11 ~ Learning the skills

« -Pandore, debout

-J'arrive Cécile... »

Je serre un peu plus fortement l'oreiller contre moi, cherchant la pénombre alors que la lumière artificielle du matin inonde ma chambre. Dans quelques minutes j'ouvrirais les yeux, mais je veux encore me reposer. Alors je me tourne dos à la lumière et fais un bond lorsque quelque chose de glacé atterrit dans mon cou.

En un rien de temps j'ouvre les yeux sur un lieu qui n'est pas ma chambre et toute la réalité retombe sur mon esprit jusque-là perdu en plein rêve. Je n'ai plus de chambre, plus de chez moi et cette voix que j'ai prise pour celle de Cécile, ça ne l'était pas. Aux pieds de mon lit je trouve Lucie, occupée à noter quelque chose sur son calepin avant de me sourire en me voyant enfin éveillée. Je passe ma main dans mon cou, encore froid et humide, avant de remarquer la fine pellicule blanche trôner sur ma couverture. Dès que je fais un mouvement, quelques morceaux de givre se détachent de la couverture et glissent le long du tissu, arrivant sur ma combinaison thermique et disparaissant en quelques gouttes.

«- La température peut descendre très bas pendant la nuit –Me dit Lucie après avoir vu mon petit manège- Et le givre se répand partout, heureusement pour vous que vous portez des tenues spéciales. Comment va ta main ?

-Bien on dirait –Dis-je en la regardant enfin, la faisant bouger ainsi que mes doigts-

-Parfait, heureusement que Reni sait ce qu'elle fait, bien que parfois elle me fasse franchement peur –Dit-elle en levant les yeux au ciel- Veux-tu déjeuner ici ou au réfectoire ?

-Ici, si c'est possible –Dis- en retirant tout le givre de ma couette d'un revers de main et en me redressant, découvrant le lit adjacent vide- Calum est parti ?

-Ce matin quand tu dormais encore, non pas que sa cheville était guérie, mais il semblait avoir envie de retourner en cours. Tu ne bouges pas, je vais te chercher de quoi manger. »

Je la remercie et la laisse quitter l'infirmerie, me laissant plongée dans un silence plutôt agréable. Je ramène un peu l'épaisse couverture sur moi avant d'attraper mon sac de cours et de sortir mon cahier ainsi que celui de Rafael pour recopier, prenant dans le même temps mon petit déjeuner apporté par Lucie. Si le verre de lait chaud est difficile à faire passer, la brioche au sucre et la capsule de confiture sont, quant à elles, un vrai régal. Je n'en ai mangé que rarement au Terrier, nous avions du pain, ou du moins quelque chose de ressemblant, mais la confiture était un produit si cher que nous comprenions avec Victoria pourquoi il n'était pas possible de s'en procurer comme les autres enfants de la Perle.

Quand Lucie a le dos tourné, je racle même le fond de la capsule avec mon doigt pour ne pas en perdre une seule goutte et termine ma dégustation par un sourire de réelle satisfaction.

Le premier depuis que je suis arrivée ici.

Puis une fois débarrassée, je termine de recopier les cours, ajoutant une petite parenthèse au cours de biologie d'hier pour préciser que seul un poison spécifique pourrait tuer certains types de plantes. Et c'est en griffonnant ceci qu'une idée me vient en tête, pourquoi nécessairement tuer ? N'y aurait-il pas moyen de créer un sérum capable de ramener la plante à la normale ? Un remède ? Depuis des années l'AGFA et même les premiers hommes à avoir quitté la surface de la Terre pour la vie subaquatique, sont à l'origine de nombreux sérums, j'imagine qu'il n'est pas impossible qu'un tel produit puisse exister.

Je note l'idée dans un coin de page lorsqu'un cri lointain me fait sursauter, le cri aigü d'une jeune fille en réelle souffrance. Je me redresse plus encore et regarde Lucie se précipiter à l'extérieur à mesure que le cri se rapproche, se mêlant à des pleurs et bientôt des cris plus rauques, agacés, provenant d'un homme. L'écho se fait plus puissant et je vois bientôt trois silhouettes passer l'arche de l'infirmerie, dont Lucie, tenant fermement une petite fille dans ses bras, laquelle semble se vider de son sang. Son cri est intenable, il résonne dans tout l'espace métallique et je regrette finalement le silence de tout à l'heure, serrant les dents pour prendre sur moi.

Lucie allonge la petite dans le lit face à moi et pars chercher quelque chose alors que l'homme reste à côté sans bouger, le visage rouge de colère et n'apportant aucune aide. J'ai l'impression d'être totalement transparente et c'est lorsque je vois Lucie revenir avec une large pince et des compresses que je décide enfin à bouger. Non pas que la vue du sang me fasse quoi que ce soit, mais je refuse de rester là à entendre cette pauvre petite hurler de douleur. Je fais mon sac ainsi que mon lit, me crispant lorsqu'un hurlement plus strident que les précédents se déclenche, secouant mon corps.

« -La balle est entrée trop profondément Tray ! –Scande Lucie alors que les cris cessent d'un coup, la petite s'étant sûrement évanouie-

-Et alors ? C'est pas mon problème si elle n'a pas su éviter le tir, elle n'avait qu'à s'entraîner.

-Jamais vous n'aviez utilisé de balles réelles jusqu'à présent, c'est beaucoup trop dangereux ! Elle... Elle va perdre son b...

-Dangereux ? Mais qu'est-ce que tu crois qui les attend réellement là-haut hein ? Je m'en fiche moi qu'elle perde son bras, je ne suis pas là pour les chouchouter, mon rôle c'est de préparer ces gosses à se faire buter ou non et l'AGFA n'en a pas plus à carrer que moi, ils veulent une armée de gamins préparés, les autres ne représentent rien.

-Tu pourrais au moins faire attention à eux, ce sont tes élèves !

-Désolé mais je suis un Criminel, pas un Illégal –Dit-il avec un petit rire- Et quand je serai sur Terre, j'aimerais mieux avoir avec moi des tueurs plutôt que des moins que rien.

-Tu es immature ! Tu sais ce que Joe va t...

-Oh parce que tu vas tout balancer à Joe ? –Dit-il avec un sourire narquois, avant de s'avancer vers Lucie d'un pas menaçant- Tu lui fais confiance hein ? Le beau Joe, qui plaît à toutes les filles. Mais sais-tu seulement quel genre de connard c'est ? Il te met dans son lit et le lendemain te plante et te fait avaler tes tripes. »

Je serre la couette plus nerveusement encore alors que Lucie devient livide, effrayée et surplombée d'une bonne tête et demie par le dénommé Tray qui ne semble pas décidé à la laisser tranquille. Alors d'un geste je lâche la couette, la nausée au bord des lèvres lorsque je racle ma gorge et découvre enfin le visage de Tray qui se tourne vers moi, ce dernier m'ayant totalement oubliée. Mon regard jongle entre les yeux écarquillés de Lucie, le visage morbide de la gamine et l'énorme parcelle de peau brûlée partant de la joue gauche de Tray jusqu'à son oreille. Ses yeux noirs me scannent un instant avant qu'un sourire ne naisse sur ses lèvres fines.

«- Je... Je vais y aller Lucie, merci –Dis-je sans pouvoir m'empêcher de bredouiller-

-Tu es la nouvelle ? –Me demande soudain Tray alors que j'hoche la tête- Eh bien, tu es là depuis deux jours et tu es déjà à l'infirmerie, les Illégaux sont vraiment merdiques.

-Elle a fait l'objet d'une expérience de Reni –Murmure Lucie- Mais attends de voir ce qu'elle vaut, je... Je suis sûre qu'elle est bien plus forte que toi !

-Tu me cherches ? –Grogne soudain Tray qui se tourne vers Lucie- Personne n'est plus fort que moi et encore moins une fille. Dis-moi la rouquine, c'est quoi ton prochain cours ?

-Stratégie –Dis-je en jetant un coup d'œil au prochain cours qui aura lieu dans une heure-

-Tu as de la chance, je ne m'occupe pas de cette partie –Dit-il avec un sourire mauvais- As-tu déjà appris à utiliser une arme ?

-Non.

-Alors je te conseille de te renseigner avant notre premier cours ensemble, je ne reprendrais rien depuis le début et comme tu peux le voir, je ne suis pas patient –Dit-il en montrant le corps de la fille d'un mouvement de tête- On verra si Lucie a raison de porter autant d'espoirs en toi.

-Je peux y aller ? –Je demande, ignorant Tray et fixant Lucie mal à l'aise, laquelle hoche la tête- Merci encore. »

Je prends mon sac à la volée et quitte l'infirmerie d'un pas lent, ne voulant pas donner l'impression d'avoir peur alors que mes jambes sont sur le point de flancher. Je passe l'arche et arrive face au pont lorsque les deux se remettent à échanger, plus calmement cette fois-ci.

« -Tray, son bras, je... Je vais être obligée de le lui...

-Pas la peine, elle ne ferait qu'encombrer le projet, elle n'a plus rien à faire là –Dit-il d'une voix neutre- Et puis de toute façon, elle était loin derrière tout le monde dans le classement, elle n'aurait jamais été sélectionnée si ça peut te donner bonne conscience.

-Elle n'a... Que treize ans.

-Et alors ? Je vais m'occuper de contacter les autorités, pour la suite, tu n'auras qu'à la fermer, comme toujours. »

Je manque d'air et traverse le pont sans même avoir le temps de prendre peur, puis c'est presque en courant que je remonte à l'étage des salles, déboulant dans un couloir désert. Les cours ont déjà commencé et je ne pourrais entrer qu'à la prochaine heure. Je regarde l'arche des Armes, Stratégie et Survie, c'est la seule qui couvre une énorme porte blindée, rugueuse et grisâtre comme de la pierre et bientôt le visage de Tray me revient en tête, un visage amer et pourtant si jeune, j'imagine qu'il est à peine plus jeune que Joe ou Mélawi, mais son statut de criminel en dit long sur lui et je m'échappe bientôt du couloir, comme pour échapper dans un sens à la réalité morbide qui m'attend.

Je passerai la prochaine heure au réfectoire, pour travailler un peu les cours que j'ai manqué et enfin recopié. Du moins c'est ce que je me dis jusqu'à ce que je n'heurte quelqu'un dans l'escalier. Je me rattrape de justesse à la rambarde, trouvant devant moi les cheveux bruns et orange de Rafael.

«- Hé salut Pandore ! –Dit-il avec un large sourire, tout en écartant ses lunettes- Où étais-tu depuis hier ?

-J'étais à l'infirmerie excuse-moi, j'aurais voulu te rendre tes cahiers plus tôt –Dis-je en tirant mon sac-

-Oh non ce n'est rien tu aurais pu les garder encore un peu –Dit-il alors que je les lui rends- Est-ce que tu as réussi à tout comprendre ?

-Je crois oui, bien que je sois dubitative sur bien des choses.

-Je te comprends, moi aussi j'ai du mal à croire que la Terre soit devenu une espèce de jungle... Mais, tout ce qu'on peut faire c'est attendre d'y être envoyé et surtout travailler dur pour y parvenir.

-Tu as envie d'y aller ?

-Tout le monde en a envie, même ceux qui n'en ont pas réellement envie –Dit-il amusé alors que je fronce les sourcils- Mieux vaut partir sur Terre que de finir ses jours on ne sait où et comment.

-Est-ce que tu sais comment fonctionne le Hunternumb ?

-Tout ce que je sais, c'est que c'est un chiffre qui définit ton niveau, non seulement physique mais aussi pratique, il peut évoluer en fonction de tes progrès, de tes bonnes notes et de tes tests individuels.

-Mais, comment l'obtient-on au tout début ?

-Je ne sais pas, j'imagine que c'est un calcul de base vis-à-vis de tes données antérieures, l'ordinateur de l'Iceberg reçoit tout ce qu'il y a à savoir sur nous et vu notre tranche d'âge, ils regardent plus précisément les notes reçues à l'Ecole depuis notre plus jeune âge jusqu'à notre arrivée ici.

-Et qui sera retenu ?

-Le nombre n'est pas encore officiel, beaucoup spéculent à ce sujet, mais pour le moment je pense qu'ils cherchent vraiment à regrouper les plus forts. Les cours ont commencé à changer quelques temps avant ton arrivée, ils sont devenus plus durs, plus sérieux. On se rapproche du moment fatidique et ça se ressent aussi dans le comportement des élèves. Les plus anciens sont nerveux, plus ils voient de nouveaux arriver, plus ils se demandent combien il leur reste de chances de pouvoir partir sur Terre – Il soupire avant d'hausser les sourcils- Mais au fait, que faisais-tu ici ?

-Je viens de sortir de l'infirmerie, je pensais aller au réfectoire en attendant mon prochain cours.

-Au réfectoire ? On voit que tu es nouvelle.

-Pourquoi ? –Dis-je légèrement froissée-

-Il y a des endroits bien plus cool pour passer ses temps libres crois-moi, d'ailleurs j'allais justement me faire colorer quelques mèches, tu m'accompagnes ?

-D'autres mèches ? –Je demande en regardant ses cheveux bicolores- Tu ne crois pas, que tu en as déjà assez ?

-On n'en a jamais assez –Dit-il avec un rire communicatif- Allez, je vais te montrer ce qu'il y a de mieux que le réfectoire. »

C'est avec un sentiment de réconfort que je suis Rafael dans de nouveaux couloirs, bien loin du regard de Tray, lui me semble toujours prêt à plaisanter, préférant rire que de pleurer sur son sort, en sachant que même s'il pleurait, rien ne changerait sa situation, alors autant l'accepter. Au bout de quelques minutes de marche, nous arrivons sur un autre pont, bien plus large que celui de l'infirmerie et menant sur un ilot tout à fait différent des autres parties de l'Iceberg, ayant la forme d'un dôme métallique, moucheté de tâches de couleur. Ici il n'y a pas d'arche, pas de dénomination et lorsque nous entrons, je suis d'abord subjuguée par le bruit.

De la musique !

Des sons s'échappent des murs, des hauts parleurs sont branchés un peu partout et au centre de la pièce trônent des écrans sur lesquelles défilent des vidéos d'anciens groupes de musique datant des anciens hommes.

Après la Grande Guerre, les loisirs ont peu à peu disparu, seuls les métiers pouvant faire vivre le Nouveau-Canada étaient primordiaux et la musique et les arts sont tombé dans l'oubli, synonymes de l'époque des anciens hommes, d'une époque de paix, avant le chaos total. Aujourd'hui il ne nous reste que ces vidéos, comme des restes, des souvenirs d'un monde si différent et pourtant si proche et si Rafael ne m'avait pas tiré par le bras, j'aurais pu passer des heures à regarder ces individus, pourtant semblables à nous, défiler.

« -Je vais te montrer le meilleur endroit de l'Iceberg ! Je parie que tu finiras par y revenir toi aussi. »

J'hausse un sourcil, curieuse, avant d'arriver dans une autre pièce au fond de l'ilot. La musique y est moins forte, mais l'ambiance entrainante règne toujours et c'est avec un enthousiasme nouveau que je découvre une sorte de salon de coiffure, bien différent de ceux de la Perle, j'imagine.

De grands sièges sont disposés devant des miroirs un peu partout dans la pièce et aux murs sont affichés des images et des posters ainsi que des dessins colorés de coupes de cheveux testés ou à tester.

« -Tiens tu nous amènes de la clientèle Raf ? –Dit une jeune fille aux cheveux violet foncés en venant saluer mon camarade et moi- Je ne t'ai jamais vu ici, tu es nouvelle ?

-Salut Bianka, je te présente Pandore et je veux que tu lui donnes envie de revenir très bientôt –Dit-il amusé alors que j'ouvre la bouche pour protester- Mais sinon, je venais pour moi aujourd'hui.

-Ah oui ? Que veux-tu ?

-Tu pourrais me faire les pointes blanches ?

-Ca va être long à décolorer, mais pourquoi pas, tu as du temps ?

-Je n'ai pas cours avant deux bonnes heures, j'ai tout mon temps.

-Bien et toi Pandore ?

-Je reprends bientôt, désolée.

-C'est dommage, tu n'as pas envie d'une couleur ? –Me demande-t'elle en examinant mes cheveux- Quoi que, ta couleur naturelle est déjà magnifique, je suis jalouse ! Bon, je vais préparer le matériel, tu t'installes ? Pandore tu n'as qu'à prendre un siège et l'amener à côté de lui, le connaissant, il serait frustré de ne pas t'avoir juste à côté de lui pour parler.

-Pour qui vas-tu me faire passer –Il lève les yeux au ciel avant de s'installer et d'attendre que je sois dans mon propre siège pour automatiquement reprendre la parole- Bianka était une camarade de classe, elle aussi voulait travailler dans le stylisme, mais capillaire et l'AGFA lui avait bien fait comprendre que ce genre de boulot était inutile, qu'il lui fallait trouver quelque chose de vraiment bénéfique pour le Nouveau-Canada, alors quand finalement elle a été envoyée ici et qu'elle s'est dit qu'elle n'avait plus à faire un métier bénéfique, elle a décidé d'ouvrir son salon et c'est passé ! Je pense que si elle et moi ratons le projet Hunters, nous finirons tous les deux ici.

-Vous aurez le droit ?

-Evidemment, même après que tous les Hunters soient partis, l'Iceberg aura toujours besoin d'un coiffeur pour les individus restés sur place ! –Dit-il tout sourire- Et je dois t'avouer que cette perspective me plait bien plus que de devoir aller sur Terre, Bianka et moi sommes même en négociations avec les autorités pour quitter le projet et travailler officiellement ici.

-J'espère que vous réussirez dans ce cas.

-C'est gentil –Il sourit, mais faiblement cette fois-ci, avant de me regarder du coin de l'œil- Est-ce que tu as peur ?

-Je crois que oui.

-De quoi as-tu peur ?

-C'est idiot, mais je n'en sais rien, c'est quelque chose que je ne peux pas nommer et en même temps, même les gens m'effraient.

-Oh je te comprends ! Les gens sont parfois ce qui peut faire le plus peur, on ne sait jamais jusqu'où ils sont capables d'aller par intérêt et les Hunters pire que les autres, ou du moins, les Criminels bien plus encore que les Illégaux ou même que les Natifs.

-Les Natifs ?

-Oui, les bracelets jaunes. Tu ne les as pas encore vus ?

-Non, je n'ai vu que des bracelets rouges.

-Les Natifs sont des gamins qui ont grandi ici, des Illégaux, arrachés très jeunes à leurs parents et qui ont dû apprendre et se développer ici, loin de leurs familles. Ils sont bizarres, ils ne parlent pas beaucoup et il est difficile de lire en eux à la différence des Criminels. Certains ont entre treize et seize ans aujourd'hui et ils sont recrutés d'office pour le projet Hunters, mais à la différence des Criminels et de nous autres Illégaux ayant grandi loin de l'Iceberg, ils n'ont pas peur de rester ici, ils sont chez eux et j'imagine que l'AGFA trouvera des métiers à ceux d'entre eux qui échoueront dans le projet, tandis que si toi ou moi, nous perdons, enfin... Juste toi, car j'espère bien me trouver un plan b, eh bien, je ne sais pas ce qu'ils feront de toi.

-Voilà qui est rassurant –Dis-je en tapotant mes genoux alors que Bianka arrive-

-Je sais que tu ne veux pas de couleur aujourd'hui, mais qui sais, peut-être trouveras-tu quelque chose qui te plait là-dedans ? »

Elle me tend un carnet dans lequel sont collés des croquis de couleurs de cheveux alors qu'elle commence à s'occuper de Rafael. A chaque page que je tourne, c'est une explosion de couleurs diverses et variées, parfois n'allant absolument pas ensemble et parfois très harmonieuses. Jamais auparavant je n'avais imaginé qu'un jour je puisse voir ce genre de salon, ce genre d'excentricité qui semble rimer avec illégalité et je sais maintenant où Joe a pu se faire son rouge vif et Vénus son violet pastel. C'est vrai qu'ici, nous avons le sentiment d'être libres, d'avoir été écartés de la « bonne-société » et d'avoir ainsi le droit de faire des choses que nous ne pouvions pas avant. Mais le sommes-nous vraiment ? Pourtant, cette idée de liberté et d'amusement avant la fatalité du projet Hunters me rend quelque peu rêveuse et alors que je feuillette les pages, des images et des idées se superposent dans ma tête.

« -Bianka ? –Je demande après reflexion-

-Oui ? –Elle se redresse et semble toute excitée à l'idée que je puisse avoir changé d'avis-

-Je... Je me demandais si tu avais des crayons. Non pas que tes croquis ne me plaisent pas mais...

-Mais tu as déjà une petite idée rien qu'à toi ? Je comprends, je t'apporte ça dès que possible. »

Rafael me regarde du coin de l'œil, curieux, mais il se contente de me sourire et ne me demande rien au sujet de mon idée. Je ne sais pas si j'ai envie de me teindre les cheveux moi aussi, mais il y a bien une couleur qui me plait, quelque chose qui m'attrais depuis l'enfance et qui, peut-être, pourrais prendre vie sur mes cheveux.

Bianka m'apporte une trousse de crayons et je n'en sors que trois couleurs sous son regard curieux et peu discret. Elle semble quelque peu déçu du choix, rien d'excentrique, mais je la vois qui sourit, comme si elle avait compris l'idée.

Puis je lui rends son carnet et me prépare à aller en cours.

« -Quand voudrais-tu que je te le fasse ? –Me demande-t'elle en zieutant le carnet-

-Quand je me sentirais prête.

-Si ça peut te rassurer, ça t'ira à tous les coups et je ne dis pas ça pour te faire plaisir, je le pense sincèrement. N'hésite-pas à repasser. »

Je la remercie ainsi que Rafael pour m'avoir amenée ici, avant de prendre congé et de retrouver mon chemin pour aller en cours. La musique est loin derrière moi, seul l'écho des pas des élèves se fait entendre et alors que je m'empresse d'aller dans la salle blindé, non sans un certain malaise vite revenu, j'heurte à nouveau quelqu'un, de bien plus petit que moi et hoquète en voyant une fille parterre.

«- Excuse-moi ! –Dis-je en la relevant, mais cette dernière m'écarte d'un mouvement du bras, faisant danser son bracelet jaune autour de son poignet maigrelet- Je ne t'ai pas fait mal ? »

Elle fait non de la tête, faisant bouger son carré brun aux discrètes mèches bleu nuit avant de s'en aller, ses iris noisette ne lâchant pas mon regard jusqu'à ce qu'elle entre dans la salle d'Histoire. Alors c'était une native ? Je remets mon sac sur mon dos et prends la direction de ma salle, où je retrouve Minna, à mon grand soulagement.

«- Oh tu es sortie de l'infirmerie ! –Dit-elle en prenant mes mains dans les siennes- Avec Vénus on avait peur que tu ne sois gravement empoisonnée.

-J'ai été soignée à temps. Vous aviez quels cours ce matin ?

-J'étais en Histoire et Vénus en Géographie et malheureusement pour elle, elle aurait dû avoir une heure de libre mais Joe a voulu l'évaluer car elle n'est pas allé à la dernière évaluation. J'espère que ça ira pour elle.

-Je dois aussi être évaluée pour le sport, Joe est venu me le dire hier.

-Est-ce qu'il t'a dit si c'était une évaluation individuelle ?

-C'est-à-dire ?

-Eh bien, sois tu seras seule avec Joe, sois avec toute la classe. Mais les évaluations individuelles sont très importantes pour le Hunternumb.

-Je n'en ai aucune idée, je verrais bien quand il m'aura envoyé un message pour m'annoncer mon cours –Dis-je sans aucune envie de me retrouver avec lui finalement- Dis, vous avez fait quoi aux derniers cours de Stratégie ?

-Eh bien, Stratégie et Survie vont ensemble, la dernière fois on a appris à trouver un abri et à en créer un. Au début c'était sympa, puis ça a mal tourné.

-Pourquoi ?

-L'exercice a vite tourné au chacun pour soi, Mélawi a simulé une attaque animale et les plus rapides allaient bien évidemment récolter le plus de points. Certains ont pris le temps de faire des abris à deux, mais d'autres ont pris ça pour de la perte de temps et on complétement lâché leurs camarades. »

Je déglutis et observe chaque camarade de ma classe, discernant finalement en chacun un potentiel ennemi sur le terrain. Si les Hunters seront envoyés ensemble, il n'est pas dit qu'ils le resteront tout le temps et sur une terre hostile, où le but sera en vérité de survivre, le chacun pour soi risque de devenir le maître mot.

Avant que Mélawi n'arrive, Minna m'explique les bases pour construire un abris et un autre garçon non loin de moi, conscient que je suis nouvelle, me conseille d'aller chercher des livres à la bibliothèque sur le sujet, ainsi que pour les armes.

«- Je te montrerai où elle est –Me sourit Minna avant de se figer-

-Eh ça ne va pas ? »

Elle lance un regard derrière mon épaule et lorsque je tourne la tête, j'aperçois Tray entrer et faire entrer son groupe dans une autre salle, la mine exaspérée.

Je me demande ce qui est arrivé à la petite de ce matin.

«- Tu as déjà eu cours avec lui ? –Je demande tout bas-

-Deux fois, les autres fois j'ai dû aller à l'infirmerie pour éviter ses cours... C'est un vrai psychopathe.

-J'ai cru comprendre ça oui, je l'ai vu ce matin à l'infirmerie avec une petite blessée.

-A chacun de ses cours il y a des blessés et plus maintenant qu'il nous fait utiliser des armes chargées dans le contexte de la survie. Bientôt il y aura des morts, ça j'en suis sûre ! »

Tray referme la porte violemment et c'est comme si toute la pièce se remettait à respirer, jusqu'à l'arrivée de Mélawi qui ferme la porte blindée derrière elle, coupant court à tous les bruits extérieurs. Bien que je m'étais préparée à me faire humilier devant toute la classe, comme au réfectoire le lendemain de mon arrivée, je suis surprise de voir qu'elle ne m'accorde aucune attention particulière, en fait je pense même qu'elle est ailleurs, quelque chose semble la troubler et je pense ne pas me tromper en disant qu'il s'agit de Tray, vu les regards qu'elle jette vers sa porte.

Le cours de survie d'aujourd'hui n'a aucune rapport avec les armes, à mon grand soulagement et se trouve même être croisé avec la biologie. Mélawi retire plusieurs boites de son sac et les dépose sur chaque table, sans les ouvrir, avant d'arriver à la mienne.

«- Alors tu es revenue –Dit-elle avec un rire ironique- Pas trop blessée ?

-Non –Dis-je fermement-

-Parfait, je n'en attendais pas moins de toi. »

Etait-ce gentil ou encore une mauvaise remarque ? Quoi qu'il en soit je n'ai pas le temps de répondre car elle a déjà rejoint l'estrade et nous regarde tous, nous comptant et comptant les boites disposées sur les tables.

«- Bien, vous allez former des groupes de deux, par ordre alphabétique et vous placer devant une boite. Alors, Amish et Bert –Dit-elle et je vois Minna rejoindre un garçon bien plus jeune que nous-, Bonin et Chander... »

Je regarde les groupes se former et rejoindre les tables alors que je reste dans le fond de la salle avec d'autres personnes.

«- Keanon et Hood »

Hood ? Je tourne la tête et aperçois Calum dans la pénombre, lequel s'avance sans même boitiller. Ravie, je m'élance jusqu'à lui, rassurée de faire mon premier cours de survie avec quelqu'un que je « connais » et j'hausse un sourcil en le voyant enfin à la lumière. Il a changé depuis hier soir.

Il a sûrement dû profiter de ne plus être à l'infirmerie pour passer voir Bianka.

«- Salut Calum –Dis-je avec un sourire- Sympa les cheveux roses, je ne pensais pas que tu avais de tels projets. Ta cheville va mieux ? »

Mais il ne me répond pas, il me dévisage un long moment avant de pousser une sorte de rire dédaigneux et d'ouvrir la boite devant nous. Je ne sais pas ce qui est le plus perturbant. Son attitude incroyable ou les fruits et baies disposés au fond de notre boite. En tout cas, je n'ouvre plus la bouche une seule fois. Je veux bien avouer que nous ne sommes pas meilleurs amis, mais de là à me snober ainsi.

«- Vous avez tous devant vous des aliments et des plantes en apparence comestibles, l'exercice sera de les trier et de ne garder que ceux qui sont réellement comestibles. Toutes les techniques sont possibles pour les dissocier. Vous avez dix minutes. »

Dix minutes pour séparer les comestibles des non comestibles voir mortels ? Je jette un coup d'œil à Calum, lequel ne semble pas plus avancé que moi, avant de regarder les fruits d'un air dépité.

« -Sur Terre vous devrez être capables de reconnaître ce qui est comestible et ce qui ne l'est pas, il est possible que les particules chimiques soient tombées partout, ou bien qu'il y ai des endroits intacts, ou presque nettoyés au fil du temps. Dans tous les cas une seule erreur peut vous être fatale. »

Voyant que Calum ne réagit pas, j'attrape la boite et commence à observer les fruits un par un, découvrant en fait des fruits et de baies virtuels, sous formes d'images ultra-réalistes au fond de la boite qui n'est autre qu'un écran. Ma stupéfaction n'a pas échappé au basané qui s'approprie la boite.

« -Tu es trop longue, tu vas nous éliminer.

-Excuse-moi mais c'est mon premier cours.

-Et alors ? Ce n'est pas une raison. »

Puis il se penche sur la boite et fait tourner les images de fruits à l'aide de son index pour en examiner les recoins. Je mets quelques secondes avant de penser à l'exercice plutôt qu'au procédé technologique et tente de me souvenir de ce que j'avais recopié dans le cahier de Rafael au sujet des aliments en cours de biologie. Si mes souvenirs sont bons, plus la couleur est vive, plus cela veut dire que c'est toxique et modifié.

Je ne saurais dire pourquoi, mais en pensant à cela, Bianka et ses couleurs criardes me sont venu à l'esprit. Avec leurs cheveux colorés, les Hunters se fondront peut-être plus dans le décor que prévu.

Je souris en coin avant de regarder à mon tour la boite. Calum a retirer trois fruits et je me lance à en retirer un, sans même lui demander son avis. Il se redresse et braque son regard noir sur moi.

«- Quoi ?

-Tu as de la chance d'avoir touché le bon –Dit-il avec une moue colérique- Cliquer pour cliquer ne sert à rien, autant me regarder faire.

-Ce n'était pas du hasard, je savais ce que je faisais figure-toi.

-Tu viens d'arriver, tu ne connais rien à rien de ces choses-là, alors crois-moi reste en retrait et apprends des autres.

-Tu as de la chance que je ne te bousille pas ta cheville gauche.

-Pourquoi pas la droite ? Tu veux essayer ?

-Je ne suis pas comme ça. »

Il se met à ricaner et se donne lui-même un léger coup de la pointe du pied gauche sur sa cheville droite sans même sourciller, avant de reprendre l'inspection de la boite.

«- Tu faisais exprès d'avoir mal hier soir ?

-Laisse-moi me concentrer ok ? Je refuse de perdre parce que je me suis retrouvée avec une nouvelle. »

Je prends sur moi pour ne pas lui arracher la boite des mains et appuyer sur tous les fruits restant pour lui faire perdre des points. Si je fais ça, moi aussi j'y perdrais, alors je le regarde faire, avant de finalement regarder ailleurs, ne voulant pas lui donner raison.

«- Adrian laisse un peu Pandore chercher, il faut qu'elle montre son niveau. »

Pourquoi mon prénom et... Adrian ? Je fronce les sourcils et remarque que Mélawi est entre Calum et moi... Du moins, si il s'agit bien de Calum.

«- Pourquoi faire cet exercice en groupe ? –Se plait le basané-

-Parce que sur Terre vous devrez vous trouver à manger tout seul et mieux vaudra être accompagné pour ça.

-Et si on est préfère rester seul ?

-Je ne doute pas que tu aies les capacités pour survivre seul Adrian, mais sache qu'ici et maintenant tu dois coopérer, que ça te plaise ou non. Si tu ne laisses pas Pandore essayer, tous les points seront pour elle et toi tu en perdras, c'est clair ? »

D'un geste mal aimable, le dénommé Adrian me passe la boite et je passe les deux dernières minutes à inspecter les éléments restant sous le regard de Mélawi. Tous les fruits vifs ont été retirés et après réflexion, je retire des baies rouges à l'aspect normal, mais qui, comparées aux petites feuilles vertes autour, semble bien trop grosses. Le basané ne dit rien et Mélawi se retire, sans réflexions d'aucune sorte.

J'ai donc visé juste.

*

«- Bien, après avoir vérifié vos boites vous vous en sortez tous plutôt convenablement, tout ce qui est vif est à éviter et une fois là-haut, vous aurez aussi l'odeur pour vous rendre compte.

-Est-ce qu'il existe des remèdes en cas d'empoisonnement ?

-Tout dépendra l'empoisonnement, si ce n'est que des particules cela ne vous fera rien, mais si le fruit s'est modifié de l'intérieur, alors cela pourrait être plus grave, d'où la nécessité de bien choisir vos ingrédients et de le faire à plusieurs si possible –Dit-elle en fixant mon binôme- Maintenant nous allons parler stratégie, qu'elle est selon-vous, la meilleure stratégie pour survivre ?

-Laisser les faibles crever d'abord –Lance une fille dans le fond alors que certains se mettent à rire et que d'autres s'enfoncent clairement dans leurs chaises-

-Rester groupés et se protéger les uns les autres –Rétorque un garçon- Ce n'est pas en laissant certains mourir que le travail avancera vite.

-Quel travail ? Tu vois pas que le but c'est d'en éliminer le plus possible parmi nous, sous prétexte que l'on fait ça pour aider l'AGFA à repeupler la Terre ? –Clame un autre- Là-haut ce sera chacun pour sa gueule.

-Et comment tu survivras si tu te retrouves seul face à un monstre plus fort que toi ? Parfois mieux vaut être deux !

-Deux forts oui, les faibles ne nous serviront à rien en cas de coups durs.

-Quelle est la meilleure stratégie Mélawi ? –Demande une petite au premier rang-

-Au-delà de la faiblesse et de la force des autres, vous devriez déjà établir un plan. Un plan des lieux à observer, des recherches à faire, des expériences. L'utilisation de votre force ne se présentera qu'en cas de force majeur. N'allez pas sur Terre dans l'optique de tuer ou d'être tué, votre mission ne consiste pas à ça mais à assurer notre retour d'ici quelques années.

-A-t'on déjà des idées des lieux que nous aurons à observer ?

-Tout l'espace restant du Canada des anciens Hommes et ce qui l'entoure. Nous devons recoloniser ces terres et même celles adjacentes plutôt que de les laisser en friche, ce serait regrettable si jamais des choses autres qu'humaines, s'y trouvaient, juste à côté de nous.

-Est-ce qu'on sait ce qu'on trouvera comme êtres vivants là-haut ?

-Non, seulement des estimations. On nous rapporte des mouvements sismiques plus ou moins légers depuis la surface, signe qu'il y a des choses en mouvement. Mais quoi, nous l'ignorons.

-Alors comment voulez-vous que l'on puisse établir des stratégies si l'on ignore ce que l'on pourra trouver ! –Scande un garçon d'une quinzaine d'années-

-Vous serez lourdement, armé. Tout ce qui sera ou vous semblera dangereux, devra être éliminé. Pas de restrictions si ce n'est interdiction de vous entre-tuer. Les Hunters formeront une équipe, du début jusqu'à la fin. Je veux que vous le reteniez, vous serez bien plus forts ensemble. A vous de faire les bons choix une fois que vous serez tous livrés à vous-même.

-Vous ne viendrez pas avec nous ? –Je demande-

-Certains professeurs devront sans doute rester ici, notamment pour superviser les opérations d'un point de vue arrière –Dit-elle alors qu'un frisson d'effroi envahi tout le monde- Mais rassurez-vous, tous les professeurs ne sont pas concernés. Vous serez entourés par certains d'entre-eux. »

Au même instant, mon écran signale la réception d'un message, signé Joe. Comment se comportera-t'il sur Terre ? Tray a dit qu'il était capable de tuer n'importe qui... Et s'il devenait incontrôlable là-haut ? Je déglutis et ouvre le message.

« Rendez-vous dans la salle de sport après ton cours avec Mélawi, aucune excuse d'absence. Joe »

«- Alors comme ça on reçoit des messages personnels du prof de sport la nouvelle ? –Me demande Adrian qui regarde mon écran sans permission-

-Occupe-toi de ton cul.

- Quelle rebelle ! Tu penses que ça servira à faire monter ton Hunternumb ?

-Qui te dit que j'en ai besoin ?

-A vue d'œil, je ne te mets même pas 40 sur 65, mais il est vrai que les apparences peuvent être trompeuses. Tu as cru que j'étais Calum n'est-ce pas ? –Il sourit en coin- Nous sommes jumeaux et bien que j'apprécie mon frère, je n'aime pas trop avoir l'impression de ne faire qu'un avec lui. Je suis unique.

-Unique, rien que ça ? –Je m'esclaffe, ce qui lui fait froncer ses sourcils ténébreux- Au moins, tu as de l'humour. »

Et une fois le cours terminé, j'attrape mon sac avant de prévenir Minna, quittant la salle juste avant que Tray n'ouvre sa porte et attendant devant l'arche de la salle de sport que la classe en sorte. A ma grande surprise, seule Vénus sort, les joues rouges et le visage luisant de sueur. Elle manque de me rentrer dedans et pousse un petit cri de surprise en me découvrant.

Mais elle n'a pas le temps de me dire tout ce qu'elle avait sur le cœur que Joe apparait déjà derrière elle, la mine sombre et le torse à l'air.

«- Dis-moi Vénus, il t'a fait cours de sport ou bien autre chose ? –Je murmure alors qu'il s'approche encore plus-

-Tu viens ou tu attends que je te fasse rentrer par la force ?

-Je pensais que les combats étaient interdits hors de la salle –Dis-je sans bouger alors que Vénus préfère s'éclipser après m'avoir murmuré un petit « bonne chance »- C'est quoi cette tenue ?

-C'est plus agréable pour travailler.

-Tu vas tomber malade.

-C'est gentil à toi de t'en soucier, tu rentres maintenant ?

-Ouais –Dis-je d'une voix nonchalante tout en commençant à entrer-

-Fais attention à toi Pandore –Ricane une voix dans mon dos-

-Casse-toi –Enrage Joe alors que j'ai à peine le temps de me tourner pour voir Tray me faire un signe très suggestif, imitant un égorgement avec son pouce contre sa gorge- T'as pas un cours à donner ?

-J'ai terminé ma journée –Dit-il en époussetant ses ongles- Ce genre de confort n'est pas offert à tout le monde, n'est-ce pas ? »

Encore une fois je sens le malaise m'envahir, mais au moment où je m'y attends le moins, Joe me pousse dans la salle et claque violemment la porte sans même s'excuser. Il part, bouillonnant, vers le fond de la salle et pour la première fois je me retrouve dans la partie réservée au sport. C'est comme notre arène sportive, mais avec moins de gradins, des parois métalliques et un sol mou au lieu de l'herbe.

«- Va te changer –Dit-il sans me regarder et en enfouissant sa tête dans sa serviette-

-Bon écoute-moi bien Joe ! –Je lâche d'un coup, le faisant se tourner, les yeux mi furieux, mi surpris- Je suis venue pour être évaluée en sport et pas pour supporter tes sautes d'humeur ok ? Depuis que je suis arrivée ici tu es passé par toutes les émotions possibles, je ne sais même pas comment t'appréhender en fait et je comprends que cet enfoiré t'ai mis en colère, bien que j'ignore pourquoi –Dis-je faussement- Mais je ne suis pas ton défouloir. A...Alors si tu comptes passer l'heure à mal me parler je... Je m'en vais.

-Tu crois pouvoir t'en aller ? –Dit-il en s'asseyant sur une table et jetant sa serviette sur son épaule, tout en arborant un sourire-

-Parfaitement ! »

Je tourne les talons et m'avance jusqu'à la porte, laquelle est couvert de panneaux en bois perforés. J'hausse un sourcil et approche ma main pour l'ouvrir lorsqu'un bruit retenti dans mon dos, suivi d'un sifflement et d'un crac sonore juste à côté de ma tête.

Je n'ai même pas besoin de la tourner pour voir une flèche, plantée dans le panneau de bois, à quelques centimètres de mes cheveux.

Je reste figé quelques secondes, avant de me retourner vers lui, légèrement paniquée.

«- C'était qu...Quoi ça ?

-On a cours de sport tous les deux, alors tu vas te changer et tu me rejoins ici – Dit-il en reposant l'arc derrière la table avant de soupirer- S'il-te-plait. »

Je mords ma langue, furieuse de m'être faite ainsi intimider et vais dans les vestiaires où des tenues sont déjà disposées. Je me change en vitesse et le rejoins juste après, attachant mes cheveux en une queue de cheval.

«- Bien, tu t'es calmée ? –Dit-il en poussant sa serviette de son épaule et en venant à ma hauteur, cachant difficilement son sourire amusé-

-C'est toi qui change d'humeur toutes les dix secondes, pas moi –Je soupire- On commence par quoi ?

-Fais le tour de la salle, trois fois de suite et le plus vite possible. Si tu refuses ou que tu ronchonnes, tu devras faire le tour de la salle, trois fois de suite, le plus vite possible et en évitant mes flèches, ok ? »

Je réponds un ok plutôt grinçant avant de faire le tour de la salle comme convenu. Bien qu'au départ je n'y pense pas, je finis par ralentir légèrement, ne voulant pas lui montrer mes capacités et si je ne m'abuse, je dirais qu'il l'a remarqué, car il fronce les sourcils en regardant le temps que j'ai effectué.

«- Bon, tu as de la chance, cette évaluation ne devrait pas interférer dans tes points d'Hunternumb –Dit-il avec un soupir- Mais au cas où tu ne l'aurais pas compris, ce test je le fais aussi pour savoir ce que tu vaux, en dehors des évaluations notées.

-J'ai compris.

-Bien, prochain exercice, je veux que tu escalades le mur là-bas et le plus vite possible. Pas la peine de ralentir. »

Alors il a compris.

Pourtant même pour l'escalade, je feins de ne pas pouvoir atteindre le sommet, je ne soulève que quelques poids et plante mon javelot quelques mètres avant l'endroit où j'aurais pu réellement le planter. Je fais mine d'être satisfaite, mais alors que j'attrape une serviette, il se met à soupirer de plus belle et masse ses tempes.

«- Quoi ?

-Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans, « ce test je le fais pour moi » ?

-Tu as un problème avec mes résultats ?

-Oui ! –Dit-il visiblement déçu- Tu es de loin une des plus fortes parmi les Hunters, je t'ai vu faire de belles prestations et là qu'est-ce que tu me fais ?!

-Je suis encore fatiguée de l'infirmerie.

-Ne joue pas à ça avec moi, tu as juste eu la main engourdie et ça n'avait pas l'air de te gêner tout à l'heure quand tu étais avec Rafael.

-Tu m'espionnes ?!

-Ne prends pas tes désirs pour des réalités –Dit-il en s'autorisant finalement un petit sourire- Franchement Pandore, à quoi tu joues ? Je place énormément d'espoirs en toi.

-Pourquoi ?

-Parce que tu en vaux la peine, tu as ta place parmi les Hunters.

-Pourtant, c'est bien toi qui m'a dit de ne pas dévoiler mes capacités, pas même à toi.

-Je parlais du Hunternumb, le fait que tu sois excellente en sport ne veut pas tout dire, il suffit que tu sois nulle en cours théorique et pratique et tu risquerais d'échouer.

-Merci ça me rassure beaucoup.

-Je veux juste que tu sois honnête avec moi.

-Bien, alors toi aussi sois-le avec moi.

-Bien entendu.

-Est-ce que tu... »

Je m'arrête net, ne voulant pas lui poser la question fatidique « est-ce que tu as tué beaucoup de gens pour en arriver ici ». Déjà parce que ce serait délicat, mais aussi parce qu'il me semble lire dans ses yeux de la sincérité.

Mais ici, le mensonge est roi et bien que j'aimerais lui faire pleinement confiance, une partie de moi reste en retrait.

«- Est-ce que je quoi ?

-Est-ce que tu peux remettre ton haut s'il-te-plait ? –Je demande-

-Mon haut ? –Dit-il en éclatant de rire- Je ne m'attendais pas à ça. Mon corps te gêne ?

-Oui, il est moche. »

Il me met un coup de serviette sur l'épaule avant de partir en rigolant pour enfiler son haut, puis il revient à ma hauteur et écarte son calepin.

«- Dernière épreuve et je te libère –Dit il en reprenant son sérieux- Et je veux que tu te donnes à fond, je veux voir jusqu'où tu peux puiser et pour de vrai –Il s'étire et se met face à moi- Tu dois me mettre à terre.

-Tu n'es pas sérieux ?

-La dernière épreuve est de la lutte.

-Fille contre garçon ?

-Où est le problème ? Tu te bats très bien.

-Tu n'as donc aucune morale ?

-Tiens c'est drôle, Vénus m'a dit la même chose avant que je ne la plaque au sol moi-même, elle m'a dit que les garçons ne devaient pas taper les filles. C'est ce que tu penses toi aussi ?

-En temps normal oui et non, enfin, on peut très bien se battre aussi.

-Bien, non parce que ce qu'elle n'a pas semblé comprendre, c'est que sur Terre, le fait que vous soyez des filles ne vous protégera pas de la mort.

-Voilà une phrase très philosophique.

-Autant que vous en preniez conscience dès maintenant. Allez. »

Il se tient raide face à moi, jambe légèrement écartées. Je lui tourne autour, cherchant ses faiblesses avant de l'attaque par derrière. Raté.

Je me retrouve par terre après qu'il m'ait fait tourner et c'est avec un taux de frustration très élevé que je me redresse, l'attaquant sur les côtés. Au début en retenant mes coups, puis j'en oublie ma retenue. Je le pousse de toutes mes forces, lui faisant parfois froncer les sourcils et reculer.

Mais bien souvent j'atterri face contre terre, sans aucune douceur et sentant mes os craquer.

«- C'est tout ce que tu peux faire ? T'es plus forte que ça.

-J'en peux plus.

- Ok, là je vais m'énerver ! Arrête de faire ta faible, ce petit numéro marchait peut-être avec ton petit ami Michael, mais moi ça ne prend pas. Je sais de quoi tu es capable alors bouge-toi le cul et fais-moi tomber !

-Je t'ai déjà dit que je n'étais pas ton défouloir.

-Tu es molle et ridicule ! Mais bordel ressaisis-toi et attaque ! –Dit-il en me lançant un regard de défi- Tu crois que c'est comme ça que tu vas prouver qui tu es ? Tu crois que c'est comme ça que tu vas faire payer à Luke ce qu'il t'a fait ?!

-N...Ne me parle pas de lui.

-Tu es faible comme il le disait ! Il t'a vendu pour ça !

-ARRÊTE ! »

Mais il continue et je me jette sur lui, fonçant en bélier contre son estomac et faisant craquer mon dos alors qu'il chute dans un grognement et que je me retrouve sur lui, me prenant son coude dans la lèvre, qui se met à pisser le sang. Je le maintiens à la gorge avec mon bras, toussant du sang hors de son visage avant qu'il n'échange les rôles et ne me plaque.

Pourtant il ne fait rien de plus, si ce n'est me regarder, tristement.

«- Je suis désolé, il fallait que je te fasse réagir, mais au moins tu as réussi –Dit-il en épongeant ma lèvre avec sa serviette, jusqu'à ce que je ne détourne la tête-

-P...Pourquoi tu as parlé d'eux ? –Dis-je au bord des larmes-

-Excuse-moi, je savais quel était ton point faible. Dis-toi que c'est le mieux à faire avec ton adversaire, c'est la base de la lutte.

-On n'aura pas d'adversaires pareil là-haut, tu pousses le jeu trop loin Joe –Dis-je en me redressant- On y va pour explorer la surface, pas pour tuer.

-Tu veux dire quoi là ? Que pour moi c'est un jeu de pousser mes élèves à tuer ?

-Je n'en sais rien. Peut-être.

-Attends, qu'est-ce que Tray t'a dit ?

-Rien.

-Pandore j...

-Je vais manger, salut et merci pour le cours. »

Je m'écarte de lui et pars enfiler mes affaires avant de quitter la salle rapidement, sans même penser qu'il pourrait tirer une autre flèche.

Mais il ne fait rien, il reste contre le mur, les poings serrés.

« - Je n'ai pas eu le choix. »

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