« Tu ne révises pas ? –Me demande Moly alors que je suis perdue dans mes pensées-

-Oh j'ai toujours été bonne à réviser la veille pour le lendemain.

-Ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère –Dit Calum avec un petit rire- Bien que d'ordinaire ce soit aussi mon cas.

-Ca te rassurerait de me voir réviser ? –Je demande à la petite brune, laquelle semble vraiment inquiète-

-Oui, je veux que tu sois dans les 80 premiers, avec nous.

-Je le serais, c'est promis –Dis-je en retenant une grimace- Mais ne te surmène pas avec les révisions, trop réviser n'est pas forcément bon, n'est-ce pas Calum ?

-En effet, mais n'allons pas perturber les croyances des enfants –Dit-il amusé- Encore moins des Natifs.

-C'est un problème que je sois une Native ? –Gromelle Moly en lançant un regard noir au basané-

-Pas vraiment, mais étant donné que vous êtes bercés par les paroles de l'AGFA depuis l'enfance, vous devez avoir certaines choses d'encrées en vous. Des dogmes, des croyances. Du moins, les leurs.

-Nous ne sommes pas tous comme ça –Dit-elle, la voix aussi guindée que semble l'être son corps frêle- Nous savons que nous avons été enlevés à nos parents, que ce n'était pas juste.

-Toi tu penses ça, mais la moitié des Natifs sont aussi robotisés que les Gardiens –Répond Calum- Quite à choisir, je préférerais qu'il n'y ait que des Illégaux parmis les Hunters, toi incluse.

-Pourquoi ? –Je demande soudain, coupant la parole à Moly qui semble sur le point d'exploser-

-Tu n'as pas cette sensation toi ? –Me lance-t'il dans un murmure- Qu'ils vont nous la mettre à l'envers ? Honnêtement je préfère rester avec des personnes comme moi, je ne fais confiance à personne ici, mais je sais que les Illégaux se soutiennent, autant que les Criminels se soutiennent et complotent contre nous. Les Natifs sont encore une autre part et appartiennent à l'AGFA, quoi qu'on puisse en dire. Ce n'est pas contre toi Moly, je sais que tu es différente, rien que ton amitié avec Pandore le démontre, mais je n'ai pas confiance en tes camarades et si je devais faire partie des Hunters, je préférerais y être avec les personnes que je crains le moins. »

Les yeux de Moly s'embuent de larmes et bien que je comprenne le point de vue de Calum, je m'excuse auprès de lui et range les affaires de Moly dans son sac abimé, avant de l'attirer avec moi hors de la bibliothèque.

« C'est injuste ! –Dit-il elle, la voix couverte par ses sanglots- Il n'a pas le droit de nous traiter comme ça. On n'y est pour rien !

-Je le sais Moly et il le sait également.

-Alors pourquoi il a dit ça ?!

-Je crois que tu vas devoir t'habituer à entendre des choses mauvaises jusqu'à l'annonce des résultats. Les gens changent dans l'adversité, les personnalités se révèlent et c'est vrai que moi-même je commence à regretter mes premiers jours ici.

-J'ai entendu des choses horribles sur toi ! –Dit-elle enfin alors que je l'attire avec moi jusqu'au salon de coiffure- Je ne veux pas y croire.

-J'ai entendu quelques histoire aussi depuis que je suis revenu du Noyau, mais ça ne sert à rien de les écouter.

-Si tu pars je partirais avec toi !

-Pardon ? –Je demande sous le choc, le cœur au bord des lèvres- De... De quoi est-ce que tu parles ?

-Tout le monde dit que tu vas partir avec Amadalia, que tu n'iras pas sur Terre car elle veut te garder pour elle ! Si tu n'es pas Hunter alors je ne le serai pas non plus, je ne veux pas partir sur Terre sans toi.

-Et pourquoi ça ?

-Car j'ai peur moi aussi, comme Calum, sauf que moi j'ai confiance en vous et que lui se permet de dire qu'il n'a pas confiance en nous les Natifs ! Pourtant nous sommes pareil et j'ai peur de me retrouver avec des Criminels sur Terre. Ils n'obéiront plus à personne !

-J'ai promis de te protéger, il ne t'arr...

-Arrête de dire ça, qui me protégera si tu n'es pas là ?! »

Je peine à trouver mes mots mais aussi à trouver un prénom. Qui se préoccupera d'elle sur Terre ? Si notre petit groupe réussi à faire parti des Hunters, je ne pense pas que Calum s'en occupera, il devra sûrement veiller sur Vénus et Minna, quant à son frère, je n'y pense même pas.

J'essaye de ne pas lui donner l'impression que mes recherches sont veines, posant mon regard sur tout et n'importe quoi une fois dans le salon, lorsque mes yeux s'arrêtent sur quelqu'un que je ne pensais pas trouver ici.

« Joe s'occupera de toi –Dis-je d'un ton neutre, essayant aussi bien de la persuader que de me persuader moi- Il sera sur Terre lui, c'est évident.

-Je n'ai pas confiance en lui ! Il est comme Tray, seulement l'un est officiellement Criminel et pas l'autre...

-C'en est peut-être un en effet, mais on peut lui faire confiance.

-Tu dis ça mais tu ne le penses même pas.

-Si je le pense –Dis-je en serrant le carnet du Docteur Carron dans ma poche- Je pense qu'il ne nous dit pas toute la vérité, mais qu'au fond tu peux te fier à lui, au moins pour survivre. »

Moly ne dit rien et je détache mon regard de Joe au moment ou ce dernier aperçoit. Il jette un coup d'œil à Moly, laquelle essuie une larme avant de me demander pourquoi nous sommes ici. A vrai dire je n'ai pas de raison valable, j'ai seulement pensé à cet endroit lorsque je l'ai vu pleurer, je me suis dit qu'au moins ici elle n'aurait plus la pression des examens, ni celle des élèves devenus hargneux.

« Je me suis dit qu'on pourrait y passer du bon temps –Dis-je en haussant les épaules-

-Moly, Pandore ! –S'exclame Bianka, les cheveux à présent colorés en blanc- Comme je suis contente de vous voir, je pensais qu'avec les examens vous n'auriez plus de temps pour passer ici. Ta couleur est vraiment sublime Pandore, je ne cesserai de le dire, j'espère que tu as reçu des compliments ?

-Oui, tout le monde a adoré ton travail.

-Oh oui, surtout sa famille –Lâche Joe dans le dos de Bianka, laquelle fait jongler son regard surpris entre lui et moi-

-Je suis contente de mon cadeau –Dis-je seulement-

-Tout le plaisir est pour moi alors –Dit-elle sans s'attarder sur ce que venait de balancer Joe- Dis-moi Moly, tu ne voudrais pas refaire ton bleu par hasard ? Il est un peu fade.

-Si –Dit-elle en reprenant une voix normale-

-Bien, viens avec moi –Elle l'attire avec elle et je me retrouve désormais face à Joe, avachi dans un fauteuil à regarder les exemples de couleurs que propose Bianka-

-Tu viens faire un dernier au revoir avant de fuir ? Comme c'est touchant.

-Et toi tu viens te faire une beauté avant d'aller sur Terre ?

-Je me dis seulement que le rouge risque de ne pas jouer en ma faveur là-haut, il me faut quelque chose de plus discret. Je n'ai pas envie d'être une proie facile.

-Tu as raison, ce serait dommage que tu aies fait tout ça pour finir dévoré par un animal. Tu vas faire quoi ? Vert sapin ?

-Je ne pensais pas qu'aux animaux -Je lui lance un regard d'incompréhension- Ne fais pas comme si tu n'avais pas compris.

-Tu comptes... Tuer les Hunters ?

-Je compte tuer quiconque viendra contrecarrer mes plans.

-Et quels sont tes plans ?

-Pourquoi devrais-je en parler avec toi ? Après tout, tu vas nous quitter très bientôt et puis, finalement je ne sais plus si je peux réellement avoir confiance en toi, tu es bien trop proche de l'AGFA désormais et j'aimerais éviter qu'Amadalia vienne à nouveau fouiller dans mes affaires.

-Je suis de ton côté –Dis-je en sortant le carnet de ma poche, lui faisant froncer les sourcils-

-Qui t'a passé ça ?

-Apparemment ma sois-disante position auprès de l'AGFA m'a ouvert quelques portes –J'ouvre la dernière page et lui tends le carnet- C'était toi, il y a neuf ans ?

-Je ne suis pas le seul Joe ici.

-Non, mais tu es le seul qui soit suffisamment important pour avoir accès à ce livre.

-Je vois que tu as signé –Il laisse échapper un petit rire ironique- La science au service de l'Homme et non du pouvoir hein ? Dis-moi, quel genre de science penses-tu qu'Amadalia te laissera travailler ? Crois-tu réellement être de mon côté en partant là-bas ?

-Chacun ses plans.

-Tu fonces droit dans un piège –Dit-il en se redressant, son regard grave ne se détachant pas du mien- Vraiment je ne t'imaginais pas aussi stupide !

-Je t'ai dit que j'avais un plan.

-Oui qui va sûrement merder dès l'instant où tu auras posé le pied à la Rûche ! Tu crois que je ne connais pas l'AGFA ?

-Tiens c'est drôle que tu ne m'aies pas dit tout ça avant.

-Car je pensais que tu le savais, que tu étais assez intelligente pour ne pas te laisser séduire ! Tu crois vraiment que permettre à ta famille de te voir était un geste de bonté d'Amadalia ? Que de vous laisser l'accès aux quartiers privés était pour vous donner de l'intimité ? C'était de la pure stratégie, du spectacle et toi tu...

-Comment tu le sais ?

-Quoi ?

-Que ma famille et moi avons eu accès aux quartiers privés ?

-Ce n'est franchement pas dur à deviner, il fallait qu'elle sorte le grand jeu pour t'avoir et c'était le bon plan. Le Noyau aussi d'ailleurs. Dis-moi, qu'est-ce que tu y as vu ?

-En quoi ça t'intéresse ?

-Il y a neuf ans j'ai promis de faire connaître la vérité -Il lance un regard vers le livret- Je suis certain qu'Amadalia t'a encore menti.

-Comment aurait-elle pu me mentir sur quelque chose que j'ai vu de mes propres yeux ?

-Car ce n'était pas tes yeux Pandore, enfin pas à proprement parlé, tu as vu ce qu'Amadalia voulait que tu vois.

-Qu'est-ce que tu insinues ? Que je devrais te faire confiance à toi ? Toi qu...

-C'est un jeu de menteur contre menteur et à force j'ai su me perfectionner. Si tu vois la vie différemment c'est que tu es encore une enfant, que tu n'as pas conscience des réels enjeux de cette soit-disante société. Ici seuls les bons menteurs réussissent, tu ne t'es pas dit que c'était étrange, que depuis la création du Nouveau Canada, le nom de famille du Gouverneur de l'Est était encore et toujours Lambert ? Crois-tu que quelqu'un d'autre que cette famille ait eu une chance d'accéder au pouvoir si jalousement gardé ?

-Qu'est-ce que cette famille t'a fait pour que tu aies une telle haine contre eux ? Toi plus que quiconque. Nous sommes tous Illégaux, tous pour la même raison, nous avons autant de raisons que toi de détester l'AGFA, mais tu en fais une affaire personnelle, quitte à entrainer la perte des autres.

-Peut-être que si on se revoit un jour je te dirais pourquoi; Je te dirais pourquoi j'ai été envoyé ici il y a neuf ans alors que le projet Hunters n'était même pas encore prévu.

-Pourquoi ne me le dis-tu pas maintenant ? Après tout, ce sont des adieux.

-Car il y a quelque chose de plus important que tu dois apprendre, une vérité qui prime plus que la mienne.

-Peut-être que tu aurais dû m'en faire part plus tôt, ma décision est prise, quoi que tu aies à me dire.

-On en reparlera ce soir –Dit-il en me montrant mon écran sur ma manche- Mais j'aimerais que tu changes d'avis.

-Tu l'as dit toi-même, c'est un jeu de menteurs contre menteurs et je ne compte pas me laisser berner aussi facilement.

-Pourtant c'est ce qu'il s'est passé avec elle.

-Il fallait bien passer par cette étape pour atteindre la suivante.

-Eh bien, il semblerait que je me sois quelque peu trompé à ton sujet –Dit-il en souriant en coin-

-Je peux te demander quelque chose ? –Dis-je en prenant place à côté de lui, sans même le regarder- Maintenant que tu as compris de quel côté j'étais.

-Dis-moi.

-Je vais essayer de prendre Moly avec moi demain.

-Et c'est moi qui entraîne les gens à leur perte.

-Je lui ai fait une promesse, que je la protègerai, mais si je ne peux pas être avec elle, je veux que tu me promettes quelque chose.

-Ne compte pas sur moi pour m'occuper d'une enfant ! Ici je suis professeur, mais une fois là-haut je redeviendrai qui je suis réellement.

-Je ne te demande pas de t'occuper d'elle, seulement de la protéger, jusqu'à mon retour.

-Si tu parviens à revenir sur Terre alors j'accepte.

-Je trouverai un moyen.

-Je l'espère pour toi et surtout pour elle –Il soupire – Vous les filles êtes vraiment trop sentimentales.

-S'il n'y avait pas de sentiments, les choses seraient différentes à l'heure actuelle.

-Peut-être qu'on se serait entre-tués toi et moi.

-Peut-être –Dis-je en me sentant bizarrement amusée par la situation- Je ne t'aimais pas, avant d'arriver ici.

-Vraiment ? Pourtant tout le monde m'adore.

-Je croyais que tu appartenais à l'AGFA, que tu voulais m'éloigner de Michael et m'entrainer dans un plan débile. Je pense même que si tu n'avais jamais débarqué, ma vie aurait été différente.

-Tu ne crois pas si bien dire –Dit-il d'une voix étrange- Et aujourd'hui tu me détestes non ?

-Je le devrais.

-Développe.

-Jusqu'à aujourd'hui j'ai gardé espoir pour que tu redeviennes comme avant, mais si c'est pour être face à un mensonge, je préfère partir sur cette dernière conversation. Au moins je suis sûre d'une chose, je n'aurais pas réussi à savoir qui tu es vraiment.

-Parfois il vaut mieux ignorer certaines vérités.

-Pour quelqu'un qui veut défendre la vérité je trouve ces paroles un peu hypocrites. »

La situation est étrange. Son attitude me rejette, sa voix est moqueuse et cherche à m'éloigner, mais ses yeux disent le contraire. La vérité passe toujours par le regard, pourtant c'est un bon menteur et en cet instant je me sens perplexe. Ai-je finalement retrouvé une part de l'ancien Joe ? Juste avant mon départ ?

« Tu es bien silencieuse, c'est comme ça que tu voulais me dire adieu ?

-Je n'avais même pas prévu de te le dire.

-Tu mens tellement mal et c'est comme ça que tu comptes te jouer d'Amadalia ?

-C'est la vérité ! Je ne voulais pas te revoir.

-C'est ça, essaye de me persuader autant que toi –Il s'enfonce un peu plus dans son fauteuil et me regarde en coin, amusé- Tu as encore tellement de choses à apprendre. Je t'aurais bien appris quelques trucs, si tu n'avais pas choisi de nous abandonner.

-Est-ce un réel reproche ou tu joues avec moi ? –Je demande, perdue entre ce sentiment de jeu et la colère d'être humiliée-

-A ton avis.

-Dis-moi les choses clairement, avant que je ne parte.

-J'aurais préféré que tu nous choisisses nous, tes amis.

-Nous ne sommes pas amis. »

Il se met à rire et cette fois-ci je me sens réellement gênée. Mes joues s'empourprent et je me lève, prête à aller voir Bianka et Moly.

« Tu es vexée car je suis meilleur que toi à ce jeu.

-Je suis vexée car tu n'arrives pas à être sincère, à trop jouer ton rôle de connard je me demande si tu ne l'es pas devenu.

-Je ne peux pas être sincère avec toi Pandore.

-Pourquoi ?

-Car aujourd'hui encore j'ignore ce que tu représentes ici, j'ignore quel est cet enjeu autour de toi et si je risque de perdre gros ou non en étant sincère –Dit-il sans même se retourner pour me regarder-

-Pourquoi seulement autour de moi ? –Je demande-

-Je n'en sais rien, je ne sais pas ce qu'ils te veulent. Nous avons tous un rôle à jouer ici, mais le tiens je ne le connais pas encore.

-Si ça peut te rassurer, je ne le connais pas non plus. J'ai seulement un plan... Qui peut-être échouera.

-C'est déjà bien d'en avoir un, ce sont nos plans qui nous distinguent des autres et nous font aller loin. Sans ça je ne serais pas à l'Iceberg aujourd'hui.

-Et où est-ce que tu serais ?

-Je serais mort. »

Je crois que je n'ai jamais été aussi proche de la vérité à son sujet, pourtant je ne dis rien, mes lèvres restent scellées tandis qu'il me tourne toujours le dos. Il essayait seulement de survivre.

« Donc, adieu ? –Il murmure, toujours dos à moi-

-Je croyais que tu avais encore une vérité à me montrer.

-Tu la verras de tes propres yeux, je ne veux pas t'influencer.

-D'accord.

-Tu es déçue –Dit-il avec un rire ironique-

-La ferme. Adieu.

-Attends au moins que Moly soit sortie et que tu puisses t'en aller pour me le dire –Il feuillette le carnet du Docteur Carron- J'irai le rendre à Ines, pour t'éviter des ennuis.

-Ines ?

-Je sais bien que c'est ta prof d'histoire qui t'a donné ce livre, je lui ai parlé de toi, elle a bien fait de te donner celui-là.

-Tu penses qu'il reste des êtres humains là-haut ? –Je demande en désignant le carnet d'un signe de tête-

-Sûrement, mais une chose est sûre, ils ne seront pas comme nous.

-Sûrement... -Dis-je mal à l'aise, un frisson traversant mon corps alors que Joe se tourne vers moi-

-Tu as peur ?

-Pas toi ?

-Pourquoi as-tu peur alors que tu seras bien au chaud à l'AGFA ?

-Arrête de me le reprocher !

-C'est à la fois un reproche et une mise en garde, tu n'as pas à avoir peur de ce qu'il y a sur Terre, mais aies plutôt peur de ce qui se trouve en dessous. Je préfère me trouver dans un milieu hostile en pleine nature qu'entouré par les membres de l'AGFA. Moi au moins j'aurais de quoi m'échapper.

-Je t'ai dit que j'y arriverai moi aussi ! - Il ricane avant de se dresser pour me faire face-

-J'ignore quel est ton plan, mais je ne sais pas comment toi tu pourrais réussir là où j'ai échoué !  Tu comprends ce que j'essaie de te dire? -J'acquiesce- Parfait! 

- Mais tu n...

-Aussi je veillerai sur Moly, mais ne compte pas sur moi pour lui mentir et lui faire croire que tu nous rejoindras ! –Il penche sa tête en arrière et souffle un râle de colère- Pourquoi tu n'as pas choisi de rester ?

-Car je ne me sentais plus à ma place ici.

-Quoi ? Tu étais sûrement la deuxième si ce n'est la première au classement du Hunternumb !

-Je ne parlais pas de ça !

-Alors quoi ?! Ne me dis pas que c'était une raison sentimentale ?

-Tu ne peux pas comprendre.

-Vraiment vous les filles vous êtes trop b...

-C'est de ta faute.

-Tu vois, c'était pas si compliqué –Dit-il après avoir tenté de cacher une grimace de surprise-

-C'est tout ce que tu trouves à dire ? Si tu n'avais pas changé de caractère, je serai resté !

-Pourquoi ?

-Car je pensais que tu me protégeais.

-Et alors quoi ? Quand tu as senti que je m'écartais de toi, tu t'es sentie faible ? Tu te reposais sur ma protection ? Je sais que tu n'es pas comme ça Pandore, tu es la plus forte des Hunters, tu n'aurais pas dû te reposer sur moi mais sur toi car tu avais les capacités pour te sauver sans mon aide. Au lieu de ça tu t'es mise en danger !

-Tu m'as peut-être surestimée, après tout, tu me l'as déjà dit plusieurs fois - Il lève les yeux au ciel, excédé- Bien, cette fois adieu, j'irai att... »

Ses mains se nouent dans mon dos et ma nuque, me bloquant fermement contre lui et coupant presque me respiration. C'est seulement quelques secondes plus tard qu'il abandonne sa colère pour m'étreindre réellement.

Je suis désemparée et ne réagi pas tout de suite, pourtant très vite je le serre à mon tour, une dernière fois.

« Ahem... Moly est prête. »

Je sursaute, m'éjectant des bras de Joe pour trouver Moly et Bianka dans mon dos. La petite darde Joe du regard avant de me lancer un regard dur, mais moins grave. Je remarque dans le même temps ses cheveux, elle a finalement changé ses mèches bleues pour des mèches rousses et je n'ai pas besoin de lui demander pourquoi. Elle vient silencieusement à ma hauteur et je choisis ce moment pour quitter le salon, la gardant contre moi alors que la chaleur de Joe s'évapore comme un rêve.

« Je me suis assurée que Joe s'occuperait de toi –Dis-je maladroitement-

-C'est ce que tu lui disais, dans ses bras ?

-Tu n'as vu que la fin de notre échange, ça ne reflétait rien de ce qu'on avait pu se dire.

-Je t'ai entendu lui dire adieu. Tu pars, n'est-ce pas ?

-Oui –Dis-je finalement-

-Je veux venir avec toi.

-Je vais essayer mais je ne te promets rien, je ne pense pas avoir autant d'avantages que tout le monde l'imagine. Si jamais ça ne marche pas, promets-moi d'écouter Joe et de te fier à lui.

-Je ne lui fais pas confiance et tu ne devrais pas toi non plus.

-J'ai mes raisons de lui faire confiance, libre à toi de me croire –Je soupire et regarde autour de nous avant de la regarder elle- Sinon c'est très joli tes cheveux.

-J'aime bien cette couleur.

-La couleur du soleil.

-Oui et Bianka m'a dit que c'était aussi la couleur de la chance. J'ai pensé qu'on pourrait en avoir besoin.

-Tu as eu raison. »

*

Ce soir je suis bien agitée. Entre l'adieu à Joe, Moly qui est au courant de mon départ demain et maintenant l'absence de Minna et Vénus au repas.

Nous n'en parlons pas, mais Calum aussi est soucieux, pour ne pas dire suspicieux, tandis que Rafael essaye tant bien que mal de mettre une bonne ambiance. Lui n'est absolument pas perturbé par les examens ni ce qui gravite autour, Bianka non plus. Je les envie et je me demande même si je ne devrais pas me confier à l'un d'entre-eux d'ici demain, vu qu'après tout ils sont neutres.

Alors que je déguste mon dernier repas de manière étrange, ne réalisant toujours pas que demain je serai partie, Joe et Tray entrent tous les deux dans le réfectoire. Le rougeâtre n'a finalement pas changé de couleur et son regard se pose sur moi. Espère-t'il que je puisse faire marche arrière et annuler mon accord avec Amadalia ?

Non, même lui sait que c'est impossible et comme il l'a dit, il se pourrait que je joue un rôle important pour l'AGFA et j'aimerais savoir ce qu'ils attendent de moi, avant de prendre les choses en main.

Je trouverais un moyen de les rejoindre, mais plus tard.

Avant je dois utiliser l'AGFA, leur donnant l'impression qu'eux m'utilisent et mettre mon plan à bien.

Il se peut que je sois plus utile sous Terre que sur Terre, en tout cas pour mes amis.

« Bianka m'a dit que tu t'étais réconciliée avec Joe ? –Me demande Rafael, lequel n'a pas manqué mon échange de regard avec le concerné-

-Je n'irais pas jusque-là, disons que nous avons un peu plus compris les motivations de l'autre.

-Et ? Vous allez redevenir comme avant ?

-Non, il n'y a pas de réel avant vu que tout était un mensonge.

-Vous êtes trop compliqués. »

C'est vrai. Je le regarde une dernière fois à la dérobée, me demandant secrètement si il ne posera pas son regard sur moi encore une fois ce soir, mais il reste dos à moi. Mélawi, qui se trouve face à lui, me regarde de temps à autre avant de changer totalement d'attitude.

J'ignore ce que Joe vient de lui dire, mais elle lâche sa fourchette et semble balbutier devant le rougeâtre, les yeux grands ouverts et rivés nerveusement sur moi l'espace d'une seconde.

Est-ce que Joe a confirmé les rumeurs à Mélawi ?

« Apparemment l'AGFA a fait entreposer l'équipement pour les Hunters dans plusieurs Subs, c'est gardé en tout temps par leurs nouveaux soldats –Dit Calum en jouant nerveusement avec son pain, me faisant revenir à la réalité-

-Va-t'on voir de nouvelles choses en cours ? –Je demande, mine de rien-

-Réni m'a dit que nous allions pouvoir tester les combinaisons, mais seulement quelques élèves, ils ne veulent pas faire venir le plus gros ici.

-Pourquoi ?

-Je ne sais pas, ils ne nous font peut-être pas totalement confiance –Il hausse les épaules- Peut-être qu'ils s'imaginent qu'avec tout cet équipement à notre portée, nous pourrions tenter de nous en emparer, sans passer par la case examens et de filer sur Terre, ou bien même de nous retourner contre eux.

-Ce serait plutôt une technique de Criminel –Dit Rafael en jetant des coups d'oeil alentour-

-Si j'avais une chance de récupérer ce matériel et de prendre ma place à bord d'un Sub, je le ferais.

-Ça ne m'étonne pas –Répond Moly suffisamment fort pour que Calum l'entende-

-Moly, s'il-te-plait –Dis-je d'un ton grave-

-En parlant de Criminel, il me semble que Vénus et Minna auront pu tester de nouvelles armes aujourd'hui –Dit Rafael- Quand je les ai accompagnées, j'ai vu que Tray réceptionnait des caisses d'armes.

-Ils cachent le matériel dans des Subs, mais ils laissent des armes entre les mains du plus gros fou-furieux de l'Iceberg ? –Je m'exclame-

-Il reste le professeur d'armes –Répond le dreadé, fataliste-

-Nous en apprendront sûrement plus demain lors de notre dernier cours avec Tray –Dit Calum, poussant son plateau sans même avoir daigné manger grand-chose- La bouffe est de plus en plus immonde, à croire qu'ils essayent de faire le tri avant même les examens. Cette merde pourrait nous tuer.

-Vous savez...Je crois que la raison pour laquelle Tray a reçu les armes, c'est parce qu'Amadalia l'aime bien... Voire même, un peu plus que ça –Reprend Rafael, nous prenant tous par surprise-

-Tu plaisantes ? –Je demande, la mâchoire au bord de tomber-

-Comment tu sais ça ? –Demande le basané au dreadé, d'un regard vif-

-Eh bien, comme Bianka et moi sommes moins concernés que vous par les événements à venir, nous avons été moins stressés ces derniers temps et nous avons remarqué des choses que vous avez sûrement loupé.

-Amadalia et Tray ? –Dis-je en grimaçant de dégoût-

-Et moi qui pensais qu'il y avait plutôt un truc entre Joe et elle –Souffle Calum- Vu comment ces deux-là se cherchaient, pour moi c'était plutôt ce scénario-là.

-Joe la déteste, je pense plutôt qu'il est fortement intéressé par Shey.

-Par son cul oui –Plaisante Calum avant de se rattraper devant Moly- Oh excuse-moi, fais comme si je n'avais rien dit.

-Peut-être qu'il y a du vrai dans ce que tu dis Calum, Joe est bizarre depuis l'arrivée d'Amadalia et bien avant qu'elle n'arrive d'ailleurs, sûrement parce qu'il savait qu'elle viendrait. Mais j'ai vu la Gouvernante, avec Tray. Ils revenaient de la limite du champ de force et ils semblaient... proches.

-C'est dégueulasse –Crache Moly, surprenant cette fois Calum- Elle est vieille !

-Si je ne m'abuse elle n'a même pas encore trente ans.

-L'age de Tray et de Joe, ça parait plutôt logique finalement –Réfléchi Calum- Eh bien pour un triangle amoureux, j'aurais préféré avoir d'autres images en tête. Autre chose à signaler Raf ?

-Eh bien, toujours avec les même, Joe et Tray se seraient également rapprochés.

-Ok, là c'est glauque –S'amuse Calum-

-Je suis témoin –Dis-je- Tout à l'heure Joe a demandé à Tray de le suivre, car ils devaient parler tous les deux. C'était bien la première fois et ça semblait urgent. Peut-être qu'ils préparent les examens.

-Je t'avais dit de ne pas avoir confiance en lui, Joe est comme Tray ! –Dit Moly avant de pousser un petit cri de surprise- Les filles ! »

Ni les garçons ni moi ne comprenons sa réaction sur le moment, avant de voir Vénus, Minna et Bianka entrer dans le réfectoire. Les deux premières sont livides, presque aussi blanches que les cheveux tressés de Bianka et lorsqu'elles nous voient, elles hésitent à venir.

Minna semble sur le point de vomir et je ne peux m'empêcher de compatir. Je sais que Tray est un sadique, j'ai voulu les rassurer, mais je savais que rien n'irait. Que leur a-t'il fait ? Ont-elles dû assister à la mort d'une gamine sous leurs yeux ? Ont-elles dû se battre l'une contre l'autre jusqu'à l'épuisement total ? Je ne leur adresse qu'un maigre sourire auquel elles tentent de répondre, mais sans grand succès.

Je sais ce que ça fait.

Si Vénus mange un petit peu de pain, trouvant elle aussi le plat immangeable, Minna elle ne bouge pas, comme si elle était ailleurs. Son regard est perdu, terrifié et je n'ose imaginer ce que Tray a pu leur faire subir comme punition pour avoir séché ses cours, en plus avec ses nouvelles armes.

Je me sens presque mal de les abandonner demain.

Par sympathie, je crois, personne n'aborde le sujet de la punition et nous essayons de trouver un sujet de conversation autre que les examens ou encore l'AGFA et le projet Hunters. Calum demande même à ce que son frère nous rejoigne, lequel prend place à côté de Vénus, plus par pitié que par envie, alors que cette dernière reprend quelques couleurs.

Il me fixe, je le sens et alors qu'il s'apprêtait à parler, à me parler, Calum le coupe dans leur langue maternelle et l'oblige à faire silence. Ne reposant plus son regard sur moi.

*

C'est le ventre à moitié vide que je pars me coucher, après une simple douche sous laquelle je n'ai cessé de cogiter. Mon départ se rapproche, pourtant quelque chose me gêne, quelque chose qui gravite autour de moi, comme disais Joe et que je ne comprends toujours pas.

Suis-je réellement la meilleure des Hunters ?

Pourtant il y a des élèves qui semblent bien meilleurs que moi, sans compter le fait que j'ai manqué les premiers cours et mes passages à l'infirmerie qui m'ont fait manquer des tests.

Comment a-t'il pu affirmer ça ?

Et de quoi voulait-il me parler ? Quelle était cette vérité ?

Je n'ai toujours pas reçu de message de sa part, peut-être finalement s'est-il dégonflé alors je rejoins mon lit, lançant un dernier regard circulaire à l'immense dortoir glacé, je me demande si finalement cet endroit ne va pas légèrement me manquer.

Une fois arrivée à la dernière marche, je vais pour m'allonger et hoquète en sentant quelque chose heurter mon crâne, sous mon oreiller. Je me redresse brusquement et le tire, découvrant un des masques que Joe m'avait offert pour mon anniversaire, ainsi qu'une des combinaisons destinées aux 80 Hunters. Je fronce les sourcils, ça n'était pas là lorsque je suis passé prendre mon pyjama avant la douche. Ce n'est pas un hasard.

Ce n'est pas un hasard non plus de recevoir un message sur mon écran, quelques minutes après ma découverte qui m'a laissée pantoise.

« Si tu veux voir le vrai visage de l'AGFA et de notre système, retourne au Noyau cette nuit, quand tout le monde dormira et que les Gardiens et Soldats seront occupés ailleurs. Ne me rapporte pas le matériel, tu le laisseras à l'endroit-même où tu viens de le trouver. Passe par le pont de l'infirmerie pour traverser le champ de force et ne tarde pas, on ne pourra te cacher indéfiniment.

Bonne chance et adieu. »

Je relis le message plusieurs fois. Je sais qu'il s'agit de Joe, mais toutes ces coïncidences me surprennent. Est-il passé pour cacher le masque ? Quelqu'un l'aurait vu.

Non je dois me focaliser sur le plus important. Pourquoi tient-il vraiment à ce que je retourne au Noyau ? Que vais-je y voir de plus et en plus de l'extérieur ?

Je sais que ce n'est pas une bonne idée, mais je dois aller voir ça, j'ai confiance en Joe sur ce point et même si ça doit me faire changer d'avis, au moins je serais d'autant plus déterminée à me jouer de l'AGFA une fois sur place.

Je me cache sous mes couvertures et enfile la combinaison neuve que je recouvre de mon pyjama, veillant à ne pas faire trop de bruit alors que le silence vient de tomber sur le dortoir.

*

C'est aux alentours de trois heures du matin que je descends discrètement de mon lit, enfilant mes bottes sans faire de bruit avant de faire mine d'aller aux toilettes. Le dortoir est plongé dans le sommeil agité des Illégales et seul un petit bruit me fait sursauter.

Quelqu'un vient de recevoir un message sur son écran et ce n'est pas moi.

Je tourne la tête et étire le cou pour tenter de voir d'où cela provient. Mais aucun écran n'est déverrouillé, aucune lumière ne m'indique d'où cela provenait et finalement je m'éclipse. Je retire mon pyjama dans un des compartiments de douche, tire une chasse d'eau pour feindre ma présence dans les toilettes alors qu'en vrai je m'en extirpe, serrant le masque contre moi.

Le chemin jusqu'au pont de l'infirmerie est rapide et sans encombres, il n'y avait aucun Gardien ni Soldat, peut-être Joe s'en est-il assuré avant de me demander de faire une chose aussi risquée. Et me voici sur le pont, fixant les reflets bleutés au dessous de moi, donnant presque l'irrésistible envie d'être attirée par le vide sans attendre. Ai-je raison de faire ça ?

Après tout c'est illégal et on me l'avait bien fait comprendre lors de ma dernière excursion, repérée par Amadalia et j'ignore ce que je risque si je me fais prendre. J'aurais préféré que Joe vienne avec moi ou qu'au moins il daigne m'attendre ici. Au lieu de ça je suis seule.

Je regarde autour de moi, le cœur battant au travers du silence glacial de l'Iceberg endormi, avant d'enfiler le masque et de me laisser tomber dans le vide.

La froideur de l'eau me paralyse sur le champ. Mon souffle se coupe malgré la capsule d'oxygène, puis mon corps devient semblable à de la glace. Cela me semble durer une éternité quand enfin une vive chaleur entoure mon corps et le libère de sa léthargie. La combinaison vient de réagir au froid et de s'activer, sans quoi j'aurais sûrement fini gelée.

Mes poumons reprennent timidement leur vigueur et bientôt je respire normalement. C'est le moment idéal pour nager en direction du Noyau. J'ignore où il se trouve réellement, mais je n'ai qu'à suivre les filaments d'énergie, lesquels flottent dans des tubes transparents au dessus du champ de force de l'Iceberg et créant de la lumière.

A mesure que je nage, je me demande si je n'aurais pas dû prendre une arme avec moi. Normalement il fait si froid ici bas qu'aucun animal ne pourrait survivre, pas même un humain, alors je ne risque rien, mais je reste quand même attentive aux ondes autour de moi, fixant toujours les filaments bleutés aller et venir.

Plus je m'approche du Noyau et plus les tubes de filaments sont nombreux, allant tous vers le Nouveau-Canada. Je ne les avais jamais remarqués lorsque j'étais en Sub, étant donné qu'ils se trouvent bien au dessus de nos têtes et je me souviens m'être toujours demandé comment l'énergie arrivait jusqu'à nous. Aujourd'hui j'ai ma réponse.

Et je m'apprête à en découvrir une autre.

Je me demande vraiment de quoi pouvait bien parler Joe.

*

Une fois arrivée devant le champ de force du Noyau, je remarque tout un groupe de Soldats et de Gardiens postés à l'entrée. Je vais donc devoir rester à l'extérieur et attendre une vérité dont j'ignore la nature. Joe aurait au moins pu me donner plus d'explications, comment saurais-je que j'ai vu la vérité ? Et quand ? Je ne peux pas me permettre de gaspiller tout mon oxygène ici, il me faudra en économiser pour être certaine de rentrer.

Je nage discrètement le long du champ de force, gardant une bonne distance pour éviter d'être repérée lorsque des ondes viennent perturber mes tympans. Des ondes imposantes. Mon cœur rate un battement et je cherche un endroit où fuir, pensant avoir affaire à une bête.

Mais très vite je découvre la source de ces ondes.

Un Sub, provenant de la Rûche j'imagine, vient d'arriver au Noyau... Au beau milieu de la nuit ? Ma curiosité est piquée et je me rapproche un peu plus du champ de force pour découvrir tout un groupe de personne descendant sur le quai. Tous semblent terrorisés.

Serait-ce des Criminels trop vieux pour le projet Hunters envoyés ici pour payer leur dette ?

Pourtant il y a des femmes et des enfants, des vieillards et bien qu'on m'ait toujours dit de ne pas juger sur l'apparence, j'ai du mal à croire que tout ces gens soient mauvais. Je les regarde qui défilent les uns derrière les autres dans le long couloir que j'avais emprunté. Je ne vois pas tout, une partie du Noyau se trouve dans la glace et la roche, alors je me rends à l'espace visible le plus proche, trouvant un noyau dans lequel plusieurs personnes sont continuellement en train de travailler à produire de l'énergie.

Je repense à cette vieille femme que j'avais vu travailler, son regard à la fois lourd de reproches et implorant. Qu'avait-elle pu bien faire pour être envoyée ici ? C'est bel et bien l'endroit le plus étrange du Nouveau Canada.

*

La froideur de l'eau commence à revenir malgré la combinaison et ce parce-que je ne nage plus vraiment. Je stagne, attendant de voir quelque chose. Mais il ne se passe rien. Je reprends la nage pour ne pas m'engourdir plus, découvrant d'autres salles où s'élèvent des colonnes de filaments avant de percevoir du mouvement un peu plus loin en arrière.

Je retourne sur mes pas, mais je ne pense pas rester encore longtemps car bientôt je manquerai d'oxygène et si je peux très bien tenir face au froid de l'eau, je ne peux me passer d'air. Je presse donc le masque un peu plus contre mon visage, observant le groupe tout juste descendu du Sub arriver dans un noyau.

Les travailleurs s'arrêtent et observent la foule, il me semble que c'est le silence, en dehors des Gardiens qui hurlent des ordres inaudibles de là où je me trouve. Plus aucun filament ne s'élève des larges cheminées et je me demande bien ce qu'il se passe.

Quelques personnes sont sorties du groupe, de manière forcée et je pense ne pas me tromper en disant qu'ils deviennent travailleurs à leur tour, car on leur donne des pelles. Que vont devenir les anciens ?

On leur retire les pelles des mains et ils sont envoyés dans le groupe.

Un échange ? Quand de nouvelles personnes arrivent, les anciens sont remplacés ?

Mais où vont-ils ?

Je m'apprête à changer d'endroit pour suivre le groupe, lequel ne va sûrement pas s'éterniser ici maintenant que des travailleurs ont été choisis.

Pourtant le groupe ne bouge pas.

Tous restent serrés les uns aux autres et en me rapprochant je lis la peur sur leur visage, ainsi que sur ceux des anciens travailleurs, épuisés mais aussi effrayés que les autres.

Une mère serre un enfant contre elle.

Tous semblent se serrer un peu plus, comme s'ils allaient fusionner.

Un homme se met à genoux, remonte ses mains, liées, vers un Gardien que je n'arrive pas à voir.

Il l'implore, mais il est vite relevé par un Soldat, étant donné sa tenue rouge, et repoussé avec les autres. Le groupe devenant une masse en forme de cercle, entouré d'ombres mouvantes. Des Gardiens, des Soldats ?

Je n'entends rien, mais je vois clairement les lèvres des gens s'ouvrir en grand, comme s'ils hurlaient, et alors que mes yeux papillonnent, des éclats de lumière tels des points lumineux, éclatent dans la pièce. 

Puis chaque membre du groupe tombe, les uns après les autres.

Ce ne sont pas des points lumineux.

Lorsque la femme et le bébé tombent à leur tour, je ne peux retenir un cri d'effroi dans le masque. Je ne suis pas à proprement debout, pourtant il me semble que je perds l'équilibre, assistant impuissante à un massacre.

Les points lumineux disparaissent, découvrant les armes fumantes, pointées sur le groupe qui à présent ne forme plus qu'une masse difforme au sol.

Il n'y a eu aucun bruit. Je n'ai ni entendu les coups de feu, ni les cris.

Tout s'est passé dans le plus grand des silences.

Dans la plus grande des ignorances.

Je n'entends que mon souffle, craintif, court et brûlant et mes yeux s'embuent de larmes alors que les Gardiens pointent à nouveau leurs armes sur les travailleurs restés debout. Je retiens mon souffle, prête à m'enfuir à tout moment.

Mais il n'y a aucun autre massacre.

Quelques hommes se dirigent vers le tas pour extirper les corps, péniblement. Un enfant est porté à bout de bras, semblable à un pantin désarticulé et j'ignore ce qui me maintient encore là, devant cette scène que j'aimerais ne jamais avoir vue.

L'homme garde l'enfant dans ses bras, ses épaules sont lourdes, pas à cause du travail car il n'a même pas encore commencé à travailler, mais je ressens sa peine et son impuissance.

Il s'avance jusqu'à la grande cheminée et d'un geste, il jette le petit corps dans les flammes, lesquelles grossissent et manquent d'avaler l'homme aussi.

Puis un filament bleu traverse la pièce.

Un filament d'une taille gigantesque, bien plus gros que ceux que j'avais pu voir cet après-midi quand la vieille femme avait jeté des objets dans le feu.

Alors c'est ça notre source d'énergie ?

Sans plus attendre, je quitte cet endroit dans la panique, nageant de manière primitive et décousue, le corps et l'esprit ankylosés par le froid mais aussi le choc. Je rentre à l'Iceberg le plus vite possible, suivant un filament bleu d'une forte intensité, immédiatement suivi de plusieurs autres.

J'ignore de combien de personnes était composé le groupe, mais je finis pas arrêter de compter les filaments qui me survolent. Je sens l'hystérie monter en moi, où est ce foutu Iceberg?! Je dois vite voir Joe. Vite!

Puis je traverse enfin le champ de force par le côté, arrivant devant les portes de l'infirmerie, pantelante.

J'arrache le masque de mon visage et tombe à genoux au sol, crachant et toussant comme si de l'eau s'était infiltrée dans mes poumons.

Ce n'est pas réel.

Je ravale ma salive au goût de bile et me redresse tant bien que mal. La nage a été dure, mon corps est lourd et ma seule motivation à présent est d'aller voir Joe. Je ne peux pas partir sans parler de ce que j'ai vu.

Je garde fermement mon masque à la main, fais un pas vers le pont, lorsqu'un bruit provient de l'infirmerie derrière moi.

Je m'arrête, tends l'oreille.

Mais seulement le silence.

Jusqu'à ce qu'un bras vienne brusquement s'enrouler autour de ma gorge.

~ Désolée pour le retard de ce chapitre :( je n'ai absolument pas eu le temps de le continuer alors que je voulais le poster rapidement -_-' trop de péripéties, d'ailleurs merci à ceux et celle qui m'ont souhaité mon anniversaire ça m'a beaucoup touché ! J'espère que malgré tout ce chapitre vous plaira :) en attendant je vous souhaite une bonne rentrée !

Kactus