10 ~ Biology and rumors
C'est avec les poings serrés que je quitte le dortoir en compagnie de Vénus et Minna, prenant la direction du réfectoire. Joe quant à lui a emprunté un autre couloir et ne s'est même pas donné la peine de se retourner pour vérifier que je faisais bien ce qu'il m'avait demandé.
« -Je suis désolée –Dit Minna pour briser le silence- Je voulais te prévenir mais j'ignorais que Joe était dans le coin.
-Au moins Shey peut être sûre d'une chose, tu ne te laisseras pas faire ! –Sourit Vénus avant de glisser sur une plaque de verglas, ce qui fait rire un groupe de filles dans notre dos, lesquelles nous passent devant- Je ne m'y ferais jamais !
-Je suis tombée hier si ça peut te rassurer –Dis-je en la redressant- C'était qui ces filles ?
-Des Criminelles –Répond Minna- Elles ne sont pas dans notre dortoir, mais nous suivons des cours ensemble. Tu pourras les reconnaître à leurs bracelets rouges.
-A quoi servent-ils ?
-Toutes les deux heures, les Criminels doivent scanner ce bracelet, pour certifier leur présence dans l'Iceberg et ce sont également eux qui s'occupent des corvées de ménage. C'est un peu comme une punition pour eux, du moins pour leurs crimes.
-Ils ne sont pas particulièrement forts –Dit Vénus reprenant sa marche en fixant le sol glacé- Mais ils sont impulsifs et vraiment mauvais, tu devrais t'en méfier. »
J'hoche la tête et suis mes camarades jusqu'au réfectoire où est annoncé le premier service, redécouvrant la gigantesque salle sous un autre jour. Il y a nettement moins d'individus que ce matin et cette fois-ci je ne lâche pas les filles des yeux et pars me chercher à manger.
Au niveau des plats, tout semble identique au régime strict des Ecoles de la Ruche, seule la boisson diffère. L'eau est tiède, légèrement chauffée pour éviter qu'elle ne gèle et surmontée d'une maigre tranche de citron, pour apporter un peu de goût.
«- On s'y fait –Dit Minna en me regardant fixer mon verre d'où s'échappe une fine vapeur- Et puis, c'est bon pour la santé à ce qu'ils disent, bien que je m'imagine mal pouvoir combattre un monstre sur Terre après avoir bu ça.
-C'est vrai que sur ce plan, nous ne sommes pas vraiment favorisés –Marmonne Vénus- On veut nous envoyer sur Terre, mais la moitié des gamins Illégaux n'ont pas la carrure pour oser prétendre pouvoir se battre et ici on ne nous y aide pas plus qu'au Nouveau Canada.
-C'est, sans doute, ce qui aidera l'AGFA à faire le tri –Dit Minna en haussant les épaules- J'imagine que ceux qui auront des faiblesses et dont l'Hunternumb n'évoluera pas seront exclus des Hunters.
-Que feront-ils s'ils ne sont pas sélectionnés ? –Je demande, grignotant mon pain-
-C'est un sujet tabou –Dit Vénus- Personne ne sait ce qu'ils deviendront, mais beaucoup pensent qu'ils seront Gardiens et retourneront au Nouveau Canada.
-Raison pour laquelle tout le monde se donne à fond ici, pour éviter les dernières places et de devenir... Eh bien une sorte de machine.
-Oui et puis, peu importe ce qui peut nous attendre sur Terre, ce sera toujours plus excitant qu'ici ! »
J'acquiesce et dévore mon plat, ressentant finalement les effets d'une diète prolongée, avant de conclure par le verre d'eau tiède, que je manque de recracher au visage de Vénus.
Alors que mes camarades prennent leur temps et terminent leur repas, je tourne un peu la tête et observe l'architecture de la pièce. Les parois sont en métal, comme partout dans l'Iceberg et le plafond, en forme de coupole, est recouvert de givre. Je me demande à quoi peuvent ressembler les paysages au-dessus de l'Iceberg, sur la carte de ce matin, nous avons entraperçu les territoires au Nord de l'ancien Canada et ceux-ci semblaient neutres, comme si rien ne s'y produisait et c'est dans un songe que j'imagine une infinie blancheur, comme le givre sur les plaques de métal, ne réfléchissant rien d'autre que la lumière du soleil, à perte de vue.
Quand j'étais enfant, Michael, Luke et moi imaginions des histoires à notre sujet, sur Terre. Nous nous plongions dans les livres d'Histoire des anciens Hommes et nous rêvions de ce qu'ils appelaient des châteaux, dressés comme des pics sur des collines recouvertes d'herbe naturelle. Chaque jour on se rejoignait pour inventer des histoires dont nous étions les héros et chaque jour on repartait chez nous avec des rêves plein la tête. On cherchait seulement à s'évader de notre quotidien, des galeries rocailleuses et froides du Terrier et on se disait qu'un jour on parviendrait à y aller tous les trois.
Mais aujourd'hui mes rêves d'enfant semblent bien loin et même si je devais trouver un château sur Terre, je me demande si je ressentirais la même émotion qu'à l'époque.
«- Est-ce que ça va Pandore ? –Demande Minna qui vient de terminer son repas- Tu es toujours contrariée à cause de Joe ?
-Absolument pas, il ne me fait pas peur.
-Pourtant, il devrait –Dit-elle d'une petite voix- C'est un professeur et puis, la rumeur dit... Qu'il n'est pas si cool qu'il n'y parait et qu'au contraire il serait dangereux.
-Joe ? Dangereux ? –Dis-je sans pouvoir réprimer un rire nerveux-
-Tu ne l'as encore pas vu comme professeur de sport –Dit Vénus qui se joint à présent à Minna-
-J'imagine que c'est le genre d'imbécile à dicter des ordres tout en restant inactif derrière, ne manquant pas une occasion de regarder les fesses des filles ?
-Oui... Et non, je ne l'ai vu combattre que quelques fois et il est vraiment redoutable, il a envoyé des élèves à l'Infirmerie.
-Imbécile, pervers et violent avec ses élèves ! Non vraiment j'ai hâte d'avoir cours avec lui –Dis-je en soupirant- Franchement, il vous fait peur ?
-Plutôt –Répondent-elles mal à l'aise- Tu devrais vraiment faire attention, on dit qu'il a le Hunternumb le plus élevé de l'Iceberg et qu'il est prêt à tout pour se garder une place dans le Sub qui nous conduira sur Terre, quitte à tuer. Il en va d'une motivation personnelle, mais même Mélawi ignore de quoi il s'agit.
-Chut le voilà ! »
Bien qu'il m'est presque impossible d'imaginer un Joe psychopathe, je mentirais si je disais n'avoir rien ressenti de pesant en moi lorsque les filles l'ont vu entrer dans le réfectoire. Lentement je tourne ma tête et l'observe du coin de l'œil qui part se prendre un plateau avec Mélawi et un autre professeur. Il semble tout à fait normal, souriant et même lorsqu'il commence à manger, il se comporte comme tout un chacun, donnant par moment quelques à-coups pour éloigner sa mèche rouge de devant ses yeux. Je ne vois vraiment pas ce qui peut les effrayer. Mais au moment de détourner la tête pour ranger mon plateau, je remarque une fille en habit noir, poser sa main sur son épaule. Glisser serait plus exact. Pourtant malgré ce contact minime, Joe fait un bond sur son banc et se tourne à toute vitesse vers la pauvre fille qui s'est reculée sous la surprise, regrettant amèrement son geste alors que le rougeâtre s'excuse et semble déglutir nerveusement avant de se tourner face à son assiette, le regard troublé.
Ça, c'était effectivement une réaction anormale et après avoir déposé mon plateau, je m'empresse de quitter le réfectoire.
*
Bien que la mention « Biologie Terrestre » affichée sur mon écran ne me réjouit absolument pas, je suis ravie de voir qu'au moins Vénus partage ce cours avec moi et c'est donc dans le couloir des salles que nous quittons Minna, avant de passer sous l'arche de notre salle de cours d'où s'échappe une odeur particulière.
A peine ai-je fait un pas pour entrer que je m'arrête aussitôt, découvrant sous mes bottes noires non pas un sol de pierre ou de métal, mais de l'herbe. Une herbe épaisse et d'un vert vif, recouvrant la totalité du sol de la salle ainsi que les murs. Seul le plafond n'en est pas recouvert et pour cause, une fine couche de glace commence à ronger les brins d'herbes les plus hauts et l'empêche de pousser plus loin, créant une démarcation colorée.
Les tables sont en bois et disposées un peu partout dans la grande salle odorante et verdoyante, alors qu'au centre trône une grande table circulaire blanche, autour de laquelle sont rangés des bocaux.
«- Comment est-ce possible ? –Dis-je enfin à Vénus, laquelle semble s'amuser de me voir dans un tel état de surprise- Elle n'est pas vrai n'est-ce pas ?
-Effectivement, ils ont utilisé le même procédé que dans l'Arène Sportive, c'est une herbe obtenue à partir de plusieurs composants, bien plus odorante et verte que l'herbe que les anciens Hommes avaient sous leurs pieds, mais ça a son charme.
-C'est magnifique –Dis-je à nouveau perdue dans mes contemplations-
-Tu ferais mieux de regarder où tu mets les pieds, parfois la salle grouille d'animaux et de plantes bizarres. »
Finalement je me décide enfin à avancer et quitter cette sensation de marcher sur de la glace pour arriver sur un sol mou me fait le plus grand bien, j'en aurais presque envie de courir s'il n'y avait pas autant d'élèves autour de moi. Tous rejoignent d'ailleurs leur place tandis que je m'installe une chaise à côté de Vénus, frottant discrètement mes pieds sur le sol, pour le plaisir.
Alors que nous attendons le professeur, je recopie rapidement les notes prises lors des cours précédents, ils ont étudié les champignons dits néo-vénéneux, des champignons à la base inoffensifs et devenus mortels après que les particules chimiques laissées par les bombardiers de la Guerre soient retombées. Des animaux également modifiés, mais encore une fois, rien de tout ceci n'est qu'hypothèse, car personne ne sait réellement à quoi le Monde d'aujourd'hui peut ressembler.
Je recopie donc les notes, réprimant quelques frissons à la vue de certaines créatures étranges dont on ne souhaiterait jamais croiser le chemin, pas même bien armé ; Lorsque quelqu'un entre rapidement dans la pièce. Une jeune femme d'assez petite taille, aux cheveux d'un blond terne, rehaussé d'aucune couleur exubérante et seulement attachés en une longue queue de cheval descendant sur une blouse blanche. Elle semble bondir sur l'herbe avant de se placer au centre de la pièce, grimpant sur la table centrale et s'asseyant dessus, comme si la chaise qui se trouvait face à elle n'existait pas. De ses yeux bruns elle scrute toute la salle, avant de s'arrêter sur moi.
«- Ah, alors c'était donc vrai ! –Dit-elle avec un large sourire- Nous avons accueilli une nouvelle, veux-tu venir te présenter ? »
Bien que j'aurais aimé hurler non, tous les regards se posent sur moi, attendant une réponse et le sourire bienheureux de la prof m'empêche de ne pas donner suite à sa requête. J'hoche timidement la tête et racle ma gorge, vite interrompue.
« -Ne reste pas au fond voyons, viens ici ce sera mieux –Dit la prof en tapotant un bout de la table à côté d'elle- Je ne mords pas, tu peux venir. »
Certains élèves se mettent à glousser, tandis que je me lève, les mains moites et le cœur battant. Si j'avais pris plaisir à marcher dans l'herbe tout à l'heure, actuellement je ressens l'angoisse de perdre l'équilibre et de tomber devant tout le monde, ou bien de glisser sur les minuscules couches de glace qui tombent du plafond. Mais c'est saine et sauve que j'arrive à hauteur de la table centrale, me tournant finalement face à la classe pour me présenter.
«- Je m'appelle Pandore Keanon, je vais avoir dix-huit ans et je viens du Terrier à l'Est de la R...
-C'est quoi ton Hunternumb ? –Demande une voix masculine si rapidement que je n'ai pas le temps de voir qui me l'a posé-
-Un nombre, quelconque.
-Bonne réponse –Sourit la prof, sans me lâcher des yeux-Bien je te remercie Pandore, Je m'appelle Reni Wilfried, comme tu l'as deviné, je suis professeur de Biologie Terrestre et j'espère que tu seras bien attentive pendant mes cours, car sache que sur Terre, si le temps ne vous tue pas, la nature s'en chargera. »
Très rassurant. Je lui fais un sourire nerveux avant de commencer à m'éclipser, lorsqu'elle me retient par le bras, m'obligeant à rester à ses côtés, face à une classe d'inconnus.
«- J'aimerais que tu restes un peu avec moi Pandore, tu seras mon assistante pour ce premier cours.
-Bien.
-Aujourd'hui, nous allons travailler sur un cas très particulier de plantes, dis-moi Pandore, as-tu de bons réflexes ?
-Plutôt oui –Dis-je mal à l'aise- Pourquoi ?
-Tu verras, je vais vous demander à tous d'approcher, je suis sûre que ça va vous plaire ! »
Elle bondit de la table avec un petit sourire à la limite de la folie et tandis que les élèves se rapprochent, certains me regardant de haut en bas sans aucune retenue, elle se met à fouiller dans les bocaux autour de la table, en sortant un de taille moyenne au-dessus duquel elle entre une petite clé. Après qu'un petit clic se soit fait entendre, le bocal s'ouvre en deux, laissant apparaitre une plante, longue et verte, avec une extrémité aussi large qu'un poing.
«- Voici une plante qu'il était impossible de trouver sur certains sols avant la Guerre Chimique mais qui depuis, se serait développé.
-Comment savez-vous que ce genre de plante existe aujourd'hui ? Personne n'est allé sur Terre –Dis-je enfin, faisant froncer les sourcils de plusieurs élèves, notamment les plus jeunes, tandis que seule Reni semble sourire-
-Tu ne crois que ce que tu vois, n'est-ce pas ? –Me demande-t'elle sans aucune agression dans la voix alors que j'hoche la tête- Bien, je pense que votre camarade vient de mettre à jour un questionnement qui mérite d'avoir sa réponse. Pensez-vous que nous sommes restés cloitrés sous Terre depuis la Guerre ?
-Oui –Dit une petite voix-
-Ca c'est ce qu'on vous apprend à la Ruche –Dit-elle avec un petit rire narquois- Ou plutôt ce qu'on veut que vous appreniez, mais sachez que les tout premiers hommes à s'être réfugiés ici n'ont pas définitivement mis une croix à leur ancienne vie. Longtemps après la Guerre, lorsqu'il fut déclaré que les risques d'empoisonnement chimique n'étaient plus aussi élevés, des volontaires et notamment des scientifiques sont montés à la surface pour mesurer l'ampleur de la retombée des particules. Durant des années, des hommes et des femmes ont rapportés des constats sur la nature changeante et c'est après s'être rendu à l'évidence du chaos et de l'enfer qu'elle était devenu et surtout après la disparition tragique de certains scientifiques, que l'AGFA a décidé de ne plus jamais envoyer quiconque sur Terre, jusqu'à ce que le temps viennent pour certains d'y retourner et de tenter de reprendre les terres des anciens Hommes. Vous. »
Un silence gênant tombe sur la pièce et soudain l'odeur de l'herbe semble devenir étouffante, presque toxique. Je remarque que quelques élèves se sont assis sur les tables environnantes et certains massent maladroitement leurs poignets.
«- Mais, on ne risque plus rien maintenant n'est-ce pas ? –Demande une fille, sûrement la plus jeune du groupe-
-Ca nous l'ignorons –Dit Reni avec un sourire serein- J'imagine que ceux d'entre-vous qui partiront, seront bien équipés. Mais là n'est pas le sujet, Pandore, veux-tu toucher cette plante je te prie ? »
A ma gauche j'entends une fille déglutir nerveusement alors que j'approche lentement ma main de la plante qui semble fausse. Au début rien ne se passe, puis une petite vapeur s'échappe de la plante, incolore, mais nauséabonde. L'odeur devient plus forte et me pique les yeux, m'empêchant l'espace de quelques secondes de les garder ouverts sur la plante. Puis j'entends des petits cris, des sursauts dans l'herbe et alors je sens comme un coup de jus le long de mes doigts, me faisant ouvrir les yeux juste à temps pour voir des filaments blancs s'étirer de la plante et s'entortiller le long de mes phalanges, me donnant l'impression de les attirer vers sa tête. La sensation est plus que désagréable et je retire vivement ma main, suffisamment vite pour éviter que l'extrémité de la plante ne se referme sur mes doigts.
«- Bon, je pense qu'une simple petite visite de contrôle à l'infirmerie ne te fera pas de mal –Dit Reni en observant ma main- Je pensais que tu avais de meilleurs réflexes.
-La vapeur m'a aveuglée.
-Et c'est là le propre de la nature qui vous attend là-haut, les particules ont rendu la nature plus forte, plus rusée, mais également plus mortelle et bien qu'avec le temps certaines races étranges aient pu disparaitre, il reste sûrement des choses nouvelles, n'ayant jamais été habituées au contact d'humains.
-Notre rôle c'est de... Désintégrer cette nature ? –Demande un garçon, sceptique-
-Votre rôle sera d'avancer dans cette nature et de nous faire un état des lieux pour savoir si oui ou non, nous pourrons retourner à la surface de la Terre un jour.
-Nous sommes des cobayes donc ? –Demande-t'il à nouveau avec un rire ironique- L'AGFA ne veut pas nous favoriser mais nous envoyer à la mort pour tester leur petit confort futur.
-Voyez ça comme vous voudrez –Dit Reni dans un soupir- Mais aucun de nous ici ne tient à ce que l'un des Hunters ne soit tué, c'est pourquoi vous serez entraînés et seuls les meilleurs d'entre vous pourront y parvenir.
-C'est hors de question. »
Le garçon, que je vois à présent un peu plus clairement maintenant que mes yeux ne se sentent plus agressés, attrape ses affaires et sans même dire un mot, quitte la salle. Plus personne ne dit mot et même Reni ne proteste pas, elle se contente de regarder l'arche sous laquelle vient de disparaitre l'élève, avant de se tourner à nouveau vers nous, avec un grand sourire.
«- Bien, quel autre sujet allons-nous aborder aujourd'hui ? »
*
Une fois sortie du cours, Vénus se propose de m'accompagner à l'infirmerie, lorsque Reni arrive dans notre dos, observant ma main tremblante et livide.
«- Je vais t'accompagner Pandore, après tout c'est moi qui ai causé ça –Dit-elle avec une petite grimace- Vénus, tu préviendras Joe qu'elle est à l'Infirmerie avec moi.
-Pourquoi Joe ? –Dis-je les sourcils froncés-
-Eh bien parce que c'était ton prochain cours –Dit-elle en me montrant mon écran d'un signe de tête- Je peux compter sur toi Vénus ?
-Oui madame –Dit-elle avec un sourire gêné avant de partir à vive allure vers l'arche de la salle de sport-
-Une ancienne camarade de classe, je suppose ? –Me demande Reni alors qu'elle regarde Vénus s'en aller-
-Oui. Dites, est-ce que vous avez une remède pour ma main ?
-Bien sûr, nous avons tout ici –Dit-elle souriante-
-Vous n'avez pas expliqué comment se débarrasser de la plante.
-C'est vrai ! Comment t'y serais-tu prise ? Blessée, ou non.
-Je lui aurais coupé la tête –Dis-je sans hésiter-
-Très bien, mais et si jamais la tête venait à repousser ? S'il n'était pas possible de tuer cette plante comme la logique le voudrait ? Comment t'y prendrais-tu ?
-Je l'ignore –Dis-je-
-Oh allons, ma sœur m'a dit tellement de bien de toi, je t'imaginais plus douée.
-Votre sœur ? –Dis-je sans comprendre-
-Evidemment, pourquoi penses-tu que je suis ici et sans bracelet ni rouge ou jaune ? Je suis une Illégale, comme toi.
-Qui est votre sœur ?
-Répond d'abord à ma question, réfléchis le temps qu'il te faudra, mais sache que face à une telle plante là-haut, tu n'auras peut-être pas de seconde chance et encore moins de temps pour réfléchir. Si tu ne peux pas la tuer de façon naturelle, il doit exister un autre moyen non ? –Dit-elle en me montrant ma main- Les plantes sont intelligentes Pandore, mais vous l'êtes également et vous pouvez les prendre à leur propre piège.
-Du poison ? –Dis-je d'une voix peu assurée-
-Le mal par le mal –Dit-elle avec un sourire- Si Bernie n'était pas sorti précipitamment du cours, c'est ce que je vous aurais montré. Il suffit de quelques gouttes du bon poison pour détruire la plante.
-Mais alors, notre mission sera réellement de détruire les choses ?
-Pas forcement, j'ose croire que certaines espèces, animales ou végétales, pourront être sauvées avec un remède. Cela, ce sera aux Hunters d'en décider, que garder de l'ancien monde, pour en créer un nouveau. C'est une belle perspective finalement, tu ne trouves pas ?
-Si, en oubliant le fait qu'une plante peut nous tuer si on s'approche trop près.
-Pour ça il faudra apprendre et agir, c'est tout ce que l'on vous demande. »
Nous descendons un escalier en colimaçon et je dois me tenir à Reni pour ne pas tomber, laissant derrière moi le long couloir des salles et le cours de sport avec Joe. Une fois arrivées en bas, nous traversons un couloir un peu plus sombre, avant de déboucher sur un pont.
Et sans vraiment me contrôler, je m'arrête.
«- Qu'y a-t-il ? Tu ne risques rien tant que tu ne tombes pas.
-En dessous c'est...
-Oui c'est la limite du champ de force, l'Iceberg est une sorte d'avancé de glace et de métal situé à même le flanc d'une énorme barrière de glace et recouvert d'un champ de force en forme de bulle. A la différence du Terrier ou de la Perle qui sont des quartiers creusés à l'intérieur de la couche terrestre, nous sommes ici presque en suspension et si l'Iceberg venait à se décrocher... Eh bien je pense que je devrais garder ça pour plus tard, tu n'as sûrement pas envie d'entendre ce genre de chose.
-Non en effet –Dis-je encore plus livide à l'idée de traverser le pont devant moi-
-Tout ira bien, il suffit de ne pas regarder en bas. »
Elle m'attire par le bras et nous prenons le pont, suffisamment large pour trois personnes, mais dépourvu de rambardes. Au-dessous, le champ de force brille d'une faible lumière bleutée et des plaques de givre ont commencé à se former autour, empêchant de voir l'eau noire. J'imagine qu'ici, les champs de force sont comme au Nouveau Canada avant, destiné à empêcher les choses de rentrer, mais pas d'en sortir et quiconque tomberait atterrirait directement dans l'eau et mourrait aussi rapidement de la pression que du froid polaire.
«- Bien nous voilà à l'Infirmerie –Dit-elle alors que je lève enfin les yeux sur une nouvelle arche- Tu devrais être prise à temps, ne t'en fais pas. »
J'hoche la tête, faisant comme si j'étais rassurée, alors que je remarque l'état critique de ma main, secondes après secondes. Elle semble paralysée, comme morte et une fois entrée dans l'Infirmerie, l'infirmière retient un juron à l'encontre de Reni en comprenant que c'était le résultat d'une de ses expériences. Elle m'attire avec elle et bientôt je me retrouve avec une nouvelle seringue dans le poignet, juste au-dessus de mon « tatouage », me donnant la nausée.
« -Un peu plus et elle perdait l'usage de sa main ! –Scande l'infirmière, levant les yeux au ciel-
-Je savais ce que je faisais, pas de panique Lucie –S'amuse Reni alors que je ne sais plus si je dois sourire ou m'énerver à mon tour- Mais Pandore est bien plus résistante, ça n'en fait aucun doute et loin de moi l'idée de faire perdre au projet leur meilleur Hunter. »
L'infirmière lance un regard surpris à Reni avant de se tourner vers moi, la douleur dans mon poignet est si grande que je n'ose pas ouvrir la bouche de peur de vomir et je laisse ainsi sa réplique sans réponse, ignorant si cette déclaration stupide vient de me mettre en danger ou non. Joe m'avait dit de ne pas mentionner mon Hunternumb ou mon niveau et finalement, je crois que j'aurais préféré être en sport en cet instant, main morte ou non.
«- Bon tu peux rester ici te reposer Pandore –Dit l'infirmière après avoir bandé ma main- D'ici ce soir tu devrais retrouver des sensations et tout sera redevenu normal demain matin au plus tard.
-Merci –Dis-je d'une voix pâteuse-
-Tu veux boire un peu d'eau ? J'imagine que la sensation est désagréable ! –Je fais oui de la tête et elle me tend un verre d'eau glaciale, laquelle semble frapper de plein fouet mes dents et mes gencives avant de presque glacer ma trachée- C'est tout nouveau pour toi ici, tu t'y habitueras. »
Puis elle me laisse sur le lit et m'apporte une couverture épaisse, trois fois plus épaisse que celle du dortoir et alors que j'allais pour faire semblant de m'endormir, Reni se pose à mes pieds, ignorant mon état de santé.
«- Comme tu as grandi.
-Je vous demande pardon ?
-Je t'ai connue si petite et j'ai toujours cru que ton destin serait différent, que tu réussirais à passer inaperçu et que jamais tu n'aurais à venir ici –Elle soupire- Mais bon, peut-être que c'est finalement ici que tu changeras ton destin, Pandore Jones.
-Je... Comment connaissez-vous mon faux nom ?
-Tu ne t'es jamais demandée pourquoi certaines personnes étaient prêtes à tout pour te protéger ? Pourquoi une inconnue a décidé de t'élever comme sa fille ? Ou encore que d'autres inconnues t'aient cachée ?
-Vous connaissez Cécile Jones ?
-Je connais une Cécile Wilfried, ainsi qu'Ana Wilfried, lesquelles ont ensuite changé de nom de famille après avoir épousé Messieurs Jones et Calgary. De nous trois, je suis la seule qui ne se soit pas mariée –Dit-elle amusée alors qu'elle s'arrête sur mon visage perturbé- Cécile Jones était ma cousine et Ana Calgary, ma grande sœur. Notre grand-père, Edward Wilfried, a eu deux garçons avec sa femme. Pierre Wilfried, le père de Cécile et Philippe Wilfried, notre père à Ana et moi. Pierre, le plus jeune, a été arrêté en tant qu'Illégal quand Cécile était adulte, mais ni Cécile, ni Ana, n'ont été arrêtées. Elles étaient cousines et non sœurs. Puis je suis née, on m'a cachée, ma sœur m'a cachée et j'ai pu grandir en changeant de nom, comme je t'ai vu grandir sous un faux nom également... Jusqu'au jour où l'AGFA a appris et m'a envoyé ici. Depuis ce jour ma sœur Ana a décidé d'aider Cécile à te cacher, mais je vois que ça n'a pas suffi. Mais nous en reparlerons une autre fois, en attendant repose toi –Puis elle marque un silence- En tout cas, j'espère que nous les reverrons un jour. »
Puis sans rien ajouter d'autre, elle se lève et prend congé, me laissant cogiter après de telles révélations. Cécile et Ana étaient cousines et ont voulu m'éviter de terminer comme Reni. Je frotte mes yeux de ma main intacte avant de me tourner dans le lit, poussant un cri en découvrant un garçon un peu plus loin.
« -Je ne voulais pas te faire peur –Dit-il avec un fort accent anglais- J'ai entendu du bruit et j'ai espéré ne plus être seul. Comment tu t'appelles ?
-Pandore –Dis-je en plissant les yeux- Mais, je te reconnais, tu es le footballer de Tertiaire à l'Ecole de l'Ouest non ?
-Mon vrai prénom est Calum, mais oui je suis le footballeur de l'Ecole de l'Ouest, enchanté. »
Il boitille jusqu'à moi et me serre la main avant de se mettre dans le lit à côté, sa peau basané et ses cheveux noirs contrastant avec les draps blancs. Il soupire un moment, masse sa cheville droite qui semble en mauvais état, avant de lever un regard curieux sur moi.
«- Alors comme ça, tu es la meilleure Hunter ? J'ai hâte de voir de quoi tu es capable
-Je ne suis pas la meilleure Hunter, la prof m'a surestimée.
- Pourtant, elle semblait te connaître. Ce serait drôle si c'était vraiment toi la plus forte, au delà de Joe.
- Alors... Joe est bien le plus fort ici ?
- Effectivement, rares sont ceux qui ont réussi à le battre et je pense qu'il tient à son titre, mais il ne l'avouera jamais -Il me regarde en coin- J'espère pour toi qu'il ne l'apprendra pas, cette histoire comme quoi tu es la meilleure.
-Pourquoi ?
-Il n'est pas connu pour être doux avec ses adversaires et encore moins les filles, enfin, c'est ce qu'on dit, mais ça serait drôle de te voir lui coller un bonne raclée.
-Je n'en ai pas l'intention, je ne suis pas ici pour me créer des problèmes.
-Même si tu les évites, les problèmes viendront à toi. Je suis arrivé ici il y a peu et déjà certaines personnes semblent jalouser mes talents sportifs -Dit-il en montrant sa cheville- Tu dois penser que je me la suis tordue sur une plaque de givre, mais pour information, cette plaque de givre avait des bras, des jambes et une grande envie de me mettre hors course. Je ne te dirais pas mon Hunternumb, mais certains s'imaginent que je suis derrière Joe et je te souhaite que personne d'autre que moi n'entende cette histoire que raconte Reni. As-tu déjà eu un cours de sport ?
-Non -Dis-je en regardant ma main- Finalement heureusement.
-Si tu es bonne en sport, et je sais que tu l'es, un conseil, ne montre jamais ton potentiel lors des entraînements en groupe, montre qui tu es lorsque tu es avec des adultes et même si Joe en est un, évite de lui montrer à lui aussi, on ne sait jamais ce qu'il pourrait avoir en tête.
- Qui te dit que je suis douée en sport ?
- Tu n'es pas la fille qui a battu Shey lors de la Journée Sportive ? -Il demande d'un regard vif alors que je rougis- Donc, tu dois cacher tes talents aux autres, c'est ça qui te permettra d'accéder au projet, ou tout simplement, de te sauver la vie.
- Certains sont prêts à tuer ? -Je demande et mon ventre se tord lorsqu'il hoche la tête-
- A mon avis, la véritable épreuve des Hunters se déroulera ici et non à la surface. Je me demande qui d'entre-nous partira sur Terre, que les meilleurs gagnent ? -Dit-il en se tournant vers moi et en me tendant la main-
- Que les meilleurs gagnent."
Je lui serre la main et le regarde fermer les yeux, gardant un sourire doux sur ses lèvres alors qu'il cherche le sommeil. Pour ma part, je ne peux encore moins le trouver et mes yeux n'ont de cesse de se poser sur chaque recoin de l'Infirmerie, tandis que mon esprit s'embrume. Bientôt des images de Joe étranglant des élèves viennent se mêler à celles de plantes carnivores me dépassant de trois têtes tandis que des animaux sauvages rodent autour de Cécile, Ana et Reni. Je me sens coincée, mes jambes sont paralysées et je remarque seulement les filaments discrètement sortis de la plante et s'enroulant autour de mes mollets. Je ne peux plus bouger. Des éclairs brouillent ma vue et bientôt je suis sur le pont, au dessus du vide. Je lève la tête, remarque une tache rouge devant moi, des yeux bruns... Des yeux qui changent et deviennent bleus. Hemmings se tient devant moi et me pousse dans le vide.
Je me redresse violemment, découvrant que j'étais endormie alors que Joe éponge mon front.
Joe ?
A sa vue je ne peux m'empêcher de reculer, cognant mon crane contre le mur et retombant bêtement alors qu'il soupire.
"- Mais ferme-la bon sang Pandore..."
Effectivement, à côté je remarque que Calum dort encore et quand je repose mon regard sur Joe, je ne vois rien de semblable à ce qu'il y avait dans mon cauchemar. Ses yeux bruns sont froids certes, mais pas fous et surtout pas bleus et lorsqu'il tend le bras jusqu'à moi ce n'est pas pour m'étrangler, mais pour vérifier ma température.
"- Si demain tu es rétablie, j'aimerais que tu viennes me voir en cours de sport quand tu auras du temps libre.
- Pourquoi ?
- Car tu n'étais pas là tout à l'heure.
- Et alors ?
- Et alors je suis ton prof et je dois évaluer ton niveau.
- Et si je refuse ?
- Tu crois encore que tu as le choix ? Tu passeras me voir demain et si je ne te vois pas, soit je viendrais directement te chercher, sois ce sera une petite visite en section disciplinaire. Toujours partante pour me tenir tête ?
- Je serai là -Dis-je avec mauvaise foi-
- Bien, comment va ta main sinon ?
- Je peux te l'écraser en pleine figure si c'est ça la question.
- Parfait, tu me montreras ça demain. Tu ne m'en voudras pas si je te brise ta deuxième main ? -Dit-il avec un sourire en coin-
- On verra bien qui brisera quoi à l'autre."
Je souris à mon tour et finalement nous étouffons un petit rire avant qu'il ne me serve un verre d'eau tiède avec du citron, le laissant à portée de ma main invalide.
"- Tu le fais exprès ?
- On se voit demain, bon rétablissement."
Puis il quitte l'Infirmerie, me laissant seule avec le verre d'eau que j'attrape de l'autre main en me redressant lourdement.
" - Je te l'avais dit -Murmure Calum alors que je sursaute à nouveau-
- Tu ne dormais pas ?!
- Ton cirque m'a réveillé -Dit-il en s'étirant- Mais n'oublies pas ce que je t'ai dit, demain, s'il veut t'évaluer, cache lui ta véritable force, mets le en confiance.
- Je n'ai pas envie de m'écraser face à lui, j'ai ma fierté.
- Oui mais c'est cette fierté qui peut te coûter la vie, je suis sérieux -Dit-il en perdant son sourire- Joe a vraiment tué quelqu'un, alors sois prudente."
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