5 ~ Shadows and frozen water
Lorsque je sors de l'arène, je remarque du coin de l'œil Amadalia occupée à parler avec une jeune femme à la peau noire et un garçon plutôt robuste, arborant des cheveux rouges. Tous trois semblent plongés sur les feuilles de résultat, lorsque l'homme tourne la tête de façon hasardeuse, s'arrêtant sur moi. Un large sourire amusé se dessine sur son visage alors que je tente de ne pas perdre mes moyens et bien que je m'imagine déjà être interpellée, il se contente de rire et de reporter son attention sur la feuille, m'ignorant totalement.
Ni une ni deux, je serre mon sac et m'enfuis de l'arène, tombant sur Michael adossé à un mur, les cheveux encore humides de sa douche. Lorsque j'arrive à sa hauteur, je tente de me comporter normalement, comme à mon habitude. Sauf que je n'arrive pas à le regarder dans les yeux.
«- J'ai vu Diane et Nicole partir en rigolant tout à l'heure –Dit-il en jouant avec son sac- J'espère qu'elles ne t'ont rien fait ?
-Rien de grave, ne va pas te faire remarquer par un Gardien pour ça –Dis-je en glissant mon sac sur mon épaule avant d'avancer, constatant qu'il ne me suit pas- Tu ne veux pas rentrer ?
-A vrai dire je voulais profiter un peu.
-Profiter de quoi ?
-D'être un peu seul avec toi –Dit-il en se détachant du mur- Les Gardiens sont partis et les élèves aussi alors je me suis dit... Qu'on pouvait passer un peu de temps ensemble, tranquillement. »
Je jette un coup d'œil derrière lui et constate qu'Amadalia et les deux autres sont partis, nous laissant effectivement seuls. Je pose mon sac et finalement le rejoins contre le muret, observant l'imposante arène face à nous. Bien que je pensais qu'il allait tenter quelque chose, nous passons les premières minutes à ne rien dire, écoutant les bruits magnétiques du champ de force au-dessus de nous.
«- Tu as fait semblant de perdre, n'est-ce pas ? –Me demande-t'il enfin-
-Hemmings m'a reproché la même chose, à croire que je n'ai pas le droit d'être plus faible qu'une autre.
-Tu en as le droit, le problème c'est que tu étais plus forte et je me suis demandé pourquoi tu avais laissé gagner l'autre fille.
-Parce que je ne voulais pas de ce prix –Dis-je en le regardant enfin- Je me suis dit... Enfin c'est après avoir vu le I sur son uniforme, que je me suis dit que cette fille méritait de gagner.
-Parce qu'elle était Illégale ?
-Parce qu'elle semblait avoir le courage de l'assumer en tout cas.
-C'est gentil de ta part –Il sourit et frotte le haut de mon crâne- En tout cas, ça ne va pas arranger les choses entre Luke et toi.
-Et alors ? Ce n'est pas comme si notre victoire aurait pu changer quelque chose, si j'avais gagné ce relais, rien n'aurait changé. On a définitivement perdu Hemmings.
-Moi ça me fait de la peine, on était bien tous les trois avant. »
Je croise les bras et ne réponds rien. Effectivement nous étions un groupe uni, ils étaient mes deux meilleurs amis et j'avais confiance en eux, mais aujourd'hui les choses ont changé et rien ne pourra ramener le passé.
Et alors que mes pensées s'égarent dans un passé que je tente d'oublier, Michael s'écarte du muret et sans prévenir, il s'approche de moi, ses mains se calant automatiquement dans mon cou alors que mes lèvres trouvent les siennes avec facilité. Ce premier baiser est timide, maladroit. Bien que nous soyons proches, j'ai l'impression que notre gêne crée une barrière invisible qui nous maintient à une certaine distance ridicule et c'est après plusieurs autres tentatives que son corps se retrouve contre le mien. Il est très grand. Je me mets sur la pointe des pieds, mais bientôt il approfondit son baiser et sa force m'appuie contre le muret et il continue de se pencher. Jamais encore je n'avais embrassé un garçon comme ça et ces picotements dans tout mon corps me rendent toute chose. C'est mon premier vrai baiser.
Je serre Michael un peu plus fort, enfouissant mes mains dans ses cheveux humides, lorsqu'un bruit nous fait sursauter.
«- Oh ne vous arrêtez pas pour moi, vous aviez l'air de bien vous amuser. »
Je sursaute et c'est en m'écartant de Michael que je reconnais l'homme aux cheveux rouges de tout à l'heure. Il avance d'un pas décontracté, ses mains dans ses poches alors qu'il nous observe sans même s'en cacher.
« -T'es qui ? –Grogne Michael qui s'est, malgré tout, écarté-
-Je ne suis pas un Gardien si c'est ce que tu veux savoir.
-Vraiment ? Alors pourquoi tu étais avec Amadalia tout à l'heure ? –Je demande en le voyant sourire en coin-
-Disons que j'ai un rôle particulier à jouer ici ces derniers temps. Comment vous vous appelez ?
-Ça ne te regarde pas –Dit Michael en prenant son sac- De toute façon on allait partir.
-Très bien, je pense qu'on se reverra. »
Bien qu'il dise « on », ses yeux sont braqués sur moi à tel point que ça en devient malaisant. Conscient de ça, Michael attrape ma main et nous filons prendre le Sub en silence, n'osant plus nous démontrer d'attentions alors que les Gardiens se font plus nombreux à présent. Au moment de rentrer dans nos baraquements respectifs, nous échangeons un court baiser, puis c'est en ouvrant ma porte que je me retrouve nez à nez avec Delphie Habot, la remplaçante de M Fergusson.
«- Tiens, Mademoiselle Jones –Dit-elle en me dévisageant de ses yeux bleus-
-Bonsoir –Dis-je nerveuse, découvrant Cécile et ma mère avec elle- Que faites-vous ici ?
-J'ai appris que vous aviez eu une baisse d'énergie lors de votre course de cet après-midi à l'arène, je suis donc venue pour m'assurer que tout allait bien pour vous.
-J'étais seulement un peu fatiguée, ce n'était pas la peine de vous déplacer pour si peu.
-Puis-je ? –Demande-t'elle en me faisant signe de lui tendre la main, ce que je fais sans trop comprendre- Bien. »
Elle enroule mon poignet et se met à serrer fermement son autre main autour de mon avant-bras, faisant ressortir mes veines en un temps record. Ca ne dure qu'une seconde, pourtant je la vois détailler mon bras avant de le lâcher et de se lever sans m'adresser un mot.
«- Mesdames je vous remercie –Dit-elle à l'attention de Cécile et ma mère- C'est très important, surtout n'hésitez pas. »
*
Lorsque vient l'heure du repas, je n'ai toujours aucun indice sur le pourquoi de la visite de la remplaçante de notre docteur, sans compter son petit numéro sur mon bras... Vraiment je ne la sens pas.
« -Beaucoup d'Illégaux se sont déjà dévoilés –Commence ma mère-
-Effectivement, dans ma classe il y a plusieurs filles –Répond Victoria en me regardant du coin de l'œil- Mais seule une d'entre-elle s'est dévoilée volontairement.
-Les deux autres ont été dénoncées ?
-Oui, beaucoup pensent qu'ils peuvent dorénavant faire de la délation tout en faisant passer ça pour une bonne action. Ma voisine de table Talia, a été dénoncée par son ex petit ami qui a simplement voulu se venger... Et l'autre par son père qui a pensé qu'ainsi elle n'aurait plus à se cacher et qu'il pourrait passer la voir de temps en temps.
-J'ai du mal à croire que Purity soit vraiment une aubaine –Dit Cécile-
-Et j'ai peur que les choses n'empirent passé les deux jours proposés par l'AGFA ! –Continue Victoria- J'ai entendu dire qu'après ça, ils vont durcir leurs recherches.
-Pourquoi maintenant en particulier ? –Rumine ma mère-
-J'ai entendu parler d'un tout autre projet –Dis-je en me sentant patraque- Aujourd'hui, Amadalia Lambert est venu offrir un prix aux vainqueurs de la course mixte et j'ai volontairement cédé ma place.
-Je m'en suis douté –Sourit Cécile-
-La fille de TD3 qui a remporté ce prix m'a dit que ça n'avait finalement rien à voir avec de l'argent ou une médaille, mais qu'on lui aurait parlé d'un tout nouveau projet baptisé Hunters. Ce projet arrive juste après Purity et je me suis demandé si les deux n'étaient pas liés.
-Des chasseurs d'Illégaux ?
-Peut-être, mais ça n'explique pas pourquoi tout semble se précipiter depuis quelques mois ! –Dit ma mère en regardant à l'extérieur- Je me demande si ça n'a pas rapport avec le fait que l'Est et l'Ouest semblent être de nouveau en conflit.
-Quoi qu'il arrive nous continuerons de faire comme nous avons toujours fait, tu resteras à la maison Pandore. Rien ni personne ici-bas n'est digne de confiance. »
J'hoche la tête et m'excuse avant de quitter la table, prise de maux de ventre. Bizarrement on me laisse rejoindre ma chambre sans me demander de participer aux tâches ménagères et c'est une fois allongée sur mon lit que je m'effondre, sentant ma tête tourner. Une chute de tension ?
Je ne crois pas, cette sensation ne m'est pas étrangère.
Je redresse mon bras et me concentre dessus pour éviter de le voir en double, y découvrant mes veines ressorties comme lorsque Delphie Habot me les avait compressées. Quelque chose ne va pas et alors que je m'apprête à appeler quelqu'un, je découvre Cécile en haut des escaliers. Elle ne semble pas surprise et se contente de s'asseoir à côté de moi, sa main se posant sur mon front en sueur. Je crois que je vais vomir.
«- Nous n'avions pas le choix Pandi, ça devient trop dangereux. »
*
Je me suis endormie. Je le sais car je suis réveillée en sursaut par un vacarme au loin, ma tête tournant toujours autant. Je ne sais même pas si je suis totalement réveillée ou si je somnole, mais mes perceptions sont mauvaises et les sons deviennent des bourdonnements inaudibles. Je serre mon oreiller et ferme mes yeux lorsqu'un autre bruit monte à mes oreilles. Le bourdonnement laisse place à un cri et cette fois-ci je me redresse.
Je jette un coup d'œil au travers du bois défoncé, découvrant des ombres glisser le long des allés. Je frotte mon visage sans comprendre, supposant qu'il s'agit de Gardiens. Mais que font-ils à une heure pareille ? Quelqu'un ne respecte pas le couvre-feu ?
D'autres ombres défilent dans les allées, plus lentement et il me semble qu'il s'agit d'habitants du Terrier. Je vois mal, je ne suis même pas sûre d'être consciente. Ma tête vacille et je peine à rester concentrée lorsque j'entends un nouveau cri, puis quelqu'un est extirpé de force du baraquement d'en face. Les bruits de pas résonnent dans les galeries et bientôt j'entends des Gardiens gronder, ordonner des choses au beau milieu de la nuit, à qui ? Je n'en sais rien. Et très vite, le silence revient.
Et je m'écroule à nouveau.
*
Le lendemain matin je suis en compagnie de ma sœur, laquelle regarde sans cesse au travers du bois défoncé du baraquement alors que nous prenons notre petit déjeuner. Quelque chose semble la déranger, tandis que moi j'émerge lentement de mon état second, regardant mes veines avec appréhension.
« - Ne regarde pas tes bras, tu risquerais de te trahir –Dit Victoria à voix basse-
-Tu ne pourrais pas parler un peu plus fort ? –Je grogne en penchant la tête- Je n... »
Elle fronce les sourcils et me montre d'un signe de tête l'extérieur du baraquement. A mon tour je regarde à travers le bois et sursaute en voyant un Gardien passer au ras de notre porte, une arme à la main. Il reste là quelques instants avant de tourner les talons et de se diriger vers le baraquement voisin, le bruit de ses pas s'évanouissant dans les allées. Comme cette nuit... Ai-je rêvé ?
«- Depuis quand ont-ils le droit de patrouiller aussi près des murs ? –Je demande en me tassant sur ma chaise-
-J'imagine que c'est récent, ces nouveaux Gardiens semblent avoir tous les droits, de jour... Comme de nuit.
-Alors ce n'était pas un rêve ! Cette nuit, ce cri qui m'a réveillée... C'était bien réel ?
-Oui, ça m'a réveillée moi aussi. Je me suis demandé ce que c'était.
-J'ai vu une femme être sortie du baraquement d'en face par un Gardien –Dis-je en essayant de me remémorer la scène- Mais elle n'était pas la seule, il y avait des gens dans les allées... J'ignore ce qu'ils fabriquaient là en pleine nuit, mais ils étaient suivis par des Gardiens.
-Peut-être n'ont-ils pas respecté le couvre-feu ?
-Je n'en sais rien –Je jette un dernier coup d'œil à l'extérieur- Crois-tu que ce soit prudent que l'on sorte en même temps ? On se ressemble après tout.
-Hors de question de changer nos habitudes, on a toujours réussi à s'en sortir –Dit-elle en débarrassant- Au contraire, c'est si les gens commencent à ne plus nous voir ensemble qu'ils vont trouver ça suspect.
-Mh c'est vrai –Je débarasse à mon tour et me risque à poser une dernière question- Au fait, est-ce que tu sais pourquoi Cécile m'a dit hier soir qu'elle n'avait pas eu le choix ?
-Je pense que tu connais déjà la réponse.
-Ce produit, c'était le même que celui de Fergusson n'est-ce pas ? –Elle hoche la tête- A quoi cela sert-il ?!
-Je n'en ai aucune idée Pandi, maintenant finis de t'habiller qu'on puisse partir. »
*
Une fois prêtes, nous sortons toutes les deux comme à notre habitude et prenons la direction du Puit, découvrant quelques affaires au sol. Cela aurait pu être anodin, pourtant elles se trouvent sur le chemin exact qu'ont emprunté les ombres hier soir. Tantôt il s'agit d'une chaussette, puis plus loin c'est un carnet... Le Terrier est certes un quartier pauvre, il n'en reste pas moins propre et c'est bien la première fois qu'il est laissé ainsi. Nous continuons d'avancer, rejoignant des amis de Victoria, lorsque je discerne une petite masse rouge au sol. Discrètement je la bouge de la pointe du pied et frémis en voyant le I des Illégaux mis en boule et couvert de poussière.
Se pourrait-il que...
«- Eh Jonesie ! –Je sursaute et me tourne pour voir Michael arriver à la hâte, ses lèvres se posant sur les miennes alors que ma sœur semble s'étouffer- Je pensais qu'on se serait attendus ce matin.
-Oh oui pardon je... J'avais la tête ailleurs. Tu vas bien ?
-Très –Dit-il en souriant- Salut Victoria.
-Salut Michael, je ne savais pas que vous.... Sortiez ensemble –Elle me regarde d'un air surpris avant d'hausser les épaules- Je vais vous laisser en amoureux dans ce cas, à ce soir Pandore.
-Ouais salut –Dis-je les joues rouges-
-Comme je l'envie cette Victoria ! –Soupire Michael- Moi aussi j'aimerais avoir dix-huit ans et pouvoir faire enfin ce qui me plait réellement.
-C'est vrai que ça semble plus simple –Dis-je alors que nous entrons dans le Puit- Dis Michael ?
-Oui ?
-Si jamais il devait m'arriver quelque chose... Tu me protégerais ? –Je demande timidement-
-Evidemment, pourquoi cette question ?
-Juste comme ça. »
Je cale mon dos contre son torse et laisse le soleil chauffer mon visage. Bien que ce soit agréable, ce n'est pas ça qui me réconforte en ce moment même, c'est la main de Michael qui serre fermement la mienne. Je sais que je peux compter sur lui et j'ai beaucoup moins peur à ses côtés.
Mais me protégera-t-il encore quand il apprendra ce que je suis réellement ?
*
Le trajet dans le Sub est loin d'être aussi silencieux que je l'avais imaginé, nombreux sont ceux qui ont été réveillés par le cri cette nuit, mais tous les avis divergent à ce sujet. Personne n'a osé sortir ou demander ce qu'il se passait mais tout le monde s'accorde à dire que c'était plutôt étrange.
Lorsque le Sub s'arrête à la Perle, aucun des enfants Illégaux que j'avais vu hier ne monte. Peut-être en ont-ils pris un autre, car à leur place ce sont les filles de Tertiaire qui viennent s'installer. Comme à l'heure habitude, elles se donnent toutes du mal pour paraître plus élégantes que nous, filles du Terrier, bien que l'on porte toute les mêmes uniformes. L'une d'entre elle n'a de cesse de faire virevolter ses cheveux lorsqu'elle parle, tandis qu'une autre retouche un peu son maquillage.
Michael ne peut s'empêcher de pouffer alors que je lève les yeux au ciel. Elles sont pitoyables.
Pourtant, ce matin l'une d'entre elle semble bien moins obnubilée par ce désir de se sentir supérieure. Jenny, une des amies de Diane se trouvant en TD1, a visiblement oublié de se faire belle. Son visage est plus blême que d'ordinaire et elle tente de se cacher derrière ses longs cheveux blonds coiffés à la va-vite. Chose qui ne lui ressemble pas.
J'aurais pu la trouver mignonne, c'est vrai. Mais elle vient de la Perle et nos rivalités ne sont pas un mythe, je me ravise d'ailleurs totalement lorsqu'elle fronce les sourcils en me voyant l'observer. J'allais pour lui faire un simple signe de tête en guise de bonjour, mais cette dernière me lance un regard de dégout avant de se retourner vers ses amies. Non, jamais je n'avouerai quoi que ce soit face aux enfants de la Perle.
Pas même mes sentiments à Jared.
Et encore moins maintenant que Michael et moi sommes « ensemble ».
Je n'ai d'ailleurs pas lâché sa main, c'est seulement lorsque nous arrivons à la Rûche et que nous devons badger que nous nous écartons. Comme chaque matin nous allons passer le barrage des Gardiens, mais ce matin il semblerait qu'il y ait un problème. Chaque personne est arrêtée, observée, puis seulement après ce contrôle, autorisée à passer.
Je m'avance mécaniquement, cherchant la main de Michael qui se trouve juste devant moi, mais à peine s'est-il approché des Gardiens qu'il passe sans problèmes, le garçon à côté de lui également.
En fait, il n'y a que les filles qui soient arrêtées, car à peine ai-je fait un pas qu'une main s'écrase sur ma poitrine et me fait reculer.
Ma gorge se fait sèche alors que le Gardien face à moi fait jongler son regard entre son écran et mon visage.
« -C'est bon, vous pouvez passer. »
Je ne prends même pas la peine de le remercier et rejoins Michael, les jambes tremblantes et les larmes prêtent à sortir. Baptiste et Billy sont eux aussi passés sans problèmes, jetant un coup d'œil derrière eux avant d'arriver à notre hauteur.
« -Venus arrive, on devrait l'attendre.
-Ils vont finir par nous mettre en retard –Grogne Michael en cherchant Vénus du regard- Qu'est-ce qu'ils foutent ?
-Ils cherchent plusieurs filles.
-Comment ça ?
-Quand je me suis tourné j'ai vu ce qu'affichait leurs écrans –Dit Billy- Et c'était des photos d'identité.
-Des criminelles ?
-Ou des Illégales –Chuchotte Baptiste- Ah Vénus arr... Eh mais, qu'est-ce qu'il se passe ? »
Tous les quatre nous tournons la tête vers le barrage de Gardiens, lesquels semblent s'agiter. Le ton commence à monter et bientôt je vois apparaître le visage livide de Jenny, dont les yeux révulsés sont à la limite de sortir de leurs orbites. Elle est prise entre deux Gardiens et tous les regards sont tournés vers elle. Je n'entends pas ce qu'elle dit et bientôt d'autre Gardiens nous demandent de circuler, mais j'ai le temps de voir Jenny être tirée loin des autres. Elle semble lutter, regardant derrière elle avec des yeux implorants, puis elle se met à crier.
«- NON LAISSEZ-MOI ! JE VOUS EN PRIE ! »
Tous les regards sont désormais sur elle malgré l'ordre de retourner à ses activités et c'est bien la première fois que j'entends un tel silence dans la Rûche. Les cris de Jenny commencent à raisonner partout, mêlés à ses pleurs tandis que je vois Venus observer la scène bouche bée. Ce n'est pas tous les jours qu'une fille de la Perle se comporte de la sorte, certains pourraient trouver ça marrant, mais quelque chose m'angoisse. Je ne sais pas pourquoi mais je commence à avoir un mauvais pressentiment.
Et alors qu'un troisième Gardien vient en renfort pour la maintenir, elle cesse ses cris hystériques et se laisse faire, en larmes. Ses amies se tiennent derrière le barrage, mais même une fois qu'elles sont passées, elles ne vont pas vers elle. Elles se contentent de l'observer, attendant de voir si elle pourra revenir avec elles ou non. Mais à mon avis, on ne risque pas de la revoir. Les Gardiens demandent aux filles de la Perle de partir et c'est quand Vénus nous rejoint enfin et que nous prenons la direction de l'Ecole que des Gardiens se mettent à beugler.
J'ai juste le temps de tourner la tête pour voir Jenny s'enfuir, non pas vers nous, mais dans le sens inverse. Elle pousse les quelques personnes restées au barrage, imitée par tous les Gardiens qui lui ordonnent de s'arrêter et sans hésiter elle se jette au travers du champ de force et disparait dans les Eaux Noires.
Aussitôt des hurlements retentissent de toutes parts et moi-même je ravale un hoquet de terreur, choquée par ce que je viens de voir, avant de courir avec Michael et les autres pour échapper aux Gardiens arrivés en masse.
*
En classe, rares sont mes camarades qui ont assisté à cet horrible spectacle et certaines se font une mission d'en parler aux autres, comme si le suicide de Jenny n'était qu'un scoop de plus. D'après certaines, c'était une criminelle qui allait être envoyée à l'Iceberg, pourtant j'ai du mal à imaginer une fille de la Perle commettre un quelconque crime. Pour une fois, Diane semble être de mon avis, ajoutant sans grande surprise que seuls les pauvres types du Terrier sont susceptibles d'être des criminels.
«- Mesdemoiselles ce n'est vraiment pas le moment de vous déchirer –Nous interrompt notre professeur de français- Vous devriez vous soutenir plutôt que d'agir ainsi, vous vous connaissez depuis des années maintenant et je pense qu'à l'avenir, l'entraide serait la bienvenue dans cette classe. Vous êtes des êtres humains avant d'être des habitants du Terrier ou de la Perle et c'est en tant que tels que je vous demande de vous respecter. Bien, comme vous êtes calmées je vais à présent faire l'appel. Allek Chimène ?
-Présente.
-Amos Pia ?
-Présente.
-Bert Minna ? »
Pas de réponse.
Surprise, je me tourne vers l'arrière de la classe, comme mes camarades et remarque qu'effectivement Minna n'est pas encore arrivée. Si pour beaucoup il s'agit là d'une absence tout à fait normale, je fronce les sourcils et jette un coup d'œil à Eponine avant de fixer la prof. Elle fait mine de regarder l'heure et annonce qu'elle préfère attendre avant de la noter absente, en cas que ce soit un retard, mais de la matinée, jamais Minna n'est arrivée.
Et je ne suis même pas étonnée d'apprendre par Michael à midi que Jeffrey Barney, l'Illégal de la TD1, était également absent ce matin. J'imagine qu'il en va de même pour Morgane, la fille de TD3 que j'ai laissé gagner.
Et que c'est le cas de nombreux Illégaux ayant porté un I durant la journée d'hier.
«- Alors comme ça les Illégaux sont déjà dans le nouveau quartier –Dis-je en regardant mon assiette-
-Comment tu sais ça ? –Demande Michael-
-Eh bien c'est logique non ? Minna Bert, Jeffrey Barney... Ils étaient Illégaux.
-En effet, mais personne ne les a vu partir et puis il y a encore des élèves avec un I depuis ce matin, alors pourquoi eux seraient encore là et pas les autres ? –S'ajoute Baptiste-
-Moi je les ai vu partir –Dis-je d'une petite voix- J'en suis désormais certaine.
-Pardon ?!
-Cette nuit, il y a eu du boucan et beaucoup de personnes ont défilé dans les allées, suivis par des Gardiens –Dis-je lentement- Ce matin encore il y avait des affaires restées au sol, alors je me demande si ce n'était pas des Illégaux qu'on aurait évacués pendant la nuit.
-Ca ne colle pas Jonesie, comme dit Baptiste, il y a encore pleins d'élèves avec des I aujourd'hui et si vraiment l'AGFA avait voulu les amener jusqu'au nouveau quartier, ils y seraient tous en ce moment. Non, je pense que c'est un hasard.
-Et Morgane de la TD3 ? Je suis sûre qu'elle sera absente !
-Au même titre que son binôme de relais d'hier –Répond Baptiste, soutenu par Michael- Et pourtant lui n'était pas Illégal.
-Ils ont été convoqués par Amadalia suite à leur récompense d'hier, tu n'as pas à t'en faire comme ça Jonesie –Me dit Michael en caressant ma joue- C'est ce que tu as vu ce matin qui te met dans de tels états ?
-Sûrement.
-Elle allait être envoyée à l'Iceberg, apparemment elle était accusée de vol –Dit Billy- Vous imaginez ? Une fille de la Perle qui ose voler ? C'est pas comme s...
-Qui vous a dit ça ? –Demande Eponine-
-Un Gardien. Quelqu'un l'avait dénoncée et ils l'attendaient au barrage ce matin.
-La pauvre, c'est horrible –Hoquète Vénus-
-Bien qu'elle ne méritait pas un tel sort, je me dis qu'au moins justice a été faite, pour une fois que les enfants de la Perle ne sont pas favorisés ! –Scande Baptiste dont les joues virent au rouge en voyant nos regards choqués- Quoi ?
-Est-ce que tu imagines la douleur qu'elle a dû ressentir ? –Demande Vénus, la gorge nouée-
-Avec la pression des profondeurs et la température extrêmement basse, elle est morte sur le coup –Dit Michael d'un ton calme-
-Qu'est-ce que tu en sais ?! Si ça se trouve elle s'est noyée !
-De toute façon je ne me réjouissais pas de ce qui lui ai arrivé ! –Se défend Baptiste- Mais pour une fois ça fait plaisir de voir que les enfants de la Perle sont traités comme nous ! »
*
Comme notre professeur de l'après-midi semble elle aussi absente, nous sommes autorisées à quitter l'Ecole plus tôt et alors que j'allais proposer à Eponine et Venus d'aller prendre un café, toutes deux déclinent mon invitation et c'est donc seule que je rentre chez moi. Dans le Sub défilent les mêmes messages que j'avais entraperçus au réfectoire, à savoir les règles de sécurité concernant les champs de force. Bien que notre technologie soit avancée, il y a toujours des failles.
Les champs de forces sont créés pour que les Subs puissent entrer et sortir, mais les humains le peuvent aussi, ce qui est bien plus dangereux quand on sait que sans protections d'aucune sorte, c'est la mort qui vous attend de l'autre côté. Tout le monde sait qu'il n'est pas prudent de rester trop près des champs et rare sont les accidents.
Disons que les seuls cas recensés sont comme ce matin, des suicides.
Et aucun changement n'a été opéré à ce niveau.
Ce qui n'est pas pour me déplaire, dans un sens.
Après avoir vérifié qu'il n'y avait aucun Gardien, j'attrape mon masque et une des combinaisons de plongée laissée par Michael, puis je quitte le baraquement. J'ai besoin d'aller vérifier quelque chose.
*
Jusqu'à aujourd'hui l'idée de nager seule ne m'enchantait pas réellement. S'il m'arrive quoi que ce soit, je n'aurais personne pour m'aider. Pourtant j'ai besoin de faire ce voyage seule, il me semble que Michael est bien loin de comprendre ce que je ressens en ce moment.
Je suis convaincue que les Illégaux ont commencé à être envoyés dans le nouveau quartier. Sinon, pourquoi des gens auraient été chassés de chez eux cette nuit, créant un taux d'absentéisme dans tous les corps de métiers aujourd'hui ?
A vrai dire ce qui me gêne le plus, c'est pourquoi les avoir déplacés de nuit, à l'insu de la population ? Si je ne m'étais pas réveillée cette nuit et si je n'avais pas observé l'extérieur, comme Michael et Baptiste j'aurais pensé à une coïncidence en ne voyant ce matin ni Minna, ni Jeffrey, ni Morgane.
Mais c'est trop gros pour être une coïncidence.
Est-ce qu'il s'est passé la même chose à la Perle ou dans les quartiers anglophones ? Je sers ma lampe de poche contre moi et nage vers ce que je pense être l'Ouest, essayant de me rapprocher de la Rûche.
Je me sens si minuscule dans cette immense étendue d'eau noire et si je n'avais pas cette idée en tête, j'essaierai de nager vers le haut, pour voir jusqu'à quel stade je peux tenir et s'il est possible de se rapprocher de la surface à l'aide de quelques capsules d'oxygène. Mais je me contente de continuer vers la Rûche à grandes brassées.
C'est au bout de quelques minutes que j'aperçois le halo bleuté de l'énorme champ de force devant moi. Je m'en approche suffisamment pour être à l'abri des monstres marins, tout en gardant une distance nécessaire pour ne pas être repérée par qui que ce soit. Nager en plein jour n'est pas le meilleur moyen pour être discret et j'imagine que même l'Iceberg ne sera pas assez sévère pour me punir.
Je longe donc le champ de force et me dirige vers le Nord.
C'est là qu'est sensé se trouver le Quartier des Illégaux, rattaché à la Rûche par un autre champ de force. Pourtant, il me semble que je nage depuis maintenant plusieurs minutes et je ne vois toujours rien. En me tournant je discerne à peine la Rûche et bientôt la panique m'oppresse bien plus que le silence des profondeurs.
Est-ce que je me suis trompée ? Je ne suis pas allée au Nord ? Ou alors pas suffisamment...
Je m'obstine à nager un peu plus loin, mais bientôt une sensation de froid commence à m'envahir, tétanisant mes muscles déjà fatigués de la nage. Je suis bien au Nord ça n'en fait aucun doute et ce froid, ce n'est pas un problème dû aux capteurs thermiques de la combinaison.
C'est parce que je me rapproche de l'Iceberg et des Eaux Glacées.
Je dois m'en aller d'ici. C'est la limite et le froid commence déjà à se répandre dans tout mon corps, rendant mes muscles lourds. Alors je nage en ligne droite, épuisée et effrayée à l'idée de tomber sur une créature quelconque.
J'ai froid, mon cerveau fonctionne au ralenti et je prie pour arriver rapidement à proximité du champ de force de la Rûche pour me repérer et retourner jusqu'au Terrier. Mais en aurais-je la force ?
Je ne nage plus, à proprement parler, je me pousse plus par volonté qu'autre chose et bientôt je suis face au halo bleuté. Mon rythme cardiaque s'emballe et je sens mon cerveau court-circuiter. Je vois trouble, j'ai l'impression d'être gelée par le froid et je ne sais plus si je suis en train de me mouvoir ou de me laisser tomber vers le fond. Tout ce que je sens ce sont ces ondes désagréables, signe qu'il y a quelque chose non loin de moi.
Comme je ne bouge plus, j'ose espérer que la créature me laissera pour morte.
Pourtant les vibrations s'intensifient et alors que je suis à la lumière du champ de force, je cligne des yeux et aperçois quelque chose à côté de moi.
Jenny.
Une vibration plus puissante que les autres traverse tout mon corps engourdi et quand j'ouvre les yeux, il n'y a plus rien. Je reprends conscience quelques secondes, le temps de sentir qu'on m'attrape par les pieds.
Et qu'on m'attire vers le fond.
*
Je continue de planer. C'est une sensation assez agréable, comme lorsque je suis dans l'eau, sauf que je sens quelque chose de chaud autour de moi. Un peu comme les rayons du soleil ou les bras de Michael. C'est doux, j'aimerais y rester. Mais un coup de jus parcourt mon corps et je me redresse brusquement, me trouvant dans un lit d'hôpital et non au fond des Eaux Noires.
Je prends quelques minutes avant de réguler mon souffle et mon rythme cardiaque, essayant de me souvenir comment j'ai pu arriver ici. Je nageais, je voulais échapper à l'Iceberg puis à Jenny.
Je frissonne.
Etait-ce réellement son cadavre que j'ai vu flotter autour de moi ou bien était-ce mon imagination ? J'ai aussi senti qu'on m'aspirait vers le fond, pourtant je suis encore en vie et hors de l'eau. Je masse mes tempes et observe l'écran au-dessus de moi sur lequel défile le spot de Purity.
C'est comme un deuxième coup de jus, mais cette fois-ci je suis bel et bien réveillée.
Purity.... Leur soit disant quartier pour les Illégaux.... Il n'existe pas ! S'il avait vraiment été au Nord de la Rûche je l'aurais forcément vu, pourtant il n'y avait rien jusqu'à l'Iceberg ! C'est un mensonge.
Je déglutis et commence à me lever lorsqu'un Gardien fait irruption.
Avec tout ça j'ai également oublié un énorme détail.
Si je suis ici, c'est qu'on m'a ramenée des Eaux Noires, on m'a vu nager !
«- Mademoiselle Jones Pandore, vous êtes convoquée dans le bureau de la Gouvernante Amadalia Lambert, veuillez me suivre maintenant que vous semblez être rétablie. »
Ai-je le choix ? Je suis perdue.
Je suis le Gardien jusqu'au bureau de la Gouvernante, découvrant ma tenue de plongée, mon masque et la capsule d'oxygène étalés devant les yeux songeurs d'Amadalia. Derrière elle se trouvent ma prof de Physique et les deux individus présents hier après l'épreuve de sport, dont l'homme aux cheveux rouges qui me regarde avec un rictus bien visible.
Je me sens piégée et aucun son ne sort de ma bouche.
Je suis terrorisée, à deux doigts de voir ma vie s'arrêter.
J'ai été stupide.
« - Comment te sens-tu jeune fille ? –Me demande Amadalia avec un large sourire qui se voudrait maternel-
-Je... Je vais bien.
-Quelle chance tu as eu que des Gardiens viennent te récupérer, un peu plus et tu allais mourir d'hypothermie et ce malgré ce brillant concentré de technologie –Dit-elle en regardant la combinaison- Est-ce toi qui a fait tout ça ?
-Oui.
-Etais-tu consciente du danger auquel tu t'exposais ?
-Je pensais... Je ne... -Je balbutie, ne décelant aucune réelle sympathie dans son regard-
-Madame la Gouvernante, si je puis me permettre ? –Nous interrompt ma professeur- C'est moi qui ai demandé à Pandore Jones de faire cette expérience dans le cadre de mon cours sur l'oxygène, elle savait quels étaient les risques et moi également. Si quelqu'un doit recevoir des reproches, c'est plutôt moi.
-Et comment se fait-il que je n'ai pas été prévenue de cette « expérience » ? Si cette jeune fille avait été repêchée dans la partie Ouest, les anglophones nous auraient sûrement accusés d'espionnage et nous aurions pu risquer une guerre civile !
-Je vous avais prévenu, mais il faut croire que certaines informations ne remontent pas assez vite ces derniers temps. Le but de cette expérience était seulement de mesurer les capacités de l'oxygène.
-Avec des êtres humains ? –Demande Amadalia avec une once de sournoiserie alors que je sens le piège se refermer- Vous aviez des Subs pour ça non ?
-Vous n'êtes pas sans savoir que Pandore Jones est une bonne sportive ?
-Effectivement je l'ai remarqué.
-Je lui en ai parlé il y a des semaines et quand j'ai évoqué le fait de pouvoir nager en toute sécurité, elle n'a pas hésité. C'était en quelque sorte une fleur que je lui faisais.
-Et si jamais elle s'était noyée ? Car c'est ce qui allait se produire.
-Je l'observais depuis la Rûche, je m'étais préparée à aller lui porter secours.
-Ah oui, pourtant je ne vois aucune combinaison de plongée en votre possession.
-Je comptais utiliser un Sub, je sais bien qu'il est difficile pour quelqu'un de porter un poids mort et d'autant plus sous l'eau, je me serais mise en danger.
-Je vois et vos résultats sont-ils satisfaisants ?
-Oui, j'imagine que ces capsules permettent de nager sur quelques mètres, Pandore devait relier le Terrier jusqu'à la Rûche à la nage, j'ignore ce qui l'a arrêtée en chemin.
-Bien, ce qui importe c'est qu'elle soit en pleine forme désormais –Me sourit Amadalia- A vrai dire je comptais m'entretenir avec elle au sujet d'un projet qui devrait également la séduire, mais je pense qu'il vaut mieux qu'elle se repose. Ces quelques mètres ont dû la fatiguer malgré tout. Bien Pandore, nous avons appellé ta mère, Cécile Jones c'est bien ça ?
-Ou...Oui madame.
-Prends bien soin de toi et toutes mes félicitations pour cette prouesse à la fois technique et physique, tu m'as l'air plutôt douée dans ces domaines, j'ose espérer qu'après ton examen tu partiras dans une des Université des Sciences Physiques et Technologiques ? –J'hoche la tête- Excellent, nous avons besoin de personnes comme toi ici. »
Je la remercie et sors de son bureau sans qu'on me le demande une deuxième fois, tombant face à face avec Vénus. Elle semble surprise de me voir ici et plus encore lorsque d'épaisses larmes s'écoulent le long de mes joues sans que je puisse les arrêter. Elle regarde en tous sens et m'attire à l'écart des Gardiens.
«- C'est bien la première fois que je te vois dans cet état –Dit-elle d'une petite voix- Qu'est-ce qui t'es arrivée ?
-R...Rien, je suis juste un peu fatiguée.
-Tu sortais du bureau de la Gouvernante et en pleurant en plus, ne me mens pas.
-J'étais convoquée avec elle et la prof de physique, on a... On a parlé de mon futur c'est tout.
-Et elles refusent ton plan d'avenir ?
-C'est.... C'est plus compliqué que ça –Je renifle- Excuse moi je... Je dois me reprendre.
-C'est rien, c'est normal de craquer de temps en temps.
-Pourquoi tu es là ?
-Eh bien... C'est assez personnel –Dit-elle en cachant quelques papiers- Mais bon, après tout, demain tout le monde sera au courant alors bon.
-De quoi est-ce que tu parles ?
-Je viens me dénoncer avant que quelqu'un ne le fasse.
-Te... Dénoncer ? –Je demande lentement-
-Je te le dis à toi car je te considère comme une amie.
-Mais alors tu es.... Une Illégale ?
-J'ose espérer que ça ne changera rien à tes yeux ou à ceux de Pia et Eponine –Dit-elle en baissant les yeux- J'en ai marre de me cacher et j'ai l'impression qu'à partir de demain les choses vont se passer avec beaucoup moins de sympathie, alors j'ai préféré être dans les temps.
-Tu ne dois pas faire ça ! –Dis-je en attrapant ses mains d'un geste vif- N'y va pas !
-Quoi ? Mais pourquoi ?
-Ils mentent, Purity est un mensonge ! Il n'y a pas de quartier pour les Illégaux, seul l'Iceberg les attends alors je t'en prie ne te dénonce pas !
-Mais qu'est-ce que tu en sais ? Et puis qu'est-ce que ça peut te faire tout ça ? Vous les non-Illégaux vous vous permettez de faire la morale. Je t'aime bien Pandore, mais c'est mon choix, pas le tiens et pour une fois je me réjouis de pouvoir quelque chose par moi-même.
-Vénus je ne plaisante pas ! J... Je suis allée jusqu'au Nord, il n'y avait rien, il n'y a pas de quartier pour les Illégaux ! Tu comprends ?
-Toi tu es allée au Nord ? Arrête Pandore c'est bon, mêle-toi de tes affaires.
-Justement ce sont mes affaires ! Ne fais pas cette connerie et cache-toi, continue de faire comme les autres –Dis-je en l'empêchant de se retirer- Même Eponine te dira la même chose que moi. Vénus, fais-moi confiance !
-Et pourquoi ça hein ?!
-Parce que.... Parce que je suis comme toi !
-Pardon ?
-Si je n'étais pas dans le même cas que toi je ne m'efforcerai pas à te faire comprendre ça, mais c'est un piège Vénus ! Ils n'ont pas l'intention de nous dissocier des criminels –Dis-je à voix basse alors qu'elle ouvre grand les yeux-
-Toi ? Une Illégale ?
-Moins fort ! –Dis-je le cœur battant- Crois-moi le mieux à faire c'est de rester cachées comme avant. Personne ne sait que tu es Illégale en dehors de ta famille et de moi ?
-Non.
-Alors continue de jouer le jeu.
-Je n'en peux plus justement, je suis fatiguée de mentir, de me mentir. Si vraiment tu étais comme moi, alors tu me comprendrais.
-Je te comprends mais crois-moi quand je te dis que Purity n'est pas en notre faveur !
-De toute façon ma décision est prise et tu devrais en faire autant.
-Ne fais pas ça ! A ton avis où ont été amené Minna, Jeffrey et Morgane si il n'existe pas de quartier ?
-Il n'y a que toi qui prétende qu'il n'y a pas de Quartier, bien que tu sois mon amie permet-moi d'en douter. Si tu as peur, sache que moi je suis déterminée et honnêtement tu ferais mieux de faire comme moi, sinon tu risques d'avoir des ennuis à partir de demain.
-Je refuse d'être envoyée à l'Iceberg.
-Comme tu voudras. »
*
Une fois rentrée avec Cécile, je suis surprise de voir que ma prof de Physique nous a également suivies. Je sens déjà la soirée de merde, mais rien n'aurait pu être pire que ce bout de papier qui vient de glisser sous ma porte. Je regarde à travers le bois mais la personne a déjà disparu.
Et comme le papier est à mon nom, je l'ouvre discrètement.
Est-ce un mot de Michael ?
Non.
C'est un mot anonyme, avec un simple mot en capitales rouges.
« ILLEGALE »
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