce qu'il y a une explication au fait que Purity soit lancé seulement maintenant ?
-Es-tu au courant pour les récentes disparitions de médecins ? –J'hoche la tête- Apparemment l'AGFA les aurait appelés pour faire des analyses au sujet d'un nouveau virus.
-De quel genre ?
-Quelque chose qui semble apparaître au fur et à mesure des générations et d'après ce que nous a dit le docteur Fergusson avant de disparaître, l'AGFA a été pris de court. Tout ce qu'ils savent, c'est que ce virus semble être bien plus fort que le Sérum de Protection créé après la Guerre Chimique, c'est un peu comme s'il grignotait les cellules pourtant sensées être protégées par le Sérum.
-Quel est le rapport avec Purity ?
-Bien qu'on soit tous porteurs de ce virus, les médecins ont enregistré un pic de contamination très élevé chez les Illégaux, comme si... Comme si ce virus était en symbiose avec les naissances répétées.
-Je suis porteuse d'un virus ?
-Nous n'en savons rien Pandore, mais il est fort probable que l'AGFA cherche à éloigner les Illégaux le plus possible pour faire des tests plus approfondis et Purity est le moyen parfait pour séparer la population sans effrayer qui que ce soit.
-Est-ce que le docteur Fergusson a dit quels genres de tests ils faisaient ?
-Non. Seules quelques personnes de confiance, très proches des Gouverneurs, sont au courant. L'AGFA n'a aucune confiance dans les médecins, car c'est d'abord grâce à eux que des Illégaux naissent de temps à autre...
-Pourquoi leur demander de l'aide si ils ne leur font pas confiance ?
-L'AGFA se sert d'eux pour en savoir plus sur le virus et pour faire croire à une entente, mais je suis prête à parier que lorsqu'ils n'auront plus besoin d'eux, ils seront vites placés sur la liste des personnes gênantes et dangereuses. De nouveaux médecins sont arrivés dans les quartiers, c'est le cas de Delphie Habot, la remplaçante de M Fergusson, et il ne faut pas croire qu'ils soient tous de gentils élèves issus des facultés de Médecine de la Bulle. Beaucoup semblent être formatés, comme les Gardiens et il est possible que l'on ne revoie jamais nos anciens médecins. Tout ça parce que l'AGFA veut avoir le contrôle total.
-Pourquoi est-ce qu'on ne s'enfuirait pas ? –Je demande après un long silence- Je suis sûre qu'il suffit de modifier légèrement les Subs pour qu'ils puissent résister aux changements de pression jusqu'à la surface.
-Oui et ensuite ? L'AGFA ne nous pourchassera pas jusqu'à la surface c'est vrai, mais que comptes-tu faire une fois là-haut ? Nous ne connaissons pas ce monde, nous ne sommes plus faits pour y vivre. Nous sommes des humains modifiés afin de vivre sous l'eau Pandore, notre place est ici.
-Peut-être que justement il est temps de se trouver une autre place.
-Je t'en prie ne fais pas l'idiote, les temps à venir risque d'être durs et tu ferais mieux de t'en inquiéter –Soupire-t'elle en se redressant- Ne fais confiance à personne. »
Je fais un simple oui de la tête avant de prendre sur moi et de grimper jusqu'à ma chambre où j'attrape un briquet. C'est la peur au ventre que je regarde le bout de papier disparaitre, les lettres rouges devenant incandescentes. Mais même une fois brûlée, cette menace résonne dans ma tête.
Je n'ai pas osé dire à Cécile que j'avais parlé de mon statut à Vénus, que quelqu'un est à présent au courant et que je suis sur le point d'être découverte. Je ne peux que trembler, en boule sur mon matelas et mes mains tremblant sans arrêt.
Quels genres de tests l'AGFA peut-il faire subir aux Illégaux ? Et qu'est-il donc arrivé aux gens que j'ai vu défiler dans la pénombre hier soir ? Et Minna Bert... Je déglutis, chassant de ma tête des images de ma camarade torturée par des médecins zélés. S'il est vrai que je porte un virus, alors j'ignore ce qu'il peut produire comme effet. La seule différence que j'ai toujours sentie comparée aux autres, c'est cette naissance taboue, cette impression de n'avoir rien à faire ici.
Je regarde au travers du bois défoncé, observant le baraquement d'en face d'où quelqu'un a été tiré de force cette nuit. Ca parait calme, pourtant la femme qui y entre me semble bien triste. Ses épaules sont affaissées, comme écrasées par un poids invisible et dès qu'un bruit résonne dans les allées, elle se met à sursauter, ses yeux balayant les alentours avec une lueur effrayante. Est-ce que l'AGFA lui aurait pris un de ses enfants ?
Je resserre un peu plus ma propre étreinte autour de mon corps, lorsqu'une tache rouge apparait dans l'allée, s'avançant aux côtés d'une silhouette qui ne m'est que trop connue.
Le fourbe aux cheveux rouges est avec Michael, juste sous mon nez.
Leurs regardes se posant de temps à autre sur mon baraquement, ou plus précisément sur ma chambre.
Je me recule lentement, le cœur battant, avant de les voir prendre congé l'un de l'autre. Michael semble hésiter un moment, puis il fonce droit vers ma porte d'entrée, contre laquelle il tambourine à la hâte.
Je n'ai pas le temps de prévenir Cécile et de lui dire de ne pas ouvrir que le blond est déjà grimpé en haut de mes escaliers, son regard surpris se posant sur mon corps encore en boule. Je le détaille du coin de l'œil qui dépose son sac et vient me rejoindre sur le lit, sa main se posant sur mon dos.
«- Tout va bien Jonesie ?
-Pourquoi ça n'irait pas –Dis-je en prenant l'air de rien-
-Eh bien... Joe m'a prévenu que tu avais eu des soucis avec Amadalia tout à l'heure et donc j...
-C'est qui ça Joe ? L'espèce de psychopathe aux cheveux rouges ?!
-C'est pas vraiment un psychopathe, tu vois aujourd'hui il était en cours avec nous et il...
-Je m'en fiche qu'il soit en cours avec vous, ce gars est avec l'AGFA !
-Et alors ? Raison de plus pour s'en faire un allié.
-Un allié ? Mais de quoi est-ce que tu parles ?
-Il m'a parlé d'un programme, pour des personnes particulières –Dit-il à voix basse- Bon il faisait comme s'il s'intéressait à moi mais en vrai j'ai bien senti que c'était toi qu'il voulait. Il recherche des combattants.
-Je ne suis pas une combattante.
-Ecoute Jonesie, avec tout ce qui se passe en ce moment, tu dois bien avouer que ce genre de solution est un bon plan.
-Une solution pour qui ? Moi je ne vois pas en quoi ce Joe pourrait nous être utile, ni même pourquoi on devrait se fier à lui et à l'AGFA.
-Tu ne comprends pas que plus on sera proches de l'AGFA et mieux on sera traités ? C'est comme une sorte d'Elite, ça n'aurait rien à voir avec les Gardiens.
-Génial, tu n'as qu'à postuler, moi ça ne m'intéresse pas.
-Pourquoi es-tu si agressive ? Je ne fais que nous trouver des plans qui sauront nous arranger et même Luke est d'accord pour dire que ça pourrait nous apporter gros à l'avenir.
-Entrer dans un groupe de combattants de l'AGFA aux côtés du psychopathe et d'Hemmings ? Franchement, je préfère une vie moins glorieuse et être tranquillement à l'Université.
-Ce n'est pas toi qui voulais prendre ta revanche sur les gamins de la Perle ? Ceux qui nous ont trop longtemps craché dessus comme si nous étions des pestiférés ?
-Je ne vois pas le rapport.
-Si on fait partie de l'Elite, alors la Perle ou le Terrier ne signifieront plus rien, on sera bien au-dessus tu comprends ?
-Je comprends, mais ça ne me plait pas Mikey.
-Je ne ferais pas ce projet sans toi Pandore, bien au-delà du fait qu'on se soit rapprochés récemment, tu es ma meilleure amie et on s'est promis qu'on ne se perdrait pas.
-Pourtant tu t'avances sur une voie bien différente de la mienne –Je soupire, posant ma tête contre son épaule- Et je ne t'empêcherai pas de faire ce que tu veux.
-Promets-moi de réfléchir au plan de Joe, je suis sûr qu'il dit la vérité. »
Et si jamais j'acceptais, serais-je réellement protégée de mon statut d'Illégale ? Est-ce que cette Elite effacera le danger que je suis censé représenter ? Je ne peux pas me permettre de me jeter dans un piège pareil, non je suis plutôt d'avis à penser que cette Elite sera constitué d'individus forts en effet, mais dont le seul but sera de combattre des menaces telles que moi. Même en me rapprochant ainsi de l'ennemi, je serais à jamais en danger.
Si seulement je pouvais le faire comprendre à Michael, si je pouvais lui dire la vérité sans risquer d'être démasquée... Il comprendrait que je ne peux accepter ce genre de plan et que ça dépasse de loin notre amitié. Quand je serais découverte et amenée de force à l'Iceberg, ce sentiment commun ne sera plus qu'un lointain souvenir. Pour moi tout peut basculer et Elite ou non, je resterai la même.
Une Illégale.
Je me blottis dans les bras chauds de mon petit ami et le laisse m'embrasser alors que mes pensées fusent et m'empêchent de me concentrer sur ce sentiment que j'avais pourtant toujours rêvé de ressentir. Etre amoureuse, comme une fille normale.
Mais même ça, je n'y ai pas le droit.
Je ne serais jamais amoureuse, car je ne serais jamais honnête.
*
Le lendemain, c'est d'un pas tétanisé que je me rends jusqu'au Puit. La personne qui m'a découverte m'a peut-être déjà dénoncée et bien que je n'ai pas été enlevée pendant la nuit, peut-être le serais-je en plein jour, comme Jenny.
Je passe devant plusieurs Gardiens, mes mains fermement enfouies dans mes poches, jusqu'à ce que je sois dans un groupe. Ce matin je n'ai même pas envie de ressentir les rayons du soleil sur moi, ils ne me font rien, je tremble de froid et de peur alors qu'autour de moi je vois des visages épanouis.
Ainsi qu'une crinière rouge, semblable à un bouquet de flammes au soleil.
Je manque de m'étouffer et tente de m'éloigner de ce Joe, me faufilant entre les personnes de mon groupe jusqu'à arriver à l'extérieur du cercle. Un pas de plus et je risque d'attirer l'attention d'un Gardien. Alors je me fais toute petite et imite mes voisins, redressant la tête vers la lumière.
« - Ce n'est pas très joli de m'ignorer, Pandore Jones. »
Pas de mouvement brusque. J'ouvre les yeux et je n'ai pas besoin de me tourner pour savoir qu'il m'a suivie. La lumière rend ses cheveux aveuglants et en cet instant je me rends compte que c'est bien la première fois que je vois quelqu'un arborant une teinture.
« -Dégage –Dis-je les dents serrées- Ou bien j'appelle un Gardien.
-Tu te ferais repérer pour rien –Dit-il amusé-
-Pourquoi tu es là ?
-Je viens prendre mon taux de soleil quotidien.
-Pourquoi tu es au Terrier en particulier ? Je ne t'ai jamais vu ici auparavant et depuis quelques jours j'ai l'impression que tu es partout.
-Je te l'ai dit, je suis ici dans un but bien précis.
-Oui et je sais lequel, tu as bien lavé le cerveau de Michael, mais sache que ça ne m'intéresse pas, je ne suis pas un pion de l'AGFA.
-Vraiment ? Pourtant nous le sommes tous –Dit-il en montrant un écran sur sa manche- Tu as réellement cru que j'étais quelqu'un de si haut placé ? Tu l'ignores peut-être, mais je vivais au Terrier avant.
-Avant quoi ?
-Tiens tu sembles moins réticente tout à coup, est-ce qu'on peut donc parler entre adultes maintenant ?
-Non, ton plan ne m'intéresse pas. Si tu cherches des gens à manipuler, je te conseille d'essayer auprès de Luke Hemmings, sur ce bonne journée. »
Il lève les yeux au ciel et lorsque nous quittons le Puit, ce dernier ne prend pas le même chemin que moi jusqu'au Sub. Il fait marche arrière.
Est-ce qu'il a fait tout ça pour essayer de m'avoir ?!
Je grogne un juron à son encontre avant de rejoindre les groupes attendant le Sub. Michael n'est pas là, je devrais l'attendre, pourtant je n'ai aucune envie de m'éterniser ici, ni à la Rûche à vrai dire. Ce que j'aimerais c'est m'enfuir, me cacher, car je sais que je suis en danger.
Mais lorsque le Sub arrive, je suis prise dans un mouvement de foule et je m'engouffre dans l'appareil, la peur au ventre.
« -Qu'est-ce qu'il y a Panda-roux, t'es toute tendue.
-He... Hemmings ! –Je sursaute, découvrant que je suis face à lui depuis un petit moment-
-C'est Michael qui t'a prise un peu trop violemment hier soir ? –Dit-il avec un sourire en coin alors que je vire au rouge- Ou bien est-ce Joe ? Je t'ai vu avec lui ce matin, on peut dire que tu fais fort toi. Pas de petit ami pendant dix-huit années et d'un coup tu t'en fais deux.
-Va te faire foutre –Je grogne, me retenant de l'étrangler-
-Que tu es vulgaire pour une fille. Si seulement tu en es une.
-C'est quoi ton problème ? –Dis-je à bout de nerfs et attrapant son col d'une main, sous les exclamations des gens autour de nous- Si tu crois que tes réflexions puériles vont m'atteindre, tu te trompes totalement. J'ai autre chose à penser que ta fichue jalousie mal placée et moi au moins, j'ai quelqu'un pour me satisfaire, je ne pense pas que toi et ta main droite puissiez en dire autant. »
Les réactions autour de nous sont diverses. Des adultes tentent de nous séparer alors que des élèves se mettent à ricaner, surtout les filles, ce qui a le chic de rendre Hemmings rouge de colère. S'il n'avait été que mon simple ennemi, je ne serais pas allé aussi loin, mais je le connais que trop bien. Et c'est seulement en arrivant à la Rûche que nous cessons de nous darder du regard. Il attrape son sac et me bouscule sans même prendre la peine de faire croire à un accident.
«- Fais gaffe Pandore, la prochaine fois je ne serais pas aussi sympa avec toi.
-Il n'y aura pas de prochaine fois –Dis-je les sourcils froncés alors qu'il se met à rire-
-Oh dans un sens j'espère bien. »
Puis il s'en va, me laissant à l'arrière du Sub. Heureusement, personne ne parle de mon comportement ou de celui d'Hemmings à un des Gardiens, mais même en sachant ça, je blêmis au moment de passer le barrage. Aujourd'hui aussi ils arrêtent des personnes d'après des photos reçues sur leurs écrans et il est possible que je sois dedans. Je ne peux pas faire marche arrière, je ne peux même pas me cacher ou me faire passer pour quelqu'un d'autre et c'est en arrivant devant ce point de non-retour que je me mets à penser au plan de Michael et Joe. L'Elite... Peut-être éviterais-je ce genre de contrôle, peut-être que plus je serais proche du danger et plus je serais en sécurité. Mais ce ne sont que des hypothèses formulées en vitesse dans ma tête alors que les yeux du Gardien jonglent entre son écran et mon visage à la limite de la décomposition.
Je ne veux pas être enlevée.
Le Gardien attrape mon bras, me coupant la respiration, puis me fait passer le barrage avec brutalité.
Je reste déboussolée quelques secondes, la bouche pâteuse, avant de filer jusqu'à l'Ecole des Filles.
J'ai bien cru que cette fois tout était fini.
Mon secret a été percé à jour, mais apparemment rien n'a été révélé.
Je masse mes tempes et rejoins Eponine qui attend seule devant les grilles. Jusqu'à aujourd'hui je n'avais jamais ressenti cette sensation, celle d'être « libre » et encore dans la course. Voir le visage souriant de ma camarade me prouve que je suis encore en sécurité, loin de l'Iceberg et j'en aurais presque envie de la serrer dans mes bras.
Mais je me contente de me dire que je suis toujours là, auprès de ma famille et de mes amis.
*
Si j'avais eu la sensation d'être soulagée jusque-là, l'absence de Vénus me rend nerveuse. Elle s'est dénoncée hier, j'imagine qu'elle a dû être emmenée cette nuit et que personne ici, en dehors de moi, ne saura jamais ce qui lui est arrivé. Elle aussi pensait qu'il existait un quartier pour les Illégaux, elle n'a pas voulu me croire quand je lui ai dit la vérité et je me demande si elle regrette. Que lui est-il arrivé après qu'elle se soit dénoncée... Est-ce qu'elle... Est-ce qu'elle aurait parlé de moi à quelqu'un ? Pensant bien faire ?
Si c'est le cas alors ce n'est plus qu'une question de temps et je suis prête à vomir lorsqu'on frappe à la porte. Ce n'est pas doux, autrement dit ce n'est pas une retardataire, mais un Gardien. Il ouvre la porte à la volée et par peur, je ne me tourne même pas. J'écoute seulement, j'écoute les bruits de pas. Vont-ils se rapprocher de moi ?
« - Je vous ramène votre camarade, elle finissait de remplir quelques formulaires. »
Je fronce les sourcils, entendant à présent des murmures dans toute la salle. Je ne veux pas me retourner, je ne peux pas.
Puis la porte claque et enfin je trouve la force de me retourner, découvrant Vénus au beau milieu de la salle, alors que toutes les filles la regardent bouche-bée. Bien que je ne voulais pas regarder, il m'est impossible de manquer l'imposant I rouge d'épinglé sur son uniforme et même ses longs cheveux blonds ne peuvent plus cacher cette marque.
Sans rien dire elle part à sa place, me jetant un rapide coup d'œil.
Est-ce qu'elle m'a dénoncée ?
Mais plus une seule fois elle n'a posé ses yeux sur moi durant la matinée de cours, même lors de la pause repas elle semble occupée à parler d'autre chose que son I alors que tous les yeux sont rivés dessus. Pourquoi a-t'elle fait ça... Elle va se faire envoyer à l'Iceberg, elle aurait dû m'écouter. Mais à l'entendre, ce I ne la dérange pas, au contraire elle se sent enfin honnête avec elle-même et n'a plus qu'une hâte, faire ses bagages et entrer dans le nouveau Quartier.
«- Apparemment Minna est bien arrivée hier –Dit-elle avec une sorte de défi dans la voix qui, je le sais, m'est destiné- Elle a un baraquement pour elle toute seule et d'après Amadalia Lambert en personne, j'aurais moi aussi mon propre baraquement.
-Mais si elle est installée, pourquoi est-ce qu'elle n'est pas revenue en cours ? –Demande Eponine, tout aussi sceptique que moi-
-Parce que l'installation peut prendre plusieurs jours, il y a énormément de formalité, des papiers à remplir et je pense qu'elle reviendra d'ici quelques jours, comme moi.
-Tu sais quand tu vas emménager ? –Demande Billy alors que Michael n'a pas ouvert la bouche-
-Je fais mes affaires ce soir et d'ici demain j'aurais enfin quitté le Terrier !
-Enfin ? –Relève enfin Michael- Tu dis ça comme si tu étais heureuse.
-Je dis ça parce que je n'en pouvais plus de rester cachée.
-Sois déjà redevable au Terrier de t'avoir cachée.
-Michael ! –Dis-je en lui donnant un coup de pied sous la table-
-Je le suis –Dit Vénus, vexée- Mais tu ignores tout de ce que ça peut faire de se sentir comme un criminel, alors ne me critique pas.
-Je ne critique pas ça, seulement tu pourrais mettre ta fierté de côté, tu dis ça comme si ça ne te faisait rien de nous quitter, comme si on était une gêne.
-Michael qu'est-ce qu'il te prend ? –Je demande, les sourcils froncés-
-Rien, j'ai mal dormi.
-De toute façon, je fais ce que je veux et sache qu'en disant des choses comme ça Michael, tu blesses bien plus de personnes que tu ne le penses. »
Je ne dois pas rougir. Je tourne alors la tête, fiévreuse, et recrache toute ma nourriture en voyant au loin Joe monter sur une table. Derrière lui se trouve sa collègue, qui semble bien mieux élevée que lui et elle se contente d'observer tout le réfectoire, alors que l'autre perché attire l'attention sur lui.
«- Qu'est-ce qu'il lui prend à lui ? –Se questionne Eponine- Il est malade et puis c'est quoi cette couleur de cheveux ? C'est interdit pourtant.
-J'en sais rien, passe-moi ton couteau je vais lui faire passer son envie de grimper sur les tables.
-Mais t'es folle ou quoi ? –Me dit Baptiste en me regardant avec des yeux ronds-
-Chut vous deux, j'aimerais écouter ce qu'il va dire. »
Je regarde Michael d'un œil noir avant de fixer Joe de la même intensité. Tout le monde s'est tourné vers lui et presque la moitié des filles se sont mises à glousser, pointant sans discrétion ses cheveux. Je suis sûre que même d'ici je pourrais le toucher avec un couteau, mais à peine y ai-je songé qu'il attire de nouveau l'attention en parlant à voix haute, un large sourire satisfait sur ses lèvres.
«- Messieurs, mesdemoiselles –Dit-il en adressant un clin d'œil à une table de Tertiaire de la Perle- Ma collègue et moi sommes ici dans le cadre d'un programme spécial. Vous avez dû nous remarquer depuis quelques temps et c'est vrai que nous vous avons tous observés et c'est pourquoi nous sommes ravis de vous présenter notre projet. La semaine prochaine aura lieu une journée dédiée au sport, faite pour vous sensibiliser à l'importance du sport mais aussi au métier de professeur de sport. Chacun se verra remettre une médaille et les meilleurs auront accès à des prix si ils le souhaitent.
-Qui voudrait participer à ce truc débile –Grogne Baptiste-
-Pour s'assurer que vous participerez tous, cet évènement sera obligatoire et noté dans votre emploi du temps. Toute absence risquerait d'être punie et honnêtement, ça n'en vaudrait pas la peine. J'ose espérer que vous apprécierez cette journée.
-Je n'ai plus qu'à espérer que je serais encore prise dans mon déménagement –Dit Vénus dépitée alors que je bouillonne de rage-
-Alors c'est ça, son Elite ? –Je demande, ironique, alors que Michael fronce les sourcils-
-Il ne m'avait pas présenté ça comme ça.
-Ca n'a pas l'air de plaire –Dit Billy en regardant autour de nous- En plus c'est l'AGFA qui l'ordonne.
-Silence ! –Rugit la femme derrière Joe, passant à présent devant sa table- Dès cet après-midi, vous serez tous contrôlés en visite médicale obligatoire, après quoi vous pourrez vous inscrire. Les enfants trop jeunes ne seront pas autorisés à participer à toutes les activités et je veux que chacun montre l'exemple dès maintenant, afin que ce projet se passe sans aucun problème.
-Une visite médicale pour une journée sportive ? Ils ne poussent pas un peu trop là ? –Demande Billy-
-Le principal c'est qu'on s'amuse non ? –Demande Pia en haussant les épaules- Toi Pandore ça devrait encore être facile pour toi.
-Je n'y participerai pas.
-C'est obligatoire –Me contredit Eponine-
-Je trouverai un moyen de ne pas participer.
-Tu doutes encore de lui Jonesie ? –Souffle Michael avec un petit sourire- Ce sera une journée avec toutes les sections, aussi bien Filles que Garçons, l'AGFA ne tentera rien lors d'un évènement aussi conséquent, tu le sais. Comme dit Pia, l'essentiel c'est qu'on s'amuse. »
Je ne réponds rien et ne finis pas mon repas, quittant la table sous le regard vif de Vénus, laquelle me rend mal à l'aise. J'aurais dû me taire, je le sens. Je range mon plateau et quitte le réfectoire à grands pas, vite rattrapée par les bras de Michael, lequel m'attire à l'écart.
«- Quoi encore ?
-Dis-moi la vérité, qu'est-ce qui te tracasse ?
-Rien, je vais bien.
-Non tu es sur les nerfs, j'ai bien vu que quelque chose n'allait pas et je voudrais que tu m'en parles. On est amis avant d'être en couple et c'est en tant que tel que je veux que tu puisses me parler.
-Je vais bien Mikey, je suis juste fatiguée et donc facilement nerveuse pour un rien.
-Est-ce que c'est à cause de moi ?
-Pardon ?
-Je me disais que peut-être je m'étais un peu trop précipité, sans te demander ton avis et que.... Peut-être tu regrettais ?
-De quoi est-ce que tu parles ?
-Qu'on soit en couple toi et moi, est-ce que tu regrettes ? –Demande-t'il d'une petite voix-
-Non bien-sûr que non ! –Dis-je en ouvrant grand les yeux- Ca n'a rien à voir avec toi, c'est promis.
-Je n'aime pas te voir comme ça...C'est à cause de ta visite chez Amadalia ?
-Oui –Dis-je en trouvant une idée- Elle m'a confisqué mon masque et la combinaison... Je ne voulais pas t'en parler car j'avais peur que tu m'en veuilles, déjà d'avoir nagé sans toi mais aussi qu'une des combinaisons créée par tes parents se retrouve en possession d'Amadalia.
-Quoi ? C'était juste pour ça ?
-Je suis désolée, je n'ai pas assuré sur le coup. »
Je baisse la tête avant d'être entourée des bras de Michael. Sans réfléchir je le serre contre moi et cherche ses lèvres des miennes, voulant trouver un peu de réconfort après cette accumulation de peur. Il me serre toujours plus fort et en cet instant j'aimerais disparaitre avec lui, être invisible, protégée par ses bras. Que le temps d'arrête et que mes soucis s'évaporent, que je puisse vivre normalement avec lui.
Mais alors que nous approfondissons le baiser, je sens qu'il me tombe dessus et se rattrape de justesse, se tournant avec hargne vers Hemmings qui vient de sortir du réfectoire à son tour.
«- Interdit de copuler dans l'enceinte de l'école –Dit-il avec le sourire-
-Je peux savoir pourquoi tu te marres ? –Je grogne-
-Oh parce que cette fois je vais prendre ma revanche, tu vas regretter de m'avoir fait perdre l'autre fois Jones.
-Changes de disque tu veux ?
-Vous ne pouvez pas arrêter de vous disputer ? –S'interpose Michael alors qu'Hemmings s'écarte-
-Tu feras gaffe Michael, t'as un peu de bave de Panda-roux là –Dit-il en lui indiquant sa joue- C'est peut-être contagieux.
-Luke arrête de faire le gamin, pourquoi vous ne vous réconciliez pas une bonne fois pour toutes ? C'est ridicule.
-Jamais de la vie. »
Est-ce une coïncidence ? Non il ne peut pas être au courant de ça, je finis par voir le mal partout... Pourtant cette réflexion et surtout maintenant... Je reprends mes esprits et attrape Michael par la main, l'attirant loin d'Hemmings, lequel me regarde un moment avant de partir de son côté. Si lui est sorti, alors peut-être bientôt Joe va-t'il sortir et si je le vois, je risque de m'emporter. C'était son plan depuis le début, organiser un évènement obligatoire au profit de l'AGFA, j'imagine qu'en cherchant bien, ils trouveront ainsi un moyen de piéger des Illégaux mais aussi des abrutis prêts à se dévouer à une Elite ambiguë. Si seulement Michael pouvait réfléchir à une autre solution. Moi-même j'ai failli céder, mais j'ai bien réfléchi et je préfère me cacher qu'être exposée. S'il prend cette voie, alors ce sera la fin de notre amitié.
*
Finalement, je me suis mise à éviter Vénus. Comme si la voir me mettait en danger alors que je dois bien avouer qu'elle n'a rien dit à mon sujet, elle ne m'en parle même pas directement, elle se contente juste de me jeter quelques regards de temps à autre et je me demande bien ce qu'elle attend de moi. Je ne ferai pas le même choix qu'elle, encore moins maintenant que je sais ce que l'AGFA compte réellement faire. Je devrais peut-être en parler à Vénus, mais elle semble si sûre d'elle et je pense que c'est peine perdue, maintenant qu'elle arbore cet horrible I. Elle a fait son choix et je me sens d'autant plus mal qu'elle aura vite une grosse désillusion.
Il faudrait que je lui dise la vérité.
Mais je reste clouée à ma chaise, écoutant notre professeur d'anglais réciter le Traité d'Entente entre les francophones et les anglophones suite à la construction du Nouveau Canada. Je n'entends que sa voix soporifique, imposant un lourd silence dans la classe. Nous sommes toutes sur le point de nous endormir, lorsque plusieurs coups sont portés contre la porte, laquelle s'ouvre sans aucune permission, laissant débouler deux Gardiens, armés.
Leurs yeux scannent la classe bouche-bée et même notre professeur semble être prise de court lorsqu'ils s'avancent sans même s'annoncer. L'un reste en retrait, tandis que le premier s'approche d'un pas vif vers le pupitre de Vénus. Mon rythme cardiaque augmente et ni moi, ni mes camarades, ne pouvons réprimer un cri entre la surprise et la terreur lorsque le Gardien attrape vigoureusement notre amie par le bras et la soulève d'un geste, la faisant presque tomber.
«- M...Mais qu'est-ce que vous faites ?! –Scande notre professeur laquelle pâlit lorsque le second Gardien pointe son arme sur elle-
-Reprenez votre cours, c'est un ordre ! »
Hagarde, elle reprend son cours alors que Vénus gémit de douleur, tirée de force hors de sa rangée. Peut-être est-ce moi qui débloque, mais elle semble lutter, comprenant finalement que rien de tout ce qui allait lui arriver n'était aussi bien que prévu. Elle regarde en tous sens, chercher le soutien de quelqu'un. Mais personne ne se lève, les filles du dernier rang finissent par tourner la tête et même moi je ne peux rien faire d'autre que la regarder être tirée comme un objet hors de la salle. Son dernier regard se pose sur moi, ses yeux sont grands ouverts semblent me foudroyer et sa bouche s'ouvre, prête à me hurler quelque chose. Mais d'un coup la porte se referme et nous n'entendons plus que ses gémissements, suppliant qu'on la laisse marcher seule.
Puis c'est le silence total.
Revenant à la normale, avec seulement sa table dans un état lamentable, attestant de la tornade qui venait de passer.
Je me sens mal. Plusieurs filles hoquètent sous le choc tandis que je retiens mes larmes, sentant mon corps se briser alors que son dernier regard me reste en mémoire. Elle me fixait moi, moi qui suis Illégale et qui n'aurais pas à subir ce traitement car je me cacherais.
Est-ce qu'elle m'en a voulu sur le moment ? Etait-ce ça son regard ? Le reproche qu'elle soit seule à subir cette humiliation, alors que je suis comme elle et que je suis restée bien sagement à ma place... ? Je plante mes ongles dans mes avant-bras pour contrôler mes larmes, si je pleure je suis fichue. Et au lieu de ça je ravale toute forme de sentiment, comme une machine.
J'aurais pu intervenir, ne pas la laisser seule.
Mais j'ai choisi de rester cachée.
Et le cours reprend, comme si de rien n'était. Bien que plus personne ne suive, personne n'ose parler à voix haute de ce qui venait de se passer. Tout le monde a bien compris que Venus n'était pas une criminelle et que c'était finalement en lien avec son I. J'étouffe, j'aimerais sortir.
Mais pour couronner le tout, nous ne sommes pas autorisées à sortir, car la visite médicale est sur le point de commencer et tous les élèves doivent être présents.
Je me demande bien ce qu'ils vont nous demander de faire lors de cette journée pour qu'une visite médicale soit obligatoire, mais je reste silencieuse. Même Diane est restée figée. Après le suicide de Jenny et maintenant cette espèce d'arrestation de Vénus, deux filles tout à fait loin des problèmes, elle aussi comprend que ça n'est pas normal. Elle regarde autour d'elle et s'arrête sur le pupitre de Vénus. Se pourrait-il que cette fille ressente de la compassion ?
Je détache mon regard d'elle lorsque la porte s'ouvre à nouveau sans permission sur la collègue de Joe, dont le visage est étonnement fermé. Elle nous regarde les unes après les autres, sûrement pour compter, lorsqu'elle remarque le pupitre vide.
« - Il manque une élève, où est-elle ?
-On... On n'en sait rien justement –Bredouille notre professeur-
- Des Gardiens l'ont enlevée –Répond Nicole- Vous devez bien savoir pourquoi non ?
-Aucune idée, je ne suis pas ici pour ça. Maintenant mettez-vous en rang et suivez-moi pour votre visite médicale. »
Pouvons-nous refuser ? Je soupire et me lève, surprise de voir que malgré ma peur, mes jambes me maintiennent encore debout, puis je me mets à côté d'Eponine, laquelle semble avoir pleuré.
Il nous suffit d'un contact visuel pour comprendre et discrètement je tapote son épaule.
Les jours à venir seront véritablement une épreuve.
*
Rangée par rangée, nous défilons jusqu'au réfectoire, changé en un gigantesque espace médical où règne un brouhaha. Au-dessus de nos têtes les écrans parlent encore de Purity et voir ce I rouge me rappelle Vénus, puis un autre message apparait, rappelant que le délais est à présent dépassé. La chasse aux Illégaux est donc lancé et j'imagine que le projet sportif aura pour but de repérer les meilleurs chasseurs.
Si jamais Michael me chassait ?
Je souffle un bon coup et avance, découvrant plusieurs colonnes de filles de la TD1 et de la TD3 à côté de nous. On nous demande de retirer notre veste d'uniforme et sans broncher, nous nous retrouvons en soutien-gorge dans le réfectoire. Il n'y a pas de garçons, pourtant nous entendons clairement des sifflements autour de nous et bientôt des Gardiens sortent leurs armes, faisant fuir les petits vicieux. Heureusement on nous laisse garder nos pantalons et nous ne pouvons qu'attendre notre tour.
Au bout des colonnes il y a des médecins, un par table et il me semble discerner Delphie Habbot. Ce ne sont que des femmes, le système l'oblige et j'ose espérer être avec Delphie, je serais moins mal à l'aise.
Mais quand vient mon tour, on ne me laisse pas me placer et alors que j'allais dans la file de Delphie, je me retrouve dans la colonne d'à côté. Je me penche nerveusement, histoire de voir ce qu'il se passe. Apparemment nous sommes auscultées, rien de grave.
Mais c'est en arrivant en face que je me liquéfie.
La fille devant moi, elle a une seringue dans le bras.
Elles nous font des prises de sang.
Tout se passe à vive allure. La fille devant moi s'en va, je suis appelée. A côté Delphie me regarde avec surprise, ses yeux essayant de me faire comprendre quelque chose.
Mais je suis trop paniquée pour comprendre et c'est un Gardien qui me pousse de son arme jusqu'à la table du médecin que je ne connais pas. Son visage est fermé, elle ne me parle qu'en cas de nécessité et cela me fait penser à ce que m'avait dit Cécile, à propos des nouveaux médecins formatés par l'AGFA.
Cette femme est une ennemie.
Elle m'ausculte, m'observe et bien que je fasse semblant d'avoir peur des seringues, elle choppe mon bras sans aucune délicatesse et enfonce l'aiguille sans prévenir. A côté Delphie s'efforce de ne pas me regarder, tout est fichu.
Elle retire l'aiguille d'un coup, me tend une pansement, puis vide le contenu de la seringue dans un récipient connecté à un ordinateur. J'aimerais m'en aller mais je dois attendre, attendre le résultat de l'analyse. Alors c'était ça le véritable but.
Ce n'est pas une visite médicale.
Au même moment un des médecins à ma gauche fait signe à un Gardien de venir. Elle semble lui montrer quelque chose sur son ordinateur, puis dans la seconde qui suit, la jeune fille est attrapée par le bras et tirée hors du réfectoire, ne lui laissant pas le temps de se rhabiller.
Je déglutis et il me semble que tout le réfectoire fait de même.
Le délai étant fini, la chasse a commencé.
Je pose mes yeux au ralenti sur la femme face à moi. Elle note quelque chose sur sa feuille, fait un geste au Gardien derrière elle, puis on me demande de sortir.
Et de rejoindre mes camarades déjà passées.
Delphie me regarde du coin de l'œil alors que j'enfile ma veste, entendant des cris provenir de l'endroit où venait d'être emmenée la fille de tout à l'heure. Je m'empresse de sortir, respirant un grand coup comme si j'avais cessé de respirer pendant des heures.
Je suis encore là.
Je pars vite me mettre à l'écart, atteignant les toilettes où je rends mon déjeuner. Mon bras me lance, ma tête semble passer en boucle les images de Vénus et de la fille, leurs cris bourdonnant inlassablement alors que je vomis à nouveau. Laissant enfin couler mes larmes en même temps.
*
Je rince ma bouche à plusieurs reprises avant de sortir, tombant face à face avec Hemmings. Quelque chose a changé, il ne sourit plus, pourtant il me regarde droit dans les yeux et il semble même surpris de me voir.
«- C'est toi que j'ai entendu vomir ? –Demande-t'il sans aucun tact-
-P...Pas du tout ! Moi je n'ai fait que boire.
-Tu as pleuré.
-Et alors ?
-Tu n'es plus avec Michael ? Lui aussi avait l'air triste tout à l'heure.
-J'ai pas envie de te parler.
-Bien, alors ne me reproche plus de ne pas être sympa avec toi.
-Moi je ne te le reproche pas, je m'en fiche. C'est Michael qui a gardé espoir. »
Il lève les yeux au ciel avant de pivoter, près à partir. Seulement il s'arrête net, ses yeux se braquant plus loin derrière les bâtiments. Je me demande si c'est un piège de sa part, si je me penche aussi il va me faire une crasse, pourtant il ne fait rien et quand je me penche, je fais face au même spectacle que lui.
Une rangée d'élèves, entourés de Gardiens, se dirige hors de l'école. Parmis eux je reconnais la fille de tout à l'heure et même de dos, il m'est facile de reconnaitre Vénus. Elle semble abattue, tous regardent le sol d'ailleurs et mon cœur se fige encore une fois à cette vision.
«- Tous les moyens sont bons pour attraper des Illégaux –Grogne le blond-
-Cette prise de sang qu'ils nous ont fait, c'était pour quoi ?
-J'imagine que c'était pour vérifier notre identité, ou alors cherchaient-ils autre chose. »
Comme un virus.
Je regarde mon bras, observant mes veines presque aussi gonflées que ce soir-là... Le soir où M Fergusson m'a injecté son produit bizarre.
Delphie.... Elle était au courant, elle a observé mes veines la dernière fois pour voir si il y avait des traces d'une piqûre du docteur et c'est seulement le soir même, une fois qu'elle était partie, que Cécile m'a redonné de ce produit. C'était plus prudent selon elle... Alors c'est mon ennemie elle aussi ?
«- Eh Hemmings –Dis-je pantelante-
-Quoi ?
-Je peux rentrer avec toi ?
-Pourquoi ?
-Je n'ai pas envie de rentrer seule.
-Et moi je ne veux pas rentrer avec toi.
-C'est bon c'est juste le trajet en Sub pauvre con !
-Tu n'as pas changé –Dit-il en haussant les épaules alors que je fronce les sourcils- C'est bon viens, mais reste pas trop près de moi, j'ai pas envie qu'on pense que toi et moi on est amis.
-Ca n'arrivera jamais. »
*
Lorsque je rentre, je suis la première arrivée et tout de suite je pars grignoter quelque chose pour remplir mon estomac amoché par cette journée de stress. Pourquoi ai-je pris le Sub avec Hemmings ? J'ai eu un sentiment de peur mais pourquoi n'ai-je pas attendu Michael ? Le trajet aurait été bien plus agréable. Je soupire et me prépare un thé que je bois lentement, sans réelle envie.
Et rien ne réussit à me faire oublier le regard de Vénus.
Où est-elle en ce moment ? Est-elle à l'Iceberg, sans affaires aucunes ? Et dire qu'elle se faisait une joie de quitter le Terrier pour une nouvelle vie. J'aurais dû l'empêcher de se dénoncer, lui faire comprendre par tous les moyens.
Je crois que je m'en veux énormément.
Et lorsque Victoria arrive, je me mets dans l'idée qu'il faut que je lui parle, que je vide mon sac. Mais à peine s'est-elle tournée vers moi qu'elle m'attrape par le col de ma veste, les yeux presque sortis de leurs orbites.
« - P...PANDORE C'EST QUOI CA ? »
Puis elle me met un papier sous le nez, lequel semblait avoir été collé contre la porte, puis arraché par cette dernière. Je reconnais ce type de papier, je l'ai fait brûler hier et aujourd'hui encore voilà que le mot ILLÉGALE, est écrit au marqueur rouge, puis placardé sur la porte. A la vue de tous.
A avoir la tête ailleurs et à faire bouillir l'eau de mon thé, je n'ai rien entendu et alors que je comptais parler de Vénus, je comprends que ce n'est plus le cadet de mes soucis, car je suis la prochaine sur la liste.
~ Bonsoir :) j'espère que vous allez bien ! Bien que je mette du temps à poster les chapitres, j'ose espérer que vous appréciez l'histoire :) c'est un style différent pour moi encore une fois et je veux vraiment faire quelque chose de bien, quelque chose de vivant qui puisse vous toucher :) raison pour laquelle je prends un peu plus mon temps. Bientôt les choses se corseront pour Pandore ;) en attendant, n'hésitez pas à me donner vos impressions, j'y tiens :) !
Merci d'être toujours là,
Kactus.
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